Nations Unies

E/C.12/BEL/CO/4

Conseil économique et social

Distr. générale

23 décembre 2013

Français

Original: français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le quatrième rapportpériodique de la Belgique *

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le quatrième rapport périodique de la Belgique sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/BEL/4) à ses 35eà 36e séances (E/C.12/2013/SR.35-36), le 7 novembre 2013, et adopté, à sa 68e séance, le 29 novembre 2013, les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité note avec satisfaction la présentation du quatrième rapport périodique de la Belgique qui est conforme aux directives du Comité, de même que les réponses écrites de l’État partie (E/C.12/BEL/Q/4/Add.1) à la liste des points à traiter.

Le Comité se félicite du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie qui comprenait des représentants de différents départements ministériels et des différentes entités fédérées. Le Comité apprécie également les réponses fournies par la délégation de l’État partie aux questions posées lors du dialogue.

B.Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme suivants:

La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le 2 juin 2011;

La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, le 2 juillet 2009.

Le Comité note avec satisfaction l’adoption de lois renforçant la protection des droits économiques, sociaux et culturels, notamment:

L’arrêté royal du 6 décembre 2012 modifiant l’arrêté royal du 6 octobre 2005 et visant à promouvoir et à accroître le recrutement et l’engagement des personnes handicapées;

La loi du 28 juillet 2011 visant à garantir la présence des femmes dans les conseils d’administration des entreprises publiques;

Le décret du 15 mars 2012 élargissant les conditions de nationalité pour l’accès aux emplois de la Fonction publique de la Région wallonne, modifié par le décret du 10 juillet 2013;

La loi du 22 avril 2012 visant à lutter contre l’écart salarial entre hommes et femmes, modifiée par la loi du 12 juillet 2013;

La loi du 30 décembre 2009 portant diverses dispositions afin d’ajouter la conviction syndicale à la liste des critères protégés.

Le Comité prend acte des mesures prises par l’État partie contribuant à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier:

L’adoption en 2011 du Plan global Égalité;

Le projet «Top Skills» qui vise à motiver les femmes à participer aux positions managériales;

L’adoption en 2012, du Plan national de lutte contre la traite des êtres humains;

L’adoption en 2010 du Plan d’action national de lutte contre la violence entre partenaires et d’autres formes de violences intrafamiliales 2010-2014;

L’adoption en 2012 du deuxième Plan fédéral de lutte contre la pauvreté.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité déplore que le Pacte et ses dispositions n’aient pas toutes un effet direct dans le droit belge et ne soient que peu invoqués, sinon à titre accessoire ou secondaire, devant les cours et tribunaux de l’État partie. Le Comité regrette également la position de l’État partie, selon laquelle toutes les dispositions consacrées par le Pacte «ne déclarent pas directement des droits subjectifs dans le chef des individus» (E/C.12/BEL/4, par. 10), créant ainsi des difficultés d’appréciation quant à leur effet direct dans le droit belge (art. 2, par. 1).

Le Comité r éitère sa précédente recommandation visant à ce que l’État partie pren ne les mesures appropriées pour garantir l’application directe des dispositions du Pacte dans l’ordre juridique interne (E/C.12/BEL/CO/3, par. 24 et 25). Le Comité recommande également à l’État partie de prendre les mesures nécessaires en vue de faire connaître le Pacte aux avocats, juges et magistrats afin de faciliter, le cas échéant, son invocation ou son application par les cours et tribunaux de l’État partie. Il appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale nº 9 (1998) relative à l’application du Pacte au niveau national.

Le Comité est préoccupé par le retard pris par l’État partie dans la mise en place d’une institution nationale des droits de l’homme (art. 2).

Le Comité recommande à l’État partie d ’accélérer le processus en cours visant à mettre en place une institution nationale des droits de l’homme en pleine conformité avec les Principes de Paris adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 48/134 du 20 décembre 1993.

Le Comité, tout en appréciant les efforts entrepris par l’État partie, regrette que l’objectif visant à augmenter l’aide publique au développement au taux de 0,7 % de son produit national brut n’ait pas été atteint par l’État partie et que cette aide ait plutôt diminué au cours des dernières années (art. 2).

Le Comité recommande à l’État partie d’accroître ses efforts afin de réaliser l’objectif international de 0,7 % du produit national brut pour l’aide publique au développement.

Le Comité observe avec préoccupation qu’en dépit des initiatives législatives prises par l’État partie, certaines personnes handicapées et d’origine étrangère continuent d’être victimes de discrimination dans la jouissance de certains droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité regrette également que le Centre pour l’égalité des chances ne soit pas compétent pour introduire des actions en justice sur la base des dispositions légales régionales ou communautaires (art. 2).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les personnes handicapées et les personnes d’origine étrangère puissent jouir pleinement de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité encourage l’État partie à adopter un cadre juridique exhaustif contre la discrimination au niveau national qui permette de couvrir tous les domaines susceptibles de discrimination, conformément à l’article 2 du Pacte, et à renforcer les compétences du Centre pour l’égalité des chances de sorte qu’il puisse introduire des actions en justice sur la base des législations régionales et communautaires. Le Comité recommande également à l’État partie de poursuivre et de renforcer les campagnes de sensibilisation contre la discrimination auprès de la population et dans différents secteurs de la vie sociale, ainsi que les campagnes de promotion des mesures prises en faveur des personnes handicapées tant au plan fédéral que régional et communautaire.

Le Comité est préoccupé par le fait que l’écart salarial entre hommes et femmes subsiste dans l’État partie (art. 3).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts en vue de réduire l’écart salarial entre hommes et femmes, notamment en veillant à l’application effective de la loi du 22 avril 2012, révisée par la loi du 12 juillet 2013, portant modification de la législation relative à la lutte contre l’écart salarial entre hommes et femmes. Le Comité recommande également à l’État partie de sensibiliser largement les partenaires sociaux et les justiciables à cette loi et de poursuivre la promotion de ses politiques visant à l’égalité hommes/femmes dans le milieu du travail, en particulier la politique de classifications de fonctions neutres sur le plan du genre, et de veiller à leur application.

Le Comité note avec préoccupation que le chômage des jeunes de 15 à 24 ans reste très élevé, en particulier en Région wallonne (soit 25 % en 2011) et à Bruxelles-Capitale (45 % en 2011), ainsi que celui de certaines catégories, telles que les personnes entre 55 à 64 ans, les femmes et les personnes handicapées. Le Comité est aussi préoccupé par les disparités dans le taux d’emploi entre régions. Le Comité est enfin préoccupé par le fait que, malgré les mesures prises, le taux de chômage des migrants ressortissants de pays hors de l’Union européenne demeure particulièrement élevé (soit 30 % en 2012) (art. 6).

Le Comité recommande à l’État partie de : a) renforcer et poursuivre l es mesures visant à lutter efficacement contre le chômage des jeunes, notamment les moins qualifiés, en particulier dans les régions de Wallonie et de Bruxelles-Capitale, ainsi que le chômage des personnes de 55 à 64 ans, des femmes et des personnes handicapées; b) renforcer l’impact de ses plans et politiques spécifiques visant à réduire le taux de chômage des migrants ressortissants de pays hors de l’Union européenne. Le Comité demande à l’État partie de lui fournir dans son prochain rapport des informations statistiques détaillées sur l’impact des mesures prises sur la réduction du chômage et de procéder à leur évaluation régulière. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 18 (2005) sur le droit au travail.

Le Comité est préoccupé que le droit de grève ne soit pas garanti de manière explicite dans la loi. Il est également préoccupé que les procédures et les conditions d’exercice du droit de grève ainsi que les nombreux recours judiciaires par les employeurs puissent être de nature à l’entraver (art. 8).

Le Comité recommande à l’État partie de garantir en droit et en pratique l’exercice du droit de grève en pleine conformité avec le Pacte.

Le Comité demande à l’État partie de lui fournir dans son prochain rapport des informations complètes sur l’impact du nouveau système mis en place depuis 2012 et relatif à la dégressivité des indemnités de chômage sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels des chômeurs(art. 9).

Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles, dans certains cas, des employeurs ne remplissent pas les obligations de protection de la maternité en usant d’autres motifs pour licencier les femmes concernées (art. 10).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à l’application effective de la législation afin de protéger les femmes en congés de maternité contre tout licenciement abusif qui y trouverait son motif . Il engage également l’État partie à diffuser largement sa législation auprès des employeurs et à mener des inspections afin de lutter contre d’éventuels abus.

Tout en notant un renforcement en 2012 de la législation visant à lutter contre la violence domestique, le Comité exprime son inquiétude face à sa persistance, en particulier, la violence à l’égard des femmes. Il est particulièrement préoccupé que des femmes et des filles handicapées soient victimes de violence domestique et s’interroge sur l’adéquation des moyens mis à disposition par l’État partie pour les protéger et leur prêter assistance. Le Comité reste préoccupé que l’État partie n’ait pas adopté de législation spécifique sur la violence domestique (art. 10).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une législation spécifique sur la violence domestique, en particulier de la violence à l’égard des femmes. Le Comité appelle particulièrement l’attention de l’État partie sur la violence domestique subie par les femmes et les filles handicapées et recommande à l’État partie de veiller à leur assurer une protection et une assistance adéquates; de faciliter le dépôt de plaintes par les victimes. En ce sens, le Comité recommande à l’État partie de tenir compte de la situation de handicap de certaines victimes. Le Comité recommande enfin à l’État partie de poursuivre la mise en œuvre de son Plan d’action national 2010-2014 et de redoubler ses campagnes de sensibilisation contre la violence domestique.

Le Comité est préoccupé de la persistance de la pratique des châtiments corporels notamment en milieu familial. Il regrette la position de l’État partie de ne pas adopter de législation spécifique interdisant explicitement les châtiments corporels en tous lieux. Le Comité s’alarme également de la maltraitance infantile et du phénomène persistant d’enfants de rue (art. 10).

Le Comité recommande à l’État partie de revoir sa position et d’envisager d’adopter une législation spécifique prohibant de manière explicite les châtiments corporels en tous lieux. Le Comité recommande également à l’État partie de prendre des mesures supplémentaires afin de lutter contre la maltraitance infantile, y compris en termes de protection et d’assistance. Le Comité encourage l’État partie à intensifier ses campagnes de sensibilisation auprès de la population contre la maltraitance infantile.

Le Comité s’inquiète des situations de pauvreté dans l’État partie qui touchent les populations les plus défavorisées et les plus marginalisées, notamment les enfants et les personnes d’origine étrangère. Le Comité regrette l’absence d’informations sur l’impact sur la réduction de la pauvreté qu’ont eu les mesures prises en matière de lutte contre la pauvreté et d’intégration sociale, notamment le premier Plan fédéral de lutte contre la pauvreté et le plan d’action national en matière d’inclusion sociale et de lutte contre la pauvreté 2008-2010 (art. 11).

Le Comité engage l’État partie à renforcer les mesures prises en vue de combattre la pauvreté qui touche les personnes les plus défavorisées et marginalisées, y compris les enfants et les personnes d’origine étrangère. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre l’application de son deuxième Plan fédéral de lutte contre la pauvreté et de renforcer les autres mesures prises tant au plan fédéral que régional en s’assurant de leur impact concret sur la réduction de la pauvreté. Le Comité recommande enfin que les catégories les plus défavorisées et marginalisées continuent de faire l’objet de mesures plus spécifiques contre la pauvreté. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur l a déclaration intitulée «L a pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels » , adoptée par le Comité le 4 mai 2001 (E/2002/2 2 –E/C.12/2001/17, annexe VII).

Le Comité est préoccupé par les difficultés d’accès au logement que rencontrent les personnes à revenus faibles, les populations marginalisées et défavorisées, et les personnes d’origine étrangère. Le Comité regrette également l’insuffisance du parc de logements sociaux et la difficulté d’y accéder pour ceux qui en ont besoin (art. 11).

Le Comité recommande à l’État partie d e renforcer les mesures existantes visant à favoriser l’accès à un logement adéquat et ce sans discrimination pour les personnes à revenus faibles, les populations marginalisées et défavorisées, et les personnes d’origine étrangère. Le Comité recommande également à l’État partie de poursuivre la politique de construction de logements sociaux, entamée dans les différentes régions, et d’y favoriser l’accès de ces catégories. Il engage l’État partie à envisager l’adoption d’une stratégie nationale d’accès au logement. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 4 ( 1991 ) sur le droit à un logement suffisant.

Le Comité est préoccupé par le nombre important de sans-abris et l’insuffisance des mesures prises pour y remédier. Il est également préoccupé par l’absence d’informations sur la protection des personnes contre les évictions forcées (art. 11).

Le Comité recommande à l’État partie de lutter fermement contre le phénomène de sans-abris en s’attaquant à ses causes. Le Comité recommande également à l’État partie d’adopter une législation visant à protéger les personnes contre les évictions forcées en conformité avec les normes internationales, notamment en ce qui concerne l’obligation de s’assurer qu’aucune personne ne se retrouve sans toit ou puisse être victime d’une violation d’autres droits de l’homme suite à une expulsion. Le Comité renvoie l’État partie à son observation générale n o 7 (1997) sur le droit à un logement: expulsions forcées.

Le Comité est préoccupé par les informations à sa disposition faisant état des difficultés rencontrées par des petits agriculteurs en Belgique, particulièrement les jeunes agriculteurs, qui sont susceptibles d’entraver la jouissance de leurs droits économiques, sociaux et culturels (art. 11).

Le Comité recommande à l’État partie de protéger la petite agriculture en Belgique et de mettre en œuvre les plans visant à sa préservation. Le Comité recommande également à l’État partie de tenir compte des Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale adoptées par le Conseil de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en novembre 2004 («Directives volontaires sur le droit à l’alimentation») et les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, adoptées en mai 2012 par le Comité de la sécurité alimentaire de la FAO, qui préconisent l’adoption de mesures spécifiques de soutien aux petits agriculteurs .

Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la politique de l’État partie visant à promouvoir les agrocarburants, en particulier sa nouvelle loi du 17 juillet 2013 relative aux agrocarburants, est de nature à encourager la culture extensive de ces produits dans des pays tiers où opèrent les entreprises belges et pourrait entraîner des conséquences négatives pour les agriculteurs locaux (art. 11).

Le Comité encourage l’ État partie à conduire de manière systématique des études d’impact sur les droits de l’homme afin de s’assurer que les projets visant à promouvoir les agrocarburants n’aient pas d’impact négatif sur les droits économiques, sociaux et culturels des communautés locales dans les pays tiers où des entreprises belges travaillant dans ce domaine exercent leurs activités.

Le Comité observe avec préoccupation qu’un grand nombre d’enfants handicapés dans l’État partie est encore scolarisé dans les écoles spéciales et n’est pas inclus dans le système scolaire ordinaire (art. 13 et 14).

Le Comité recommande à l’État partie d ’accroître ses efforts afin de fournir une éducation inclusive aux enfants handicapés dans le système scolaire ordinaire, en adaptant les installations existantes et en prenant toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que les enfants handicapés jouissent pleinement de leur droit à l’éducation sur un pied d’égalité avec les autres. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 13 (1999) sur le droit à l’éducation.

Le Comité regrette qu’il ne lui ait pas été fourni de renseignements appropriés sur l’impact des mesures prises tant au plan fédéral que régional sur la jouissance des droits culturels par les différentes minorités vivant sur son territoire (art. 15).

Le Comité prie l’État partie d’intensifier ses efforts afin que les différentes minorités vivant sur son territoire puissent pleinement jouir de leurs droits culturels.

Le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille , ainsi que le Protocole facultatif à la Convention contre la tortue et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, en particulier au sein de la fonction publique, du pouvoir judiciaire et des organisations de la société civile, et de l’informer, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu’il aura prises pour les mettre en œuvre. Il encourage l’État partie à associer les organisations de la société civile au processus de discussion au niveau national avant la présentation de son prochain rapport périodique.

Le Comité demande à l’État partie de présenter son cinquième rapport périodique, conformément aux directives adoptées par le Comité en 2008 (E/C.12/2008/2), d’ici le 30 novembre 2018.