Nations Unies

E/C.12/56/D/8/2015

Conseil économique et social

Distr. générale

26 février 2016

Français

Original : espagnol

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Communication no 8/2015

Constatations adoptées par le Comité à sa cinquante-sixième session (21 septembre-9 octobre 2015)

Objet :

Prestations sociales complémentaires prévues par une convention collective

Questions de fond :

Droit de jouir de conditions de travail justes et favorables ; et droit à la sécurité sociale

Questions de procédure :

Présentation de la communication dans un délai d’un an après épuisement des recours internes ; compétence ratione temporis du Comité ; compétence ratione materiae du Comité

Article(s) du Pacte :

7 et 9

Article(s) du Protocole facultatif :

2 et 3 (par. 2 a) et b))

Annexe

Décision du Comité des droits économiques, sociaux et culturels en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (cinquante-sixième session)

concernant la

Communication no 8/2015

Présentée par :

L.A.M.C. (représenté par un conseil, Antonio Álvarez‑Ossorio Gálvez)

Au nom de :

L’auteur

État partie :

Espagne

Date de la requête :

14 avril 2015 (date d’expédition dans l’État partie, le cachet de la poste faisant foi)

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, institué en vertu de la résolution 1985/17 du Conseil économique et social, du 28 mai 1985,

Réuni le 24 septembre 2015,

Ayant achevé l’examen de la communicationno 8/2015, présentée au Comité en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,

Adopte ce qui suit :

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication est L.A.M.C., majeur et ressortissant espagnol. Il se dit victime d’une violation par l’État partie des droits qu’il tient des articles 7 et 9 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il affirme, en outre, que l’État partie a également enfreint les droits qui lui sont reconnus au paragraphe 1 de l’article 12 et à l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’auteur est représenté par un conseil.

1.2Le 16 juin 2015, le Groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité, a estimé qu’il n’avait pas besoin des observations de l’État partie pour se prononcer sur la recevabilité de la communication. Par conséquent, la présente communication n’a pas été portée à l’attention de l’État partie, conformément au paragraphe 1 de l’article 6 du Protocole facultatif.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur a travaillé dans une banque (ci-après « la banque ») du 1er juin 1973 au 20 novembre 2002. Lorsque sa relation contractuelle avec la banque a pris fin pour cause de licenciement, il avait le statut de technicien de niveau 1.

2.2Le 26 novembre 1999, la dix-huitième convention collective du secteur bancaire (ci‑après « la convention ») a été publiée au Journal officiel. Le chapitre VI de cet accord régissait les prestations complémentaires en cas de maladie, d’invalidité totale, permanente ou absolue, de départ à la retraite ou de décès, ainsi que les pensions de retraite du personnel des banques. En application de cette disposition, un fonds a été créé par la banque pour financer ces prestations complémentaires.

2.3Le 15 novembre 2002, conformément au décret royal no 1588/1999, la banque a contracté des polices d’assurance auprès d’une entreprise d’assurance afin de garantir à ses travailleurs en activité les prestations complémentaires établies par la convention. L’auteur figurait parmi les bénéficiaires de la police selon les conditions établies dans les certificats d’assurance individuels.

2.4L’auteur indique avoir été licencié par la banque le 20 novembre 2002. Il a par la suite demandé à la banque de lui verser la réserve actuarielle correspondant aux droits à pension déjà acquis. La banque n’a toutefois pas fait droit à sa demande et a, au contraire, exercé le droit de recouvrement prévu à la clause 003 de la police sur la somme correspondant aux montants qu’elle avait versés au titre des prestations de retraite en qualité de Preneur.

2.5Le 3 octobre 2006, l’auteur a assigné la banque et la compagnie d’assurance devant le tribunal des affaires sociales no 6 de Madrid (ci-après « tribunal no 6 de Madrid ») et demandé que soit fait valoir son droit au recouvrement du montant provisionné en sa faveur dans le fonds jusqu’au 15 novembre 2002 et, ensuite, dans le contrat d’assurance, somme qui s’élevait à 126 961,31 euros.

2.6Le 15 décembre 2006, le tribunal no 6 a débouté l’auteur. Il a considéré que la convention collective établissait le droit des travailleurs de bénéficier d’avantages (prestations complémentaires) une fois survenu le fait donnant droit à prestation ; qu’aucune disposition de la convention n’instituait le droit de recouvrer le montant correspondant en cas d’extinction de la relation de travail avant la survenue du fait donnant droit à prestation ; et que, par conséquent, ce fait n’étant pas survenu, le travailleur n’était pas juridiquement fondé à faire valoir ce droit. L’auteur a formé un recours contre cette décision auprès du Tribunal supérieur de justice de Madrid.

2.7Le 29 juin 2007, le Tribunal supérieur de justice de Madrid a statué sur le recours formé par l’auteur et infirmé le jugement du tribunal no 6, confirmant le droit de recouvrement de l’auteur, comme prévu par la police conclue entre la banque et l’entreprise d’assurance, et condamné les parties défenderesses à verser au plaignant la somme de 127 768,21 euros. Le Tribunal a notamment signalé que les obligations et conditions énoncées dans la convention, telles que la maladie, l’invalidité et le départ à la retraite, échappaient à la volonté des parties contractantes. En revanche, l’extinction de la relation de travail – et l’exclusion de facto de l’employé du champ de la convention – résultant d’un licenciement injustifié était une décision unilatérale d’une des parties contractantes, c’est‑à‑dire un acte volontaire de la part de celle-ci, qui ne devait pas causer de préjudice autre au travailleur que la perte du salaire ; que le versement de cotisations volontaires à une complémentaire de la Sécurité sociale était initialement volontaire, mais qu’une fois provisionnées, ces cotisations ne pouvaient être annulées ou s’éteindre que conformément à leur acte constitutif ; et que la convention ne prévoyait pas la perte des cotisations volontaires en cas d’extinction anticipée de la relation de travail. La banque et la société d’assurance se sont ensuite pourvues en cassation auprès de la Cour suprême aux fins de l’unification de la jurisprudence.

2.8Le 21 septembre 2009, la Cour suprême a annulé la décision du Tribunal supérieur de justice de Madrid et confirmé le jugement du Tribunal no 6.

2.9Le 15 janvier 2010, l’auteur a déposé un recours en protection constitutionnelle devant le Tribunal constitutionnel et invoqué la violation du droit à une protection juridictionnelle effective garanti par les articles 14 et 24 de la Constitution espagnole. Le 16 mai 2010, le Tribunal constitutionnel a débouté l’auteur, au motif qu’il n’avait pas justifié l’importance constitutionnelle spéciale de l’affaire, comme requis au paragraphe 1 de l’article 49 de la loi organique sur le Tribunal constitutionnel.

2.10Le 17 novembre 2010, l’auteur a saisi la Cour européenne des droits de l’homme, alléguant une violation des droits qu’il tenait du paragraphe 1 de l’article 6 et de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme ainsi que de l’article premier du Protocole additionnel à la Convention (Protocole 1). Le 21 février 2013, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé la plainte irrecevable au motif qu’elle ne satisfaisait pas aux critères de recevabilité établis aux articles 34 et 35 de la Convention européenne des droits de l’homme.

2.11Le 11 juillet 2014, l’auteur a demandé à la Cour européenne des droits de l’homme de motiver sa décision d’irrecevabilité rendue le 21 février 2013. L’auteur indique qu’il présente sa communication au Comité en l’absence de réponse de la Cour et que la date pertinente à prendre en compte pour apprécier le délai d’un an établi à l’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article 3 du Protocole facultatif est le 11 juillet 2014.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient des articles 7 et 9 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il affirme en outre que l’État partie a également enfreint les droits établis au paragraphe 1 de l’article 12 et à l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

3.2L’auteur demande au Comité de constater la violation des articles précités et de reconnaître son droit à réparation pour le préjudice subi et les actions judiciaires engagées.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

4.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 9 de son règlement intérieur provisoire relatif au Protocole facultatif se rapportant au Pacte (E/C.12/49/3), déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

4.2Le Comité est compétent ratione materiae pour examiner les allégations de violation de l’un quelconque des droits économiques, sociaux et culturels énoncés dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. En conséquence, le Comité déclare l’allégation selon laquelle l’auteur serait victime de violations du paragraphe 1 de l’article 12 et de l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques irrecevable.

4.3Le Comité rappelle que le Protocole est entré en vigueur pour l’État partie le 5 mai 2013 et qu’en vertu de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 3 dudit Protocole, le Comité doit déclarer irrecevable toute communication qui porte sur des faits antérieurs à la date d’entrée en vigueur du présent Protocole à l’égard de l’État Partie intéressé, à moins que ces faits ne persistent après cette date. Le Comité constate, en l’espèce, que les faits sur lesquels porte la communication, y compris toutes les décisions rendues par des juridictions nationales dans cette affaire, sont antérieurs au 5 mai 2013, date d’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’Espagne. Il ne ressort pas des informations contenues dans la communication, que des faits susceptibles de constituer en tant que tels une violation du Pacte se soient encore produits postérieurement à l’entrée en vigueur du Protocole facultatif. En conséquence, le Comité se considère empêché ratione temporis d’examiner la présente communication et estime que celle-ci est irrecevable en vertu de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 3 du Protocole facultatif.

5.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable en vertu des alinéas b) et d) du paragraphe 2 de l’article 3 du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.