Nations Unies

E/C.12/COL/CO/5

Conseil économique et social

Distr. générale

7 juin 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante-quatrième session

Genève, 3-21 mai 2010

Examen des rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte

Observations finales du Comité des droits économiques,sociaux et culturels

Colombie

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le cinquième rapport périodique de la Colombie sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/COL/5) à ses 3e, 4e et 5e séances, les 4 et 5 mai 2010 (voir E/C.12/2010/SR.3 à 5) et a adopté, à ses 23e, 24e et 25e séances, les 19 et 20 mai 2010, les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le cinquième rapport périodique de l’État partie et la présence d’une délégation de haut niveau composée d’un certain nombre de représentants des différents ministères de l’État partie, ce qui a permis la tenue d’un dialogue franc et ouvert. Il accueille aussi avec satisfaction les réponses écrites à la liste des points à traiter ainsi que les réponses données oralement et les renseignements complémentaires reçus.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

4.Le Comité relève aussi avec satisfaction l’adoption des lois suivantes:

La loi no 581 de 2000, qui régit la participation effective des femmes aux postes de décision;

La loi no 823 de 2003 sur l’égalité des chances pour les femmes;

La loi no 599 de 2000 (Code pénal), qui criminalise la violation de la liberté du travail.

5.Le Comité accueille aussi avec satisfaction certaines des décisions prises par la Cour constitutionnelle, à savoir:

L’arrêt C-169/01 sur la discrimination positive, se fondant sur le principe constitutionnel de l’adoption de mesures en faveur des groupes vulnérables qui ne sont pas sur un pied d’égalité avec le reste de la population;

L’arrêt C-1064/01, qui établit des critères pour fixer le salaire minimum légal, énonce le droit à une rémunération équitable et garantit le maintien du pouvoir d’achat;

L’arrêt C-355/06, qui a dépénalisé l’avortement en confirmant la constitutionnalité de l’article 122 de la loi no 599 de 2000 (Code pénal).

C.Facteurs et difficultés entravant l’application du Pacte

6.Le Comité constate qu’aucun facteur ni difficulté majeur n’empêche la mise en œuvre du Pacte dans l’État partie.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

7.Le Comité est profondément alarmé par les conséquences d’un conflit armé interne qui dure depuis longtemps. Il regrette l’absence d’informations suffisamment détaillées sur la mise en œuvre effective par l’État partie de ses engagements découlant du Pacte à l’égard de la population civile habitant dans les zones touchées par le conflit armé interne.

Le Comité engage l’État partie à prendre sans attendre des mesures effectives pour mettre en œuvre les projets décrits dans le rapport afin de remédier à la violence armée persistante. À ce propos, il demande à l’État partie de faire figurer, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées sur la mise en œuvre des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte, s’agissant de tous les droits économiques, sociaux et culturels des populations civiles touchées par le conflit armé interne. Le Comité rappelle que c’est précisément en situation de crise que le Pacte exige de l’État partie qu’il assure la protection et la promotion de tous les droits économiques, sociaux et culturels, en particulier des groupes les plus marginalisés et les plus défavorisés de la société, du mieux possible compte tenu des conditions défavorables qui existent.

8.Le Comité regrette que le rapport de l’État partie ne contienne pas suffisamment de renseignements à jour et de données statistiques détaillées lui permettant d’apprécier pleinement dans quelle mesure les droits énoncés dans le Pacte sont respectés.

Le Comité recommande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations à jour sur la mise en œuvre du Pacte dans la pratique, notamment des données ventilées et des statistiques annuelles comparatives relatives à l’application de sa législation et aux résultats concrets des plans, programmes et stratégies exécutés en rapport avec les différents droits consacrés par le Pacte.

9.Le Comité est préoccupé par le fait que les mégaprojets d’infrastructure, de développement et d’extraction minière sont exécutés sans le consentement préalable, libre et éclairé des communautés autochtones et afro-colombiennes concernées. Il est également préoccupé par le fait que, d’après la Cour constitutionnelle, les représentants légitimes des communautés afro-colombiennes n’ont pas participé au processus de consultation et que les autorités ne les ont pas correctement informés de la portée et de l’impact du mégaprojet minier du Chocó et d’Antioquia. Le Comité relève aussi avec préoccupation que la Directive présidentielle no 001 visant à établir un cadre général pour la tenue de consultations préalables risque de ne pas être suffisante et que les peuples autochtones et afro-colombiens n’avaient pas été consultés au sujet du projet de loi élaboré par le Groupe de travail sur la consultation préalable du Ministère de l’intérieur, projet qui ne crée donc pas le cadre voulu pour une véritable consultation (art. premier).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures concrètes pour revoir tous les processus concernant les projets d’infrastructure, de développement et d’extraction minière, et d’appliquer pleinement les décisions de la Cour constitutionnelle à ce sujet. Il recommande également à l’État partie de revoir la Directive présidentielle n o  001 et le projet de loi élaboré par le Groupe de travail sur la consultation préalable du Ministère de l’intérieur. Il recommande en outre à l’État partie d’adopter une loi − en consultant et en y associant les communautés autochtones et afro-colombiennes − qui établisse clairement le droit au consentement préalable, libre et éclairé, conformément à la Convention n o  169 de l’Organisation internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, et aux arrêts de la Cour constitutionnelle.

10.Le Comité craint que les accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux signés par l’État partie ne portent atteinte à l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier dans le cas des groupes défavorisés et marginalisés comme les autochtones et les Afro-Colombiens et les habitants des zones rurales. Il s’inquiète aussi de ce que l’accord de libre-échange signé entre l’État partie et les États-Unis d’Amérique contient des dispositions sur la propriété intellectuelle qui peuvent entraîner une augmentation des prix des médicaments et entraver l’exercice du droit à la santé, en particulier des personnes à faible revenu (art. 1er et 12).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour faire en sorte que les droits économiques, sociaux et culturels soient pris en considération dans tous les accords de libre-échange et les accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux et d’élaborer des politiques efficaces pour protéger les droits de la population, en particulier des groupes marginalisés et défavorisés, contre les conséquences néfastes de ces accords. À ce sujet, il recommande à l’État partie d’envisager de réviser les dispositions relatives à la propriété intellectuelle de l’accord de libre-échange signé avec les États-Unis, afin de protéger la population, en particulier les personnes à faible revenu, contre l’augmentation du prix des médicaments.

11.Le Comité s’inquiète de ce quele chômage demeure élevé dans l’État partie, en particulier dans les zones rurales et chez les jeunes, les femmes, les autochtones et les Afro-Colombiens. Il note aussi avec préoccupation que la création d’emplois se produit avant tout dans l’économie informelle (60 %), ce qui entrave l’accès à la sécurité sociale. Le Comité s’inquiète également des conditions de travail dans l’économie informelle et dans les zones rurales, où les salaires restent très bas (art. 6 et 7).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre des mesures efficaces pour réduire le taux élevé de chômage;

b) D’élaborer des politiques et des stratégies visant expressément à accroître l’emploi des jeunes, des femmes, des autochtones et des Afro-Colombiens;

c) De poursuivre les programmes de formation professionnelle conçus pour les jeunes et de maintenir les mesures d’incitation déjà adoptées.

Le Comité recommande vivement à l’État partie de favoriser la création d’emplois tout en améliorant les conditions de travail dans l’économie informelle et dans les zones rurales, en particulier en ce qui concerne les faibles salaires et prestations de sécurité sociale.

12.Le Comité est alarmé par les meurtres de syndicalistes dans l’État partie et par le fait que les syndicalistes continuent d’être victimes de diverses formes de menace et de violence. Il demeure préoccupé par le fait que, malgré la mise en œuvre d’un programme national de protection des syndicalistes et la création, au sein de l’Unité des droits de l’homme de la Procurature générale de la nation, d’une sous-unité chargée d’enquêter sur les meurtres de syndicalistes, seul un petit nombre d’actes de violence contre des syndicalistes font l’objet d’enquêtes (art. 8).

Le Comité engage l’État partie à redoubler d’efforts pour protéger les syndicalistes, en améliorant le Programme national de protection, et à renforcer la sous-unité de la Procurature générale de la nation chargée d’enquêter sur les meurtres et les tentatives de meurtre de syndicalistes. Il engage aussi l’État partie à lutter résolument contre l’impunité en menant des enquêtes sur toutes les affaires de ce type, en poursuivant et en condamnant les responsables, et en indemnisant les victimes ou les membres de leur famille par le biais du Fonds d’indemnisation des victimes.

13.Le Comité est préoccupé par le fait que les travailleurs temporaires ou ceux qui perçoivent le salaire minimum ne bénéficient pas de l’égalité de traitement dans le cadre du régime de santé − car leur contribution aux services de santé est plus importante que celle des travailleurs titulaires d’un contrat en bonne et due forme − et ils ne sont généralement pas admis à bénéficier de soins de santé subventionnés (art. 9).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures voulues pour faire en sorte que les travailleurs temporaires ou ceux qui perçoivent le salaire minimum puissent avoir accès aux services de santé sur un pied d’égalité et soient admis à bénéficier de soins de santé subventionnés.

14.Le Comité note avec préoccupation que la répartition des revenus est très inégalitaire dans l’État partie dans le contexte de la pauvreté. Il est particulièrement préoccupé par le fait que le régime fiscal est régressif et plus favorable aux revenus les plus élevés (art. 9).

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de revoir son régime fiscal, de façon à réduire les inégalités entre les différents groupes de la population dans l’optique de l’élimination de la pauvreté. Il recommande aussi à l’État partie d’adopter un régime fiscal fondé sur la progressivité de l’impôt sur le revenu.

15.Le Comité note avec une vive inquiétude que de nombreuses femmes et filles continuent d’être violées et tuées dans l’État partie, et que la violence à l’égard des femmes et des filles, en particulier les violences sexuelles, est le fait de groupes armés illégaux et des forces armées, malgré les mesures législatives et la politique adoptées pour lutter contre la violence à l’égard des femmes. Il reste préoccupé par le fait que les auteurs de ce type de violence demeurent impunis. Il est particulièrement préoccupé par la violence dont sont victimes les femmes déplacées de force en raison du conflit armé (art. 10).

Le Comité engage l’État partie à intensifier ses efforts visant à prévenir et éliminer la violence contre les femmes en veillant à exécuter ses programmes de façon à apporter aux victimes une assistance complète en vue de leur protection et de leur réadaptation, à faciliter l’accès des femmes à la justice, à poursuivre les auteurs de ce type de violence et à indemniser les victimes. Il recommande aussi à l’État partie de prendre les mesures voulues pour protéger de la violence les femmes qui sont déplacées de force en raison du conflit armé, en:

a) Adoptant et mettant en œuvre le programme «Protection des droits des femmes autochtones déplacées à l’intérieur du pays»;

b) Exécutant, par l’intermédiaire d’Acción Social, les 12 programmes spécifiques de protection que la Cour constitutionnelle a demandés;

c) Menant des enquêtes sur les violences sexuelles dont des femmes déplacées ont été victimes;

d) Poursuivant et condamnant les auteurs de violences;

e) Assurant l’indemnisation des victimes.

L’État partie devrait apporter l’appui nécessaire à la Procurature générale de la nation et au groupe spécial créé au sein de son unité des droits de l’homme et du droit humanitaire, en lui allouant des ressources suffisantes, et donner pleinement effet à la loi n o  1257 de 2008 relative aux mesures de sensibilisation, de prévention et de répression s’appliquant à toutes les formes de violence et de discrimination à l’égard des femmes.

16.Le Comité est profondément inquiet que des enfants continuent d’être recrutés de force par des groupes armés illégaux, surtout les FARC-EP et l’ELN, notamment en procédant à des campagnes de recrutement dans les écoles, ainsi que par de nouveaux groupes paramilitaires, privant ainsi ces enfants de la jouissance de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité est aussi vivement préoccupé par le fait qu’un nombre important d’enfants sont tués au combat ou victimes d’homicides, de mines antipersonnel ou de feux croisés entre l’armée et les groupes armés illégaux (art. 10).

Le Comité engage l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour:

a) Appliquer intégralement la Directive n o 500-2 de 2005 relative à l’élaboration de stratégies visant à empêcher le recrutement d’enfants par les forces armées;

b) Empêcher le recrutement d’enfants par des groupes armés illégaux;

c) Poursuivre les programmes de démobilisation, de réinsertion et de réadaptation, conformément à la législation;

d) Poursuivre et condamner les responsables.

17.Le Comité est préoccupé par le grand nombre d’enfants qui continuent d’être victimes d’exploitation sexuelle, en particulier ceux qui appartiennent à des groupes défavorisés et marginalisés, notamment les enfants déplacés à l’intérieur du pays et ceux qui vivent dans la misère, malgré les mesures déjà prises par l’État partie comme la loi qui criminalise l’exploitation sexuelle des mineurs, le tourisme sexuel portant sur des mineurs et la pornographie mettant en scène des enfants et qui contient des dispositions concernant les fournisseurs d’accès à Internet, ainsi que le Plan d’action national pour la prévention et l’éradication de l’exploitation sexuelle (2006-2011) (art. 10).

Le Comité engage l’État partie à faire appliquer les dispositions législatives visant à lutter contre la traite d’enfants. Il recommande également à l’État partie de renforcer ses programmes et ses campagnes d’information visant à prévenir la traite d’enfants dans le cadre de la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes (2007-2012), en accordant une attention particulière aux enfants des groupes défavorisés et marginalisés; de maintenir la formation obligatoire des responsables de l’application des lois et des juges; et de poursuivre et condamner les responsables de la traite d’enfants. Dans son prochain rapport périodique, l’État partie devrait fournir des données statistiques annuelles ventilées par sexe et par pays d’origine sur les enfants victimes d’exploitation et de traite, ainsi que sur les affaires ayant fait l’objet d’une enquête et sur les décisions adoptées.

18.Le Comité note avec préoccupation que les enfants sont autorisés à se marier à 14 ans avec le consentement d’un parent ou d’un tuteur, bien que l’âge minimum du mariage soit de 18 ans dans l’État partie. Il est aussi préoccupé par les incidences préjudiciables du mariage sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels des jeunes âgés de 14 ans, en particulier de leurs droits à la santé et à l’éducation (art. 10).

Le Comité invite l’État partie à faire appliquer l’âge minimum du mariage, fixé à 18 ans pour les filles et les garçons, conformément aux normes internationales. Il lui demande aussi de faire figurer, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées sur l’ampleur de ce phénomène.

19.Le Comité juge préoccupant le fait que 20 % environ des enfants nés dans l’État partie ne sont pas enregistrés, en particulier ceux qui vivent dans les régions reculées, les autochtones, les Afro-Colombiens et les personnes déplacées à l’intérieur du pays. Il est aussi préoccupé par les difficultés que les personnes non enregistrées rencontrent pour faire valoir et exercer les droits que leur reconnait le Pacte (art. 10).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures sans attendre afin de faire en sorte que tous les enfants nés dans l’État partie soient enregistrés, en particulier ceux qui habitent dans des zones rurales et ceux qui sont des autochtones, des Afro-Colombiens ou des personnes déplacées à l’intérieur du pays. Il recommande également à l’État partie de mener à bien la modernisation du registre d’état civil et d’accorder des ressources suffisantes à l’Office national de l’état civil afin de faciliter l’enregistrement des habitants des zones rurales et des personnes déplacées à l’intérieur du pays.

20.Le Comité est préoccupé par le grand nombre de personnes qui vivent dans la pauvreté (46 % de la population) et dans l’extrême pauvreté (17,8 %) dans l’État partie. Il s’inquiète aussi de ce que dans les zones rurales, le taux d’extrême pauvreté est deux fois plus élevé que la moyenne nationale (32,6 %) (art. 11).

Le Comité engage l’État partie à combattre et réduire la pauvreté dans les faits, en concevant des programmes et politiques efficaces. Il lui recommande en particulier d’accorder la priorité à des politiques axées sur la création de revenus et à mettre en œuvre la Stratégie de réduction de la pauvreté et des inégalités adoptée en 2004, dans l’optique de la pleine réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, conformément à la recommandation contenue dans la Déclaration du Comité sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/2001/10).

21.Le Comité prend note avec inquiétude du taux élevé de malnutrition chez un nombre considérable d’enfants et de femmes, plus particulièrement parmi les personnes déplacées à l’intérieur du pays et les habitants des zones rurales.

Le Comité recommande vivement à l’État partie d’adopter une politique alimentaire efficace à l’échelle nationale pour lutter contre la faim et la malnutrition, en particulier chez les enfants, les femmes, les personnes déplacées à l’intérieur du pays et les habitants des zones rurales.

22.Le Comité s’inquiète de ce que la politique qui encourage l’exportation de produits agricoles, comme les agrocarburants, risque d’empêcher les paysans de cultiver leurs terres. Il est aussi préoccupé par la répartition inégale des terres, qui sont détenues par une minorité, ainsi que par l’absence de véritable réforme agraire, réforme que le Comité avait préconisée dans ses précédentes observations finales (art. 11).

Le Comité recommande à l’État partie de concevoir une politique agricole privilégiant la production vivrière; de mettre en œuvre des programmes visant à protéger la production vivrière nationale grâce à des mesures d’incitation à l’intention des petits producteurs; et de veiller à la restitution des terres qui ont été prises aux autochtones et aux Afro-Colombiens, ainsi qu’aux communautés de paysans.

23.Le Comité déplore que toute la population n’ait pas accès à l’eau potable et à l’assainissement et que dans certaines zones rurales, comme dans la région du Chocó, près de 90 % de la population n’ait pas accès à l’eau potable.

Le Comité invite l’État partie à adopter une politique nationale de l’eau afin d’améliorer l’accès à l’eau potable de la population, en particulier des habitants des zones rurales.

24.Le Comité est préoccupé par le déficit de logements − en quantité et en qualité − enregistré dans l’État partie et par le fait que les personnes et les familles les plus défavorisées et pauvres sont nombreuses à vivre dans des logements surpeuplés. Il s’inquiète aussi de ce que les personnes déplacées à l’intérieur du pays ne bénéficient pas d’un logement temporaire convenable. Le Comité s’inquiète également de la généralisation des expulsions forcées, phénomène qui touche même les familles déplacées à l’intérieur du pays (art. 11).

Conformément à son Observation générale n o 4, le Comité recommande à l’État partie d’adopter une stratégie nationale en vue d’offrir à la population des solutions durables en matière de logement; de prendre sans attendre des mesures destinées à faciliter l’accès à un logement convenable, en particulier des personnes et familles défavorisées et marginalisées, notamment des personnes déplacées à l’intérieur du pays, des autochtones et des Afro-Colombiens. Il engage l’État partie à prendre des mesures concrètes, notamment en adoptant un cadre juridique propre à garantir que les personnes expulsées de force se voient proposer un autre logement ou une indemnisation, conformément aux lignes directrices adoptées par le Comité dans son Observation générale n o 7. Le Comité engage aussi l’État partie à faire figurer, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées sur l’ampleur du phénomène des sans-abri dans l’État partie et sur les mesures pratiques prises pour remédier à ce problème.

25.Le Comité s’inquiète de ce que la mortalité maternelle et infantile reste en permanence très élevée dans l’État partie, en particulier dans les zones rurales, chez les autochtones de l’Amazonas et d’Antioquia et chez les Afro-Colombiens des côtes du Pacifique et de l’Atlantique, en raison des difficultés à accéder aux services de santé (art. 12).

Le Comité recommande à l’État partie de renforcer sa politique de santé publique pour garantir à tous, en particulier aux autochtones, aux Afro-Colombiens et aux habitants des zones rurales, l’accès aux services de santé. Il recommande aussi à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour veiller à ce que les services de santé soient accessibles aux pauvres.

26.Le Comité est profondément préoccupé par le taux croissant de grossesses chez les adolescentes et par l’absence de services de santé sexuelle et procréative adéquats et accessibles, en particulier dans les zones rurales et pour les personnes déplacées à l’intérieur du pays (art. 12).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que soient dispensés des cours d’éducation sexuelle et procréative dans les écoles. Il recommande aussi à l’État partie d’accroître les ressources allouées aux services de santé sexuelle et procréative, en particulier dans les zones rurales et pour les personnes déplacées à l’intérieur du pays, et de poursuivre une stratégie volontariste afin de prévenir les grossesses précoces.

27.Le Comité est préoccupé par le taux élevé de consommation de drogues dans l’État partie, en particulier chez les adolescents, et par ses effets néfastes sur la santé individuelle, ainsi que par ses incidences sur les services de santé publique (art. 12).

Le Comité recommande à l’État partie d’intégrer des programmes de lutte contre la consommation de drogues dans ses politiques de santé publique et d’éducation, notamment d’organiser des campagnes d’information sur les effets néfastes de la consommation de stupéfiants.

28.Le Comité constate avec une profonde préoccupation que la production et le trafic de drogues persiste dans l’État partie, qui est un transformateur et un exportateur important de cocaïne, malgré les efforts déployés pour éradiquer la production illicite de coca. Il prend aussi note avec inquiétude de la violence liée à la drogue; du grand nombre de personnes déplacées à l’intérieur du territoire; de la corruption généralisée; des conséquences néfastes des mesures de lutte contre les stupéfiants telles que les répercussions de l’épandage aérien sur la sécurité alimentaire; des effets préjudiciables sur la santé et du déni d’accès aux moyens de subsistance; et du fait que les bénéfices dégagés par cette activité économique illicite financent toutes les parties au conflit armé interne dans l’État partie (art. 11 et 12).

Le Comité recommande à l’État partie d’inscrire les droits économiques, sociaux et culturels dans sa stratégie de lutte contre le trafic de drogues.

À cet égard, l’État partie devrait allouer des ressources notables aux objectifs suivants:

a) Garantir la transparence et la responsabilité dans les efforts de lutte contre la drogue;

b) Mener des activités de développement durable qui remplacent la production illicite de coca par les agriculteurs concernés;

c) Renforcer le programme présidentiel de lutte contre la corruption, les poursuites à l’égard des responsables et leur condamnation, notamment des représentants de l’État et des collectivités locales;

d) Consolider et réformer les institutions locales, en particulier la police et l’appareil judiciaire.

Le Comité rappelle à l’État partie que la lutte contre les stupéfiants ne devrait pas porter préjudice à l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

29.Le Comité s’inquiète de voir que la gratuité et le caractère obligatoire de l’enseignement ne sont pas entièrement assurés, puisque certaines prestations comme le relevé des notes obtenues aux examens, les bulletins scolaires et les diplômes, et l’utilisation de matériel sont toujours payantes pour les familles en fonction de leur revenu (art. 13 et 14).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre sans tarder des mesures visant à garantir l’accès de tous les enfants, sans discrimination aucune, à l’enseignement primaire gratuit et obligatoire.

30.Le Comité note avec préoccupation que dans l’État partie le taux d’analphabétisme est élevé chez les jeunes et les adultes, en particulier chez les groupes défavorisés et marginalisés, ainsi que dans les zones rurales (art. 13 et 14).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour lutter contre l’analphabétisme, notamment en organisant des campagnes de sensibilisation des parents, en particulier auprès des autochtones, des Afro-Colombiens et des habitants des zones rurales, à l’importance que revêt l’éducation pour leurs enfants.

31. Le Comité encourage l’État partie à reprendre l’élaboration, en consultation avec les différents acteurs, du Plan national d’action pour les droits de l’homme et le droit international humanitaire.

32. Le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

33. Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, notamment auprès des représentants de l’État, des membres de l’appareil judiciaire et des organisations de la société civile, de les faire traduire et de leur donner la plus grande publicité possible, ainsi que de l’informer, dans son prochain rapport périodique, des mesures prises pour les mettre en œuvre. Il invite aussi l’État partie à continuer d’associer les institutions nationales des droits de l’homme, les organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile au processus de discussion à l’échelon national avant la soumission de son prochain rapport périodique.

34. Le Comité invite l’État partie à mettre à jour son document de base selon les prescriptions énoncées pour le document de base commun dans les Directives harmonisées concernant les rapports à présenter.

35. Le Comité demande à l’État partie de soumettre son sixième rapport périodique, établi conformément aux directives générales révisées que le Comité a adoptées en 2008 (E/C.12/2008/2), avant le 30 juin 2015.