Nations Unies

E/C.12/58/D/3/2014

Conseil économique et social

Distr. générale

8 août 2016

Français

Original : espagnol

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Communication no3/2014 *

Décision adoptée par le Comité à sa cinquante-huitième session(6-24 juin 2016)

Communication présentée par:

A. M. B. (représentée par les conseils Cesare Romano et Verónica B. Y. Aragón, Loyola Law School, Los Angeles-International Human Rights Clinic, et Karina Sarmiento, Asylum Access Ecuador)

Au nom de:

C. A. P. M. (fils mineur d’âge de l’auteure)

État partie:

Équateur

Date de la communication:

28 juillet 2014, transmise à l’État partie le 22 octobre 2014

Date de la décision :

20 juin 2016

Objet:

Discrimination à l’égard d’un mineur étranger concernant la participation à des tournois de football pour enfants

Question(s) de fond:

Exercice, sans discrimination, des droits consacrés par le Pacte ; droit à l’éducation ; droit de participer à la vie culturelle ; mesures spéciales de protection en faveur des enfants et des adolescents

Question(s) de procédure:

Compétence ratione temporis du Comité ; épuisement des recours internes

Article(s) du Pacte:

2 (par. 2), 4, 10 (par. 3), 13 et 15

Article(s) du Protocole facultatif:

3 (par. 1 et 2 b)

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteure de la communication est A. B. M., née le 2 février 1971. Elle présente la communication au nom de son fils mineur, C. A. P. M., né le 21 juillet 1998. L’un et l’autre sont de nationalité colombienne. L’auteure affirme que son fils est victime d’une violation des droits qu’il tient du paragraphe 3 de l’article 10, et des articles 13 et 15, lus conjointement avec le paragraphe 2 de l’article 2, et de l’article 4 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels par l’État partie. L’auteure est représentée par des conseils.

1.2Le 22 octobre 2014, le Groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité, a décidé de ne pas accéder à la demande en indication de mesures conservatoires présentée par l’auteure, étant donné que dans le cas d’espèce, les conditions prévues à l’article 5 du Protocole facultatif relatif aux mesures provisoires n’ont pas été satisfaites.

1.3Dans la présente décision, le Comité résume tout d’abord les informations et les allégations présentées par les parties, puis il examine les questions relatives à la recevabilité de la communication ; il expose enfin ses conclusions.

A.Résumé des renseignements fournis et des arguments avancés par les parties

Rappel des faits présentés par l’auteure

2.1L’auteure, son mari et leurs deux enfants mineurs vivaient dans la municipalité de Pitalito, département de Huila, en Colombie. En raison de la violence du conflit armé interne, en 2002, la famille est partie en Équateur pour y chercher protection et s’est installée dans la ville de Coca, dans la province d’Orellana.

2.2Le 12 décembre 2009, l’État partie a reconnu les enfants mineurs de l’auteure en tant que réfugiés et C. A. P. M. a reçu une carte de réfugié. L’autre enfant de l’auteure, née dans l’État partie en 2010, a obtenu la carte d’identité d’étrangère résidant en Équateur.

2.3L’auteure affirme que dès son plus jeune âge, son fils, C. A. P. M., a pratiqué le football pendant ses loisirs, à titre récréatif et aussi pour se dépasser. Ce sport est pour lui un moyen de s’intégrer dans la communauté et la principale manière de participer à la vie culturelle. En outre, C. A. P. M. a comme projet de jouer au football en compétition et à titre professionnel à l’avenir. Il a fait partie de différentes équipes de football dans lesquelles il a représenté son école, son quartier et son canton, et ainsi obtenu une reconnaissance personnelle et en tant que membre de l’équipe.

2.4En 2011, C. A. P. M. a été sélectionné par la province d’Orellana, dans la catégorie des moins de 14 ans, pour participer aux VIes Jeux nationaux juniors (VIes Jeux) organisés par la Fédération sportive de Bolivar, affiliée à la Fédération nationale des sports (FEDENADOR). Toutefois, il n’a pas été en mesure de s’inscrire et de participer au tournoi parce qu’il n’avait pas de carte d’identité, l’une des conditions d’inscription des participants exigées par le règlement des compétitions applicable aux matches de football. L’auteure affirme que la Fédération sportive d’Orellana n’a pas cherché à faciliter son inscription, et a ajouté que la Fédération se limitait à recueillir les documents et que seul le Ministère des sports pouvait procéder à l’enregistrement.

2.5En 2012, C. A. P. M. a de nouveau été sélectionné pour représenter la Fédération sportive d’Orellana, aux VIIes Jeux sportif nationaux à Manabi (VIIes Jeux). Toutefois, la Fédération, chargée de télécharger les données dans le système informatique du Ministère des sports a informé oralement l’auteure et son fils qu’ils devaient fournir une carte d’identité et la copie intégrale de l’acte de naissance ou, s’ils ne disposaient pas de ces documents, le document de naturalisation, et qu’elle ne pouvait pas l’inscrire sans l’autorisation du Ministère des sports, le règlement ne mentionnant pas les adolescents ayant le statut de réfugié et qu’il s’agissait là de politiques établies au niveau national. L’auteure ajoute que le 7 août 2012, elle a demandé avec insistance à des fonctionnaires de la Fédération sportive d’Orellana d’enregistrer son fils, mais qu’ils lui ont répondu que seules pouvaient être inscrites les personnes qui remplissaient les conditions prévues par le système informatique du Ministère des sports. L’auteure affirme que cette deuxième fois, deux motifs de refus d’enregistrement de son fils ont été implicitement évoqués : son statut de réfugié et le fait qu’il n’était pas Équatorien ou étranger naturalisé.

2.6Le 16 août 2012, l’auteure a déposé une requête constitutionnelle en protection devant le tribunal pour enfants et adolescents d’Orellana (tribunal d’Orellana) contre le Ministère des sports, pour violation de plusieurs droits énoncés dans la Constitution de l’État partie, notamment le droit à la vie culturelle, au sport et aux loisirs, et le droit à l’égalité et à la non-discrimination, ainsi que dans divers traités relatifs aux droits de l’homme, en particulier au paragraphe 3 de l’article 10 du Pacte. La requête faisait notamment valoir que C. A. P. M. n’avait pas été en mesure de participer aux VIes et VIIes Jeux, qu’il avait été victime d’une discrimination fondée sur son statut de réfugié et d’étranger et qu’on avait exigé qu’il satisfasse aux conditions prévues par le règlement des compétitions mais pas par la loi ou la Constitution, ce qui constituait une violation de son droit au sport et aux loisirs et était contraire au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.

2.7Le 1er octobre 2012, le tribunal d’Orellana a rejeté la requête en protection et conclu qu’aucun des droits de C. A. P. M. reconnus par la Constitution n’avait été violé et que l’enfant n’avait pas été victime de discrimination. Le tribunal a déclaré que, conformément à l’article 10 de la loi sur la naturalisation, à l’article 34 de la Convention relative au statut des réfugiés et à l’article 61 du Règlement relatif à l’application du droit d’asile en Équateur, C. A. P. M. remplissait les conditions lui permettant de demander un visa de séjour d’une durée indéterminée, la naturalisation et la nationalité équatorienne, ce qui aurait permis de satisfaire aux exigences d’enregistrement pour participer aux VIIes Jeux. Toutefois, ses parents n’avaient pas effectué les démarches nécessaires pour qu’il obtienne une carte d’identité ou la naturalisation équatorienne, alors même qu’ils avaient connaissance de cette condition depuis un an. L’auteure a fait appel de la décision devant la Cour de justice de la province d’Orellana (Cour provinciale).

2.8Le 19 novembre 2012, la Cour provinciale a rejeté la requête en protection. Elle a notamment fait remarquer que « l’omission ou l’acte présumé portant atteinte aux droits ne résulte pas d’un acte ou d’une omission de l’autorité publique attaquée, mais plutôt d’une décision prise par des agents de la Fédération sportive d’Orellana (entité de droit privé) dont les noms et les fonctions ne sont même pas précisés, qu’aucune pièce du dossier n’atteste le refus de procéder à l’enregistrement et que les recours administratifs prévus à l’article 161 de la loi sur les sports n’ont pas été épuisés ». Par conséquent, l’action contre le Ministère des sports était irrecevable pour défaut de fondement. L’arrêt, devenu exécutoire, a été transmis par la Cour provinciale à la Cour constitutionnelle, pour information.

2.9Le 28 mai 2013, la Cour constitutionnelle a décidé d’examiner l’arrêt de la Cour provinciale, conformément au paragraphe 5 de l’article86 et au paragraphe 6 de l’article 436 de la Constitution, et au paragraphe 2 de l’article 25 de la Loi organique sur les garanties juridictionnelles et le contrôle constitutionnel (LOGJCC). L’auteure a été informée de cette décision. Lorsque la communication a été présentée au Comité, l’affaire était en cours d’examen par la Cour.

2.10L’auteure affirme que faute de ressources financières pour engager la procédure de naturalisation, elle a demandé un visa d’amparo 9-VI pour C. A. P. M., grâce auquel il est passé du statut de réfugié au statut d’étranger résidant en Équateur, et a reçu une carte d’identité équatorienne. Munie de ce document, en octobre 2013, l’auteure s’est rendue à nouveau à la Fédération sportive d’Orellana, afin de solliciter une fois de plus l’inscription de C. A. P. M. aux VIIIes Jeux nationaux qui devaient se tenir dans la province d’Esmeraldas, en présence d’un avocat du Comité permanent de défense des droits de l’homme d’Orellana, de la mère d’un camarade d’équipe de C. A. P. M. et du Défenseur du peuple d’Orellana. Elle affirme que l’agent chargé de saisir les données dans la base de la Fédération a refusé d’enregistrer son fils, arguant que seuls pouvaient l’être les citoyens équatoriens ou naturalisés. L’auteure ajoute que le personnel de la Fédération a déclaré que le refus d’enregistrer C. A. P. M. et la raison pour laquelle il appliquait ce règlement étaient qu’« on allait dépenser des ressources pour former des étrangers qui, une fois formés, retourneraient jouer dans leur pays ». À la date de la présentation de la communication au Comité, C. A. P. M. n’avait toujours pas été autorisé à participer aux tournois et compétitions organisés par la FEDENADOR et ses antennes provinciales.

2.11Le 29 janvier 2014, le Comité permanent de défense des droits de l’homme d’Orellana a prié le Président de la Fédération sportive d’Orellana de lui donner des précisions sur le droit des mineurs ayant le statut de réfugié ou titulaires d’un visa d’amparo de participer aux Jeux nationaux et à d’autres compétitions auxquels prenait part la Fédération sportive d’Orellana, dans leurs catégories respectives, et, en cas de refus, d’en indiquer les motifs. À la date à laquelle la communication a été présentée au Comité, la Fédération n’avait pas encore répondu.

2.12L’auteure maintient que sa communication remplit tous les critères de recevabilité en ce qui concerne la condition énoncée au paragraphe 1 de l’article 3 du Protocole facultatif ; elle affirme qu’au moment où la communication a été présentée au Comité, sa requête en protection constitutionnelle, du 16 août 2012, était toujours en attente d’une décision finale de la Cour constitutionnelle et que le recours avait excédé des délais raisonnables compte tenu des circonstances particulières de l’affaire. Alors que la Cour elle-même a décidé d’office d’examiner les décisions des juridictions inférieures le 28 mai 2013 et que la Loi organique relative aux garanties juridictionnelles et au contrôle constitutionnel prévoit un délai de quarante jours pour un tel examen après la décision de la Cour, l’affaire est toujours pendante. L’auteure ajoute qu’aucune raison ne justifie l’inaction des autorités, qu’elle a agi avec diligence et en temps voulu à chaque étape de la procédure, que l’affaire concernant son fils n’est pas complexe, que ce retard avait déjà eu de graves incidences sur l’efficacité des mesures demandées chaque fois qu’une solution opportune et immédiate avait été recherchée pour permettre à son fils de participer à des tournois et compétitions ayant un caractère formateur en 2013.

2.13L’auteure ajoute que le Comité est compétent ratione temporis pour examiner la communication parce que les faits matériels donnant lieu à la violation des droits de C. A. P. M. constituent un préjudice permanent qui n’avait pas pris fin à la date où la communication a été présentée au Comité, puisque l’enfant n’avait pas été autorisé à participer aux tournois et compétitions organisés par la FEDENADOR et ses antennes provinciales. Par conséquent, la violation des droits garantis à l’enfant par le Pacte s’est poursuivie après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure affirme que les faits présentés constituent une violation des droits que son fils mineur, C. A. P. M., tient du paragraphe 3 de l’article 10 et des articles 13 et 15, lus conjointement avec les articles 2 et 4 du Pacte.

3.2L’ingérence arbitraire dans le droit de C. A. P. M. de participer à la vie culturelle équatorienne, qui découle de la mise en œuvre des normes exigeant qu’il présente la carte d’identité équatorienne pour participer à des compétitions et des tournois de football organisés par la FEDENADOR et ses antennes provinciales, constitue une violation des droits qu’il tient de l’article 15, lu conjointement avec le paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte. Dans la pratique, cette condition a constitué une discrimination indirecte fondée sur son statut migratoire et sa nationalité, renforcée par la décision présumée de l’État partie, exprimée par le biais d’un agent de la Fédération sportive d’Orellana de ne pas « gaspiller de ressources avec des étrangers qui retourneront ensuite dans leur pays d’origine ». À cet égard, l’auteure ajoute que l’État partie n’a présenté aucun argument raisonnable pour justifier une telle restriction. En outre, en omettant de mettre sa législation en conformité avec les obligations énoncées dans le Pacte et dans sa propre Constitution, l’État partie n’a pas non plus promu ni garanti l’exercice du droit de participer à la vie culturelle. Ce devoir est particulièrement important quand les intéressés sont des enfants ou des adolescents. Dans le cas d’espèce, C. A. P. M. a librement choisi, comme projet de vie, de jouer au football en compétition. Étant donné que le football a été la principale activité par laquelle il s’est intégré dans sa communauté et qu’il a constitué un lien culturel commun entre lui et d’autres adolescents, le refus arbitraire de le laisser participer à cette activité culturelle a provoqué de graves troubles psychologiques, en particulier de la frustration, des insomnies, de l’anxiété et une fixation presque constante sur cette question, ainsi que sa marginalisation sociale. Conformément à l’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte, toute personne a le droit de « participer à la vie culturelle » et, entre autres manifestations, au sport et aux jeux. En outre, le droit de jouer au football en compétition est aussi protégé par l’article 15 du Pacte. Se référant à l’observation générale no 21 du Comité, l’auteure soutient que le droit de jouir de la vie culturelle comprend la participation et l’accessibilité, comme conditions essentielles de ce droit.

3.3L’auteure souligne que, dans un premier temps, on a refusé d’enregistrer C. A. P. M. en raison de son statut de réfugié, c’est-à-dire de son statut migratoire. Par la suite, après qu’il eut obtenu une carte d’identité d’étranger en Équateur, on a à nouveau refusé de l’inscrire parce qu’il n’avait pas la nationalité équatorienne, ce qui constitue une discrimination fondée sur la nationalité. S’il est vrai que C. A. P. M. n’est pas victime d’une interdiction normative de pratiquer le football et de jouer au football en compétition, l’exigence imposée par la FEDENADOR et ses antennes limite sa capacité de jouir pleinement des activités culturelles dans le cadre des possibilités effectives et concrètes existantes.

3.4Compte tenu des obligations énoncées au paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte, le droit de participer à la vie culturelle ne saurait être restreint en raison du statut de réfugié d’un individu, en particulier d’un enfant. En outre, ce droit ne saurait être refusé ou limité en raison de la nationalité, à moins qu’une telle restriction ne soit prévue par la loi et qu’elle ne soit raisonnable. Dès lors que la participation à des compétitions ou des tournois de football, dans une optique de formation, est un aspect intégral du droit de prendre part à cette activité culturelle, en l’occurrence pour des enfants ou des adolescents réfugiés ou migrants − qui ont besoin d’une attention particulière −, on ne saurait leur interdire de participer pleinement à l’exercice des droits culturels au motif de leur statut migratoire ou de leur nationalité.

3.5Le refus d’autoriser C. A. P. M. à s’inscrire aux tournois et compétitions de la FEDENADOR et de ses antennes provinciales, motivé par son statut migratoire et sa nationalité, constitue également un traitement discriminatoire et une violation du droit à l’éducation, prévue à l’article 13, lu conjointement avec le paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte. Le droit de chacun de participer à la vie culturelle est intrinsèquement lié au droit à l’éducation. L’auteure affirme que, dans une optique de formation, le sport est une activité éducative et culturelle. Dès lors, les tournois et compétitions de football s’inscrivent dans le cadre d’un programme éducatif, selon la définition de l’article 13 du Pacte. Par conséquent, les rencontres de football organisées par l’État partie, par l’intermédiaire de la FEDENADOR et de ses antennes locales, contribuent au développement de l’identité culturelle et relèvent de l’exercice du droit à l’éducation. Il ne s’agit pas seulement de la liberté de pratiquer un sport, mais aussi d’avoir accès à un processus éducatif qui permet le développement de capacités et de compétences susceptibles de permettre à un individu de devenir un sportif de haut niveau. Dès lors qu’on ne saurait interdire l’accès à des programmes éducatifs sur la base du statut de réfugié ou de la nationalité, l’État partie doit veiller à ce que l’enseignement soit dispensé de manière équitable. L’État a l’obligation de surveiller attentivement les programmes et de supprimer toute discrimination de fait, afin que les établissements et programmes d’enseignement soient accessibles à tous sans discrimination.

3.6En n’autorisant pas C. A. P. M. à participer à des tournois de football, dans une optique de formation, organisés par la FEDENADOR et ses antennes locales, l’État partie a également manqué à l’obligation d’adopter des mesures spéciales de protection pour les enfants et les jeunes que lui imposent les dispositions du paragraphe 3 de l’article 10 du Pacte. Les mesures en question n’ont pas respecté l’intérêt supérieur de l’enfant et, en conséquence, C. A. P. M. a perdu plusieurs possibilités de participer à des compétitions à un moment très formateur de l’adolescence, alors qu’il avait atteint une étape où le développement de ses capacités aurait pu lui permettre d’envisager de devenir un footballeur de haut niveau. En outre, cette situation a pesé sur la relation qu’il avait avec ses camarades qui pouvaient participer aux compétitions, et avec les membres de sa famille.

3.7Les faits dont a été victime C. A. P. M. sont incompatibles avec l’article 4 du Pacte. De plus, le droit interne de l’État partie lui-même, en particulier sa Constitution, et les traités internationaux interdisent expressément la possibilité de limiter l’exercice des droits des étrangers pour les motifs exposés dans la communication.

3.8L’auteure demande au Comité de recommander à l’État partie d’accorder une réparation complète à C. A. P. M., notamment des mesures d’indemnisation, de satisfaction et de non-répétition.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 21 avril 2015, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication, et demandé que celle-ci soit déclarée irrecevable aux motifs que : les faits sur lesquels elle porte se sont produits avant l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie ; les recours internes ont été épuisés et les faits en question ne font pas apparaître de violation des droits énoncés dans le Pacte, en vertu de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 3, du paragraphe 1 de l’article 3 et de l’alinéa e) du paragraphe 2 de l’article 3 du Protocole facultatif, respectivement. Même si le Comité devait déclarer la communication recevable, l’État partie affirme que les droits de C. A. P. M. n’ont pas été violés, conformément aux articles 10, 13 et 15, lus conjointement avec les articles 2 et 4 du Pacte.

4.2L’auteure a eu maintes fois la possibilité d’agir en justice, dans le cadre de la procédure concernant la requête constitutionnelle en protection. Celle-ci a été rejetée en seconde instance par la Cour provinciale en vertu des articles 9 et 41 de la LOGJCC et de l’article 161 de la loi sur les sports, au motif que la question aurait dû être soumise aux tribunaux ordinaires et non à la Cour constitutionnelle, étant donné qu’elle ne correspond pas à ses attributions et que les faits allégués par l’auteure manquent de fondement.

4.3Les allégations de violation des droits énoncés dans le Pacte renvoient à des événements survenus en 2011 et 2012, alors que le Protocole facultatif n’était pas en vigueur. Par conséquent, la communication doit être déclarée irrecevable en vertu de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 3 du Protocole facultatif.

4.4L’auteure n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles. Se voyant dans l’impossibilité d’inscrire C. A. P. M. aux compétitions de football des Jeux nationaux, l’auteure a déposé une requête en protection contre le Ministère des sports. Toutefois, pour qu’une telle requête puisse être recevable, il est nécessaire de satisfaire à certaines conditions permettant de vérifier une telle atteinte à un droit constitutionnel, et il est donc impossible d’engager immédiatement un recours constitutionnel sans avoir au préalable saisie la juridiction administrative ou les tribunaux judiciaires ordinaires. Conformément à l’article 88 de la Constitution, ce recours est un mécanisme unique de protection pour les violations des droits énoncés dans la Constitution. En outre, l’article 39 de la LOGJCC dispose que la requête en protection est ouverte dans les cas non couverts par d’autres actions constitutionnelles et l’article 41 de ladite loi réglemente les modalités de la requête en protection passive et la légitimation passive.

4.5La Cour constitutionnelle a établi dans sa jurisprudence que « (…) l’action en protection est recevable lorsqu’il apparaît que des droits constitutionnels ont été violés par un acte d’une autorité publique non judiciaire, cette violation devant être établie par l’arrêt rendu par le juge constitutionnel (…). L’action en protection n’est pas recevable lorsqu’elle a trait à des questions de simple légalité, les voies judiciaires ordinaires pouvant alors être saisies pour faire valoir des droits, en particulier la voie administrative ». Dans cette approche, la Cour constitutionnelle a relevé que « toute atteinte à l’ordonnancement juridique ne relève pas nécessairement du juge constitutionnel, attendu que les juridictions ordinaires offrent des moyens appropriés et efficaces s’agissant de conflits en matière de légalité » et que la requête en protection « ne constitue pas un mécanisme qui se superpose aux procédures judiciaires normales ou les remplace ». L’État partie affirme que l’auteure n’a pas utilisé une voie de recours appropriée au cas d’espèce étant donné que, comme indiqué dans l’arrêt de la Cour provinciale, elle n’a pas épuisé le recours correspondant devant l’instance administrative prévue par l’article 161 de la loi sur les sports. À cet égard, l’État partie note que l’auteure n’a pas été en mesure de présenter une plainte ou une réclamation par la voie administrative qui, en dernière instance, aurait été examinée par le Ministère des sports. En outre, le système judiciaire permet de contester les actes administratifs devant la juridiction contentieuse administrative, en vertu du Code organique de la fonction judiciaire et de la loi relative à la juridiction contentieuse administrative. De plus, l’État partie note que l’auteure n’a pas non plus épuisé la procédure judiciaire ouverte par la voie constitutionnelle, étant donné que la Cour constitutionnelle a engagé une procédure de révision de l’arrêt qui est toujours en instance.

4.6L’État partie fait valoir que la communication devrait être déclarée irrecevable en vertu de l’alinéa e) du paragraphe 2 de l’article 3 du Protocole facultatif car il n’y a aucune preuve irréfutable de la manière dont les faits qui auraient entraîné la violation présumée se sont produits. Les éléments de preuve sur lesquels repose la communication soumise au Comité sont ténus dans la mesure où ils reposent sur de prétendus propos qu’auraient tenus les agents de la Fédération sportive d’Orellana, mais qu’il n’existe pas de preuve émanant d’une source impartiale ou physiquement vérifiable. À cet égard, l’État partie rejette l’exposé des faits présentés par l’auteure, car ces faits sont insuffisamment corroborés, et souligne que les juridictions internes qui ont examiné sa requête ont conclu qu’il n’y avait pas eu violation des droits et que les allégations concernant les faits qui auraient donné lieu à la violation alléguée des droits de C. A. P. M., n’étaient pas étayées par des preuves tangibles.

4.7Pour ce qui est du fond de la communication, l’État partie soutient que les faits ne font apparaître aucune violation du Pacte. Tant au niveau normatif que sur le plan de ses politiques publiques, l’État partie a mis en œuvre des normes compatibles avec les obligations découlant du Pacte, en faveur des personnes relevant de sa juridiction, qu’il s’agisse de ses ressortissants ou d’étrangers.

4.8La communication ne révèle pas de violation des articles 10, 13 et 15, lus conjointement avec les articles 2 et 4, du Pacte. L’État partie fournit une description du cadre juridique, des politiques publiques et des programmes relatifs aux droits des enfants et des adolescents, au droit à l’éducation et au droit de participer à la vie culturelle, y compris la formation sportive, l’éducation physique et les loisirs, ainsi qu’à l’accès à l’enseignement préprimaire, primaire et secondaire dans le système éducatif équatorien − et maintien dans ce système − des enfants et des adolescents étrangers, quel que soit leur statut migratoire. Il affirme que les droits du fils de l’auteure, qui, en tant que mineur, bénéficiait d’une protection spéciale des autorités, n’ont été aucunement violés ; que le droit à l’égalité et au libre accès aux sports a été garanti ; et qu’il a bénéficié du système éducatif équatorien et étudié dans une école du système public de la ville d’Orellana.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Le 31 août 2015, l’auteure a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond de la communication.

5.2Elle a informé le Comité que, se voyant refuser la possibilité de participer à des tournois sportifs organisés par la FEDENADOR et ses antennes provinciales depuis 2011, C. A. P. M. avait été contraint de quitter l’État partie, de se séparer de sa famille et de retourner à Barranquilla (Colombie) afin de réaliser son rêve, devenir footballeur professionnel.

5.3En ce qui concerne la compétence ratione temporis du Comité, l’auteure affirme que C. A. P. M. a été victime d’une violation persistante, qui s’est poursuivie même après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie. En 2011, C. A. P. M. s’est vu refuser l’enregistrement aux VIes Jeux pour la première fois parce qu’il n’avait pas de carte d’identité équatorienne. Cette interdiction a été maintenue l’année suivante et elle était toujours en vigueur au moment où l’auteure a soumis ses commentaires au Comité. Ainsi, par exemple, en octobre 2013, C. A. P. M. n’a de nouveau pas été autorisé à s’inscrire aux VIIIes Jeux. Partant, même si l’atteinte aux droits de C. A. P. M. avait commencé en 2011, les conditions d’inscription aux tournois de football organisés par la FEDENADOR et ses antennes provinciales n’ayant pas été modifiées depuis lors, il faut en conclure que la violation a persisté après le 5 mai 2013, date d’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie.

5.4L’auteure répète que sa communication satisfait aux critères de recevabilité prévus au paragraphe 1 de l’article 3 du Protocole facultatif. Elle affirme que la requête en protection est le moyen approprié de protéger les droits de C. A. P. M. consacrés par la Constitution, que l’article 88 de la Constitution n’impose pas l’obligation, énoncée dans la LOGJCC, relative au dépôt de la requête en protection, à savoir l’absence d’un autre mécanisme de défense judiciaire approprié et efficace destiné à protéger le droit violé, que la Cour constitutionnelle a jugé dans une précédente affaire que l’article 88 de la Constitution prévoyait que la requête en protection n’avait pas un caractère résiduel ou subsidiaire et que, dans tous les cas, la Constitution prévaut. En outre, la juridiction administrative contentieuse n’aurait pas été un recours utile dans le cas de C. A. P. M. car la procédure aurait duré des années. Dans les circonstances de l’espèce, eu égard en particulier à la nécessité urgente que le recours soit réglé rapidement, la requête en protection était le moyen le plus approprié et le plus adéquat de protéger les droits de C. A. P. M.

5.5L’auteure ajoute que la requête en protection a été rejetée par les autorités judiciaires, qui se sont arrêtées aux formalités légales sans tenir compte du fond de l’affaire, et que la procédure s’est terminée par l’arrêt de la Cour provinciale du 19 novembre 2012. Après que l’arrêt était devenu exécutoire, le 28 mai 2013, la Cour constitutionnelle a décidé de le réviser ; cependant, cette procédure n’est pas un mécanisme régulier et ne fait pas partie du système ordinaire de garanties juridictionnelles. La procédure de révision permet à la Cour constitutionnelle de déclarer une jurisprudence contraignante ; il s’agit d’une attribution de ladite Cour, qui décide de façon discrétionnaire quelles affaires elle va réexaminer ; il ne s’agit donc pas d’un mécanisme approprié offrant un recours efficace et utile pour obtenir réparation que l’auteure aurait pu exercer par elle-même. Si le Comité devait néanmoins conclure que la procédure de révision est un recours effectif et approprié, l’auteure réitère, à titre subsidiaire, que cette procédure a excédé les délais raisonnables, et réaffirme les arguments formulés dans sa communication initiale.

5.6L’auteure note que l’État partie n’a pas répondu sur le fond de la communication et qu’il s’est contenté de fournir une description du cadre constitutionnel et juridique des droits à l’éducation et à la participation à la vie culturelle. Par ailleurs, les faits qui font l’objet de sa communication n’ont pas été contestés par les autorités judiciaires de l’État partie qui ont examiné sa requête en protection en première et deuxième instances ; partant, les observations de l’État partie mettant en doute les faits tels qu’exposés parce qu’elles contredisent les actions de ses autorités. L’auteure réaffirme que le refus, par la Fédération, d’enregistrer C. A. P. M. a constitué une décision discriminatoire et arbitraire. Les règles régissant l’inscription des participants aux compétitions de football prévoient la présentation de documents d’identité impossibles à obtenir par un réfugié. En première instance, le tribunal d’Orellana a reconnu l’existence de cet obstacle et conclu que les parents de C. A. P. M. n’avaient pas effectué les démarches nécessaires pour que l’enfant obtienne une carte d’identité ou un document de naturalisation. Ensuite, la Cour provinciale, qui a examiné le recours formé, n’a pas fondé sa décision sur l’absence de preuve ni contesté les faits, mais plutôt mis l’accent sur l’absence présumée de légitimité passive.

5.7L’auteure répète ses allégations concernant les articles10, 13 et15, lus conjointement avec le paragraphe 2 de l’article 2 et de l’article 4 du Pacte. Quant à ses allégations de violation de l’article 13, lu conjointement avec le paragraphe 2 de l’article 2 et l’article 4 du Pacte, elle soutient que sa communication n’allègue pas que la violation des droits de C. A. P. M. découle du manque d’accès au système éducatif, mais du fait que l’enfant n’a pas pu participer à une activité de formation pédagogique, à savoir les VIes et VIIes Jeux nationaux. L’auteure souligne le rôle joué par le sport en tant qu’instrument d’éducation, et ajoute que le sport et l’éducation physique sont un droit fondamental et un élément essentiel de l’éducation permanente dans l’ensemble du système éducatif. Dans la présente affaire, en empêchant, de manière discriminatoire, C. A. P. M. d’exercer son droit de participer à l’expérience éducative qu’est une compétition sportive, on l’a privé de tous les avantages éducatifs associés à celle-ci, et ainsi porté atteinte à son bien-être affectif et psychologique.

5.8En ce qui concerne l’article 15, lu conjointement avec le paragraphe 2 de l’article 2 et le paragraphe 4 du Pacte, l’auteure fait valoir que sa communication ne conteste pas le cadre juridique de l’État partie en général en ce qui concerne le droit de participer à la vie culturelle, mais les règles régissant l’inscription aux compétitions de football lors des Jeux nationaux et les actes des autorités. Elle ajoute que l’État partie organise des compétitions nationales juniors de football et que tous les niveaux de participation et de sélection devraient être déterminés sur la seule base du mérite des joueurs. La participation ne saurait être refusée pour des raisons liées à la nationalité, au statut de réfugié ou au statut migratoire. Exiger, comme condition d’inscription, que les joueurs présentent une carte d’identité constitue une discrimination indirecte étant donné que ce document ne peut être obtenu par ceux qui ne sont pas nés dans l’État partie ou qui n’ont pas été naturalisés Équatoriens. Dans des cas comme celui de C. A. P. M., les pièces d’identité de réfugié ne sont pas considérées comme des cartes d’identité. Par ailleurs, tant le tribunal d’Orellana que la Cour provinciale ont implicitement reconnu, dans leurs jugements, que les réfugiés étaient dans l’incapacité de satisfaire aux conditions, faute de détenir une carte d’identité ou d’avoir été naturalisés. En outre, C. A. P. M. a par la suite décidé de renoncer à son statut de réfugié et a demandé un visa de amparo 9-VI, obtenant ainsi la carte de résident étranger. Toutefois, les responsables de la Fédération d’Orellana ont refusé de l’autoriser à participer aux VIIIes Jeux nationaux, parce qu’il n’était pas citoyen équatorien.

Renseignements complémentaires communiqués par les parties

6.1Le 21 janvier 2016, l’État partie a présenté des observations complémentaires au Comité et réaffirmé que la communication devait être déclarée irrecevable, pour incompétence ratione temporis du Comité et non-épuisement des recours internes.

6.2L’État partie réitère ses observations selon lesquelles les faits qui ont donné lieu aux violations alléguées ont eu lieu en 2011 et 2012, soit avant l’entrée en vigueur du Protocole facultatif, et répète que, par conséquent, la communication était irrecevable en vertu de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 3 du Protocole facultatif. Se référant à l’article 28 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, il considère que le traité doit être appliqué à des événements futurs ou en suspens, circonstance qui ne s’applique pas au cas d’espèce.

6.3De même, la communication ne satisfait pas au critère de recevabilité prévu au paragraphe 1 de l’article 3 du Protocole facultatif. L’État partie réaffirme que l’auteure aurait dû former un recours devant la juridiction administrative contentieuse, mécanisme prévu par la loi qui aurait constitué un recours utile et adéquat pour protéger les droits de C. A. P. M. Après réception du refus allégué d’inscription par les fédérations sportives provinciales, l’auteure aurait dû faire appel de cette décision devant la FEDENADOR en vertu de l’article 161 de la loi sur les sports et de l’article 100 de son règlement intérieur. Si elle estimait que les décisions de la FEDENADOR violaient les normes administratives et qu’elle avait porté ces faits à l’attention du Ministère des sports, celui-ci aurait pu exercer un contrôle administratif conformément à l’article 160 de la loi sur les sports. Par ailleurs, conformément à l’article 172 du statut relatif au régime juridique et administratif de l’Exécutif, l’auteure peut déposer une plainte administrative auprès du Ministère des sports afin de demander la cessation du comportement ou de la conduite attentatoire aux droits de C. A. P. M. La décision que le Ministère aurait prise était susceptible d’appel devant la plus haute autorité du Ministère. Si cette dernière décision ne la satisfaisait pas, l’auteure avait la possibilité de présenter une requête contentieuse devant le tribunal du contentieux administratif de son domicile et la procédure aurait pu aboutir à un recours en cassation devant la juridiction de droit commun la plus élevée, la Cour nationale de justice. L’État partie fait valoir que le recours contentieux administratif vise à attaquer les décisions ou les actes administratifs qui méconnaissent un droit subjectif ou portent atteinte à un tel droit.

6.4S’agissant du fond de la communication, l’État partie réaffirme que les allégations de l’auteure n’ont pas le fondement nécessaire pour établir les faits qui auraient entraîné la violation présumée. Il réitère ses observations relatives à l’article 13 du Pacte et présente une description des normes qui établissent le lien entre le droit à l’éducation et la pratique du sport. Il fait valoir qu’il n’y a pas eu violation du droit à l’éducation de C. A. P. M. et que celui-ci n’a pas été victime de discrimination du fait des conditions de participation aux Jeux nationaux.

6.5L’obligation de présenter une carte d’identité, prévue par le règlement adopté par les fédérations sportives, ne porte atteinte à aucun droit puisque l’objectif est de contrôler l’identité ainsi que les données personnelles des participants. Dans le cas des tournois sportifs, ce document permet de vérifier que ceux-ci respectent certains critères, par exemple que tous les sportifs appartiennent au même groupe d’âge. En outre, C. A. P. M. remplissait les conditions requises pour acquérir la nationalité équatorienne, ce qui lui aurait permis d’obtenir le document d’identité. En 2013, il a obtenu la carte d’identité équatorienne en tant que résident étranger. En outre, il est précisé dans la communication que C. A. P. M. a représenté son école, son quartier et même le canton Francisco de Orellana dans divers tournois et compétitions sportives.

6.6Par ailleurs, le droit de C. A. P. M. de participer à la vie culturelle n’a pas été violé. L’État partie ne s’est pas immiscé dans son droit de participer à la vie culturelle par le biais du sport. Comme l’a relevé le jugement du tribunal d’Orellana, l’auteure connaissait les formalités d’inscription un an avant la présentation de sa requête en protection et elle n’a accompli aucune démarche pour que son fils obtienne une carte d’identité. L’État partie ajoute que l’obligation de présenter une carte d’identité a été mise en place pour tous les enfants qui participaient aux championnats sportifs, qu’il s’agisse de nationaux ou d’étrangers. En outre, l’auteure n’a fourni aucun document à l’appui de son allégation selon laquelle, en 2013, la FEDENADOR aurait empêché son fils de participer aux compétitions alors qu’il avait déjà une carte d’identité. À cet égard, l’État partie rejette les allégations de l’auteure, qui ne peuvent pas être prouvées. Il présente une description des politiques et programmes du Ministère des sports visant à assurer et à promouvoir le sport.

6.7L’État partie fait valoir que l’auteure ou son fils C. A. P. M. n’ont subi aucun préjudice susceptible de mettre en cause sa responsabilité internationale. Au contraire, il ressort des informations fournies par l’auteure elle-même que C. A. P. M. a participé à diverses manifestations sportives à l’école, dans son quartier et sa province. C’est volontairement qu’il a décidé de quitter l’État partie pour mener une vie de sportif de haut niveau à Barranquilla, en Colombie.

6.8Les 19 février et 7 mars 2016, l’auteure a saisi le Comité et réitéré ses arguments précédents. Elle a ajouté que les observations complémentaires soumises par l’État partie du 21 janvier 2016 ne contenaient aucun élément nouveau et ne faisaient que répéter les observations qu’elle avait dûment contestées. De plus, la soumission de ces observations créait un retard superflu du traitement de la communication.

6.9Le 20 avril 2016, l’État partie a présenté des renseignements complémentaires au Comité et répété que l’auteure n’avait pas démontré que son fils C. A. P. M. était victime d’une atteinte aux droits qu’il tenait du Pacte. Selon un certificat émis par le Ministère des sports le 3 février 2016, C. A. P. M. n’était pas enregistré dans la base de données de la Fédération sportive d’Orellana et, par conséquent, ne pouvait pas participer aux Jeux nationaux.

6.10Conformément à un avis du Ministère du sport du 27 janvier 2016, la Charte fondamentale des tournois sportifs, adoptée le 25 février 2012, et les Bases générales des tournois sportifs nationaux établissent que lesdits tournois ont pour fin de repérer des talents sportifs dans chaque province, ce qui permet ensuite de constituer les sélections nationales qui représenteront l’État partie dans les manifestations internationales. L’État partie ajoute qu’en vertu de la Charte olympique du Comité olympique international, tout participant aux Jeux olympiques doit avoir la nationalité du Comité olympique national qui l’inscrit. Par conséquent, il faut que, dans les tournois en question, les participants soient susceptibles de représenter plus tard l’État partie, et qu’ils aient donc la nationalité équatorienne.

6.11L’État partie a informé le Comité que C. A. P. M. avait quitté le territoire équatorien le 26 janvier 2013 et qu’il résidait à Barranquilla (Colombie), où il faisait partie d’un club de football.

6.12Le 10 mai 2016, l’auteure a présenté des commentaires complémentaires et a affirmé que les observations complémentaires soumises par l’État partie les 21 janvier et 20 avril 2016 n’apportaient aucun élément nouveau, et qu’elles ne faisaient que répéter les observations qu’elle avait dûment contestées, et qu’elles étaient hors de propos. Dans son dernier courrier, l’État partie avait présenté des documents qu’il détenait et qu’il aurait pu présenter plus tôt, lorsqu’il avait présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond.

6.13En ce qui concerne le certificat émis par le Ministère du sport le 3 février 2016, l’auteure allègue que C. A. P. M. faisait partie de la sélection d’Orellana, dans la catégorie des moins de 14 ans représentant la province aux VIes Jeux nationaux, et que la communication traite précisément de l’impossibilité de participer à ces Jeux et à ceux de 2012-2013, en raison du refus de l’inscrire dans la base de données de la Fédération sportive d’Orellana, de sorte que manifestement son nom ne pouvait pas figurer dans les registres de la Fédération. De plus, le certificat est ambigu car on ne peut déterminer s’il concerne une année particulière ou toutes les années où son fils n’a pas pu participer aux Jeux nationaux. En conclusion, l’auteure a demandé au Comité de ne pas tenir compte dudit document.

6.14La Charte fondamentale des tournois nationaux et les Bases générales des tournois sportifs du 25 février 2012 ne sont pas applicables rétroactivement, et ne pouvaient donc pas être appliqués aux VIes Jeux nationaux, qui ont eu lieu en 2011. D’autre part, en ce qui concerne les Jeux nationaux de 2012 et de 2013, l’article premier de la Charte fondamentale indique que la compétition « est le moyen le plus efficace de promouvoir les préceptes olympiques, de développer des valeurs sociales, intellectuelles, artistiques et culturelles de l’enfance et de la jeunesse équatorienne et l’occasion de mettre un terme aux inégalités grâce à la démonstration des potentiels physiques, techniques et mentaux poussés à leur maximum ». Par conséquent, cet article ne mentionne que l’importance des préceptes olympiques, mais ne détermine pas que l’objectif des championnats nationaux est de former des athlètes de haut niveau dans le seul but de les faire participer aux Jeux olympiques.

B.Délibérations du Comité sur la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 9 de son règlement intérieur provisoire relatif au Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/49/3), déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif. Le Comité n’examine que les communications répondant aux critères de recevabilité établis dans le Protocole facultatif.

7.2À la lumière des documents mis à sa disposition par les parties conformément au paragraphe 1 de l’article 8 du Protocole facultatif, le Comité s’est assuré que la même question n’avait pas été et n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Par conséquent, le Comité estime qu’il n’existe pas d’obstacle à la recevabilité de la présente communication, conformément à l’alinéa c) du paragraphe 2 de l’article 3 du Protocole facultatif.

7.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication est irrecevable étant donné que les faits ayant donné lieu aux violations alléguées ont eu lieu en 2011 et 2012, soit avant l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie. Le Comité prend acte également des allégations de l’auteure qui affirme que les violations des droits de son fils C. A. P. M. ont persisté après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif puisque les règles relatives à l’inscription pour participer aux tournois de football des Jeux nationaux juniors organisés par la FEDENADOR et ses antennes provinciales sont restées en vigueur. À cet égard, l’auteure affirme qu’en octobre 2013, après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie, l’inscription de son fils aux Jeux nationaux a été refusée pour la troisième fois (il s’agissait des VIIIes Jeux nationaux) et pour les mêmes motifs, affirmation contestée par l’État partie pour absence de preuve.

7.4En vertu de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 3 du Protocole facultatif, le Comité ne peut examiner les violations présumées du Pacte qui portent sur des faits antérieurs à la date d’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie intéressé, à moins que ces faits ne persistent après cette date. En l’espèce, le Comité constate qu’une partie des faits ayant donné lieu aux violations alléguées par l’auteure s’est produite avant le 5 mai 2013, date à laquelle le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie. Toutefois, après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif, les obstacles juridiques qui empêchaient la participation de C. A. P. M. aux tournois ont persisté, ce qui a amené, en janvier 2014, le Comité permanent pour la défense des droits de l’homme d’Orellana à demander au Président de la Fédération des sports d’Orellana des précisions sur le droit des mineurs ayant le statut de réfugié ou bénéficiant d’un visa d’amparo de participer aux Jeux nationaux et à d’autres compétitions animées par la Fédération des sports d’Orellana. Le Comité note également que l’arrêt de la Cour provinciale est en attente de révision par la Cour constitutionnelle. Quelle que soit la décision de la Cour, la révision constitue un fait qui sera postérieur à l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie. À cet égard, il ressort des informations figurant au dossier qu’une telle décision n’aurait pas nécessairement un caractère de pure procédure. Par conséquent le Comité estime qu’il n’est pas empêché, au regard de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 3 du Protocole facultatif, d’examiner la présente communication.

7.5Le Comité prend note de l’argument de l’État partie, qui affirme que l’auteure n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles puisqu’elle aurait dû déposer une plainte ou une réclamation par la voie administrative et, éventuellement, une requête auprès de la juridiction administrative contentieuse, en vertu de la loi sur les sports, du Code organique de la fonction judiciaire, de la loi relative à la juridiction administrative contentieuse et du Statut relatif au régime juridique et administratif de l’Exécutif, et qu’à plusieurs reprises, la Cour constitutionnelle a souligné que la requête en protection ne remplaçait pas les procédures judiciaires ordinaires s’agissant d’examiner des questions de simple légalité (voir ci-dessus le paragraphe 4.5). Le Comité prend également note des allégations de l’auteure concernant la lenteur des procédures administratives et de celles relatives au contentieux administratif et du fait que, dans le cas d’espèce et compte tenu de l’urgence qu’il y avait de protéger les droits de C. A. P. M., la requête en protection était le recours le plus approprié et le plus adéquat. L’auteure fonde son allégation sur une déclaration générale du titulaire du Conseil de la magistrature au sujet des retards accumulés dans les procédures judiciaires administratives contentieuses.

7.6Le Comité constate que la requête en protection déposée par l’auteure a été déclarée dénuée de fondement par la Cour provinciale, en partie parce que les pièces versées au dossier ne permettaient pas d’établir que les recours administratifs avaient été épuisés, conformément aux dispositions de l’article 161 de la loi sur les sports. Dans la présente affaire, le Comité n’a pas à déterminer si les exigences procédurales établies par la LOGJCC et la jurisprudence de la Cour constitutionnelle sur la question sont conformes à la Constitution de l’État partie, mais à préciser si l’auteure a épuisé tous les recours internes disponibles et utiles. Le Comité observe que l’auteure n’a pas formé de recours devant la juridiction administrative contentieuse, ce qui aurait permis au Comité d’évaluer, dans les circonstances de l’espèce, si un éventuel retard injustifié des autorités, s’agissant d’examiner le recours, aurait mis un terme à toute défense des intérêts de C. A. P. M. et rendu le recours inefficace dans la pratique. Le Comité souligne la diligence particulière dont les États partie doivent faire preuve dans le traitement et le règlement des recours internes qui visent la protection des droits consacrés par le Pacte. Cela dit, il considère que, à lui seul, le fait de considérer que les recours internes ne sont pas utiles ne suffit pas à exonérer l’auteur d’une communication de l’obligation de les utiliser. Partant, le Comité estime que la présente communication ne satisfait pas aux critères de recevabilité définis au paragraphe 1 de l’article 3 du Protocole facultatif.

C.Conclusion

8.Compte tenu de toutes les informations reçues, le Comité, agissant en vertu du paragraphe 1 de l’article 9 du Protocole facultatif, conclut que la communication est irrecevable. Cette décision ne préjuge pas toute décision favorable à C. A. P. M. que la Cour constitutionnelle pourrait prendre dans le cadre de la procédure de révision de l’arrêt de la Cour provinciale en date du 19 novembre 2012.

9.En conséquence, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels décide :

a)Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 1 de l’article 3 du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteure.