Nations Unies

E/C.12/COG/CO/1

Conseil économique et social

Distr. générale

2 janvier 2013

Original: français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations formulées en l'absence du rapport initial du Congo, adoptées par le Comité à sa quarante-neuvième session (12-30 novembre 2012)

1.En l’absence du rapport initial, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné l’état de la mise en œuvre par la République du Congo du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, à sa 47e séance tenue en privé le 23 novembre 2012, et a adopté à sa 58e séance les observations ci-après.

A.Introduction

2.À sa quarante-septième session, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a décidé de procéder à l'examen de la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans un certain nombre d'États parties qui, en dépit des nombreuses demandes qui leur avaient été adressées à cet effet, ne se sont pas acquittés de leur obligation de présenter un rapport conformément aux articles 16 et 17 du Pacte.

3.Le Comité déplore qu’en dépit des échanges entre le Comité et l’État partie en 2000 et la tenue du Séminaire national de formation du Comité interministériel de l’État partie sur la rédaction et la soumission de rapports aux organes de traités en 2011, l’État partie n’a toujours pas présenté son rapport initial qui était dû le 20 juin 1990. Par ailleurs, tout en notant les réponses de l’État partie à la liste de questions (E/C.12/COG/Q/1/Add.1), le Comité estime que, sans le rapport initial complet, l’obligation stipulée aux articles 16 et 17 du Pacte n’est pas remplie.

4.Le Comité rappelle que le système de présentation de rapports prévu dans le Pacte vise à amenerles États parties à rendre compte à l'organe conventionnel compétent, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels et, par son intermédiaire, au Conseil économique et social, des mesures adoptées, des progrès réalisés et des difficultés rencontrées pour assurer la jouissance des droits énoncés dans le Pacte.

5.Étant donné le peu d'informations dont le Comité dispose et le caractère sommaire et la soumission tardive des réponses à la liste de questions, le Comité estime nécessaire de limiter ses commentaires à des observations générales sur la situation des droits économiques, sociaux et culturels dans l’État partie. Par ailleurs, suite à l’annonce par l’État partie de la soumission du rapport initial dans un délai d’un an, le Comité a axé ses recommandations sur les principaux éléments d’information à inclure dans le rapport initial. Le Comité souligne toutefois que les observations ne sont aucunement exhaustives et ne sont pas destinées à limiter la portée du rapport initial.

B.Aspects positifs

6.Le Comité prend acte de la ratification par l’État partie, le 27 octobre 2009, du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 24 septembre 2010.

7.Le Comité prend acte des mesures ci-après prises par l’État partie :

(a)L’adoption de la loi no 5-2011 du 25 février 2011 portant promotion et protection des populations autochtones ;

(b)L’adoption de la loi no 4-2010 portant protection de l’enfant en République du Congo ;

(c)La prise en charge du traitement antipaludique, antituberculeux et des personnes vivant avec le VIH/sida ;

(d)L’adoption de la loi no 30-2011 portant lutte contre le VIH et le sida et la protection des personnes vivant avec le VIH ;

(e)L’introduction en 2007 de la gratuité de l’éducation primaire ;

(f)L’adoption de la loi du 16 juillet 2010 portant protection du patrimoine national et naturel et de la loi no 5-2010 du 26 juillet 2010 portant orientation de la politique culturelle au Congo.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

8.Le Comité note avec préoccupation que la Commission nationale des droits de l’homme n’est pas pleinement conforme aux Principes de Paris.

L e Comité demande à l’État partie d’inclure dans son rapport initial des renseignements sur les mesures prises pour rendre la Commission n ationale des d roits de l’ h omme pleinement conforme aux Principes de Paris , notamment en ce qui concerne la sélection et la nomination des membres de la Commission, la représentation des femmes et les ressources allouées. Le Comité demande également à l’État partie de fournir des informations sur les actions menées par la Commission aux fins de promouvoir les droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité renvoie l’État partie à son observation générale n o 10 (1998) sur le rôle des institutions nationales de défense des droits de l’homme dans la protection des droits économiques, sociaux et culturels.

9.Le Comité est préoccupé par l’ampleur de la corruption dans l’État partie ainsi que par les informations faisant état de détournements de fonds publics au détriment des ressources pouvant être allouées à la promotion des droits économiques, sociaux et culturels.

Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans le rapport initial des renseignements sur les mesures prises pour assainir la gouvernance publique et pour lutter contre la corruption, y compris des cas de corruption portés devant la justice. Le Comité demande également à l’État partie de fournir des données statistiques sur la part du budget public allouée aux différents secteurs relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels portant sur les cinq dernières années.

10.Le Comité juge préoccupant le manque d’indépendance de la justice dans l’État partie. Le Comité exprime également son inquiétude quant aux difficultés dont souffre le système judiciaire, notamment l’insuffisance de magistrats, le coût élevé des procédures, etl’inégale répartition géographique des cours et tribunaux, qui privent la population de recours effectifs et accessibles en cas de violation de leurs droits économiques, sociaux et culturels.

Le Comité demande à l’État partie de fournir des renseignements sur les résultats concrets de tout effort mené pour réformer et renforcer le système judiciaire de l’État partie.

11.Le Comité note avec préoccupation qu’une des causes profondes des violations des droits économiques, sociaux et culturels dans l’État partie est le manque de participation de la population dans la gouvernance du pays, notamment la faible implication des organisations nongouvernementales dans le développement des politiques publiques.

Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans le rapport initial des renseignements sur les obstacles à une participation véritable de la population à la gouvernance de l’État partie, ainsi que sur les mesures prises pour renforcer le dialogue avec les organisations non gouvernementales, notamment celles qui œu vrent à la promotion des droits de l’homme .

12.Le Comité constate avec préoccupation l’absence de retombées conséquentes de l’exploitation des ressources pétrolières sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels par la population.

Le Comité demande à l’État partie de fournir des renseignements sur les mesures prises afin de maximiser les retombées de l’exploitation pétrolière sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels par la population, notamment du droit au travail, du droit à la santé, du droit à un niveau de vie suffisant et du droit à l’éducation. Le rapport initial devrait également fournir, entre autres, des informations sur les mécanismes en place pour garantir la transparence de la gestion des revenus des exploitations des ressources naturelles de l’État partie.

13.Le Comité demeure très préoccupé par la discrimination à l’égard des populations autochtones et leur situation,en dépit de l’adoption en 2011 de la loi portant promotion et protection des populations autochtones.(art. 2).

Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans le rapport initial des renseignements sur les conditions réelles de la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels par les populations autochtones, tels que le pourcentage de populations autochtones employées, affiliées à la sécurité sociale et ayant accès aux services sociaux de base, à l’éducation et aux services de santé. Se référant aux réponses à la liste de questions, le rapport devrait fournir des informations sur l’application de la loi de 2011 sur la promotion et la protection des populations autochtones, ainsi que des renseignements sur l’impact des activités de renforcement des capacités des membres du Réseau n ational des p opulations a utochtones du Congo sur la jouissance des droits énoncés dans le P acte. Le rapport devrait également inclure une analyse des obstacles à la jouissance de ces droits, ainsi que des renseignements sur l’impact de la mise en œuvre du plan national 2009-2013 pour l’amélioration de la qualité de vie des populations autochtones et le programme d’appui à l’autonomisation des peuples autochtones.

14.Le Comité constate avec préoccupation que les personnes handicapées souffrent d’exclusion économique et sociale, en dépit de l’adoption en 1992 de la loi 009/02 portant statut, protection et promotion des droits de la personne handicapée. (art. 2).

Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans le rapport initial des renseignements sur le développement et la mise en œuvre de législation et politiques en faveur des personnes handicapées concernant l’éducation, l’emploi, la protection social e et la santé. Se référant aux réponses à la liste de questions, le Comité demande à l’État partie d’inclure dans le rapport initial des renseignements sur la jouissance effective des droits économiques, sociaux et culturels par les personnes handicapées . Ces renseignements devraient inclure des statistiques ventilées par sexe sur le pourcentage de personnes handicapées employées, d’enfan ts handicapés scolarisés, etc.

15.Le Comité demeure préoccupé par les grandes inégalités entre l’homme et la femme dans la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, en dépit d’efforts de l’État partie dans certains domainestels que l’adoption de la loi qui garantit la promotion et la représentation des femmes dans la fonction publique. (art. 3).

Le Comité demande à l’État partie de fournir des renseignements complets sur la s ituation juridique et matériel le des femmes et les mesures prises pour lutter contre la discrimination à leur égard . Ces renseignements devraient inclure des statistiques sur la situation des femmes dans plusieurs domaines, tels que leur représentation dans les poste s de haut niveau de la fonction publique et du secteur privé , leur emploi dans l’écon o mie formel le et informelle, leur accès aux services sociaux, l eur jouissance du droit à la santé et leur situation dans la famille et le mariage, notamment en ce qui concerne toutes les formes de violence à l’encontre des femmes.

16.Le Comité est préoccupé par les taux élevés de chômage et de sous-emploi dans l’État partie, notamment parmi les jeunes dont la majorité travaille dans l’économie informelle. (art. 6).

Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans le rapport initial des données comparatives sur le chômage et le sous-emploi, ventilées par sexe, zone s urbaine/rurale et année. Le Comité demande par ailleurs de fournir des renseignements sur l’incidence des activités menées par la Direction g énérale de la f ormation q ualifiante et des programmes spécifiques d e réduction du chômage et du sous- emploi parmi les jeunes et les couches défavorisées. Le Comité attire l’attention de l’État partie sur l’observation générale n o 18 (2005) sur le droit au travail.

17.Le Comité constate avec préoccupation qu’une grande majorité de la population de l’État partie ne jouit d’aucune forme de sécurité sociale. (art. 9).

Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans le rapport initial des renseignements sur les mesures prises pour élargir la couverture de la sécurité sociale , notamment aux groupes et personnes défavorisées et marginalisées et aux personnes travaillant dans l’économie informelle ainsi que leurs familles. Le Comité attire l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 19 (2007) sur le droit à la sécurité sociale.

18.Le Comité juge préoccupant le fait que le travail des enfants est largement répandu dans l’État partie.Le Comité est également préoccupé par la traite transfrontalière d’enfants. (art. 10).

Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans le rapport initial des renseignements sur les mesures prises pour remédier au travail d es enfants et à la traite d’enfants ainsi que sur les poursuites engagées et les condamnations prononcées à cet effet. Le Comité demande également à l’État partie de fournir des renseignements sur l ’application des mesures de protection de l’enfance énumérées au paragraphe 23 des réponses à la liste de questions.

19.Le Comité observe avec préoccupation que la croissance économique élevée dans l’État partie ne s’est pas traduite en une réduction concrète de la pauvreté et des disparités et inégalités sociales, ainsi qu’en une amélioration conséquente du niveau de vie de la population. (art. 11).

Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans le rapport initial des renseignements sur les mesures prises pour lutter contre la pauvreté , notamment dans les zones rurales et en faveur des groupes et régions défavorisés et marginalisés. Le Comité attire l’attention de l’État partie sur la D éclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/2001/10). Le Comité demande également à l’État partie de fournir dans le rapport initial des données comparatives et ventilées par sexe, région et zone urbaine/rurale sur le taux d’incidence de la pauvreté.

En outre, le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son rapport initial des renseignements sur la jouissance du droit au logement, notamment sur les expulsions forcées, les programmes de logement social et la situation des sans-abri. Le Comité renvoie l’État partie à s es observation s générale s n o 4 (1991) sur le droit à un logement suffisant et n o 7 (1997) sur les expulsions forcées (art. 11).

20.Le Comité juge préoccupant les taux de mortalité élevés dans l’État partie, notamment la mortalité infantile, la mortalité infanto-juvénile et la mortalité maternelle. (art. 12).

Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans le rapport initial des renseignements sur les mesures prises pour parvenir à l’universalité de la couverture des services de santé publique, ainsi que pour améliorer leur qualité . Le Comité demande également à l’État partie de fournir des statistiques récentes ventilées par sexe, zone s urbaine/rurale et année, sur les divers indicateurs de la jouissance du droit à la santé, tels que les taux de morbidité et de mortalité .

21.Le Comité s’inquiète du taux élevé de séroprévalence du VIH dans l’État partie.(art.12).

Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans le rapport initial des renseignements sur les mesures prises en vue d’améliorer la disponibilité et la qualité des services de prévention et de traitement du sida ainsi que l’accès à ceux-ci , et des statistiques ventilées par sexe, zone s rurale/urbaine, sur l’incidence de ces mesures . Le Comité demande également des renseignements sur la législation de l’État partie eu égard aux droits des personnes vivant avec le VIH/ sida .

En outre, le Comité demande à l’État partie de fournir des renseignements sur a) la disponibilité des services de santé sexuelle et génésique et l’accessibilité à ceux-ci  ; b) les programmes d’éducation en matière de santé sexuelle à l’école  ; et c) la législation encadr ant l’avortement et des données statistiques sur le taux d’avortement ventilées par groupes d’âge .

22.Le Comiténote avec préoccupation que, même si le système éducatif a connu un développement quantitatif important, la qualité de l’éducation demeure insuffisante.(art.13).

Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans le rapport initial des renseignements sur les mesures prises pour améliorer la qualité de l’éducation à tous les niveaux. Il demande également d’inclure des statistiques, ventilées par sexe, zone s urbaine/rurale, niveau d’éducation et année, sur les différents indicateurs de qualité de l’éducation, tels que le taux de rétention et le nombre d’élève s par enseignant . Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 13 (1999) sur le droit à l’éducation.

23.Le Comité est préoccupé par la faible jouissance des droits culturels dans la pratique dans l’État partie.(art. 15).

Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans le rapport initial des info rmation s détaillées sur le contenu et la portée des mesures concrètes adoptées pour respecter les obligations découlant des dispositions de l’ article 15 du Pacte, en tenant compte de la diversité culturelle du pays . Ces renseign e ments devraient concerner, entre autres, l’accès à la vie culture lle par toutes les personnes , la protection des savoirs traditionnels des populations autochtones et la jouissance des droits culturels p a r les communautés rurales, les groupes ethniques et les groupes défavorisés et marginalisés.

24. Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relati f aux droits économiques, sociaux et culturels, signé par l’État partie le 25 septembre 2009.

25. Le Comité demande à l’État partie de diffuser les présentes observations à tous les niveaux de la société, en particulier auprès de l’administration et des organisations de la société civile.

26. Le Comité invite l’État partie à soumettre un document de base actualisé conformément aux D irectives harmonisées concernant l’établissement des rapports, telles qu’approuvées par les organes de surveillance des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/MC/2006/3) .

27. Le Comité demande à l’État partie de présenter le rapport initial conformément aux directives adoptées par le Comité en 2008 ( E/C.12 /2008/2) le plus rapidement possible, au plus tard le 30 novembre 2013. Le Comité recommande vivement à l’État partie de consulter les organisations de la société civile dans le processus de préparation de ce rapport initial .