NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.

GÉNÉRALE

E/C.12/1/Add.997 juin 2004

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,SOCIAUX ET CULTURELSTrente‑deuxième session26 avril‑14 mai 2004

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Espagne

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le quatrième rapport périodique de l’Espagne sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/4/Add.11) à ses 12e, 13e et 14e séances, tenues les 3 et 4 mai 2004 (E/C.12/2004/SR.12 à 14), et a adopté à sa 29e séance, le 14 mai 2004, les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité prend note avec satisfaction du quatrième rapport périodique de l’État partie, qui a été établi conformément à ses directives. Il se félicite des réponses écrites complètes à la liste des points à traiter et des renseignements supplémentaires fournis par écrit au cours du débat.

3.Le Comité se félicite également du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie, qui comprenait des experts des différents domaines visés par le Pacte.

B. Aspects positifs

4.Le Comité se félicite de l’adoption et de la mise en œuvre d’un certain nombre de plans d’action visant à renforcer la protection des droits économiques, sociaux et culturels dans l’État partie, notamment du plan pour l’égalité des chances entre hommes et femmes (2003‑2006), ainsi que de la création du Secrétariat général des politiques en faveur de l’égalité, du Ministère du logement et d’un nouveau service chargé des questions relatives aux travailleurs migrants au sein du Ministère du travail et des affaires sociales, et de l’adoption du deuxième plan d’action national pour l’insertion sociale (2003‑2005), qui prévoit notamment des mesures visant à améliorer la situation des Roms (Gitans).

5.Le Comité prend note avec satisfaction des mesures prises pour combattre la violence dans la famille. Il se félicite en particulier de l’adoption de la loi no 27/2003 du 31 juillet 2003, qui régit la procédure de délivrance des ordres de protection, prévoit plusieurs mécanismes d’assistance aux victimes et porte création d’un comité chargé de suivre l’application de la loi.

C. Facteurs et difficultés entravant l’application du Pacte

6.Le Comité ne relève aucun facteur ni difficulté notable empêchant l’Espagne d’appliquer effectivement les dispositions du Pacte.

D. Principaux sujets de préoccupation

7.Tout en notant qu’un certain nombre de droits et libertés fondamentaux sont reconnus aux étrangers en situation irrégulière, notamment le droit à l’éducation, aux soins de santé et aux services sociaux de base, à condition de s’inscrire auprès des autorités municipales dont ils relèvent, le Comité demeure préoccupé par la précarité des conditions dans lesquelles vivent les nombreux immigrés clandestins, dont les droits économiques, sociaux et culturels sont insuffisamment protégés.

8.Le Comité constate avec inquiétude que l’augmentation du nombre d’immigrants dans l’État partie observée depuis quelques années s’est accompagnée d’un renforcement des comportements négatifs et hostiles à l’égard des étrangers, et d’une multiplication des incidents xénophobes.

9.Le Comité note avec préoccupation que malgré l’existence de divers programmes visant à améliorer la situation des Roms (Gitans) aux niveaux national et régional, dont le deuxième plan d’action national pour l’insertion sociale (2003‑2005) et le programme de développement en faveur des Roms, les Roms demeurent vulnérables et marginalisés, notamment dans les domaines de l’emploi, du logement et de l’éducation.

10.Tout en notant avec satisfaction que l’État partie s’est engagé à accroître l’aide publique au développement (APD) pour la porter à 0,5 % du produit intérieur brut (PIB) en 2008, contre 0,25 % actuellement, le Comité constate avec préoccupation que le montant de l’aide au développement n’atteint pas encore l’objectif de 0,7 % du PIB fixé par l’ONU.

11.Tout en se félicitant des mesures prises par l’État partie pour promouvoir l’égalité entre les sexes, notamment dans le cadre du plan pour l’égalité des chances entre hommes et femmes (2003-2006), le Comité demeure préoccupé par la persistance des inégalités entre hommes et femmes dans l’État partie, notamment en matière de prise de décisions et d’accès au marché du travail.

12.Le Comité constate avec préoccupation que le taux de chômage demeure élevé (11,3 %), les plus touchés étant les femmes (avec un taux de chômage moyen de 15,7 % contre 8,1 % chez les hommes) et les jeunes. Il est également préoccupé par le taux élevé de chômage de longue durée, qui touche particulièrement les personnes de plus de 40 ans, par le taux de chômage chez les Roms, qui est nettement supérieur à la moyenne nationale, et par les fortes disparités régionales sur le plan de l’emploi, le taux de chômage allant de 5,23 % en Navarre à 20,19 % en Andalousie (chiffres de 2002).

13.Le Comité note avec préoccupation la situation précaire du grand nombre de personnes engagées au titre de contrats de travail temporaire (environ 30 % du nombre total de salariés).

14.Le Comité relève avec préoccupation que le nombre d’accidents du travail dans l’État partie est élevé et a augmenté de plus de 50 % entre 1996 et 2002. Il note que c’est dans le secteur de la construction que ces accidents sont le plus nombreux et que les travailleurs temporaires sont le plus exposés à ce risque.

15.Le Comité est préoccupé par la vulnérabilité des employés de maison, dont la majeure partie sont des immigrés.

16.Le Comité exprime sa préoccupation devant l’insuffisance de l’information sur le problème de la traite de personnes arrivant dans l’État partie aux fins d’exploitation sexuelle, et sur les mesures prises à cet égard par l’État partie.

17.Tout en reconnaissant les mesures prises pour lutter contre la violence familiale dans l’État partie, le Comité se déclare préoccupé par le nombre croissant de décès provoqués par ce type de violence et par le nombre de plaintes, qui reste élevé, déposées par des femmes pour mauvais traitements infligés par leur époux ou partenaire.

18.Le Comité note avec préoccupation les informations indiquant que des mineurs non accompagnés arrivant dans l’État partie n’auraient pas reçu l’assistance et la protection adéquates.

19.Tout en notant que le plan national d’action pour l’insertion sociale vise à combattre la pauvreté et à intégrer les personnes les plus défavorisées dans l’ensemble de la société, le Comité regrette le manque de données sur le nombre et la situation des personnes qui vivent dans la pauvreté en Espagne.

20.Le Comité est préoccupé par le problème grandissant des sans‑abri dans l’État partie, tel qu’exposé dans son rapport périodique (par. 386), et des personnes touchées par l’expulsion forcée.

21.Le Comité est préoccupé par la dégradation de la situation du logement dans l’État partie, telle qu’exposée dans son rapport périodique (par. 388), et par l’insuffisance des ressources allouées au logement social.

22.Le Comité est préoccupé par le taux élevé d’avortements chez les adolescentes ayant entre 15 et 19 ans (13,89 % en 2001).

23.Le Comité est préoccupé par la forte prévalence de l’abus de drogues et d’alcool ainsi que du tabagisme dans l’État partie, en particulier chez les jeunes.

E. Suggestions et recommandations

24.Le Comité invite instamment l’État partie à prendre des mesures pour garantir la protection effective de tous les droits économiques, sociaux et culturels de toutes les personnes résidant sur son territoire, conformément au deuxième paragraphe de l’article 2 du Pacte. Il encourage également l’État partie à favoriser la régularisation des immigrés sans papiers afin de leur donner la possibilité d’exercer pleinement leurs droits économiques, sociaux et culturels.

25.Le Comité recommande à l’État partie de continuer à suivre de près l’évolution de la situation en matière de racisme et de xénophobie, et de les combattre, ainsi que de promouvoir la compréhension et la tolérance entre tous les groupes de la société.

26.Le Comité encourage l’État partie à poursuivre et renforcer ses efforts visant à améliorer la situation des Roms, tout en encourageant la participation des associations roms à l’élaboration et la mise en œuvre des programmes à cet effet. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les progrès accomplis et les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de ces programmes. Il lui demande également un complément d’information sur le partage des compétences et des responsabilités en matière de gestion entre les différents niveaux de l’administration (État, communautés autonomes et autorités locales) dans ce domaine.

27.Le Comité encourage l’État partie à accroître progressivement le niveau de son aide publique au développement pour atteindre l’objectif de 0,7 % du PIB fixé par l’ONU, et à veiller à ce que ses activités de coopération internationale contribuent à la réalisation des droits consacrés dans le Pacte.

28.Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour garantir la mise en œuvre effective du plan pour l’égalité des chances entre hommes et femmes (2003-2006) et de rendre compte dans son prochain rapport périodique des progrès accomplis en la matière.

29.Le Comité recommande à l’État partie de continuer à renforcer ses programmes de lutte contre le chômage en donnant la priorité aux régions et aux groupes les plus touchés. Il recommande également à l’État partie de prendre de nouvelles mesures en vue de permettre aux femmes de concilier plus facilement le travail et la vie de famille. Il encourage l’État partie à améliorer à cette fin les structures d’accueil des enfants de moins de 3 ans.

30.Le Comité prie instamment l’État partie de renforcer les mesures tendant à réduire la proportion de travailleurs engagés au titre d’un contrat temporaire, notamment celles visant à encourager les employeurs à offrir à leurs employés des contrats à durée indéterminée.

31.Le Comité prie instamment l’État partie de prendre des mesures efficaces pour prévenir les accidents sur le lieu de travail, notamment en renforçant l’inspection du travail afin qu’elle veille à ce que les employeurs ne respectant pas la réglementation relative à la sécurité soient sanctionnés.

32.Le Comité prie instamment l’État partie de prendre des mesures efficaces en vue d’améliorer la protection des employés de maison afin qu’ils jouissent des mêmes droits et avantages que les autres travailleurs.

33.Le Comité prie l’État partie de fournir dans son cinquième rapport périodique des renseignements détaillés sur le problème de la traite d’êtres humains et de leur exploitation sexuelle sur son territoire à des fins commerciales, ainsi que sur les mesures prises pour faire face à ces problèmes.

34.Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour contrer la violence familiale et demande à être informé des progrès accomplis et difficultés rencontrées dans l’application de la loi no 27/2003 régissant les ordres de protection des victimes de violence familiale.

35.Le Comité prie l’État partie de l’informer des résultats des programmes expérimentaux, en cours d’exécution conjointe par le Ministère du travail et des affaires sociales et les communautés autonomes, qui visent à prévenir et détecter la maltraitance d’enfants, et à prendre certaines mesures dans les cas où elle est avérée.

36.Tout en prenant note de l’explication de la délégation selon laquelle le problème des mineurs non accompagnés a été résolu par un mémorandum entre l’État partie et le Maroc, le Comité prie l’État partie de lui fournir un complément d’information sur ce point dans son prochain rapport périodique.

37.Le Comité appelle l’État partie à redoubler d’efforts contre la pauvreté et l’exclusion sociale et à mettre en place un mécanisme pour mesurer le niveau de la pauvreté et en suivre l’évolution de près. À ce propos, le Comité renvoie l’État partie à sa Déclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adoptée le 4 mai 2001 (E/C.12/2001/10). Le Comité prie l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des données désagrégées et comparatives sur le nombre de personnes vivant dans la pauvreté ainsi que sur les progrès accomplis dans la lutte contre la pauvreté.

38.Le Comité appelle l’État partie à redoubler d’efforts pour appliquer le plan national d’action pour l’insertion sociale afin de venir en aide aux sans-abri et à consacrer une étude à ce problème pour mieux en déterminer l’ampleur et les causes profondes. Il prie aussi l’État partie de fournir des données ventilées et comparatives sur le nombre de personnes visées par des mesures d’expulsion forcée et de veiller à ce que l’exécution de toute expulsion forcée soit effectuée selon les procédures préconisées par le Comité dans son Observation générale no 7.

39.Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures correctives pour améliorer la situation dans le domaine du logement et mettre à disposition davantage d’unités de logements, de facilités de logement, de crédits et de subventions aux familles à faible revenu et aux groupes défavorisés et marginalisés, dans l’esprit de l’Observation générale no 4 du Comité.

40.Le Comité recommande à l’État partie de surveiller l’évolution du taux d’avortements chez les adolescentes et de prendre les mesures, d’ordre législatif ou autres, nécessaires pour faire face à ce problème, notamment en intensifiant les programmes spécifiques relatifs à la santé sexuelle et génésique des adolescentes, ainsi que de fournir au Comité des informations sur ce domaine de préoccupation dans son prochain rapport périodique.

41.Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les programmes de prévention de la consommation de drogues, du tabagisme et de l’alcoolisme soient mis en œuvre efficacement, et de faire rapport au Comité sur ce point dans son prochain rapport périodique.

42.Le Comité demande à l’État partie d’assurer une large diffusion des présentes observations finales à tous les niveaux de la société et de l’informer, dans son prochain rapport périodique, de toutes les mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre ses observations. Il encourage également l’État partie à associer des organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile au processus de discussion au niveau national avant la présentation de son cinquième rapport périodique.

43.Enfin, le Comité demande à l’État partie de présenter son cinquième rapport périodique au plus tard le 30 juin 2009.

-----