Nations Unies

E/C.12/KGZ/CO/2-3

Conseil économique et social

Distr. générale

7 juillet 2015

Français

Original : anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le rapport du Kirghizistanvalant deuxième et troisième rapports périodiques *

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le rapport du Kirghizistan valant deuxième et troisième rapports périodiques sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/KGZ/2-3) à ses vingt-deuxième et vingt-troisième séances (voir E/C.12/2015/SR.22 et 23), tenues les 1er et 2 juin 2015, et a adopté, à sa cinquantième séance, tenue le 19 juin 2015, les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport périodique soumis par le Kirghizistan, ainsi que les informations supplémentaires fournies dans les réponses à la liste de points (E/C.12/KGZ/Q/2-3/Add.1), le document de base commun de l’État partie (HRI/CORE/KGZ/2008) et les réponses apportées oralement par la délégation. Le Comité se félicite également du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie. Il regrette toutefois la soumission tardive du rapport périodique.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie des instruments internationaux suivants :

a)La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, en septembre 2003 ;

b)Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, en décembre 2010 ;

c)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en décembre 2008 ;

4.Le Comité salue les mesures qu’a prises l’État partie pour promouvoir la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels, notamment l’adoption :

a)D’une nouvelle Constitution, en juin 2010 ;

b)De la loi no 318 sur les prestations sociales, en décembre 2009 ;

c)De la loi no 210 sur le salaire minimum, en octobre 2008 ;

d)De la loi no 184 sur les garanties de l’État concernant l’égalité des droits et des chances pour les hommes et les femmes, en août 2008 ;

e)De la loi no 183 sur la sécurité alimentaire, en août 2008.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Non-discrimination

5.Le Comité constate avec préoccupation qu’il n'existe pas de dispositif législatif complet contre la discrimination et que persiste la discrimination fondée sur l’origine ethnique, le sexe, la religion, la situation économique, l’âge ou d’autres critères, dont l’orientation sexuelle ou le handicap, notamment en matière d’accès à l’emploi et aux soins de santé. À ce propos, le Comité est aussi inquiet de la présentation devant le Parlement du projet de loi no 6-11804/14, qui prévoit l’application de sanctions administratives aux personnes qui adoptent une attitude positive à l’égard des relations sexuelles non traditionnelles. Le Comité est également préoccupé par :

a)L’accès aux services, notamment à l’éducation et aux soins de santé, étant donné qu’il est subordonné à l’enregistrement du lieu de résidence ;

b)La discrimination et la marginalisation dont sont victimes les membres de la communauté Lyuli, les Ouzbeks et d’autres minorités (art. 2 (par. 2) et 15).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter un dispositif législatif compl et contre la discrimination, qui contienne une définition de la discrimination directe et indirecte , et de retirer le projet de loi n o 6-11804/14 . Il recommande également à l ’ État partie :

a) D’organiser des campagnes d’éducation publiques afin d’ en finir avec les idées fausses et les stéréotypes courants ;

b) De faire en sorte que l’accès aux services ne dépende pas de l’enregistrement du lieu de résidence ;

c) De veiller à ce que toutes les personnes, quelle que soit leur orientation sexuelle, puissent jouir pleinement des droits économiques, sociaux et culturels, sans discrimination ;

d) De redoubler d ’ efforts pour ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées .

À ce sujet, le Comité a ppelle l’attention de l’État partie sur son observation générale  n o  20 (2009) concernant la non-discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels .

Créer un environnement favorable pour la société civile

6.Le Comité est préoccupé par la présentation au Parlement du projet de loi sur les agents étrangers, qui prévoit d’exiger des organisations non gouvernementales (ONG) recevant des fonds de l’étranger qu’elles se fassent enregistrer en tant qu’agents étrangers.

Le Comité recommande à l’État partie de re tirer le projet de loi sur les agents étrangers et d’appuyer plutôt les activités des ONG qui œuvrent dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels .

Corruption

7.Le Comité constate avec inquiétude que la corruption demeure omniprésente et systémique dans l’État partie (art. 2 (par.1)).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour combattre la corrupt ion et, à titre prioritaire, de lutter contre ses causes profondes. L ’ État partie devrait adopter toutes les mesures législatives et autres nécessaires pour lutter efficacement contre la corruption et l’impunité qui y est associée, en mettant particulièrement l’accent sur les domaines dans lesquels la corruption empêche de jouir plein ement des droits économiques, sociaux et culturels .

Égalité entre les hommes et les femmes

8.Le Comité note avec préoccupation que les femmes ne jouissent pas de l’égalité dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels. Il s’inquiète en particulier de ce que :

a)Les femmes sont principalement employées dans des secteurs et à des postes moins bien rémunérés ;

b)De nombreux mariages, en particulier ceux qui sont célébrés en vertu du droit religieux, ne sont pas officiellement enregistrés, ce qui signifie que beaucoup de femmes ne peuvent ni jouir de l’intégralité des droits inscrits dans le Code de la famille, ni bénéficier d’une pension alimentaire ou d’autres formes de soutien en cas de dissolution du mariage ;

c)Les femmes dont le mariage n’a pas été enregistré ne peuvent pas prouver leur qualité de représentante légale de leurs enfants sans la confirmation de leur conjoint, ce qui fait notamment obstacle à l’enregistrement du lieu de résidence, et donc à l’accès des enfants aux services de base ;

d)Les femmes n’ont pas accès à la propriété et à l’héritage dans des conditions d’égalité ;

e)Les demandes de parcelles de terre déposées par des femmes sont souvent rejetées, et l’octroi de parcelles dépend souvent de la situation matrimoniale des femmes (art. 3).

Le Comité recommande à l’État partie d’accentuer ses efforts pour promouvoir l’égalité des sexes, notamment en adoptant une stratégie globale assortie d’échéances, qui fix e des objectifs et des quotas et qui prévoie des mesures temporaires spéciales, afin de parvenir à la pleine égalité entre les femmes et les hommes, en particulier dans les domaines où les femmes sont sous-représentées et défavorisées . Le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) De faire en sorte que les femmes dont le mariage n’a pas été enregistré puissent prouver leur qualité de représentante légale de leurs enfants sans l a confirmation de leur conjoint , et de veiller à ce que ces femmes soient pleinement protégé e s en cas de dissolution de leur mariage non enregistré ;

b) D’adopter le texte modifiant la loi sur les croyances et pratiques religieuses de sorte que le mariage religieux ne soit consacré qu’après l’enregistrement d’un mariage formel ;

c) De garantir aux femmes, dans la loi et dans la pratique, l’égalité d’accès aux droits de propriété et de succession , et de veiller à ce que l’accès des femmes aux droits et a ux services ne dépende pas de leur situation matrimoniale ;

d) De mener des campagnes de sensibilisation en vue d’éliminer les attitudes patriarcales et les stéréotypes sexistes et d’informer les femmes sur leurs droits .

À ce propos, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son o bservation générale n o 16 (2005) concernant le droit égal de l’homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels .

Chômage

9.Le Comité exprime sa préoccupation face à l’ampleur du chômage, qui touche principalement les femmes, les jeunes de moins de 30 ans et les personnes handicapées (art. 6).

Le Comité recommande à l’État partie de mener des actions efficaces pour s’attaquer aux causes profondes du chômage et d’adopter des mesures ciblées, y compris des programmes visant à réduire le chômage des femmes, des jeunes, des personnes handicapées et des personnes et groupes défavorisés et marginalisé s .

Salaire minimum

10.Le Comité note avec inquiétude que le salaire minimum ne permet pas aux travailleurs qui le touchent et à leur famille de jouir d’un niveau de vie décent (art. 7).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour augmenter le salaire minimum afin d ’ assurer un niveau de vie décent à tous les travailleurs et à leur famille , et de veiller à ce que ce salaire minimum soit respecté .

Économie informelle

11.Le Comité est préoccupé par le grand nombre de personnes, en particulier de femmes, qui travaillent dans l’économie informelle et qui, de ce fait, sont privées des droits consacrés par le Pacte et fréquemment soumises à des conditions de travail dangereuses et à des traitements dégradants (art. 7).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les droits d u travail et les droits syndicaux s’appliquent pleinement dans l’économie informelle et à ce que des inspections du travail y soient menées régulièrement. Il lui recommande en outre de régulariser progressivement la situation des personnes employées dans l’économie informelle .

Santé et sécurité au travail

12.Le Comité est préoccupé par la prévalence des maladies professionnelles et des accidents du travail, notamment des accidents mortels, en particulier dans les secteurs de l’exploitation minière, du bâtiment et des travaux publics et de la production et la distribution d’électricité, de gaz et d’eau (art. 7).

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que la législation du travail relative à la santé et à la sécurité au travail soit dûment mise en œuvre, notamment par le biais d’inspections régulières et de la formation des employeurs et des employés , et d ’ offrir une indemnisation suffisante aux employés et à leur famille en cas d ’ accident du travail ou de maladie professionnelle .

Travailleurs migrants kirghizes

13.Le Comité est préoccupé par l’insuffisance de la protection offerte aux travailleurs migrants kirghizes, dont beaucoup sont victimes d’exploitation par le travail, ainsi que de violences et d’intimidations de la part d’employeurs et d’agents de l’État dans les pays où ils sont employés. Il note également avec préoccupation que les enfants de travailleurs migrants kirghizes laissés à la garde d’autres personnes pendant que leurs parents travaillent à l’étranger sont fréquemment victimes de violences sexuelles (art. 6, 7 et 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour conclure des accords bilatéraux et multilatéraux en vue d ’ offrir une protection aux travailleurs migrants kirghizes à l ’ étranger, et d ’ offrir des conseils et des services juridiques aux travailleurs migrants potentiels. Il lui recommande également de prendre toutes les mesures voulues pour que les conjoints et les enfants des travailleurs migrants kirghizes obtiennent des permis de séjour adéquats dans les pays d ’ emploi. Il lui recommande en outre d ’ intensifier ses efforts pour protéger les enfants sans protection parentale contre l ’ exploitation et les violences sexuelles et de veiller à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis et punis et que les enfants victimes de violences sexuelles bénéficient de services de réadaptation et de réinsertion.

Exploitation économique

14.Le Comité s’inquiète du nombre élevé d’enfants victimes d’exploitation par le travail, notamment des pires formes de travail des enfants dans la culture du tabac. Il note également avec préoccupation que les enfants vivant en internat seraient soumis au travail forcé. Il est en outre préoccupé de constater que le travail des enfants ne fait pas l’objet d’une interdiction et d’une criminalisation suffisamment strictes et que le respect de la législation en vigueur et la coordination visant à la faire respecter ne sont pas satisfaisants (art. 7, 10 (par. 3) et 13).

Le Comité recommande à l ’ État partie d’intensifier ses efforts pour combattre l’exploitation des enfants par le travail, en mettant particulièrement l’accent sur le travail forcé . Il recommande également à l ’ État partie d ’ interdire expressément et de criminaliser le travail des enfants et l ’ embauche d ’ enfants , conformément aux normes internationales. Il lui recommande en outre , entre autres mesures, d ’ augmenter le nombre d ’ inspections du travail dans le secteur de l ’ agriculture et dans le secteur informel, de veiller à ce que les employeurs aient à répondre des violations de la législation de l ’ emploi qu ’ ils commettraient et de mener des campagnes de sensibilisation pour abolir le travail des enfants .

Accès à la sécurité sociale

15.Le Comité s’inquiète du fait qu’il n’existe pas de couverture universelle de sécurité sociale dans l’État partie. Il note également avec préoccupation que le montant des pensions de vieillesse est particulièrement faible. En outre, il est inquiet de constater que les réfugiés et les demandeurs d’asile n’ont pas accès à des prestations sociales et à des soins de santé de base adéquats (art. 9 et 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour établir un socle de protection sociale, comme première étape vers l ’ instauration d ’ un système universel de sécurité sociale . À cet égard , il appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son o bservation générale n o 19 (2007) concernant le droit à la sécurité sociale , et sur sa déclaration de 2015 concernant les socles de protection sociale (E/C.12/2015/1). Il recommande aussi à l ’ État partie d ’ augmenter progressivement le montant des pensions de vieillesse afin que les retraités et leur famille bénéficient d’un niveau de vie décent . Il lui recommande également d ’ offrir aux réfugiés et aux demandeurs d ’ asile des prestations sociales et des soins de santé de base adéquats.

Violence dans la famille

16.Le Comité est préoccupé de constater que les actes de violence dans la famille à l’égard des femmes et des enfants sont nombreux et ne sont pas tous signalés, qu’ils entraînent souvent des blessures mettant la vie en danger et qu’ils peuvent consister à priver une personne de nourriture ou à la laisser dehors dans le froid. Il note également avec préoccupation que les actes de violence dans la famille, qui causent des atteintes légères à la santé physique ou des souffrances physiques ou psychologiques légères, sont réprimés par le Code de la responsabilité administrative et non par la législation pénale, ce qui permettrait d’accorder des réparations aux victimes. Il note en outre avec inquiétude que les forces de l’ordre et les tribunaux font souvent preuve d’inertie dans les affaires de violence dans la famille, que nombre de ces affaires sont renvoyées devant les tribunaux communautaires d’anciens (aksakals) et qu’il n’y a pas suffisamment de centres d’accueil pour les victimes (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie de procéder aux modifications législatives nécessaires pour que toutes les formes de violence dans la famille soient criminalisées , pour que les victimes aient accès à des recours

effectifs , à des centres d ’ accueil et à un appui adéquats , pour que les jug

es, les procureurs et les membres des forces de l ’ ordre reçoivent une formation obligatoire sur la manière de traiter les affaires de violence dans la famille et pour que ces affaires soient systématiquement portées devant des juridictions pénales. Le Comité recommande également à l ’ État partie de prendre des mesures visant à encourager le signalement des violences dans la famille, notamment en sensibilisant les prestataires de soins de santé et les autres professionnels concernés à cette question et en veillant à ce que les victimes soient dûment protégées contre les représailles .

Enlèvement de jeunes filles aux fins de mariage

17.Le Comité est inquiet de constater que, bien que cette pratique soit criminalisée, les enlèvements de jeunes filles aux fins de mariage sont nombreux, touchant aussi des jeunes filles mineures, et que les femmes et les filles enlevées sont souvent laissées à leur ravisseur par leur famille pour des raisons économiques ou parce qu’elles sont considérées comme salies. Le Comité note en outre avec préoccupation qu’une fois mariée, la femme est considérée comme appartenant à la famille de son mari et que celle-ci a le pouvoir de l’empêcher d’accéder à l’éducation et à l’emploi (art. 10).

Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour faire appliquer les dispositions pénales qui répriment l ’ enlèvement de jeunes filles aux fins de mariage, et de mener des campagnes de sensibilisation sur le caractère illégal de cette pratique. Il lui recommande également de créer des centres d’accueil et des services de soutien pour les filles et les femmes victimes d’enlèvement qui ont été rejetées par leur famille .

Conditions de détention

18.Le Comité est préoccupé par les conditions de vie particulièrement mauvaises qui règnent dans les centres de détention, notamment par la surpopulation carcérale et par l’accès insuffisant à la nourriture et l’eau potable. Il note aussi avec inquiétude que les anciens détenus ne bénéficient d’aucune aide à la réinsertion sociale (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ améliorer les conditions de vie dans les prisons, notamment en allouant les fonds nécessaires pour que les détenus reçoivent suffisamment de nourriture et d ’ eau potable. Il lui recommande également de mettre en place un système de réinsertion spécialisé destiné à aider les anciens détenus, notamment par le biais d ’ une formation professionnelle, à se réinsérer dans le monde du travail .

Sans-abrisme et droit à un logement suffisant

19.Le Comité s’inquiète du nombre élevé de personnes sans domicile dans l’État partie et de l’absence d’une politique de logement globale qui réponde de manière adéquate aux besoins de la population en matière de logement. Il est particulièrement préoccupé par les personnes et les groupes défavorisés et marginalisés qui sont très exposés au sans-abrisme, notamment les personnes vivant dans la pauvreté, les femmes seules chefs de famille, les personnes handicapées, les migrants, les enfants quittant le système institutionnel et les anciens détenus. Il est aussi inquiet du manque de logements sociaux pour les personnes à faible revenu et les personnes et les groupes défavorisés et marginalisés. Le Comité prend également note avec préoccupation ;

a)Du grand nombre de personnes, en particulier de migrants internes, qui vivent dans des campements structurés ou de fortune et qui n’ont pas accès à l’eau potable et à des installations sanitaires, à l’électricité ou à des services d’évacuation des ordures ménagères et qui courent le risque d’être expulsés de force ;

b)Du manque de consultations et d’indemnisations adéquates dans les cas d’expulsion forcée (art. 11).

Le Comité recommande à l’État partie de mettre en œuvre une stratégie nationale assortie d’ objectifs mesurables et de délais, qui vise à réduire le nombre de personnes sans abri . Il recommande également à l ’ État partie :

a) De faire en sorte que, lorsqu’elles sont considérées comme justifiées, l’expulsion ou la réinstallation se fassent dans le strict respect des dispositions pertinentes de la législation internationale relative aux droits de l’homme ;

b) D’investir davantage de ressources dans l’amélioration des infrastructures de base et de veiller à ce que chacun ait l’accès à l’eau potable et à des installations sanitaires , à l’électricité, au gaz, au chauffage, à un système d’égouts et à des services d ’évacuation des ordures ménagères .

À cet égard , le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur ses o bservations générales n o 4 (1991) concernant le droit à un logement suffisant et n o 7 (1997) concernant le droit à un logement suffisant (art. 11, par. 1, du Pacte ) : expulsions forcées .

Pauvreté

20.Le Comité note avec préoccupation que la pauvreté est largement répandue dans l’État partie et qu’elle s’aggrave, touchant près de 40 % de la population, dont un nombre croissant de femmes et d’enfants. Il s’inquiète également de ce que des familles placent leurs enfants, notamment beaucoup d’enfants handicapés, dans des institutions de protection de l’enfance et des internats à cause de difficultés économiques, et que les conditions de vie dans ces institutions sont mauvaises, en particulier pour ce qui est de l’alimentation et de l’accès à des soins de santé suffisants (art. 10 et 11).

Le Comité recommande à l’État partie de mettre en œuvre une stratégie de réduction de la pauvreté qui intègre les droits économiques, sociaux et culturels, conformément à la Déclaration sur la pauv reté adoptée par le Comité le 4  mai 2001 ( voir E/2002/22 ‑ E/C.12/2001/17, annex e VII), en accordant une attention particulière aux groupes défavorisés et marginalisés et aux femmes , ainsi qu’aux régions qui sont particulièrement touchées par la pauvreté . Il lui recommande en outre de verser des allocations familiales suffisantes aux familles qui vivent dans la pauvreté et de veiller à ce que les familles ne placent pas leurs enfants en institution par manque de ressources économiques.

Malnutrition et droit à l’alimentation

21.Le Comité est préoccupé par l’ampleur de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition, qui entraînent notamment des taux élevés d’anémie et d’autres maladies liées à la malnutrition. Il note aussi avec inquiétude que, malgré l’augmentation des prix des denrées alimentaires, les allocations alimentaires versées aux personnes et aux familles touchées par la pauvreté et l’insécurité alimentaire ne sont pas suffisantes (art. 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie de remédier rapidement à l’insécurité alimentaire et à la malnutrition chronique s et notamment de répondre aux besoins nutritionnels essentiels des enfants et des femmes enceintes . Il lui recommande également de mettre en place un système public de distribution de nourriture pour les personnes et les groupes défavorisés et marginalisés et pour les habitants des régions reculées, de renforcer considérablement les programmes d ’ alimentation scolaire en leur allouant davantage de fonds et de s ’ attaquer de manière efficace aux problèmes structurels liés à l ’ insécurité alimentaire . À ce propos, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son o bservation générale n o 12 (1999) concernant le droit à une nourriture suffisante et sur les Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale , adoptées en 2004 par le Conseil de l ’ Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture .

Accès aux soins de santé

22.Le Comité est inquiet de noter que l’accès aux soins de santé est souvent limité, que les établissements de soins de santé sont de mauvaise qualité et manquent d’équipements et que les effectifs et la formation du personnel sont insuffisants. Il note également avec préoccupation :

a)Que la discrimination dans l’accès aux soins de santé persiste à l’égard des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées, des femmes qui se prostituent, des personnes handicapées et des personnes qui vivent avec le VIH/sida ;

b)Que si l’avortement est légal, il n’est pas pris en charge par l’assurance maladie publique, ce qui conduit de nombreuses femmes à recourir à des avortements non médicalisés ;

c)Que la législation relative aux droits des patients concernant notamment la déontologie et les réparations en cas d’erreur médicale n’est pas pleinement appliquée (art. 12).

Le Comité recommande à l’État partie d ’ accroître les ressources humaines, techniques et financières allouées au secteur de la santé et :

a) De surveiller les cas de discrimination dans l’accès aux services de santé et de veiller à ce que les professionnels de la santé qui empêchent une personne d’accéder à ces services soient dûment sanctionnés ;

b) De permettre à tous, y compris aux adolescents, d’accéder en toute confidentialité à la contraception et à l’avortement médicalisé , et de veiller à ce que ces services soient entièrement pris en charge par l ’ assurance maladie ;

c) De diffuser des informations sur les droits des patients et de garantir la disponibilité de mécanismes d’application adéquats, en insistant particulièrement sur l’accès à une indemnisa tion appropriée en cas d’erreur médicale .

Politique de lutte contre les drogues et droit à la santé

23.Le Comité se félicite de ce que l’État partie offre des thérapies de substitution, mais note avec inquiétude que les toxicomanes et les prestataires de services de réduction des risques sont fréquemment victimes de harcèlement de la part des agents des forces de l’ordre, et que des personnes bénéficiant de programmes d’administration de méthadone ont été victimes de détention arbitraire. Il note également avec préoccupation que les toxicomanes font souvent l’objet de discrimination dans l’accès aux services de santé, qui prend notamment la forme de demandes de « paiements officieux ».

Le Comité recommande à l’État partie de contrôler et de réprimer de manière appropriée la discrimination à l ’ égard des toxicomanes dans l ’ accès aux services de santé . Il lui recommande aussi d’assurer le plein accès à des thérapies de substitution gratuites et adéquates qui respectent la dignité des patients . Il lui recommande en outre de veiller à ce que les toxicomanes et les p restataires de services de réduction des risques ne soient pas soumis par les autorités à des actes de harcèlement ou à la détention arbitraire .

Mortalité maternelle

24.Le Comité s’inquiète du taux très élevé de la mortalité maternelle, qui continue d’augmenter, et note avec préoccupation que les personnels médicaux formés et les services d’obstétrique sont insuffisants ou font défaut (art. 12).

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts et de s’attaquer à titre prioritaire au problème de la mortalité maternelle, en particulier en renforçant considérablement l’accès aux services de santé maternelle, notamment dans les zones reculées et rurales, et en mettant en place des services de proximité pour ce qui est de la santé maternelle et d e l ’ aiguillage d es urgences obstétricales . Il recommande également à l’État partie de s’attaquer rapidement aux causes sous-jacentes de la mortalité maternelle, qui peuvent être liées à la condition soc iale inférieure des femmes, à leur pauvreté, à leur manque d’indépendance ou à l’éloignement de leur domicile . À ce propos, le Comité recommande à l’État partie de prendre en considération le Guide technique du Haut-Commissariat aux droits de l’homme concernant l’application d’une approche fondée sur les droits de l’homme à la mise en œuvre des politiques et des programmes visant à réduire la mortalité et la morbidité maternelles évitables (A/HRC/21/22 ) .

Pollution et contamination des sols

25.Le Comité est préoccupé par les effets néfastes des niveaux élevés de pollution sur la santé et l’environnement dans l’État partie, et par :

a)La contamination des sols due aux déchets d’uranium, aux déversements de déchets toxiques et aux sites d’enfouissement de pesticides appartenant au groupe des polluants organiques persistants ;

b)La poursuite de l’importation de pesticides obsolètes, interdits ou de mauvaise qualité ;

c)L’emplacement de la zone résidentielle Ala-Too, à proximité d’un site d’enfouissement de bétail mort de la maladie du charbon ;

d)Les activités minières, notamment l’exploitation de la dernière mine de mercure connue dans le monde, à Khaidarkan.

Le Comité s’inquiète également de ce que la population est particulièrement peu informée de la présence de substances radioactives et toxiques et des risques qu’elles présentent pour la santé et l’environnement (art. 11 et 12).

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De déplacer les déchets d’uranium , les pesticides appartenant au groupe des p olluants organiques persistants et les déchets radioactifs et dangereux ;

b) De fermer la mine de Khaidarkan et de prendre des mesures pour permettre le développement d’autres activités économiques dans la région ;

c) De veiller à ce que les zones résidentielles ne se situent pas sur des sols contaminés ou à proximité de ces sols ;

d) De réduire la pollution industrielle et de faire respecter l’interdiction qui frapp e certains pesticides ;

e) De mettre en place des cadres normatifs relatifs à la sécurité radiologique et nucléaire et à la gestion de la poll ution et des produits chimiques qui soient conformes aux normes internationales ;

f) D e mener des campagnes de sensibilisation sur la présence de substances radioactives et toxiques et sur les risques qui y sont liés, ainsi que sur les mesures de sûreté visant à réduire les risques .

Accès à l’éducation

26.Le Comité note avec préoccupation qu’un grand nombre d’enfants, dont beaucoup d’enfants handicapés, n’ont jamais été scolarisés ou ont abandonné l’école. Il s’inquiète aussi des coûts cachés de l’enseignement et du fait que beaucoup d’écoles imposent le paiement de frais administratifs, faute d’un appui suffisant de l’État (art. 13 et 14).

Le Comité appelle l ’ attention sur son observation générale n o 13 (1999) concernant le droit à l ’ éducation et recommande à l’État partie d’augmenter les crédits budgétaires alloués à l’éducation pour garantir le libre accès de tous, y compris des enfants handicapés, à une éducation de qualité, et de fournir aux familles qui vivent dans la pauvreté un appui suffisant pour couvrir les coûts cachés de l’enseignement .

Droits culturels

27.Le Comité est préoccupé par l’utilisation limitée et le recul des langues minoritaires, en particulier de la langue ouzbèke, dans l’enseignement, les médias et la vie culturelle (art. 15).

Le Comité recommande à l’État partie d’allouer des ressources budgétaires spécifiques à la promotion de la diversité culturelle des minorités ethniques, d’autoriser un enseignement dans la langue maternelle et l’existence d’une presse dans la langue des minorités, et de permettre à tous les groupes de pratiquer et de développer leur culture, leur langue, leur traditions et leurs coutumes .

D.Autres recommandations

28. Le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels .

29. Le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier dès que possible le Convention relative aux droits des personnes handicapées .

30. Le Comité encourage l’État partie à adresser une invitation permanente aux rapporteurs spéciaux titulaires de mandats dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels .

31. Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales dans tous les secteurs de la société, en particu lier auprès des fonctionnaires, des membres du Parlement, des autorités judiciaires et des organisations de la société civile, et de l’informer dans son prochain rapport périodique de toutes les mesures qu’il aura prises pour donner suite à c es observations . Il encourage aussi l’État partie à associer les organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile au processus de discussion qui sera mené au niveau national avant la soumission de son prochain rapport périodique et aux consultations sur les mesures à prendre pour donner suite aux présentes observations finales .

32. Le Comité encourage l’État partie à engager une coopération constructive avec les organisations de la société civile afin de donner effet aux présentes observations finales au niveau national , ainsi que dans le cadre de l’élaboration et de la soumission de son prochain rapport périodique .

33. Le Comité demande à l’État partie de soumettre son quatrième rapport périodique d’ici au 30  juin 2020 et l’invite à mettre à jour son document de base commun conformément aux directives harmonisées concernant l’établissement des rapports en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ( voir  HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I). Le Comité invite aussi l’État partie à prendre des mesures pour mettre à jour ses données sur toutes les questions visées par le Pacte .