Nations Unies

E/C.12/61/D/21/2017

Conseil économique et social

Distr. générale

1er février 2018

Français

Original : anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Décision adoptée par le Comité en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, concernant la communication no21/2017 * , **

Communication p résentée par :

Joaquim Pinheiro Martins Coelho

Au nom de :

L’auteur

État partie :

Portugal

Date de la communication :

22 juin 2015

Date de l’adoption de la décision :

6 juin 2017

Objet :

Égalité de chances d’être promu à un poste d’un rang plus élevé

Question(s) de procédure :

Compétence ratione temporis du Comité ; communication manifestement infondée

Question(s) de fond :

Droit de jouir de conditions de travail justes et favorables

Article(s) du Pacte :

Article 7 c)

Article (s) du Protocole facultatif :

Article 3 (par. 2 b) et e))

1.1L’auteur de la communication est Joaquim Pinheiro Martins Coelho, de nationalité portugaise et majeur. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient de l’article 7 c) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. L’auteur est avocat.

1.2Le 20 février 2017, le Groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité, a décidé qu’il n’était pas nécessaire d’obtenir les observations de l’État partie pour déterminer si la présente communication était recevable. En conséquence, conformément au paragraphe 1 de l’article 6 du Protocole facultatif, la présente communication n’a pas été transmise à l’État partie.

A.Résumé des renseignements fournis et des arguments avancés par l’auteur

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur a travaillé en tant que conseiller d’orientation technique supérieur à l’Institut de sécurité sociale, organisme public, pendant plusieurs années. Il dit avoir souhaité obtenir une promotion depuis 2003.

2.2Conformément au paragraphe 1 de l’article 4 du décret-loi no 404-A/98/18/12, toute personne souhaitant obtenir une promotion doit avoir obtenu l’appréciation « très bien » à son évaluation du comportement professionnel pendant trois années consécutives. Cependant, cette disposition a été modifiée par l’article 15.4 de la loi no 10/2004/22/03, qui ramène la condition de l’obtention de la mention « très bien » à deux années consécutives (sous réserve que les autres critères soient remplis). L’auteur indique qu’il a reçu la mention « très bien » en 2003. Il ajoute qu’il aurait dû obtenir la même note en 2004 mais que le Président du Conseil d’administration de l’Institut n’a pas approuvé son évaluation de 2004, malgré les trois demandes qu’il a présentées à cet effet en 2005. Il attribue cela à un « acte de vengeance » du Président et affirme que, n’ayant pas reçu à temps son évaluation de 2004, il n’a pas pu demander une promotion au poste de conseiller principal en 2005 et en 2006.

2.3L’auteur signale que comme il a appris qu’il était obligé de partir à la retraite obligatoire le 17 janvier 2007, il a déposé une demande de départ volontaire le 29 décembre 2005. Son rapport d’évaluation de 2005 aurait dû lui être remis le 15 mars 2006. Or il ne l’a reçu qu’en juin 2006. L’auteur indique qu’il a alors pris connaissance d’une nouvelle disposition législative au titre de laquelle les employés qui n’avaient pas reçu d’évaluation en 2004 en raison de problèmes administratifs devaient obtenir pour cette année-là la même évaluation que pour 2005.

2.4Après la suspension, à sa demande, de la procédure de départ volontaire à la retraite, l’auteur a déposé sa candidature à trois postes de rang supérieur. Deux des procédures n’étaient toujours pas terminées à la date du départ obligatoire à la retraite de l’auteur et les résultats de la troisième n’ont été publiés qu’après, le 1er mars 2007.

2.5Le 11 décembre 2007, l’auteur a intenté une action en responsabilité civile contre le Président du Conseil d’administration de l’Institut devant le tribunal administratif de Lisbonne (Tribunal Administrativo de Circulo de Lisboa). Dans le cadre d’une « action administrative ordinaire spéciale en responsabilité civile extracontractuelle pour fait illicite », il a demandé, entre autres, une indemnisation à vie d’un montant mensuel de 1 256 euros, avec effet rétroactif au 15 mars 2005.

2.6Le 15 mai 2008, le tribunal a débouté l’auteur. Il a noté que l’action intentée par l’auteur reposait sur le fait que celui-ci n’avait pas reçu de rapport d’évaluation et que cela l’avait empêché de poser sa candidature à des postes de rang supérieur à l’Institut. Il a toutefois observé qu’il y avait des moyens juridiques permettant de contester cette omission. En outre, l’auteur n’avait pas rempli la condition d’obtenir une bonne évaluation du comportement professionnel pendant trois années consécutives et n’avait pas été en mesure de prouver que sa candidature à un poste n’avait pas abouti en sa faveur en raison de l’absence d’un rapport d’évaluation. Le tribunal a donc conclu qu’il n’avait pas été démontré que le Président du Conseil d’administration de l’Institut avait agi de manière illicite et que l’auteur avait subi un préjudice.

2.7Le 6 octobre 2008, l’auteur a introduit un recours devant le tribunal central administratif du Sud (Tributário Central Administrativo Sul), qui l’a rejeté le 11 janvier 2013. Dans son recours, l’auteur affirmait qu’il n’avait pas reçu à temps son rapport d’évaluation de 2004 et que ce retard l’avait empêché de demander une promotion en 2005 − pour autant qu’il ait obtenu l’appréciation « très bien » − et constituait un acte illicite et délibéré de la part de l’administration. Cependant, le tribunal a fait remarquer que l’auteur avait lui-même demandé son départ à la retraite le 19 décembre 2005 et qu’il n’aurait donc pas pu poser sa candidature à un poste de rang supérieur même s’il avait disposé de tous les rapports d’évaluation requis, y compris celui de 2004. En outre, l’auteur n’avait pas apporté la preuve que le Président du Conseil d’administration de l’Institut avait outrepassé ses prérogatives ou agi intentionnellement. Le tribunal a donc conclu qu’il n’y avait aucun lien de cause à effet entre l’acte volontaire ou illicite et le préjudice dont l’auteur disait avoir souffert.

2.8Le 24 janvier 2013, l’auteur a demandé au tribunal central administratif du Sud de reconsidérer sa décision. Il a fait valoir qu’il avait présenté des éléments attestant de la suspension de son départ à la retraite en juin 2006 et a déclaré qu’au moment où il avait demandé son départ à la retraite, il n’avait pas encore reçu son rapport d’évaluation de 2005. Il a ajouté qu’en raison du retard dans l’obtention de ce rapport, il n’avait pas pu demander de promotion avant juin 2006. L’auteur a également déclaré que le Président du Conseil d’administration de l’Institut avait fait preuve de mauvaise foi en n’établissant pas à temps son rapport d’évaluation, dans la mesure où il savait que l’auteur aurait bientôt 70 ans et que la procédure de sélection durait généralement dix mois. Le 12 avril 2013, le tribunal a rejeté la requête de l’auteur.

2.9Le 27 septembre 2013, l’auteur a déposé une demande d’examen spécial devant le Tribunal administratif suprême (Supremo Tribunal Administrativo). Le 18 février 2014, le Tribunal a déclaré cette demande irrecevable, indiquant qu’un examen spécial était effectué à titre exceptionnel et que la demande de l’auteur ne portait pas sur des questions fondamentales ou sociales pertinentes et ne faisait pas apparaître un besoin manifeste de réexaminer l’application de la loi.

2.10Le 10 avril 2014, l’auteur a déposé une requête devant le Tribunal constitutionnel. Il a affirmé, entre autres, que la décision du Tribunal administratif suprême portait atteinte à ses droits constitutionnels car le Tribunal avait interprété l’article 150 du Code de procédure administrative d’une manière qui limitait l’accès à un procès équitable, empêchant ainsi les personnes de défendre leurs droits. De ce fait, les droits qu’il tenait de l’article 7 c) du Pacte avaient été violés. Le 27 juin 2014, le Tribunal constitutionnel a estimé que la requête de l’auteur était irrecevable dans la mesure où elle ne soulevait pas une question de constitutionnalité. L’auteur affirme avoir épuisé tous les recours internes disponibles.

2.11L’auteur fait valoir que, si les faits de sa cause se sont produits avant le 5 mai 2013, date de l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie, ses droits continuent d’être bafoués et les décisions du Tribunal administratif suprême et du Tribunal constitutionnel ont été prononcées après cette date.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient de l’article 7 c) du Pacte. En ne lui fournissant pas à temps son rapport d’évaluation de 2004 avec une note positive, la direction de l’Institut l’a empêché de demander une promotion. Bien qu’ils aient reconnu le manquement de la part de l’Institut, les tribunaux de l’État partie ont arbitrairement rejeté ses requêtes et n’ont pas réparé la violation des droits qui lui sont garantis par le Pacte.

3.2L’auteur demande, en guise de réparation du préjudice matériel subi et des frais déboursés dans le cadre des procédures judiciaires, que l’État partie lui verse une indemnisation d’un montant de 377 244 euros, plus 12 % d’intérêts. Il demande également que l’État partie lui accorde une pension à vie de 1 236 euros par mois, avec effet au 15 mars 2005, majorée de 12 % d’intérêts.

B.Examen de la recevabilité

4.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 9 de son règlement intérieur provisoire relatif au Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

4.2Aux termes du paragraphe 2 b) de l’article 3 du Protocole facultatif, le Comité déclare irrecevable toute communication qui porte sur des faits antérieurs à la date d’entrée en vigueur du Protocole facultatif à l’égard de l’État partie intéressé, à moins que ces faits ne persistent après cette date. En l’espèce, le Comité observe que les faits à l’origine des violations dont l’auteur dit être victime sont antérieurs au 5 mai 2013, date de l’entrée en vigueur du Protocole pour l’État partie. Toutefois, les décisions par lesquelles le Tribunal administratif suprême et le Tribunal constitutionnel ont rejeté les requêtes de l’auteur ont été prononcées le 18 février 2014 et le 27 juin 2014, respectivement. Ces requêtes offraient au Tribunal administratif suprême et au Tribunal constitutionnel la possibilité de procéder à un examen au fond des allégations de violation des droits garantis par le Pacte formulées par l’auteur. En conséquence, le Comité considère qu’il est compétent ratione temporis pour examiner la présente communication.

4.3Le Comité prend note des allégations de l’auteur selon lesquelles en ne lui fournissant pas à temps son rapport d’évaluation de 2004 − avec une note positive −, la direction de l’Institut l’a empêché de demander une promotion, violant ainsi les droits qu’il tient de l’article 7 c) du Pacte. Le Comité a examiné consciencieusement les allégations de l’auteur et les renseignements contenus dans la communication, y compris les documents joints pour étayer ses demandes. Il observe que ces allégations reposent sur l’argument selon lequel le fait que l’Institut n’a pas fourni à l’auteur son rapport d’évaluation de 2004 constitue en soi une violation du Pacte. Il constate toutefois que l’auteur n’a pas mentionné expressément les procédures de recrutement auxquelles il n’avait pas pu participer ou dans le cadre desquelles sa candidature n’avait pas été retenue en raison de la non-obtention de son rapport d’évaluation de 2004, tant dans la communication présentée au Comité que dans les requêtes qu’il avait adressées aux autorités nationales. En outre, après avoir suspendu sa demande de départ à la retraite, l’auteur a participé à trois procédures de recrutement à des postes de rang supérieur, lesquelles n’avaient pas été achevées à la date de son départ obligatoire à la retraite. Par conséquent, le Comité considère que la communication est irrecevable du fait que les allégations formulées ne sont pas suffisamment étayées. Au mieux, les faits invoqués dans la communication devraient permettre au Comité d’apprécier s’ils révèlent ou non une violation du Pacte.

C.Conclusion

5.Par conséquent, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au titre du paragraphe 2e)de l’article 3 du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’auteur et, pour information, à l’État partie.