Nations Unies

E/C.12/BEN/CO/3

Conseil économique et social

Distr. générale

27 mars 2020

Original : français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le troisième rapport périodique du Bénin *

1.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Bénin (E/C.12/BEN/3) à ses 12e et 13e séances (voir E/C.12/2020/SR.12 et 13), les 24 et 25 février 2020, et adopté les présentes observations finales à sa 30e séance, le 6 mars 2020.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation par l’État partie de son troisième rapport périodique et des réponses écrites à la liste de points (E/C.12/BEN/RQ/3), bien que certains renseignements demandés par le Comité n’aient pas été fournis. Par ailleurs, le Comité accueille avec satisfaction le dialogue qu’il a eu avec la délégation de l’État partie et les informations fournies lors de celui-ci.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite des mesures adoptées qui contribuent à la réalisation des droits contenus dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, telles que les nombreuses lois, politiques et stratégies citées dans le rapport périodique de l’État partie et mentionnées dans ce document, en particulier l’adoption du Programme d’actions du Gouvernement 2016-2021, dont un des axes stratégiques vise à renforcer les services sociaux de base et de protection sociale.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Application du Pacte au niveau national

4. Le Comité engage l’État partie à procéder, de manière systématique, à un examen de conformité des projets de loi à ses obligations en vertu du Pacte, qui a une autorité supérieure à celle des lois au titre de l’ article 147 de la Constitution. Il encourage également l’État partie à faire connaître davantage le Pacte auprès des juges et des avocats, ainsi qu’auprès de la population. Par ailleurs, le Comité invite l’État partie à informer les membres du Parlement de leur rôle dans la mise en œuvre du Pacte, y compris par l’introduction de recours constitutionnels, et se réfère à cet égard à son observation générale n o  9 (1998) sur l’application du Pacte au niveau national.

Données statistiques

5.Le Comité regrette que des données statistiques à jour relatives à la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, dont certaines sont disponibles auprès de l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique, n’aient pas figuré parmi les informations fournies avant le dialogue avec l’État partie, empêchant une évaluation des retombées des mesures récentes prises par celui-ci (art. 2, par. 1).

6. Le Comité recommande à l’État partie de collecter et de faire figurer dans son prochain rapport périodique les statistiques comparatives annuelles nécessaires pour évaluer les progrès accomplis, et de veiller à ce que ces données soient ventilées par sexe, âge, région géographique, niveau socioéconomique et tout e autre situation. Par ailleurs, il lui recommande de mesurer l’ effet des politiques et des programmes économiques et sociaux en utilisant des indicateurs de mesure de la disponibilité, de l ’accessibilité, de l ’acceptabilité et de la qualité des biens et services . À cet égard, le Comité attire l’attention de l’État partie sur le document I ndicateurs des droits de l’homme  : guide pour mesurer et mettre en œuvre (HR/PUB/12/5) et sur le cadre conceptuel et méthodologique concernant les indicateurs des droits de l’homme mis au point par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ( voir HRI/MC/2008/3) .

Institution nationale des droits de l’homme

7.Le Comité regrette que la Commission béninoise des droits de l’homme n’ait pas pu disposer d’un budget en 2019 et que certains de ses membres appartiennent à des organes dirigeants de formations politiques, ce qui est contraire aux dispositions de la loi no 2012-36 du 15 février 2013 portant création de la Commission béninoise des droits de l’homme (art. 2, par. 1).

8. Le Comité recommande à l’État partie de garantir l ’ indépendance de la Commission béninoise des droits de l’ homme et celle de ses membres , et de garantir sa capacité à fonctionner, notamment en la dotant des ressources humaines et budgétaires suffisantes .

Défenseurs des droits de l’homme

9.Le Comité note avec préoccupation les récentes modifications législatives apportées par l’État partie, notamment les dispositions relatives à l’attroupement et à la diffusion de fausses informations du Code pénal et de la loi nº 2017-20 du 20 avril 2018 portant code du numérique en République du Bénin, qui peuvent dissuader les défenseurs des droits de l’homme de remplir leur mission et entraver leur liberté d’action (art. 2, par. 1).

10. Le Comité demande à l’État partie de réexaminer les dispositions légales relatives à l’attroupement et à la diffusion de fausses information s afin de permettre aux défenseurs des droits de l’homme de travailler librement et sans crainte . À cet égard, le Comité renvoie l’État partie à sa déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme et les droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/2016/2).

Obligation d’œuvrer au maximum des ressources disponibles

11.Le Comité est préoccupé par le fait que les avantages fiscaux accordés aux investisseurs privent l’État partie d’importantes ressources, alors que l’État partie doit encore garantir le contenu essentiel de certains droits du Pacte, en mobilisant à cet effet des ressources. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles le mécanisme de traitement des dossiers d’agrément aurait conduit à l’octroi, dans certains cas, de concessions excessives (art. 2, par. 1).

12. Le Comité recommande à l’ É tat partie : a) de réexaminer les concessions faites aux investisseurs afin de les attirer dans l e pays, en évaluant le manque à gagner qui en résulte  ; et b) de prendre les mesures correctives qui s’imposent . Le Comité enjoint également à l’État partie de réviser le mécanisme de traitement des dossiers d’agrément , de manière à prévenir les cas d’octroi d’avantages excessifs aux investisseurs. Par ailleurs, le Comité rappelle que l ’ exercice par les entreprises de leur responsabilité sociale ne constitue pas un substitu t à la mise en œuvre par l’État partie des obligations que le Pacte lui impose .

Corruption

13.Tout en notant l’explication de l’État partie sur le rôle de la Brigade économique et financière dans la répression de la corruption et le travail de l’Autorité nationale de lutte contre la corruption, le Comité s’inquiète de l’affaiblissement de cette dernière, dont les ressources financières ont connu une baisse considérable et dont le mandat semble avoir été restreint à la prévention (art. 2, par. 1).

14. L e Comité recommande à l’État partie  :

a) D e renforcer l’Autorité nationale de lutte contre la corruption afin que celle-ci soit beaucoup plus accessible au public pour le dépôt de plaintes , et d’ introdui re des dispositions légales concernant les ressources budgétaires de l’institution et l’obligation de collaboration avec elle ;

b) D e veiller à l’effectivité de l’arsenal législatif contre la corruption, y compris les dispositions relatives à la déclaration et au contrôle du patrimoine , le décret n o 2013-122 du 6 mars 2013 portant c onditions de protection spéciale des dénonciateurs, des témoins, des experts et victimes des actes de corruption, et le décret n o 2015- 0 35 du 29 janvier 2015 portant Code de transparence dans la gestion des finances publiques en République du Bénin .

Non-discrimination

15.Le Comité est préoccupé par l’incidence de la discrimination au quotidien dans la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, et par le nombre de cas d’agression subie par les personnes atteintes d’albinisme. Il s’inquiète également du fait que l’État partie n’en a pas connaissance (art. 2, par. 2).

16. Tout en prenant note des mesures prises en matière de santé, le Comité recommande à l’État partie  : a) de mener des enquêtes complètes et approfondies sur tous les cas signalés d’agression de personnes atteintes d’albinisme, y compris les cas identifiés par les organisations de la société civile ; et b) de mener des campagnes d’éducation de la population sur l’albinisme , afin de lutter contre les préjugés et les croyances qui y sont faussement associés. Le Comité encourage également l’État partie à prendre en compte les recommandations présentées dans le Rapport de l’Expert e indépendant e sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme sur le Plan d’action régional concernant l’albinisme en Afrique ( 2017-2021 ) (A/HRC/37/57/Add.3) .

Égalité des droits des femmes et des hommes

17.Le Comité constate avec préoccupation que, malgré les dispositions législatives établissant le droit égal à la succession et à la propriété foncière sans distinction de sexe, des coutumes privent les femmes du droit d’héritage ou de propriété dans les départements de l’Atlantique et du Zou, ainsi que dans les milieux ruraux. Le Comité est également préoccupé par les dispositions discriminatoires envers les femmes contenues dans le Code des personnes et de la famille, y compris celles relatives au nom après le mariage, au choix du domicile conjugal et au délai de viduité (art. 3).

18. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D e renforcer l ’ information d es femmes sur les dispositions législatives concernant le droit égal à la succession et à la propriété foncière , afin de s ’ assurer qu ’ elles exercent leurs droits ;

b) De s ensibiliser la population sur l’égalité des droits des femmes et des hommes , et de lutter contre les préjugés sociaux conduisant à la discrimination contre les femmes ;

c) D ’amener les élus locaux, les agents de l’administration et les autorités traditionnelles à prendre en compte les droits des femmes dans l’attribution et l’exploitation des terres et, en cas d’expropriation, de procéder à des réparations ;

d) D ’abroger les dispositions discriminatoires envers les femmes contenues dans le Code des personnes et de la famille.

Droit au travail

19.Le Comité note que les conditions d’application de sanctions disciplinaires à un fonctionnaire, dont la révocation, sont prévues dans la loi no 2015-18 du 2 avril 2015 portant statut général de la fonction publique. Il constate avec préoccupation que les amendements apportés par la loi no 2018-35 du 5 octobre 2018 modifiant et complétant la loi no 2015-18 favorisent le contournement des formalités de licenciement et fragilisent le droit au travail, en plafonnant à quelques mois les indemnités de licenciement ou de révocation abusif (art. 6).

20. Rappelant à l’État partie que l’obligation de sauvegarder le droit au travail constitue un élément essentiel de l’article 6 du Pacte , l e Comité recommande à l’ État partie  :

a) De réexaminer les dispositions de la loi n o 2018-35 afin d ’ éviter que celles-ci puissent donner lieu à des licenciement s ou révocations abusif s ;

b) D e veiller à ce que tout licenciement ou révocation ait lieu pour des motifs valables et , dans le cas contraire, donne droit à une réintégration ou à une réparation adéquate.

21.Le Comité est préoccupé par les dispositions régressives introduites par la loi no 2017-05 du 29 août 2017 fixant les conditions et la procédure d’embauche, de placement de la main-d’œuvre et de résiliation du contrat de travail en République du Bénin, qui entraînent une précarisation de l’emploi, notamment :

a)La possibilité d’un renouvellement indéfini du contrat de travail à durée déterminée, en son article 13 ;

b)L’absence de limitation de la durée de la période d’essai, qui peut être renouvelée mais également résiliée à tout moment, sans préavis, ni indemnités, ni réparation, en son article 10 ;

c)Le plafonnement du montant de la réparation en cas de licenciement ou d’inobservation des formalités de licenciement, en ses articles 29 et 30, qui a été, selon la délégation, nécessaire à cause de la prévalence d’accords illicites entre magistrats et employés (art. 6).

22. Le Comité engage l’État partie  :

a) À amender les dispositions des articles 10, 13, 29 et 30 ainsi que toute autre disposition pertinente de la loi n o 2017-05 , afin de protéger les travailleurs contre les licenciements injustifiés et autres abus rendus possibles par cette loi  ;

b) À lutter contre la corruption dans le système judiciaire .

23.Le Comité constate avec préoccupation que le chômage touche de manière disproportionnée les zones rurales, les femmes et les jeunes en milieu urbain, et que le nombre de personnes ayant bénéficié des services de l’Agence nationale pour l’emploi reste très limité. Par ailleurs, il regrette l’absence de renseignements sur les mesures prises, autres que les programmes de microcrédit, et sur leur effet (art. 6).

24. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une politique nationale de l’emploi qui  : a) promeut les investissements dans les secteurs à forte intensité de main - d’œuvre ; b) renforce la capacité de l’ Agence nationale pour l’emploi  ; c) renforce la formation technique et professionnelle dans les secteurs économiques prioritaires ; et d) comprend des mesures positives en faveur des groupes les plus touchés par le chômage. Le Comité encourage également l’État partie à exercer une surveillance continue de l’ effet des mesures prises sur la jouissance du droit au travail. Enfin, il attire l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 18 (2005) sur le droit au travail.

Droit à des conditions de travail justes et favorables

25.Le Comité relève avec préoccupation que le montant du salaire minimum interprofessionnel garanti n’a pas été révisé depuis 2014. Il s’inquiète également du fait que, en dehors du secteur public, ce salaire n’est pas toujours respecté (art. 7).

26. Rappelant son observation générale n o 23 (2016) sur le droit à des conditions de travail justes et favorables, l e Comité recommande à l’État partie :

a) De g arantir, en concertation avec les partenaires sociaux, la révision périodique du salaire minimum afin de l ’ indexer au coût de la vie , de manière à ce qu’il permette aux travailleurs et à leur famille de jouir d ’ un niveau de vie adéquat  ;

b) De f aire appliquer les dispositions sur le salaire minimum dans la pratique, en veillant à ce que tout non-respect mène à de sanctions pénales ou autres ;

c) D’a llouer les moyens nécessaires au contrôle des conditions de travail, y compris dans l’économie informelle, notamment par un renforcement des inspections et la possibilité pour les travailleurs de porter plainte.

Liberté syndicale

27.Tout en notant les détails fournis par l’État partie, le Comité demeure préoccupé par le fait que plusieurs dirigeants syndicaux ont fait l’objet de condamnations en justice, ce qui peut dissuader les représentants des travailleurs d’exercer leurs fonctions (art. 8).

28. Le Comité recommande à l’État partie de veiller au libre exercice des droits syndicaux et de mettre un terme aux pratiques qui créent un climat antisyndical.

Droit de grève

29.Le Comité est préoccupé par les restrictions au droit de grève introduites par la loi no 2018-34 du 5 octobre 2018 modifiant et complétant la loi no 2001-09 du 21 juin 2002 portant exercice du droit de grève en République du Bénin. En particulier, le Comité est préoccupé par les conditions de durée, l’interdiction d’exercice du droit de grève à certaines catégories de personnel (douanes, eaux, forêts et chasse, santé, etc.), l’interdiction de la grève de solidarité, et la définition vague du service minimum devant être assuré en cas de grève (art. 8).

30. Le Comité recommande à l’État partie de rendre les dispositions de la loi n o 2018-34 conformes à l’article 8 du Pacte, en :

a) R évisant les catégories de personnel énumérées à l’article 2 nouveau , afin que les agents de la fonction publique dont les services ne peuvent raisonnablement être considérés comme essentiels puissent exercer leur droit de grève ;

b) É tablissant une liste de services, d’ emplois et de catégories de personnel strictement indispensables à la fourniture d’un service minimum en cas de grève dans les services publics ;

c) A brogeant les dispositions relatives aux conditions de durée qui sont incompatibles avec la nature du droit de grève et constituent des restrictions disproportionnées au droit de grève .

Lutte contre la pauvreté et droit à la sécurité sociale

31.Le Comité demeure préoccupé par la persistance de la pauvreté dans l’État partie. Il rappelle que l’extension de la protection sociale ne doit pas être vue comme le terme d’un processus de développement, mais constitue plutôt un ingrédient d’un développement conforme aux exigences du Pacte. Tout en prenant note des initiatives envisagées pour élargir la couverture du système de sécurité sociale, le Comité est préoccupé par le faible taux de protection sociale dans l’État partie, notamment dans l’économie informelle. Le Comité constate également avec préoccupation que, malgré le lancement en 2016 du Programme d’actions du Gouvernement 2016-2021, le projet d’Assurance pour le renforcement du capital humain demeure au stade expérimental, couvrant seulement une dizaine de milliers de ménages sur les 4 millions de personnes prévues (art. 9).

32. Rappelant que l’exercice du droit à la sécurité sociale est essentiel dans la lutte contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire, l e Comité recommande à l’État partie d’a ccélérer le déploiement du volet d’assurance maladie universelle du projet d’Assurance pour le renforcement du capital humain dans l’économie informelle, en donnant la priorité aux ménages les plus défavorisés et , si nécessaire , en faisant appel à l’assistance et à la coopération internationale . Il lui recommande également d’élargir la portée du projet , afin de créer un socle de protection sociale assurant une sécurité élémentaire de revenu pour tous. Le Comité renvoie l’État partie à sa déclaration intitulée « Les socles de protection sociale : un élément essentiel du droit à la sécurité sociale et des objectifs de développement durable » (E/C.12/2015/1).

Protection de la famille, de la mère et de l’enfant

33.Le Comité demeure profondément préoccupé par la persistance de cas d’infanticides touchant les enfants dits « sorciers », dont les nourrissons nés avec handicap, malgré les dispositions du Code pénal incriminant l’infanticide rituel. Le Comité est également préoccupé par l’impunité qui prévaut en la matière (art. 10).

34. Réitérant les recommandations déjà formulées dans ses précédentes observations finales (E/C.12/BEN/CO/2) , le Comité enjoint à l’ État partie :

a) D’e nvoyer un signal fort de vo lonté politique de mettre fin aux infanticides d’enfants dit s « sorciers » ;

b) D’a ssurer l’effectivité des dispositions légales punissant l’infanticide rituel, en enquêtant sur tous les cas rapportés ;

c) De r enforcer les mesures de sensibilisation pour lutter contre le phénomène, notamment au sein des groupes ethniques Bariba , Peul, Gando , Yom, Nagot et Bot ;

d) De f aciliter l’accès des femmes aux services prénatals et d’accouchement , et de sensibiliser les agents des services de santé sur la confidentialité des informations relatives aux usagers  ;

e) De f avoriser la réintégration des enfants dits « sorciers » au sein de la famille et de la communauté.

Droit à l’alimentation

35.Tout en saluant l’amélioration de la sécurité alimentaire dans l’État partie depuis la publication de l’édition de 2013 de l’Analyse globale de la vulnérabilité et de la sécurité alimentaire, le Comité est néanmoins préoccupé par le fait que, selon l’édition de 2018 de ce même rapport, l’insécurité alimentaire touche 9,6 % de la population et que 14,2 % des ménages ont une consommation alimentaire inadéquate. Le Comité s’inquiète également de ce que le taux d’allaitement maternel demeure faible dans l’État partie (art. 11).

36. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De r enforcer la sécurité alimentaire dans les départements les plus touchés par la faim et la malnutrition , y compris en favorisant l’accès aux installations de transformation des produits et en améliorant leur distribution sur les marchés locaux ;

b) De m ettre en œuvre des mesures spécifiques en faveur des populations les plus touchées par l’insécurité alimentaire, notamment les ménages vivant principalement de l’agriculture vivrière ou de la pêche, en promouvant la diversification des sources de revenus , et en accroissant leur résilience face aux catastrophes naturelles et autres aléas qui ne sont pas couverts par le système de sécurité sociale ;

c) De r enforcer les efforts de sensibilisation sur les bonnes pratiques en matière de diversité alimentaire et d’allaitement maternel , y compris en garantissant que les employeurs créent les conditions permettant l ’ allaitement sur le lieu de travail .

Droit à l’eau

37.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de corruption des agents de la Société nationale des eaux du Bénin et des services d’adduction d’eau villageoise, qui entrave la jouissance du droit à l’eau. Le Comité note que la délégation de l’État partie n’est pas au fait de ces allégations (art. 11).

38. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De réviser les procédures existantes de manière à réduire les risques de corruption liée aux prestations telles que le branchement au réseau, la souscription au programme de branchement promotionnel, la réparation des cas s es et la remise après suspension de la fourniture d’eau pour défaut de p aiement de factures ;

b) De veiller à ce que tous les ménages soient en mesure de pourvoir à leurs besoins en eau et d’éviter ainsi les coupures en raison de factures impayées ;

c) De faciliter la d énonciation d es pratiques de corruption , en informant les usagers , dans les langues nationales , des coûts des prestations et des dispositifs de dépôt de plainte .

Droit à la santé

39.Le Comité constate avec préoccupation que les pesticides destinés à la culture du coton sont également utilisés dans la culture vivrière dans l’État partie. Il s’inquiète également de l’effet de l’usage généralisé des pesticides sur la santé des agriculteurs et des autres personnes travaillant dans la filière du coton (art. 12).

40. Le Comité exhorte l’État partie  :

a) À lutter contre l’usage abusif des pesticides , y compris en sensibilisant la population sur leurs effets nocifs lorsqu’ils sont utilisés dans la culture vivrière ;

b) À accompagner les agriculteurs dans la transition vers des pratiques agroécologiques  ;

c) À assurer la prise en charge des problèmes de santé liés à l’utilisation des pesticides pour l es agriculteurs et autres personnes travaillant dans le secteur du coton.

41.Le Comité note avec préoccupation que la consommation de drogues est passible d’emprisonnement, tout comme la détention et l’achat de drogues pour consommation personnelle. Il s’inquiète également du fait que la politique antidrogue de l’État partie semble se focaliser sur la répression (art. 12).

42. Le Comi té recommande à l’État partie d’adopter une politiqu e de lut te fondée sur les droits de l’homme pour faire face aux abus de drogue s , notamment  : a) en r évisant la loi n o  97-025 du 18 juillet 1997 sur le contrôle des drogues et des précurseurs, afin d ’ e nvisager la dépénalisation de l’usage de drogues ; et b) en veillant à la disponibilité et à la couverture des services de réduction des risques. Le Comité renvoie l’État partie aux d irectives internationales concernant les droits de la personne et la politique en matière de drogues , entérinées par le Programme des Nations Unies pour le développement et le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida .

Droit à l’éducation

43.Tout en notant l’augmentation des ressources budgétaires allouées au secteur de l’éducation, ayant permis, entre autres, le recrutement de nouveaux enseignants, le Comité demeure préoccupé par les diverses lacunes du système d’enseignement public de l’État partie, comme le manque d’infrastructures et d’équipements et la qualité insuffisante de l’éducation (art. 13 et 14).

44. Rappelant son observation générale n o 13 (1999) sur le droit à l’éducation, l e Comi té recommande à l’État partie d’investir davantage dans le secteur de l’ éducation afin, notamment  :

a) D’a méliorer les infrastructures et équipements scolaires et de veiller à ce que tous les établissements scolaires disposent d’installations d’eau et d’assainissement adéquates ;

b) D’a méliorer la qualité de l’enseignement dispensé en investissant dans la formation des enseignants et la production de matériels pédagogiques de qualité.

45.Tout en saluant l’atteinte d’un taux élevé de scolarisation, le Comité constate avec préoccupation que beaucoup d’élèves abandonnent avant la fin du cycle primaire et que l’État partie a adopté une approche punitive en ce qui concerne la scolarisation obligatoire. Le Comité est également préoccupé par les fortes inégalités d’achèvement de la scolarité du cycle primaire entre garçons et filles (63,51 % et 56,85 % respectivement, selon les derniers chiffres publiés par l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique), et par l’absence de progrès durable dans l’achèvement de la scolarité au cours des dernières années (art. 13 et 14).

46. Le Comité exhorte l’État partie à remédier d’urgence au d écrochage scolaire en s’attaquant à ses causes sociales et économiques , y compris le refus des parents d’envoyer leurs enfants, surtout les filles, à l’école. Il lui recommande également de renforcer les dispositifs en place pour la réinsertion scolaire des enfants déscolarisés, y compris les enfants de la rue.

Droits culturels

47.Le Comité regrette le manque d’information sur le programme de valorisation des langues nationales mis en place par l’État partie et ses effets. Il note également que l’introduction de langues nationales dans le système éducatif est encore en phase pilote (art. 15).

48. Le Comité demande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des renseignements sur l’incidence du p rogramme national de valorisation des langues nationales sur la jouissance des droits culturels par les groupes ethniques. Par ailleurs, il lui recommande d’introduire l’enseignement des langues nationales dans les programmes scolaires. Enfin , le Comité encourage l’État partie à faciliter la mise à disposition d’ informations en langues nationales par les prestataires de services publics .

D.Autres recommandations

49. Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

50. Le Comité recommande à l’État partie de tenir pleinement compte des obligations que lui impose le Pacte et de garantir le plein exercice des droits qui y sont énoncés dans la mise en œuvre au niveau national du Programme de développement durable à l’horizon 2030, le cas échéant avec l’aide et la coopération de la communauté internationale. La réalisation des o bjectifs de développement durable serait grandement facilitée si l’État partie établissait des mécanismes indépendants pour suivre les progrès réalisés et s’il considérait que les bénéficiaires des programmes publics étaient titulaires de droits qu’ils peuvent faire valoir. La mise en œuvre des objectifs dans le respect des principes de participation, de responsabilité et de non ‑discrimination permettrait de garantir que nul n’est laissé de côté. À ce propos, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa déclaration sur l’engagement de ne laisser personne de côté (E/C.12/2019/1).

51. Le Comité prie l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, aux échelons national et régional, en particulier auprès des membres de l’Assemblée nationale, des responsables publics et des autorités judiciaires, et de l’informer dans son prochain rapport périodique des mesures prises pour y donner suite. Il l’encourage à associer la Commission béninoise des droits de l’homme, les organisations non gouvernementales et les autres membres de la société civile au suivi des présentes observations finales et au processus de consultation nationale avant la soumission de son prochain rapport périodique.

52. Conformément à la procédure concernant la suite à donner aux observations finales adoptées par le Comité, l’État partie est prié de fournir, dans un délai de vingt - quatre mois à compter de l’adoption des présentes obs ervations finales, des informations sur l’application des recommandations faites par le Comité aux paragraphes  26 a) et b) ( salaire minimum ), 30 ( droit de grève ) et 40 (pesticides) ci ‑dessus.

53. Le Comité prie l’État partie de lui soumettre, le 31 mars 2025 au plus tard, son quatrième rapport périodique, qui sera établi conformément aux directives concernant les rapports que le Comité a adoptées en 2008 (voir E/C.12/2008/2). Il l’invite aussi à mettre à jour son document de base commun conformément aux directives harmonisées pour l’établissement des rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I ) .