Nations Unies

E/C.12/COD/CO/6

Conseil économique et social

Distr. générale

28 mars 2022

Original : français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le sixième rapport périodique de la République démocratique du Congo *

1.Le Comité a examiné le sixième rapport périodique de la République démocratique du Congo à ses 2e, 4e et 6e séances, les 14, 15 et 16 février 2022, et adopté les présentes observations finales à sa 30e séance, le 4 mars 2022.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation du sixième rapport périodique de l’État partie, bien que celui-ci ait été présenté avec du retard, ainsi que des réponses écrites à la liste des points à traiter. Le Comité accueille avec satisfaction le dialogue qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie ainsi que les informations fournies lors de celui-ci. Il regrette néanmoins que, lors du dialogue, de nombreuses questions aient été traitées de manière générale, vague et partielle, ce qui n’a pas permis le développement d’un dialogue véritablement constructif.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite des nombreux développements législatifs et institutionnels et des stratégies adoptées par l’État partie visant à favoriser la réalisation et la jouissance des droits contenus dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il accueille en particulier les modifications apportées au cadre juridique minier et forestier ; la création de la Commission nationale des droits de l’homme ; l’adoption du Plan national stratégique de développement, pour la période de 2019 à 2023 ; la Stratégie sectorielle de l’éducation et de la formation, pour la période de 2016 à 2025 ; et la Stratégie du secteur de la santé, pour la période de 2016 à 2027. Le Comité accueille également avec satisfaction l’adhésion de l’État partie, en 2015, à la Convention relative aux droits des personnes handicapées et au Protocole facultatif s’y rapportant.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Crise de sécurité et état de siège

4.Le Comité est préoccupé par l’impact de l’état de siège instauré depuis le 6 mai 2021 dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, ainsi que par les graves répercussions des conflits armés qui continuent à avoir lieu dans certaines provinces de l’est du pays, sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels par les personnes qui habitent dans ces régions. Il est également préoccupé par le nombre élevé de personnes déplacées qui continuent à faire face à des obstacles graves dans la jouissance de leurs droits contenus dans le Pacte, notamment leur droit à un niveau de vie suffisant. En particulier, le Comité est très préoccupé par les informations reçues concernant les attaques récentes commises contre des personnes déplacées, notamment dans l’est du pays.

5. L e Comité exhorte l ’ État partie :

a) À prendre sans délai toutes les mesures effectives pour assurer la jouissance des droits énoncés dans le Pacte par les populations vivant dans les régions touchées par les conflits armés, notamment dans les provinces de l ’ est du pays  ;

b) À f ournir une protection efficace aux personnes déplacées à l ’ intérieur du pays, afin qu ’ elles aient accès à une alimentation adéquate, à un logement convenable et aux services de base, notamment aux services d ’ approvisionnement en eau et d ’ assainissement, aux soins de santé, à l ’ éducation et à la protection sociale, en faisant appel, si nécessaire, à la coopération internationale ;

c ) À m ener des enquêtes approfondies et indépendantes concernant les allégations d ’ actes de violence , y compris les violences sexuelles, et les attaques contre les personnes déplacées à l ’ intérieur du pays, en s ’ assurant que les responsables soient traduits en justice et que les victimes aient accès à des recours effectifs et à des réparations  ;

d ) À v eiller de manière effective à la protection de la population, et à promouvoir et à garantir la participation active, ouverte et transparente de la société et en particulier des victimes et des groupes les plus touchés par les conflits et les attaques, notamment les personnes déplacées à l ’ intérieur du pays, dans les mesures de mise en œuvre  ;

e) À v eiller, dans toute la mesure du possible, à ce que les personnes déplacées à l ’ intérieur du pays puissent retourner dans leur région d ’ origine en toute sécurité et dans la dignité, ou à leur proposer des solut ions durables ;

f) À v eiller à ce que l ’ immunité absolue des personnes civiles soit respectée et à ce que la mise en œuvre de l ’ état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l ’ Ituri soit conforme au droit international humanitaire, en particulier aux principes de distinction, de proportionnalité et de précaution , ainsi qu ’ aux normes internationales relatives aux droits de l ’ homme, y compris les Principes de Syracuse concernant les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui autorisent des restrictions ou des dérogations .

Justice transitionnelle, violence sexuelle et droits économiques, sociaux et culturels

6.Le Comité prend note avec satisfaction de la décision de l´État partie de mettre en œuvre des mécanismes de justice transitionnelle pour faire face aux graves violations des droits de l´homme commises dans le passé, en particulier les violences sexuelles. Cependant, il est préoccupé par le fait que ces graves violations, y compris les cas de violences sexuelles, continuent dans l’impunité et qu´il n´existe pas de stratégie claire pour articuler la justice transitionnelle avec la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels.

7. Le Comité recommande à l ’ É tat partie d´établir des formes de coordination pour articuler de la meilleure façon possible les mécanismes de justice transitionnelle, notamment les politiques de réparation aux victimes, avec la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels. Il lui recommande également d´incorporer une perspective de genre dans la conception et la mise en œuvre de la justice transitionnelle afin de mieux combattre l´impunité des violences sexuelles.

Application du Pacte

8.Le Comité regrette que les dispositions du Pacte n’aient pas été invoquées ni appliquées par les juridictions internes, bien que l’article 215 de la Constitution accorde aux traités internationaux, dont le Pacte, une autorité supérieure à celle des lois nationales.

9. Le Comité recommande à l ’ État partie d e s ’ assurer que les droits économiques, sociaux et culturels puissent être invoqués à tous les niveaux du système judiciaire et de faciliter l ’ accès à des recours effectifs aux victimes de violation s de ces droits. Il le prie notamment de dispenser des formations régulières, en particulier aux juges, aux avocats, aux membres des forces de l ’ ordre, aux membres de l ’ Assemblée nationale et du Sénat, et à d ’ autres acteurs pertinents, sur la teneur des droits visés dans le Pacte et la possibilité de les invoquer devant les tribunaux, et de mener des campagnes de sensibilisation auprès des titulaires de droits . Le Comité se réfère à cet égard à son observation générale n o  9 (1998) sur l ’ applicati on du Pacte au niveau national.

Commission nationale des droits de l’homme

10.Tout en accueillant avec satisfaction la création de la Commission nationale des droits de l’homme ainsi que les efforts déployés pour l’opérationnalisation de bureaux dans les 26provinces, le Comité est préoccupé par l’insuffisance des moyens matériels et financiers qui nuit à l’exécution effective du mandat de celle-ci. Il est également préoccupé par les informations reçues concernant les amendements au processus de désignation des membres de la Commission, qui pourraient avoir un impact sur l’indépendance de cette institution.

11. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour doter la Commission n ationale des d roits de l ’ h omme de ressources matérielles et financières suffisantes lui permettant d ’ accomplir pleinement son mandat , et l ’ encourage à poursuivre ses efforts pour rendre les bureaux provinciaux complètement opérationnels. Il recommande également à l ’ État partie de garantir le respect de la durée du mandat des membres de la Commission et de mener un processus de désignation et de renouvellement de ses membres transparent et ouvert, afin de garantir son indépendance, en conformité avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (P rincipes de Paris ) .

Situation des défenseurs des droits de l’homme

12.Tout en notant qu’un projet de loi portant protection des défenseurs des droits de l’homme a été présenté pour débat à l’Assemblée nationale, le Comité est préoccupé par le délai dans la considération et l’adoption de ce projet de loi. Le Comité prend également note avec préoccupation des informations selon lesquelles les défenseurs des droits de l’homme, y compris les défenseurs des droits économiques, sociaux et culturels, sont souvent exposés à diverses formes de harcèlement ou de représailles.

13. Le Comité rappelle à l ’ État partie s a recommandation antérieure concernant les défenseurs des droits de l ’ homme et l ’ exhorte à veiller à leur protection effective, y compris les défenseurs des droits économiques , sociaux et culturels, contre tout acte de harcèlement, d ’ intimidation et de représailles , et à faire en sorte que les auteurs de ces actes soient poursuivis en justice. Il prie l ’ État partie d ’ accélérer le débat et l ’ adoption du projet de loi portant protection des défenseurs des droits de l ’ homme, en consultation avec la Commission n ationale des d roits de l ’ h omme, les organisations de la société civile et des bénéficiaires potentiels. De plus, il le prie instamment de mener des campagnes d ’ information et de sensibilisation sur l ’ importance du travail réalisé par les défenseurs des droits de l ’ homme, afin d ’ instaurer un climat de tolérance leur permettant de s ’ acquitter de leur mission sans avoir à craindre une quelconque forme d ’ intimidation, de menace ou de représailles. Le Comité renvoie l ’ État partie à la déclaration sur les défenseurs des droits de l ’ homme et les droits économiques, sociaux et culturels qu ’ il a adoptée en 2016 .

Protection des peuples autochtones

14.Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption par l’Assemblée nationale, en avril 2021, de la loi portant protection et promotion des droits des peuples autochtones. Cependant, il est préoccupé par le fait que la loi n’a pas encore été adoptée par le Sénat et que les peuples autochtones batwas sont toujours confrontés à une discrimination persistante et à l’exclusion, qui ont un effet négatif sur la jouissance effective de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité est également préoccupé par l’absence de reconnaissance de leurs droits en ce qui concerne l’accès à la terre et leurs territoires ancestraux, y compris les ressources naturelles, ainsi que par l’absence de participation dans tous les domaines les concernant (art. 1er et 2).

15. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De r econnaître les droits de s peuples autochtones qui sont sous sa juridiction et de prendre des mesures efficaces, en consultation avec eux, pour lutter contre leur discrimination et leur exclusion ;

b) De p rotéger et de garantir dans la loi et en pratique le respect du droit des peuples autochtones de disposer librement de leurs terres, territoires et ressources naturelles, y compris leur droit d ’ être consulté s visant à l ’ obtention de leur consentement libre, préalable et éclairé ;

c) D ’ a ccélérer le processus d ’ adoption et de promulgation de la loi portant protection et promotion des droits des peuples autochtones, et de mettre en place les mécanismes nécessaires pour veiller à sa mise en œuvre effective avec la participation des peuples autochtones concernés ;

d ) D ’ e nvisager la ratification de la Convention de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux (n o  169) de l ’ Organisation internationale du Travail.

Exploitation des ressources naturelles

16.Le Comité prend note des efforts déployés pour renforcer le cadre juridique sur les industries extractives et forestières, par les modifications faites au Code forestier et au Code minier. Il reste néanmoins préoccupé par les informations faisant état de l’application inefficace de ces mesures et des conséquences négatives que l’exploitation minière et forestière a sur les modes de vie traditionnels des populations concernées, y compris les peuples autochtones, ainsi que sur leur accès à la terre, à une alimentation adéquate, à l’eau et à un niveau de vie suffisant, et sur leur participation à la vie culturelle. Le Comité est également préoccupé par les actes de violence et d’intimidation contre les communautés concernées, y compris contre les écogardes des parcs naturels (art. 1er et 11).

17. Le Comi té recommande à l ’ État partie  :

a ) D ’ é laborer des directives et des règles claires permettant d ’ évaluer l ’ impact sur les droits économiques, sociaux et culturels et sur l ’ environnement que peuvent avoir les projets économiques de développement et d ’ exploitation des ressources naturelles , notamment l ’ exploitation minière et forestière, y compris les projets réalisés par des acteurs privés, sur l ’ ensemble du territoire de l ’ État partie  ;

b) De p rendre les mesures nécessaires pour garantir que les communautés touchées par les activités liées au développement économique et à l ’ exploitation de s ressources naturelles sur leurs territoires sont consultées, reçoivent compensation pour les dommages ou pertes subis , et en retirent des bénéfices concrets ;

c) De p révenir les actes de violence et d ’ intimidation contre les communautés concernées et l es écogardes dans les parcs naturels , et de leur garantir une protection effective, y compris par l ’ intermédiaire de l ’ Institut c ongolais pour la c onservation de la n ature.

En treprises et droits de l ’ homme

18.Le Comité regrette de n’avoir reçu d’informations concrètes ni sur l’application de la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises extractives et forestières, ni sur la possibilité d’envisager des négociations avec des entreprises internationales pour exercer la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme.

19. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De p rendre des mesures législatives et administratives, y compris l ’ adoption d ’ un plan d ’ action , afin que les activités exercées par les entreprises nationales et internationales dans l ’ État partie n ’ aient pas d ’ incidence négative sur l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels ;

b) De r éviser son cadre juridique concernant la responsabilité sociétale et environnementale ainsi que le régime juridique et les normes de régulation applicables aux entreprises extractives et forestières afin de leur imposer d ’ exercer une diligence raisonnable en matière de droits de l ’ homme , en vue d ’ identifier les risques de violation des droits garantis par le Pacte, de prévenir et d ’ atténuer ces risques, et de prévenir la violation de ces droits ;

c) De s e référer à son o bservation g énérale n o 24 (2017) sur les obligations des États en vertu du Pacte dans le contexte des activités des entreprises.

Changement climatique

20.Le Comité est préoccupé par les effets néfastes des exploitations minières et forestières sur l’environnement. Il est également préoccupé par les effets de la déforestation sur le changement climatique et par le fait que, malgré l’imposition d’un moratoire sur les concessions forestières en 2002, des accords d’exploitation forestière ont continué à être accordés (art. 11).

21. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les ressources naturelles, notamment les ressources forestières , soient utilisées selon un modèle de conservation juste et équitable, en consultation avec les communautés concernées, les peuples autochtones, les organisations de la société civile et les autorités chargées de la conservation. Il exhorte l ’ É tat partie à respecter la mise en œuvre du moratoire sur les concessions forestières. Le Comité recommande à l ’ É tat partie de continuer ses efforts en vue de prendre les mesures nécessaires pour atténuer l ’ incidence négative d u changement climatique sur les droits économiques, sociaux et culturels.

Corruption

22.Tout en prenant note des mesures prises pour combattre la corruption et des poursuites engagées concernant des cas de corruption, le Comité s’inquiète de l’insuffisance des informations reçues sur leur effectivité et les résultats concrets de leur application. Il reste également préoccupé par la persistance de la corruption dans l’État partie, qui continue à faire obstacle à la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels (art. 2, par. 1).

23. Le Comité réitère s a recommandation antérieur e concernant la corruption et recommande à l ’ État partie de continuer à s ’ attaquer à titre prioritaire aux causes profondes de la corruption , d ’ assurer l ’ application stricte des mesures adoptées pour combattre la corruption et de lutter efficacement contre l ’ impunité des coupables. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures législatives et administratives nécessaires pour garantir la transparence dans l ’ administration publique, et pour protéger les lanceurs d ’ alerte et militants de la société civile qui luttent contre la corruption, ainsi que les témoins et les journalistes .

Maximum des ressources disponibles

24.Le Comité est préoccupé par la mobilisation limitée des ressources internes destinées à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Il note avec préoccupation qu’une faible partie des revenus de l’État partie proviendrait de la fiscalité et que celui-ci ne génère pas assez de revenus provenant des secteurs productifs, comme le secteur minier, ce qui limiterait la capacité de l’État partie à réduire le taux élevé d’inégalités (art. 2, par. 1).

25. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à la mobilisation effective des ressources internes, y compris par le développement d ’ une politique fiscale plus efficace, progressive et socialement juste et d ’ une demande de redevances aux investisseurs étrangers pour l ’ exploitation des ressources naturelles, comme l ’ extraction minière , qui soit juste et équitable, dans le but de lutter contre les inégalités économiques et d ’ assurer progressivement le plein exercice des droits économiques, sociaux et culturels. Il lui recommande également de veiller à ce que tant le processus de renforcement de la politique fiscale que l ’ élaboration de tout projet de budget soient transparents et participatifs.

Non-discrimination

26.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore adopté de loi générale de lutte contre la discrimination couvrant tout motif dans l’ensemble des domaines couverts par le Pacte.Il s’inquiète également de l’absence de mesures efficaces pour lutter contre la discrimination de fait concernant la jouissance effective des droits économiques, sociaux et culturels à laquelle font face les peuples autochtones, notamment les Batwas, les personnes déplacées à l’intérieur du pays et les personnes ayant un handicap (art. 2, par. 2).

27. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter une loi générale contre la discrimination, conformément à l ’ article 2 (par. 2) du Pacte et à son observation générale n o  20 (2009) sur la non ‑ discrimination dans l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels, interdisant la discrimination directe et indirecte pour tout motif dans l ’ ensemble des domaines couverts par le Pacte ;

b) De garantir l ’ accès à des recours effectifs aux victimes de discrimination, incluant la possibilité d ’ obtenir réparation ;

c) De prévenir et de combattre efficacement la discrimination dont sont l ’ objet les peuples autochtones, notamment les Batwas, les personnes déplacées à l ’ intérieur du pays et les personnes ayant un handicap, y compris par des campagnes de sensibilisation et le recours à des mesures d ’ action positive afin de garantir l ’ exercice de l ’ ensemble des droits reconnus dans le Pacte à toutes les personnes sans discrimination.

Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre

28.Le Comité s’inquiète de l’application des articles du Code pénal, en particulier de l’article 176, souvent utilisés pour criminaliser les relations entre personnes de même sexe. Il note avec préoccupation que les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes sont stigmatisés et font face à des actes de discrimination dans la jouissance de leurs droits économiques, sociaux et culturels, notamment dans l’accès au travail, au logement, aux soins de santé et à l’éducation (art. 2, par. 2).

29. Le Comité recommande à l ’ État partie de lutter contre la discrimination et la stigmatisation des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenre s et intersexes, y compris par des campagnes de sensibilisation, et de faire en sorte que nul ne subisse de discrimination dans la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier en matière d ’ accès aux services de santé, à l ’ éducation et au logement, en raison de son orientation sexuelle ou de son identité de genre. Le Comité prie l ’ État partie de veiller à ce que l ’ article 176 du Code pénal ne soit pas utilisé pour la criminalisation des relations entre personnes de même sexe .

Égalité entre hommes et femmes

30.Le Comité note avec satisfaction les développements sur le plan législatif pour la promotion de l’égalité entre hommes et femmes, notamment l’adoption de la loi no 15/013 du 1er août 2015 portant modalités d’application des droits de la femme et de la parité. Cependant, il reste préoccupé par la persistance des stéréotypes de genre qui perpétue l’inégalité entre les sexes, notamment dans les domaines de l’accès au marché du travail, de l’égalité de rémunération et des conditions de travail, et de la participation à la vie publique et politique (art. 3).

31. Le Comité recommande à l ’ É tat partie de s ’ attacher prioritairement à mettre fin à l ’ inégalité persistante entre hommes et femmes. À cette fin, il l ’ engage à :

a) V eiller à l ’ application effective de la loi n o 15/013, y compris par la mise en place des institutions prévues dans cette loi  ;

b) P romouvoir l ’ application effective du principe de l ’ égalité de rémunération entre hommes et femmes et du principe de rémunération égale pour un travail de même valeur, notamment auprès des employeurs, des services d ’ inspection du travail ainsi que des juges  ; 

c) Adopter toutes les mesures nécessaires, y compris des mesures temporaires spéciales , afin que les femmes aient accès, dans des conditions d ’ égalité , à des chances professionnelles dont elles peuvent bénéficier en poursuivant des études et en suivant une formation, ainsi que pour assurer leur participation à la vie publique et politique  ;

d) Prendre des mesures pour combattre les stéréotypes de genre et faire évoluer les attitudes traditionnelles qui font obstacle à l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels des femmes, notamment par des campagnes de sensibilisation au partage des responsabilités familiales entre hommes et femmes ;

e) Se référer à son observation générale n o  16 (2005) sur le droit égal de l ’ homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels.

Violences à l’égard des femmes

32.Le Comité est préoccupé par le très grand nombre de cas de violence domestique et de violence sexuelle perpétrés contre des femmes et des filles dans l’État partie. Il s’inquiète également de l’absence de cadre juridique effectif pour lutter contre les violences domestiques et les violences sexuelles à l’égard des femmes, ainsi que de l’insuffisance des mesures pour assurer une protection effective des victimes (art. 3).

33. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter un cadre juridique spécifique et effectif pour lutter contre les violences domestiques et les violences sexuelles à l ’ égard des femmes et des filles  ;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires afin de prévenir la violence à l ’ égard des femmes et des filles, y compris la violence domestique et la violence sexuelle, notamment par des campagnes nationales de sensibilisation s ’ adressant à toutes les composantes de la société et visant à promouvoir le respect de l ’ égalité entre hommes et femmes et à informer sur l ’ effet préjudiciable de la violence à l ’ égard de s femmes et de s filles , afin d ’ éliminer la stigmatisation des victimes  ;

c) De poursuivre et de traduire en justice les auteurs de violences sexuelles, y compris celles commises durant les conflits armés qui continuent dans l ’ impunité , et de veiller à ce que les femmes et les filles puissent porter plainte sans crain te de représailles ou de stigmatisation ;

d) D ’ adopter des mesures adéquates de protection et d ’ assistance aux victimes, notamment la mise en place d ’ aides d ’ urgence sur le plan juridique, l ’ accès aux soins de santé et d ’ aide psychologique ainsi que la fourniture d ’ abris , et de garantir l ’ accès à l ’ éducation notamment aux filles victimes de ces violences  ;

e) De se référer aux recommandations du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes incluses dans ses observations finales concernant le huitième rapport périodique de l ’ É tat partie , relatives aux violences sexuelles à l ’ égard des femmes et des filles .

Droit au travail

34.En dépit des efforts de l’État partie pour réduire le chômage, le Comité relève que l’impact de ces mesures n’a pas été significatif et que le marché du travail est marqué par un fort taux de chômage parmi les jeunes, de fortes inégalités dans les possibilités d’emploi et le nombre élevé de travailleurs employés dans l’économie informelle qui ne sont pas couverts par la législation du travail ni par le système de sécurité sociale. Le Comité regrette également de n’avoir pas reçu d’informations concernant les mesures prises pour remédier à la perte d’emplois causée par la crise liée à la pandémie de maladie à coronavirus (COVID‑19), en particulier dans les groupes de population plus touchés par le chômage (art. 6 et 9).

35. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ élaborer et de mettre en œuvre, en consultation avec les partenaires sociaux, une politique nationale de l ’ emploi qui compte des objectifs précis pour réduire le chômage et combattre toute forme de discrimination, en ciblant ses efforts en particulier sur les jeunes, les femmes, les personnes handicapées et tous les autres groupes touchés par la discrimination ;

b) De redoubler d ’ efforts pour renforcer la qualité de l ’ éducation et de la formation technique et professionnelle ;

c) De veiller à ce que les travailleurs employés dans l ’ économie informelle bénéficient de la protection de la législation du travail et aient accès à la protection sociale , et de continuer ses efforts pour réduire progressivement le nombre de travailleurs dans ce secteur de l ’ économie, en les intégrant dans l ’ économie formelle ;

d) De prendre les mesures nécessaires permettant de faire face à l ’ impact de la pandémie de COVID-19, en ce qui concerne le marché du travail et le manque de revenus pendant cette période ;

e) De se référer à son observation générale n o  18 (2005) sur le droit au travail.

Salaire minimum

36.Le Comité est préoccupé par le fait que le salaire minimum n’est pas suffisant pour assurer des conditions de vie décentes aux travailleurs et à leur famille, et regrette qu’aucune information n’ait été fournie sur les mécanismes existants ou prévus pour sa révision et son actualisation (art. 7).

37. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ augmenter le salaire minimum national en concertation avec les partenaires sociaux et de l ’ indexer sur l ’ évolution du coût de la vie afin de garantir progressivement à tous les travailleurs et aux membres de leur famille des conditions de vie décentes .

Conditions de travail dans les mines artisanales

38.Le Comité note que, pour améliorer les conditions de travail dans les zones minières, le Code minier prévoit que seuls les exploitants membres d’une coopérative minière agréée à l’intérieur d’une zone d’exploitation artisanale sont autorisés à travailler dans ces mines. Cependant, il s’inquiète de ce que les conditions de travail demeurent précaires, que de nombreux exploitants miniers continuent à travailler sans être membres d’une coopérative et que les zones d’exploitation artisanale sont rares. Le Comité se déclare également préoccupé par le fait que des femmes, y compris des femmes enceintes, continuent à travailler dans les mines artisanales dans des conditions extrêmement dangereuses et sans aucune protection. Il est préoccupé en outre par les informations faisant état d’accidents dans des mines artisanales qui ont parfois provoqué la mort de certains travailleurs. Il note également avec préoccupation que l’inspection du travail demeure insuffisante en raison du manque de ressources humaines et de moyens financiers et matériels (art. 7).

39.Le Comité recommande à l ’ É tat partie :

a) De prendre les mesures nécessaires pour assurer aux travailleurs des mines artisanales des conditions de travail justes et favorables, y compris par le renfor cement de la vulgarisation des dispositions du Code minier concernant les coopératives minières et les zones d ’ exploitation artisanale  ;

b) De créer des mécanismes efficaces pour contrôler de manière systématique les conditions de travail dans le secteur minier, et pour dénoncer toutes les formes d ’ abus et d ’ exploitation, en prenant en considération de manière particulière la situation des femmes qui travaillent dans ce secteur ;

c) De mener des enquêtes indépendantes sur les accidents survenant dans les mines artisanales et d ’ offrir aux victimes des recours effectifs ainsi que des mesures de compensation ;

d) De mettre en place un mécanisme d ’ inspection du travail doté de ressources matérielles, techniques et humaines suffisantes pour contrôler efficacement les conditions de travail dans tous les secteurs.

Droits syndicaux

40.Tout en prenant note des renseignements fournis par l’État partie dans son rapport, le Comité regrette de n’avoir reçu d’information ni sur l’application des mesures adoptées pour garantir le droit de créer des syndicats aux personnes employées dans la fonction publique, ni sur les mesures adoptées pour leur garantir l’exercice de leurs droits syndicaux, y compris leur droit à la grève (art. 8).

41. Le Comité rappelle à l ’ État partie s a recommandation antérieur e concernant les droits syndicaux et lui recommande de poursuivre ses efforts pour garantir aux personnes employées dans la fonction publique et dans les services administratifs décentralisés la liberté de former des syndicats et d ’ y adhérer, ainsi que d ’ exercer le ur s droits syndicaux, y compris le droit à la grève , tels qu ’ ils sont garantis dans l ’ article 8 du Pacte.

Droit à la sécurité sociale

42.Le Comité constate avec préoccupation que la couverture du système de sécurité sociale de l’État partie dépend fortement du caractère formel de l’emploi, et qu’un nombre élevé de personnes continuent à être exclues du système de sécurité sociale, notamment les travailleurs de l’économie informelle (art. 9).

43. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts dans l ’ élaboration d ’ un système de sécurité sociale qui garantisse une couverture sociale universelle et offre des prestations suffisantes à toutes et à tous, en particulier aux groupes les plus défavorisés et les plus marginalisés, de manière à leur garantir des conditions de vie décente s . Il le prie instamment d ’ accélérer la mise en place d ’ un socle de protection sociale intégrant des garanties sociales universelles élémentaires, et le renvoie à cet égard à son observation générale n o  19 (200 7 ) sur le droit à la sécurité sociale, ainsi qu ’ à la déclaration intitulée « Les socles de protection sociale : un élément essentiel du droit à la sécurité sociale et des objectifs de développement durable » qu ’ il a adoptée en 2015 .

Protection des enfants

44.Malgré l’adoption par l’État partie de la Stratégie nationale sectorielle de lutte contre le travail des enfants dans les mines artisanales et sur les sites miniers artisanaux pour la période de 2017 à2025, le Comité est préoccupé par le nombre élevé d’enfants qui continuent à travailler dans le secteur minier. Bien que le Comité reconnaisse qu’un grand nombre d’enfants ont été démobilisés des forces ou groupes armés, il note avec préoccupation que dans le contexte des conflits armés, qui persiste dans le pays, un nombre élevé d’enfants se trouvent dans une situation d’extrême vulnérabilité et d’abandon, et donc exposés au risque d’être recrutés par des groupes armés. Le Comité regrette de n’avoir pas reçu d’informations concrètes sur les mesures prises pour assurer leur protection, leur prise en charge effective et leur réinsertion sociale (art. 10).

45. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De mettre en place un système de protection intégrale des enfants, en particulier pour ceux qui sont en situation de vulnérabilité ;

b) De renforcer la mise en œuvre effective de la Stratégie n ationale s ectorielle de lutte contre le travail des enfants dans les mines artisanales et sur les sites miniers artisanaux , en veillant à ce que les dispositions législatives relatives au travail des enfants soient appliquées avec fermeté, en renforçant les mécanismes d ’ inspection du travail et en apportant un soutien aux familles vivant dans la pauvreté , afin que les enfants poursuivent leur scolarité  ;

c) De renforcer ses efforts pour prévenir de manière effective l ’ utilisation d ’ enfants par des groupes armés non étatiques , et de prendre les mesures voulues pour que tous les enfants démobilisés soient considérés comme des victimes et aient accès à l ’ éducation, à la santé, à la sécurité soc iale et aux soins psychosociaux ;

d) D e s ’ assurer que l ’ enrôlement d ’ enfants par des groupes armés illégaux fasse l ’ objet d ’ enquête s approfondie s et que les responsables soient jugés et sanctionnés ;

e) De veiller à ce que tous les cas d ’ exploitation, y compris les cas d ’ exploitation économique , fassent l ’ objet d ’ une enquête et que les responsables soient dûment sanctionnés.

Pauvreté et inégalités

46.Le Comité relève avec préoccupation que les taux de pauvreté demeurent très élevés, touchant environ 82 % de la population dont, de manière disproportionnée, les femmes et les enfants ainsi que les peuples autochtones. Le Comité est également préoccupé par le taux élevé d’inégalités dans l’État partie (art. 11).

47. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour combattre les inégalité s sociale s et la pauvreté, en particulier l ’ extrême pauvreté, notamment par la mise en œuvre de modes de développement inclusifs qui bénéficient en priorité aux plus pauvres et au moyen d ’ une évaluation exhaustive des programmes et des stratégies mis en place à cet effet, afin d ’ identifier les obstacles et d ’ adopter les modifications nécessaires visant à mettre en œuvre une stratégie intégrale de lutte contre la pauvreté. Le Comité recommande également à l ’ État partie de veiller à ce que cette stratégie soit assortie d ’ objectifs précis et mesurables , qu ’ elle soit dotée des ressources nécessaires , qu ’ elle prévoit des mécanismes efficaces de coordination entre les différents acteurs, qu ’ elle soit mise en œuvre conformément aux normes et aux principes relatifs aux droits de l ’ homme , et qu ’ elle tienne dûment compte des disparités régionales existantes et des besoins réels de la population, notamment des groupes les plus défavorisés et les plus marginalisés . À cet égard, l e Comité renvoie l ’ État partie à la d éclaration sur la pauvreté et le Pacte qu ’ il a adoptée en 2001 .

Droit à l’alimentation

48.Le Comité relève avec préoccupation qu’un grand nombre de personnes (environ 27,7 millions) demeurent confrontées à une insécurité alimentaire aiguë et que le taux d’enfants qui souffrent de malnutrition chronique est très élevé (3,6 millions). Il est également préoccupé par l’impact de la crise alimentaire sur les groupes les plus défavorisés et marginalisés, tels que les personnes déplacées à l’intérieur du pays et les peuples autochtones (art. 11).

49. Le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) De prendre des mesures immédiates pour faire face à la malnutrition chronique, notamment par l ’ intermédiaire de l ’ adoption de plans d ’ actions d ’ urgence intégrant des objectifs précis pour réduire les taux de malnutrition chronique dans l ’ État partie ;

b) D ’ adopter un cadre législatif et institutionnel ainsi qu ’ une stratégie globale pour garantir le droit à une alimentation adéquate et lutter contre la faim et la malnutrition chronique, et de faire appel à cet égard à l ’ appui technique de l ’ Organisation des Nations Unies pour l ’ alimentation et l ’ agriculture ;

c) D ’ accroître ses efforts pour améliorer la productivité des petits producteurs agricoles , en favorisant leur accès aux technologies appropriées et aux marchés locaux, afin d ’ améliorer les revenus, en particulier dans les zones rurales ;

d ) De s e référer à son observation générale n o  12 (1999) sur le droit à une nourriture suffisante et aux Directives volontaires à l ’ appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, adoptées en 2004 par le Conseil de l ’ Organisation des Nations Unies pour l ’ alimentation et l ’ agriculture.

Droit au logement

50.Le Comité note avec préoccupation qu’une proportion élevée de la population habite dans des logements précaires, dans des conditions peu adéquates, sans accès à l’électricité, à l’eau potable et à un système d’assainissement (art. 11).

51. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une stratégie globale de logement visant à améliorer l ’ offre de logements abordables, en particulier pour les personnes et les familles défavorisées et marginalisées. Il lui recommande également de veiller à ce que chacun bénéficie de la fourniture sûre et abordable de services d ’ électricité, d ’ eau potable et d ’ assainissement. Le Comité renvoie l ’ État partie à ses observation s générale s n o  4 (1991) sur le droit à un logement suffisant et n o  15 (2002) sur le droit à l ’ eau, ainsi qu ’ à la déclaration sur le droit à l ’ assainissement qu ’ il a adoptée en 2010 .

Expulsions forcées et réforme foncière

52.Le Comité est préoccupé par les expulsions et déplacements forcés de certaines communautés, dans le contexte d’exploitations minières, sans que ces communautés aient été consultées, aient reçu des indemnités justes ou aient fait l’objet de mesures de réinstallation. Le Comité prend note du programme de réforme foncière adopté en 2018 pour répondre aux problèmes de conflits liés à la terre ; cependant, il regrette que la loi portant modification de la loi no 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés n’ait pas encore été adoptée (art. 11).

53. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ assurer l ’ application effective des dispositions du Code minier révisé et de l ’ a nnexe XVIII du Règlement minier concernant les expulsions forcées, conformément aux normes internationales relatives aux droits de l ’ homme, et de garantir aux victimes d ’ expulsion forcée l ’ accès à des recours effectif s leur permettant de récupérer leurs biens, de retourner dans leur logement ou sur leurs terres et de recevoir une indemnisation adéquate. À cet égard, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 7 (1997), qui contient notamment des lignes directrices sur les recours utiles, les indemnisations appropriées et la consultation des intéressés, ainsi que sur les directives concernant les expulsions et les déplacements liés au développement élaborées par le Rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu ’ élément du droit à un niveau de vie suffisant . Le Comité prie l ’ État partie de veiller à continuer de résoudre les conflits liés à la terre et d ’ envisager l ’ accélération du débat et l ’ adoption des modifications de la loi n o 73-021 .

Droit à la santé

54.Le Comité prend note du Plan stratégique national pour la couverture santé universelle, qui a pour but d’améliorer la couverture sanitaire ainsi que la qualité des soins de santé. Cependant, il est préoccupé par le manque de ressources financières et humaines, les carences et le mauvais fonctionnement des infrastructures, la pénurie de médicaments, et la qualité et l’accessibilité insuffisantes des services de soins de santé. Le Comité prend note également de l’insuffisance de programmes efficaces pour la prévention du VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles. Il note en outre que l’épidémie de maladie à virus Ebola et la pandémie de COVID-19 ont eu des effets graves sur le système de santé de l’État partie (art. 12).

55. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ assurer la mise en œuvre effective du Plan s tratégique n ational pour la c ouverture santé u niverselle , notamment en assurant l ’ allocation de ressources suffisantes au secteur de la santé. Il lui recommande également de poursuivre ses efforts pour garantir l ’ accessibilité, la disponibilité et la qualité des services de santé, en tenant compte des défis qui ont émergé avec l ’ épidémie de maladie à virus Ebola et la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19. Le Comité recommande en outre à l ’ É tat partie d ’ améliorer l ’ infrastructure du système de soins de santé primaires et de veiller à ce que les hôpitaux disposent du personnel médical, des équipements et des médicaments d ’ urgence nécessaires. À cet égard, le Comité renvoie l ’ État partie à la déclaration sur la pandémie de COVID-19 et les droits économiques, sociaux et culturels qu ’ il a adoptée en 2020 .

Droit à la santé sexuelle et procréative

56.Le Comité prend note de la ratification par l’État partie du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique (Protocole de Maputo). Cependant, il note avec préoccupation que l’avortement continue à être criminalisé, notamment dans un contexte où le nombre de cas de violence sexuelle et le taux de grossesses précoces restent très élevés. Le Comité regrette l’absence d’information concernant les programmes d’éducation à la santé sexuelle et procréative (art. 12).

57. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ abroger les dispositions du Code pénal interdisant l ’ avortement , afin de rendre sa législation compatible avec les droits des femmes, notamment le droit à la vie et à la santé physique et mentale, et de définir les circonstances dans lesquelles l ’ avortement est légal en supprimant les conditions restrictives qui limiteraient l ’ accès à celui-ci ;

b) D e s ’ assurer que les femmes qui recourent à cette pratique ne soient pas tenues pénalement responsables , et d ’ assurer la diffusion et la disponibilité d ’ informations et de services de qualité en matière de santé sexuelle et procréative pour toutes les femmes et adolescentes, en particulier dans les zones rurales reculées ;

c) D ’ évaluer les mesures adoptées pour la prévention des grossesses involontaires et des grossesses chez les adolescentes , et d ’ intensifier l ’ action menée pour assurer l ’ accessibilité et la disponibilité de services de santé sexuelle et procréative, notamment l ’ accès à des moyens de contraception abordables, sûrs et efficaces, et aux contraceptifs d ’ urgence à toutes les femmes et adolescentes, en particulier dans les zones rurales ;

d) De renforcer, s ur la base de l ’ égalité entre hommes et femmes, l ’ accès à l ’ information sur la santé sexuelle et procréative , et de développer des programmes d ’ éducation sur la santé sexuelle et procréative pour les filles et les garçons, fondés scientifiquement et adaptés à chaque tranche d ’ âge ;

e) De s e référer à son observation générale n o 22 (2016) sur le droit à la santé sexuelle et procréative.

Droit à l’éducation

58.Le Comité prend note des efforts fournis par l’État partie pour assurer la gratuité de l’éducation. Il demeure néanmoins préoccupé par :

a)Les informations selon lesquelles il existe encore des coûts indirects de scolarité, comme les frais d’appui aux besoins de l’enseignant, qui limiteraient l’accès à l’éducation primaire ;

b)La persistance d’inégalités dans l’accès à l’éducation, touchant particulièrement les enfants déplacés à l’intérieur du pays et les enfants batwas ;

c)La faible qualité de l’enseignement due en partie à l’absence de ressources suffisantes, à la précarité des infrastructures et au nombre insuffisant d’enseignants ;

d)Les disparités croissantes dans l’accès à l’éducation, accentuées par la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19 ;

e)Les attaques perpétrées contre les écoles, ainsi que contre les étudiants et enseignants, notamment les femmes et les filles, dans certaines provinces du pays ;

f)L’impact des mariages précoces sur l’accès à l’éducation chez les filles ;

g)L’accès insuffisant et inégal à l’éducation préscolaire (art. 13 et 14).

59. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ assumer la responsabilité principale de fournir un enseignement de qualité à tous les enfants et, à cette fin :

a) D ’ assurer l ’ application effective de la gratuité des frais de scolarité au niveau de l ’ enseignement primaire , et de renforcer les règles et les mécanismes de contrôle et de supervision des établissements d ’ enseignement ;

b) D e prendre les mesures nécessaires pour garantir l ’ accès à l ’ éducation pour tous les enfants, notamment les enfants déplacés à l ’ intérieur du pays, les enfants b atwas et les enfants vivant dans les zones rurales ;

c) D ’ améliorer la qualité de l ’ enseignement, notamment en y consacrant des ressources suffisantes, en augmentant le nombre d ’ enseignants qualifiés et leur rémunération, et en améliorant les infrastructures et le matériel pédagogique ;

d) De renforcer la mise en œuvre de mesures précises et concrètes pour rendre effectif le retour à l ’ école, assurer l ’ accès à un enseignement de qualité et réduire la fracture numérique entre les élèves ;

e) De prendre des mesures d ’ urgence pour s ’ assurer que les enfants vivant dans les zones où les conflits persistent aient accès à l ’ enseignement, et de mener des enquêtes approfondies sur les actes de violence commis à l ’ égard des enseignants et des élèves, ainsi que sur les dommages occasionnés aux infrastructures éducatives, afin de traduire les responsables en justice et d ’ assurer la mise en œuvre effective de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles ;

f) D ’ élaborer et d ’ appliquer efficacement des mesures visant à dissuader les enfants, et plus particulièrement les filles, d ’ abandonner leurs études ;

g) De veiller à promouvoir l ’ accès égalitaire à l ’ éducation préscolaire.

Droits culturels

60.Le Comité note avec préoccupation l’absence de mesures pour promouvoir la diversité culturelle et pour encourager la diffusion de la culture, des traditions et des connaissances traditionnelles des Batwas (art. 15).

61. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour promouvoir la prise de conscience du patrimoine des Batwas, et de créer les conditions favorables à la protection, au développement, à l ’ expression et à la diffusion par les Batwas de leur histoire, de leur culture, de leurs traditions, de leurs connaissances traditionnelles et de leurs coutumes.

D.Autres recommandations

62. Le Comité engage l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

63. Le Comité encourage l ’ État partie à adhérer à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

64. Le Comité recommande à l ’ État partie de tenir pleinement compte des obligations que lui impose le Pacte et de garantir la pleine jouissance des droits qui y sont énoncés dans la mise en œuvre au niveau national du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030. La réalisation des objectifs de développement durable serait grandement facilitée si l ’ État partie établissait des mécanismes indépendants pour suivre les progrès réalisés et s ’ il considérait que les bénéficiaires des programmes publics étaient titulaires de droits qu ’ ils peuvent faire valoir. La mise en œuvre des objectifs dans le respect des principes de participation, de responsabilité et de non-discrimination permettrait de garantir que nul n ’ est laissé de côté. À cet égard, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur sa déclaration relative à l ’ engagement de ne laisser personne de côté .

65. Le Comité demande à l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, aux échelons national et provincial, en particulier auprès des parlementaires, des fonctionnaires et des autorités judiciaires, et de l ’ informer dans son prochain rapport périodique des dispositions qu ’ il aura prises pour y donner suite. Le Comité engage l ’ État partie à associer la Commission national e des droits de l ’ homme, les organisations non gouvernementales et d ’ autres membres de la société civile au suivi des présentes observations finales et au processus de consultation nationale avant la soumission de son prochain rapport périodique.

66. Conformément à la procédure de suivi des observations finales adoptées par le Comité, l ’ État partie est prié de fournir, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de l ’ adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la mise en œuvre des recommandations formulées par le Comité aux paragraphes 19 b) (Entreprises et droits de l ’ homme), 39 b) (Conditions de travail dans les mines artisanales) et 49 c) (Droit à l ’ alimentation) ci-dessus.

67. Le Comité demande à l ’ État partie de lui soumettre son septième rapport périodique au titre de l ’ article 16 du Pacte le 31 mars 2027 au plus tard , à moins qu ’ il soit informé d ’ une modification du cycle d ’ examen. Conformément à la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le rapport ne doit pas compter plus de 21 200 mots