Nations Unies

E/C.12/TGO/CO/1

Conseil économique et social

Distr.: générale

3 juin 2013

Original: français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le rapport initial du Togo, adoptées par le Comité à sa cinquantième session (29 avril-17 mai 2013)

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le rapport initial du Togo sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/TGO/1) à ses 12e à 14e séances (E/C.12/2013/SR.12 à 14), les 6 et 7 mai 2013, et a adopté, à sa 28e séance, le 17 mai 2013, les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité note avec satisfaction la présentation du rapport initial du Togo qui, bien que tardif, est conforme aux directives du Comité ainsi que les réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter (E/C.12/TGO/Q/1/Add.1).

3.Le Comité se félicite du dialogue constructif avec l’État partie qui, en 2001, a fait l’objet d’un examen de l’application du Pacte en l’absence de rapport. Le Comité note avec satisfaction la présence d’une délégation de haut niveau comprenant des ministres et des membres de la Commission interministérielle de rédaction des rapports initiaux et périodiques aux organes de traités. Le Comité apprécie également les réponses fournies par celle-ci aux questions posées lors du dialogue.

B.Aspects positifs

4.Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme suivants:

(a)Les Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, respectivement le 2 juillet 2004 et le 28 novembre 2005;

(b)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 20 juillet 2010;

(c)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif le 1er mars 2011.

5.Le Comité note avec satisfaction l’adoption de lois renforçant la protection des droits économiques, sociaux et culturels, notamment:

(a)la loi no 98-016 du 17 novembre 1998 portant interdiction des mutilations génitales féminines au Togo;

(b)la loi no 2006-010 du 13 décembre 2006 portant code du travail;

(c)la loi no 2007-017 du 6 juillet 2007 portant code de l’enfant;

(d)la loi no 2010-004 du 14 juin 2010 portant code de l’eau;

(e)la loi no 2010-018 du 31 décembre 2010 modifiant la loi no 2005-012 du 14 décembre 2005 portant protection des personnes en matière du VIH/SIDA;

(f)la loi no 2011-003 du 18 février 2011 instituant un régime obligatoire d’assurance maladie des agents publics et assimilés;

(g)la loi no 2011-006 du 21 février 2011 portant code de sécurité sociale au Togo;

(h)la loi no 2011-018 du 24 juin 2011 portant statut de la zone franche industrielle;

(i)la loi no 2011-014 du 3 juin 2011 portant organisation de l’activité statistique au Togo.

6.Le Comité prend acte des mesures prises par l’État partie contribuant à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier:

(a)l’adoption en 2011 de la Politique nationale pour l’équité et l’égalité des genres;

(b)la mise en place de points focaux en droits de l’homme dans chaque ministère;

(c)la prise en charge du diagnostic et du traitement du paludisme simple pour les enfants de moins de 10 ans ainsi que du traitement par les antirétroviraux (ARV) de l’infection au VIH;

(d)la prise en charge partielle de la césarienne;

(e)les mesures prises pour l’éradication du ver de Guinée;

(f)les mesures prises pour réduire la prévalence de la mutilation génitale féminine.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

7.Le Comité déplore que, malgré leur rang constitutionnel, le Pacte et ses dispositions n’aient jamais été invoqués par les tribunaux de l’État partie. Le Comité déplore également que les lois internes ne donnent pas effet aux droits économiques, sociaux et culturels. (art. 2, par. 1).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures appropriées pour donner effet au Pacte dans l’ordre juridique interne et de procéder à une mise en conformité de la loi interne si nécessaire. Le Comité demande à l’État partie d’inclure, dans son prochain rapport périodique, des informations relatives aux décisions des cours et des tribunaux nationaux ainsi que des autorités administratives donnant effet aux droits consacrés par le Pacte. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale nº 9 (1998) concernant l’application du Pacte au ni veau national.

8.Le Comité observe avec préoccupation que les possibilités de recours effectif en cas de violations de droits économiques, sociaux et culturels sont réduites dans l’État partie en raison du coût prohibitif des procédures judiciaires, de l’absence d’aide juridictionnelle et de la méconnaissance du Pacte et des voies de recours.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir le droit à un recours effectif en cas de violation d’un droit consacré dans le Pacte. Ce faisant, le Comité engage instamment l’État partie à mettre en place un système d’aide juridictionnelle. Le Comité lui recommande également de faire connaître les droits économiques, sociaux et culturels et leur justiciabilité à la population ainsi qu’aux membres du pouvoir judiciaire.

9.Le Comité regrette l’absence de statistiques fiables permettant d’apprécier avec certitude l’état de mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels dans l’État partie.

Le Comité engage l’ État partie à inscrire la collecte de donn ées, la production et l’utilisation de statistiques sur les indicateurs des droits de l’homme , y compris les droits économiques, sociaux et culturels, dans sa stratégie nationale de développement de la statistique. À cet égard, l e Comité réfère l’État partie au cadre conceptuel et méthodologique concernant les indicateurs des droits de l’homme développé par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux d roits de l’ h omme. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des données statistiques annuelles comparatives sur l’exercice de chaque droit consacré par le Pacte, ventilées par âge, sexe, population rurale/urbaine , ethnie et autres critères pertinents.

10.Le Comité observe avec préoccupation l’insuffisance des allocations budgétaires aux secteurs sociaux, faisant obstacle à la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels consacrés dans le Pacte (art. 2, par. 1).

L e Comité e xhorte l’État partie à augmenter autant que faire se peut les crédits budgétaires affecté s aux secteurs sociaux tels que le logement, l’alimentation, la santé et l’éducation, ainsi qu’au Ministère des droits de l’homme , conformément à son obligation d’agir au maximum de ses ressources disponibles , tirant notamment parti des ressources libérées par l’allègement de la dette . Le Comité appelle l’attention de l’État partie à son observation général e n o 3 (1990) sur la nature des obligations des États parties.

11.Le Comité juge préoccupante la prévalence de la corruption au sein de l’administration de l’État partie(art. 2, par. 1)

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts dans la lutte contre la corruption et l’impunité qui y est associée et de garantir la transparence dans la conduite des affaires publiques, en droit et dans la pratique. Le Comité recommande également à l’État partie d’ adopt er une loi anti-corruption et d’appliquer les dispositions de l’article 145 de la Constitution relatif à la déclaration des biens et avoirs. Le Comité recommande également à l’État partie de prendre des mesures pour sensibiliser les responsables politiques, les parlementaires et les fonctionnaires nationaux et locaux aux coûts économique et social de la corruption, ainsi que les juges, les procureurs et les agents des forces de l’ordre à la stricte application de la législation.

12.Le Comité note avec préoccupation les dispositions discriminatoires envers les personnes handicapées dans la législation de l’État partie, telles que celles de l’article 23 de l’ordonnance 1 du 4 janvier 1968, portant statut général des fonctionnaires, sur les conditions d’aptitude physique au recrutement dans la fonction publique. Par ailleurs, le Comité relève avec préoccupation que les personnes handicapées dans l’État partie se trouvent dans des situations d’exclusion sociale, y compris en raison des barrières comportementales et physiques. Le Comité regrette également que l’État partie n’ait pas fourni de données fiables et complètes tant sur le nombre de personnes handicapées que sur la jouissance de leurs droits économiques, sociaux et culturels(art. 2, par. 2).

Le Comité recommande à l’État partie de : a) renforcer la législation visant à promouvoir l’égalité, notamment en abrogeant les dispositions discriminatoires envers les personnes handicapées et en introduisant l’obligation d’apporter des aménagements raisonnables et l’application de quotas en matière d’emploi; b) mettre en place un système de collecte de données sur la situation des personnes handicapées ; c ) poursuivre les efforts tendant à lever les barrières comportementales et physiques ; et d) doter la stratégie nationale de protection et de promotion des personnes handicapées au Togo ainsi que son plan opérationnel des ressources nécessaires à leur mise en œuvre.

13.Le Comité déplore que des dispositions discriminatoires envers les femmes aient été maintenues dans le Code des personnes et de la famille de 2012, y compris la possibilité d’appliquer le droit coutumier en matière successorale. Le Comité s’inquiète également du retard dans l’adoption du Code pénal révisé qui introduit des dispositions interdisant toute forme de discrimination (art. 3).

Le Comité recommande à l’État partie de passer en revue sa législation afin de modifier toute disposition légale discriminatoire ou susceptible d’entraîner une discrimination une fois mise en application , et de s’assurer qu’elle interdise toute forme de discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels . À cet égard, le Comité attire l’attention de l’État partie sur le paragraphe 2 de l’ article  2 du Pacte et son observation générale n o 20 (2009) sur la non-discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels . En outre, le Comité engage l’État partie à accélérer l’adoption du nouveau Code pénal.

14.Le Comité juge préoccupantes les nombreuses pratiques préjudiciables aux femmes et aux filles énumérées au paragraphe 317 du rapport de l’État partie, telles que le mariage précoce, le mariage forcé, ou l’exploitation sexuelle des filles dans des couvents des fétichistes, malgré leur interdiction par la loi et les démarches de sensibilisation entreprises par l’État partie (art. 3).

Le Comité engage l’État partie à redoubler d’ efforts dans sa lutte contre les pratiques néfastes envers les femmes et les filles, notamment en agissant sur la base d’ études, corroborées par des données empiriques, sur les causes profondes de ces pratiques, porta nt l’attention voulue à leurs différentes expressions se lon les eth nies et les coutumes , et en menant une campagne de sensibilisation continue sur ces pratiques . L e Comité renvoie l’État partie à l’observation générale n o 16 ( 200 5 ) sur le droit égal de l’homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels.

15.Le Comité exprime son inquiétude face à l’ampleur du chômage dans l’État partie, malgré la mise en œuvre de la Politique nationale de l’emploi. Tout en notant l’annonce de la délégation selon laquelle l’Agence nationale pour l’emploi est une des agences publiques les plus viables, le Comité exprime sa préoccupation quant à l’inefficacité de l’Agence vu le nombre très modeste de personnes appuyées en 2012 (art. 6).

Le Comité recommande à l’État partie d’ accélérer l’adoption et la mise en œuvre de la nouvelle P olitique nationale de l’emploi et d’un plan d’action opérationnel. Le Comité recommande également à l’État partie d’ intégrer à cette politique une approche basée sur les droits de l’homme. L e Comité attire l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 18 (2005) sur le droit au travail. Il encourage également l’ État partie à sensibiliser davantage le public à l’existence et au mandat de l’Agence nationale pour l’emploi.

16.Le Comité constate avec inquiétude le niveau très bas du salaire minimum, tout comme les faibles rémunérations appliquées dans la fonction publique. Il juge encore plus préoccupant que le salaire minimum ne s’applique pas aux travailleurs ruraux, aux travailleurs domestiques ni aux employés de l’économie informelle (art. 7) .

Rappelant l’obligation de l’État partie d’assurer le droit de chaque personne de jouir de conditions de travail justes et favorables, le Comité engage l’État partie à relever le niveau du salaire minimum en respectant strictement la valeur du « panier de la ménagère » pour un travailleur et sa famille et à faire appliquer  le salaire minimum dans tous les secteurs . L e Comité appelle également l’État partie à réviser la grille salariale dans la fonction publique de manière à garantir une existence décente aux fonctionnaire s et à leurs familles.

17.Le Comité s’inquiète de ce que les conditions de travail dans la zone franche demeurent déplorables et de ce que seulement une partie du personnel soit couverte par l’assurance sociale. En outre, le Comité prend note avec préoccupation que des inspecteurs du travail s’étaient vu refuser l’accès à des entreprises de la zone franche malgré l’entrée en vigueur de la loi de 2011 portant statut de la zone franche(art. 7).

Le Comité engage l’État p artie à faire respecter le droit du travail dans les entreprises de la zone franche et à appliquer des sanctions efficaces en cas de violations. En outre, le Comité recommande à l’État partie de sensibiliser les parties prenantes à la nouvelle loi de 2011 portant statut de la zone franche de manière à garantir le libre accès des inspecteurs du travail à toutes les entreprises de la zone franche.

Le Comité demande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des statistiques concernant les contentieux liés au travail, y compris ceux relatifs aux entreprises de la zone franche. Le Comité demande également à l’État partie d’éclaircir le rôle d e la Société d’Administration des Zones Franches ( SAZOF ) dans ce nouveau cadre.

18.Le Comité s’inquiète de ce que les personnes travaillant dans l’économie informelle, y compris les travailleurs domestiques, ne jouissent pas de conditions de travail justes et favorables (art. 7 et 9)

Le Comit é recommande à l’État partie de faire appliquer le Code du travail et le droit social dans l’économie informelle, notamment en y étendant les services de l’inspection du travail. Le Comité demande également à l’État partie de s’attaquer aux obstacles réglementaires à la création d’emploi dans l’économie formelle .

19.Le Comité observe avec préoccupation qu’une grande partie de la population de l’État partie ne bénéficie d’aucune forme de protection sociale en dépit de l’entrée en vigueur de la loi sur l’assurance maladie et du Code de sécurité sociale en 2011 qui étendent de manière appréciable la couverture du régime. Le Comité regrette également la lenteur dans la mise en œuvre des réformes prévues et est préoccupé par les informations selon lesquelles les institutions de la sécurité sociale ne sont pas financièrement pérennes(art. 9).

Le Comité engage l’État partie à accélérer le déploiement du système de sécurité sociale afin de parvenir , le plus rapidement possible , à la couverture élargie prévue par le Code de sécurité sociale de 2011. Le Comité recommande à l’État de s’assurer que ces réformes se basent sur des institutions pérennes et des procédures accessibles à tous. Le Comité renvoie l’État partie à son observation générale n o 19 ( 2007 ) sur le droit à la sécurité sociale.

20.Le Comité relève avec une préoccupation particulière que le travail des enfants est répandu dans l’État partie, en particulier dans les régions les plus défavorisées (art. 10).

L e Comité engage l’État partie à mettre en œuvre le Plan d’Action National de lutte contre le travail des enfants et à y affecter les ressources nécessaires.

21.Le Comité s’inquiète de ce que les difficultés liées à l’obtention des actes d’état civil privent beaucoup d’individus dans l’État partie de l’exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels (art. 10).

Le Comité demande à l’État partie d’accélérer le processus d’enregistrement de la naissance des personnes qui n’ont pas de papiers d’identité et de veiller à ce que les services d’état civil soient disponibles sur tout son territoire .

22.Le Comité observe avec préoccupation qu’une grande majorité de la population de l’État partie, notamment les femmes et les jeunes, vit dans la pauvreté, en dépit de la mise en œuvre d’une stratégie de réduction de la pauvreté depuis 2008. Le Comité observe également avec inquiétude que la pauvreté est plus aiguë et touche plus de personnes dans les zones rurales et certaines régions, telles que la région des Savanes, la région Centrale, Kara et la région Maritime(art. 11).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que la Stratégie de c roissance accélérée et de p romotion de l’ e mploi accorde une priorité et des ressources à la lutte contre la pauvreté dans les zones rurales et les régions les plus pauvres . Il lui demande de faire figurer, dans son prochain rapport périodique, des données comparatives, ventilées par année et par zone rurale et urbaine, ainsi que des indicateurs sur le nombre de personnes vivant dans la pauvreté et dans l’extrême pauvreté et sur les progrès qu’il a accomplis dans sa lutte contre la pauvreté. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa déclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adoptée le 4 mai 2001 (E/2002/2 2 – E/C.12/2001/17, annexe VII).

23.Le Comité prend note avec préoccupation la pénurie de logements dans l’État partie ainsi que la précarité des habitations de la majeure partie de la population qui vit dans des taudis. Le Comité s’inquiète aussi de ce que l’objectif de construction de nouveaux logements prévus en 2012 n’a pas été réalisé d’autant que les objectifs escomptés dans les dix années suivantes sont beaucoup plus ambitieux(art. 11).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que la stratégie nationale du logement soit bas ée sur le droit à un logement décent et accorde un accès prioritaire aux nouveaux logements construits aux personnes et groupes défavorisés et marginalisés, notamment aux habitants des taudis. Le Comité recommande , en outre , à l’État partie d’augmenter sensiblement le budget national alloué au logement de façon à faire face à l’ampleur du problème. Le Comité attire l’attention de l’État partie sur son observation générale n° 4 ( 199 1 ) sur le droit à un logement suffisant.

24.Le Comité s’inquiète de l’insuffisance du cadre légal et réglementaire du droit au logement, notamment en ce qui concerne la location immobilière et l’expulsion forcée (art. 11).

Le Comité recommande à l’État partie de réglementer la location immobilière afin de mettre fin aux abus constatés et d’asseoir le droit à un logement abordable et habitable pour le locataire . Le Comité recommande également à l’État partie de mettre sa législation relative à l’expulsion forcée en conformité avec les normes internationales, notamment en ce qui concerne l’obligation de s’assurer qu’aucune personne ne se retrouve sans toi t ou puisse être victime d’une violation d’autres droits de l’homme suite à une expulsion. Le Comité renvoie l’État partie à son observation générale n o 7 (1997) sur le droit à un logement : expulsions forcées.

25.Le Comité déplore l’absence de sécurité foncière et de sécurité de l’occupation dans l’État partie, en raison de la désuétude du cadre juridique, la lourdeur et la cherté des procédures et transactions foncières, ainsi que la corruption et les fraudes.Le Comité note également avec préoccupation la vulnérabilité des propriétaires terriens face à l’accaparement des terres (art. 11).

Le Comité engage l’État partie à lancer, dans les meilleurs délais , les réformes du secteur foncier et l’exhorte à prendre en compte la vulnérabilité des propriétaires terrie n s dans les zones rurales face à l’accaparement des terres ainsi que les besoins des couches sociales les plus marginalisé e s et vulnérables dans les débats , eu égard notamment à l ’ accès à la terre. Le Comité engage également l’État partie à mettre en œuvre la série de recommandations formulée par l a Commission Vérité, Justi ce et Réconciliation concernant les problèmes fonciers ( Recommandation 28 ) .

26.Le Comité note avec une vive préoccupation les nombreux cas qui lui ont été signalés de communautés et de propriétaires terriens qui ont vu leurs terres être saisies pour cause d’utilité publique mais qui n’ont pas été indemnisés ni déplacés de façon adéquate(art. 11 et article premier, par. 2).

Notant l’annonce de la délégation selon laquelle l’État partie procède à une révision des c as d’expropriation , le Comité engage l’État partie à régler d’urgence la situation d es groupes et personnes concernés par l ’expropriation pour cause d’ utilité publique dont l’indemnisation ou le paiement de loyer au titre de location n’a pas été respecté.

En outre, le Comité invite vivement l’État partie à aligner les dispositions légales relatives à l’expropriation, dont le décret no 45-2016 du 1 er septembre 1945 portant r é glementation en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique , sur les normes internationales en la matière. Le Comité recommande en particulier que soit protégé dans la loi le droit des habitants, des communautés locales et des propriétaires terriens à un consentement préalable, libre et donné en connaissance de cause , sur les questions susceptibles d’avoir un retentissement sur leur vie. Le Comité appelle également l’attention de l’État partie sur les directives concernant les expulsions et les déplacements liés au développement (A/HRC/4/18) , élaborées par le Rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie suffisant .

27.Le Comité s’inquiète des conséquences néfastes sur les plans environnemental et social des activités d’extraction des ressources naturelles dans l’État partie. (art. 11 et article premier, par. 2)

Le Comité recommande à l’État partie de renforcer le cadre juridique relati f à la protection de l’environnement et des droits sociaux dans le contexte de l’exploitation minière à la lumière de problèmes constatés résultant de ce tte activité. Le Comité recommande également à l’État partie de veiller à ce que le décret d’application de la loi no 2011-008 du 3 mai 2011 relative à la contribution des entreprises minières au développement local et régional mette en place des dispositions permettant des retombées bénéfiques tangibles sur l a réalisation d es droits économiques, sociaux et culturels des communautés concernées.

28.Le Comité déplore l’insécurité alimentaire et la malnutrition qui touchent une grande partie de la population dans l’État partie malgré la mise en œuvre du Programme national d’investissement agricole et de sécurité alimentaire.En outre, le Comité est préoccupé par la mise en vente sur le marché de produits alimentaires non conformes à la législation (art. 11).

Le Comité demande à l’État partie , à travers son P rogramme national d’investissement agricole et de sécurité alimentaire et  les activités de l’Agence Nationale pour la Sécurité Alimentaire, de veiller à ce que : a) le cadre juridique du droit à l’alimentation soit renforcé; b ) les activités menées vise nt la réalisation du droit à l’alimentation en int é gr ant les différents éléments d e ce droit à savoir l’adéquation, la qualité, la disponibilité et l’accessibilité physique et économique ; c ) l es responsabilités de chaque partie prenante soient établies, notamment dans la mise en œuvre du Programme national . Le Comité attire l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 12 (1999) sur le droit à une nourriture suffisante .

29.Le Comité note avec préoccupation les difficultés auxquelles fait face l’État partie dans la réalisation du droit à la santé. Le Comité relève l’insuffisance des ressources affectées au secteur sanitaire et ses conséquences sur les ressources humaines et l’infrastructure sanitaire, le coût élevé des soins de santé pour les ménages, et les problèmes de santé publique tels que le paludisme, les maladies diarrhéiques, ou encore la mortalité infantile et maternelle (art. 12).

Le Comité engage l’État partie à : a) augmenter les ressources allouées à la mise en œuvre de la Politique nationale de santé adoptée en 2012 et à établir un calendrier pour attein dre l’objectif d’Abuja ; b) veiller à ce que cette p olitique soit formulée dans un cadre de réalisation du droit à la santé ; et c) vulgariser et faire appliquer le Code de la santé adopté en 2009 . Le Comité renvoie l’État partie à son observation générale n o 14 (2000) sur le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint.

30.Le Comité est préoccupé par la prolifération de prestataires médicaux privés non autorisés et le marché illicite de produits pharmaceutiques dont la qualité ne peut être garantie.

Le Comité recommande à l’ État partie de veiller à ce qu’aucun prestataire médical non autorisé ne puisse exercer dans l’État partie. Il deman de également à l’État partie de mettre en place , le plus vite possible , le cadre juridique pour lutte r contre le marché illicite de produits pharmaceutiques et de lancer, comme prévu, les campagnes visant à sensibiliser la population au danger que représentent ces produits. En outre, le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les produits pharmaceutiques soient abordables, y compris pour les groupes défavorisés et marginalisés, afin d’éviter le recours au marché illicite.

31.Le Comité est préoccupé par le taux élevé de prévalence du VIH dans l’État partie, notamment parmi les groupes vulnérables. Le Comité note également avec préoccupation que la prise en charge du traitement par les antirétroviraux (ARV) ne couvre pas tout le territoire et qu’une rupture d’approvisionnement en ARV a eu lieu en 2009 et 2010.

Le Comité exhorte l’État partie a) à adopter les textes d’application relatifs à la loi no 2005-12 portant protection des personnes en matière du VIH/SIDA et à veiller à l’ application effective de cette loi , notamment à travers une sensibilisation tant au près de la population que des autorités chargées de son application ; b) à étendre la couverture de la prise en charge du traitement par ARV sur tout le territoire et à s’assurer que les groupes vulnérables aient un accès égal au traitement ; et c) à veiller à ce qu’une ligne budgétaire stable y soit affectée afin de prévenir toute rupture d’approvisionnement en ARV .

32.Le Comité relève avec inquiétude que les établissements psychiatriques ne font pas l’objet de visites régulières par les autorités, en dépit des dispositions du Code de la santé en ce sens (art. 12).

Le Comité exhorte l’ État partie à adopter et mettre en œuvre le texte d’application du Code de la santé concernant la protection de la santé mentale dans les meilleurs délais . Le Comité engage l’État partie en particulier à inclure dans le texte des dispositions claires concernant les visite s des centres accueillant des personnes atteintes de troubles mentaux , prévue s par l’ article  127 du Code de la santé , l’examen régulier et le contrôle judiciaire effectif de l’internement. Le Com ité prie l’État partie de fournir , dans son prochain rapport périodique , des renseignements sur la s ituation de la santé mentale dans l’État partie .

33.Le Comité note avec préoccupation que l’accès à l’eau salubre et à l’assainissement est insuffisant en particulier dans les zones rurales et dans certaines régions. Le Comité s’inquiète également des déficiences dans le contrôle de la qualité de l’eau et de la pollution dans les zones urbaines causée par les défaillances dans le traitement et l’évacuation des déchets et des eaux usées (art. 12).

Le Comité exhorte l’État à développer les services publics d’assainissement, de traitement des déchets et des eaux usé e s, et d’approvisionnement en eau salubre, particulièrement dans les zones rurales, et le s régions des Savanes et Kara , et à décontaminer les sites pollués par les eaux usées. Le Comité recommande d ’inscrire une ligne budgétaire distincte et dotée d’une allocation plus importante pour l’eau et l’assainissement dans le budget sectoriel de la santé. Le Comité invite l’État partie à inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur l’incidence de la mise en œuvre du Plan d’action national pour le secteur de l’eau et de l’assainissemen t . Le Comité attire l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 15 (2002) sur le droit à l’eau et sur sa déclaration sur le droit à l’assainissemen t (E/C.12/2010/1).

34.Le Comité observe avec préoccupation les taux élevés d’analphabétisme, d’abandon et de redoublement dans l’État partie, notamment parmi les filles. Le Comité est également inquiet de ce que le système éducatif dans l’État partie se caractérise, entre autres, par le manque crucial d’enseignants, l’insuffisance des infrastructures et la prolifération d’écoles et de lycées d’initiative locale(art. 13 et 14).

Le Comité recommande à l’Éta t partie d e : a) allouer les ressources nécessaires à la réalisation du droit à l’éducation ; b) s’attaquer aux causes profondes de l’abandon scolaire et du redoublement, ainsi qu ’à celles de la disparité entre filles et garçons dans la jouissance du droit à l’éducation ; c) adopter une politique d’alphabétisation et d’ éducation non formelle ; et d) veiller à ce que les langues minoritaires ainsi que les droits humains soient enseignés à tous les niveaux du système éducatif. Le Comité attire l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 13 (1999) sur le droit à l’éducation.

35.Le Comité regrette qu’il ne lui ait pas été fourni de renseignements sur l’application du principe d’auto-identification culturelle dans l’État partie ni sur les droits consacrés par la législation aux groupes ethniques (art. 15).

Le Comité prie l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur l’application du principe d’auto-identification culturelle dans l’État partie. Au vu de la richesse ethnique de l’État partie, l e Comité lui recommande d’asseoir dans sa législation les droits garantis à tout groupe ethnique , notamment le droit de jouir de sa diversité culturelle, de sa tradition, de ses coutumes, de sa langue , ainsi que de toutes les manifestations particulières de leur identité et de leur appartenance culturelle . Le Comité engage également l’État partie à mettre en œuvre les recommandations du Comité Vérité, Justice et Réconciliation relatives aux dissensions ethniques (Recommandation 30). Le Comité renvoie l’État partie à son observation générale n o 21 (2009) sur le droit de chacun de participer à la vie culturelle.

36.Le Comité recommande à l’État partie de réviser et d’adopter aussi promptement que possible le Plan national de mise en œuvre des recommandations relatives aux droits de l’homme intégrant les recommandations des organes de traités. Le Comité recommande également d’allouer les ressources financières et humaines nécessaires à sa mise en œuvre.

37.Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qu’il a signé le 25 septembre 2009.

38.Le Comité encourage l’État partie à envisager de signer et de ratifier le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications. Le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

39.Le Comité invite l’État partie à poursuivre la collaboration avec le bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, les institutions spécialisées et les programmes pertinents des Nations Unies au Togo sur les questions relatives aux droits économiques, sociaux et culturels.

40.Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, en particulier de la fonction publique, du pouvoir judiciaire et des organisations de la société civile, et de l’informer, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu’il aura prises pour les mettre en œuvre. Il encourage l’État partie à associer les organisations de la société civile au processus de discussion au niveau national avant la présentation de son prochain rapport périodique.

41.Le Comité invite l’État partie à soumettre un document de base conformément aux directives harmonisées concernant les rapports, telles qu’approuvées par les organes de surveillance des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/MC/2006/3).

42.Le Comité demande à l’État partie de présenter son prochain rapport périodique, conformément aux directives adoptées par le Comité en 2008 (E/C.12/2008/2), d’ici le 31 mai 2018.