Nations Unies

E/C.12/YEM/CO/2

Conseil économique et social

Distr. générale

1er juin 2011

Français

Original: anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante-sixième session

Genève, 2-20 mai 2011

Examen des rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte

Observations finales du Comité des droits économiques, sociauxet culturels

Yémen

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le deuxième rapport périodique du Yémen sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/YEM/2) à ses 12e, 13e et 14e séances (E/C.12/2011/SR.12 à 14), tenues les 9 et 10 mai 2011, et a adopté, à sa 29e séance, le 20 mai 2011, les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique du Yémen et les réponses écrites qui ont été données à la liste des points à traiter. Si ces deux documents sont riches d’informations importantes sur les mesures prises par l’État partie pour respecter ses obligations au titre du Pacte, le Comité note toutefois, en le regrettant, que le rapport ne porte pas sur l’intégralité des droits consacrés par le Pacte, et que dans ses réponses écrites à la liste des points à traiter le Gouvernement yéménite ne répond pas de façon méthodique à chacune des questions posées. Le Comité souligne combien il importe que l’État partie fasse figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques comparatives collectées chaque année et ventilées par sexe, âge et lieu de vie − ville ou campagne − concernant tous les droits consacrés par le Pacte, en prêtant une attention particulière aux groupes sociaux défavorisés et marginalisés.

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a envoyé une délégation de haut niveau, et qu’il a coopéré de façon constructive avec le Comité alors même qu’il vivait un conflit politique et social. Le Comité prend note avec une très vive préoccupation, et avec regret, des informations dont il lui a été fait part au cours du dialogue avec l’État partie, faisant état de l’usage de la force contre des manifestants, dont des enseignants, revendiquant la pleine application de leurs droits économiques, sociaux et culturels, et des pertes en vies humaines et du grand nombre de blessés qui en ont résulté. Le Comité engage vivement l’État partie à rechercher des solutions par le dialogue et la participation, et à veiller au respect des droits de tous les manifestants d’exprimer pacifiquement ce qui les préoccupe.

4.Le Comité a conscience des problèmes aigus de ressources auxquels l’État partie est en butte, dont l’effet est décuplé du fait de la corruption généralisée, et dans ces conditions appelle l’attention de l’État partie sur son Observation générale no 3 (1990) sur la nature des obligations des États parties. Il insiste sur le fait que l’État partie a l’obligation minimum fondamentale d’assurer, au moins, la satisfaction de l’essentiel de chacun des droits énoncés dans le Pacte. Il souligne que, même s’il est démontré que les ressources disponibles dans le pays sont insuffisantes, l’obligation demeure pour l’État partie de s’efforcer d’assurer la jouissance la plus large possible des droits pertinents, y compris par la coopération et l’assistance internationales. Dans ce contexte, le Comité souligne l’importance que revêtent l’application rapide et effective et le suivi des recommandations figurant dans les présentes observations finales ci-après.

B.Aspects positifs

5.Le Comité prend note avec satisfaction des efforts déployés par l’État partie pour promouvoir la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels. Il se félicite en particulier:

a)De l’adoption en 2008 de la loi réprimant les violences familiales;

b)Des mesures prises par l’État partie aux fins de l’immunisation et de la lutte contre les maladies endémiques et contagieuses;

c)Des initiatives entreprises par l’État partie pour améliorer l’accès aux établissements scolaires, y compris par les enfants des groupes défavorisés et marginalisés;

d)Du grand nombre de projets visant à remédier aux failles dans la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels, et de la mise en place de la coopération à cet égard avec les partenaires internationaux et bilatéraux.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

6.Le Comité relève avec regret que l’État partie n’a pas encore créé d’institution nationale des droits de l’homme indépendante.

Le Comité recommande à l ’ État partie de créer une institution nationale des droits de l ’ homme indépendante dont le mandat englobe aussi les droits économiques, sociaux et culturels, et qui soit conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris).

7.Le Comité est profondément préoccupé par les manifestations de discrimination répandues au Yémen, qui sont souvent d’ordre structurel, visant les personnes et groupes de personnes défavorisés et marginalisés, en particulier les femmes.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une loi complète contre la discrimination, protégeant tous les groupes défavorisés et marginalisés de la société. Pour ce faire, il l ’ invite à s ’ inspirer de son Observation générale n o 20 (2009) sur la non-discrimination dans l ’ exercice des droits éco nomiques, sociaux et culturels.

8.Le Comité s’inquiète de ce que les membres de la communauté Al-Akhdam continuent de subir une marginalisation et une discrimination sur les plans social et économique, s’agissant en particulier de l’accès à l’emploi, des conditions de travail, du nombre élevé d’enfants qui travaillent, des taux extrêmement élevés d’abandon scolaire, et de l’absence de logement approprié et d’accès à l’eau, à l’assainissement et à l’électricité (art. 2).

Le Comité engage l ’ État partie à lutter contre la discrimination sociale et la marginalisation dont les membres de la communauté Al- Akhdam sont l ’ objet, y compris par l ’ adoption de mesures spéciales temporaires, conformément à l ’ Observation générale n o 20 (2009) du Comité, sur la non-discrimination dans l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels, et à adopter à cette fin un plan d ’ action national, élaboré en associant la communauté concernée et assorti d ’ un mécanisme de surveillance et de mise en œuvre effectif, participatif et transparent. Le Comité recommande aussi d ’ axer les mesures envisagées sur l ’ accès à l ’ emploi, les conditions de travail adéquates, la scolarisation des enfants et la prévention de l ’ abandon scolaire, l ’ accès aux soins médicaux et la réduction de la mortalité infantile, ainsi que sur l ’ accès à un logement décent, à l ’ eau, à l ’ assainissement et à l ’ électricité.

9.Le Comité est vivement préoccupé par la très faible représentation des femmes aux postes à responsabilité dans tous les domaines, y compris au Parlement, au Gouvernement et dans l’appareil judiciaire, l’administration publique, le service diplomatique et les milieux universitaires (art. 3).

Le Comité engage instamment l ’ État partie à adopter une loi complète relative à l ’ égalité des sexes et à mettre en place des mesures temporaires spéciales, y compris un système de quotas, pour promouvoir la représentation des femmes dans les postes à responsabilité dans tous les domaines.

10.Le Comité est profondément préoccupé de constater que la femme doit encore obtenir l’autorisation d’un homme de son entourage pour pouvoir travailler dans le secteur public (art. 3).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures appropriées, d ’ ordre législatif ou autre, pour supprimer l ’ exigence, pour l ’ emploi d ’ une femme dans le secteur public, du consentement d ’ un homme de son entourage.

11.Le Comité est préoccupé par le taux élevé de chômage dans l’État partie, en particulier chez les femmes vivant dans les zones rurales et reculées et chez les jeunes, ainsi que par la discrimination dont sont victimes les employés du secteur public et les membres des forces armées originaires du sud de l’État partie (art. 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures, y compris dans le cadre de la nouvelle Stratégie nationale pour l ’ emploi dont il vient de se doter, en vue de faire baisser le chômage, en particulier chez les personnes et les groupes les plus défavorisés ou marginalisés, notamment les femmes vivant dans les zones rurales et reculées et les jeunes. Il lui recommande également de prendre d ’ urgence des mesures efficaces pour lutter contre la discrimination qui frappe les personnes originaires du sud du Yémen travaillant dans le secteur public.

12.Le Comité est vivement préoccupé par la persistance de la discrimination à l’égard des personnes handicapées et de leur marginalisation, s’agissant en particulier de l’accès des femmes et des filles handicapées à l’emploi (art. 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour éliminer la discrimination et les préjugés associés au handicap dans tous les domaines de la vie. Il est recommandé de prendre d ’ urgence des mesures contre la discrimination à l ’ égard des femmes et des filles handicapées dans leur accès à l ’ emploi. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce qu ’ un pourcentage approprié des emplois de la fonction publique soient offerts à des personnes handicapées.

13.Le Comité note avec une préoccupation particulière que l’État partie n’a pas encore instauré de salaire minimum national.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ instaurer un salaire minimum national, qui soit régulièrement révisé sur la base d ’ un système d ’ indexation, en vue de garantir un niveau de vie suffisant aux employés concernés et à leur famille.

14.Le Comité s’inquiète aussi des écarts de rémunération importants, au préjudice des femmes en particulier (art. 7).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ assurer l ’ égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale, notamment en inscrivant expressément les garanties correspondantes dans le Code du travail.

15.Le Comité se dit préoccupé par l’impossibilité de créer un syndicat autonome qui ne soit pas rattaché à la Fédération générale des syndicats des travailleurs yéménites, et par l’obligation, pour tout mouvement de grève d’un syndicat local, d’obtenir l’autorisation préalable de cette même Fédération. Le Comité fait également part de son inquiétude quant aux informations faisant état de représailles de la part d’employeurs du secteur privé à l’encontre de syndicalistes, et quant au manquement général de la plupart des employeurs à l’obligation d’enregistrer leurs salariés (art. 8).

Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier la loi de 2002 relative aux syndicats de façon à rendre possible la création de syndicats et de fédérations syndicales indépendants et à autoriser les syndicats locaux à appeler à la grève sans l ’ autorisation d ’ organes syndicaux de niveau supérieur. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour prévenir les représailles, sous formes de mutations, de rétrogradations ou de licenciements, de la part d ’ employeurs du secteur privé à l ’ encontre de syndicalistes. Le Comité recommande aussi à l ’ État partie de veiller à ce que tous les employeurs enregistrent leurs salariés et respectent ainsi les dispositions relatives à la sécurité sociale et aux syndicats.

16.Le Comité constate avec préoccupation que les niveaux de prestations du Fonds des services sociaux, en particulier les niveaux de pensions de retraite, ne suffisent pas à garantir un niveau de vie décent pour les bénéficiaires et leur famille. Le Comité s’inquiète également des informations selon lesquelles des agents de l’État ou des chefs tribaux détourneraient les prestations sociales (art. 9).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts et d ’ exploiter les ressources disponibles pour accroître les montants budgétaires alloués au système de sécurité sociale, y compris les prestations d ’ assistance sociale, en vue de garantir aux bénéficiaires un niveau de vie décent. Le Comité recommande aussi à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour lutter contre la corruption et le détournement de fonds publics dans le domaine de la sécurité sociale, y compris les prestations de sécurité sociale, et poursuivre les auteurs de tels actes.

17.Le Comité demeure préoccupé par l’incidence de la violence dans la sphère familiale, y compris le harcèlement sexuel à l’égard des femmes et des enfants, dans l’État partie, et par les difficultés que rencontreraient les victimes de tels sévices pour déposer plainte et demander réparation (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie de promulguer immédiatement la loi n o 6 de 2008 réprimant les violences familiales, et ainsi d ’ ériger en infraction la violence dans la famille et le viol conjugal, de poursuivre les auteurs de ces actes et d ’ assurer la protection des victimes de violences dans la famille, notamment en augmentant le nombre de foyers d ’ accueil, leur champ d ’ action et leur capacité. Le Comité recommande également à l ’ État partie d ’ engager d ’ intenses efforts dans le but de sensibiliser les fonctionnaires de police, les procureurs, les juges, les travailleurs sociaux et la population en général à la violence dans la famille. Il lui recommande en outre de renforcer ses capacités d ’ analyse et de collecte de données sur la violence familiale, et de fournir des informations détaillées à ce sujet dans son prochain rapport périodique, en précisant le nombre de plaintes déposées par les victimes, les réparations accordées, les poursuites engagées et les peines prononcées contre les auteurs.

18.Le Comité demeure préoccupé par la persistance, en droit et dans la pratique, des inégalités qui pénalisent les femmes dans les affaires matrimoniales et familiales, notamment les mariages forcés, les graves discriminations à l’encontre des femmes qui demandent le divorce, et la position d’infériorité de la femme dans tout ce qui touche à l’héritage des biens matrimoniaux.

Le Comité engage vivement l ’ État partie à modifier de façon prioritaire sa législation en matière de droit matrimonial et familial en vue d ’ éliminer toute discrimination à l ’ égard des femmes dans les questions conjugales, et de s ’ assurer de sa compatibilité avec les normes relatives aux droits de l ’ homme pertinentes énoncées dans le Pacte et dans d ’ autres instruments internationaux. Il lui recommande en particulier de prendre de toute urgence des mesures en vue : a) de garantir l ’ enregistrement de tous les mariages conformément à l ’ article 14 du Code du statut personnel; b) d ’ interdire les mariages forcés; c) de garantir le droit des femmes de contracter mariage sans le consentement d ’ un tuteur; d) de garantir des droits égaux à la femme dans les procédures de divorce; e) de garantir des droits égaux à la femme dans le cadre de la loi sur la succession.

19.Le Comité est vivement préoccupé par le maintien en vigueur de la loi no24 de 1999 portant modification de la loi no20 de 1992 relative au statut personnel, qui légalise le mariage des filles de moins de 15 ans avec le consentement de leur tuteur, ainsi que par le fait que, en octobre 2010, la Commission de codification de la charia islamique a fait obstacle à l’entrée en vigueur d’une loi modificatrice visant à instaurer un âge minimum pour le mariage. Le Comité s’inquiète aussi du nombre croissant de victimes du mariage des enfants (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie: a) d ’ adopter et d ’ appliquer la loi fixant l ’ âge minimum du mariage et de porter cet âge à 18 ans conformément aux normes internationales et aux recommandations formulées par les organes internationaux pertinents; b) de garantir l ’ accès effectif à des voies de recours et aux autres formes de protection indispensables aux victimes de mariages d ’ enfants; et c) d ’ entreprendre de sensibiliser aux effets néfastes des mariages d ’ enfants.

20.Le Comité est vivement préoccupé par la persistance de la pratique néfaste des mutilations génitales féminines dans l’État partie, en particulier dans les zones côtières et rurales (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter de toute urgence une législation criminalisant les mutilations génitales féminines et garantissant que ceux qui s ’ y livrent sur des filles ou des femmes ou qui les leur imposent sont dûment poursuivis et punis. Il lui recommande aussi de renforcer l ’ action de sensibilisation et d ’ éducation menée en vue d ’ éliminer complètement cette pratique et de lutter contre les arguments sur lesquels elle repose.

21.Le Comité note avec préoccupation que les châtiments corporels peuvent être infligés aux enfants à titre de sanction dans une procédure pénale, et qu’ils sont autorisés par la loi et couramment utilisés comme moyen de discipline au sein de la famille et dans les autres cadres de prise en charge des enfants (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter de toute urgence une législation portant expressément interdiction de l ’ administration de châtiments corporels à des enfants, en toutes circonstances, y compris en tant que sanction judiciaire, ainsi qu ’ au sein de la famille et dans les autres cadres de prise en charge des enfants.

22.Le Comité s’inquiète des carences dans la mise en œuvre et l’application de l’interdiction légale du travail des enfants, qui entraînent une exploitation à vaste échelle des enfants (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures efficaces pour faire appliquer l ’ interdiction du travail des enfants, notamment en dotant de moyens suffisants le Service du travail des enfants, au Ministère des affaires sociales et du travail. Il recommande aussi à l ’ État partie de mieux assurer la surveillance des situations caractérisées de travail des enfants afin d ’ en garantir l ’ élimination progressive, en particulier lorsqu ’ il s ’ agit de travaux dangereux, conformément à la Convention n o 182 (1999) de l ’ Organisation internationale du Travail sur les pires formes de travail des enfants.

23.Le Comité est vivement préoccupé par l’ampleur du phénomène de la traite de femmes et d’enfants, y compris à destination de pays voisins, à des fins d’exploitation sexuelle ou autre. Il s’inquiète également du faible nombre de poursuites engagées contre les auteurs de la traite de femmes ou d’enfants (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ efforcer davantage de prévenir et d ’ éliminer la traite de femmes et d ’ enfants, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de la version révisée et étoffée du Plan national d ’ action contre la traite des enfants. Le Comité recommande en particulier à l ’ État partie d ’ adopter promptement les propositions de modifications du Code des infractions et des peines, et de poursuivre rapidement les auteurs des infractions de traite des êtres humains. Il lui recommande en outre de continuer de renforcer son système en place pour la réadaptation et la réinsertion des victimes de la traite, notamment pour la réadaptation des victimes de l ’ exploitation sexuelle à des fins commerciales.

24.Le Comité est préoccupé par le taux très élevé de pauvreté dans l’État partie, en particulier dans les gouvernorats d’Amran, Shabwah et Albayda (art. 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ efforcer davantage de lutter contre la pauvreté, en s ’ attachant tout particulièrement aux personnes et groupes de population défavorisés et marginalisés, notamment les enfants et les personnes vivant en milieu rural. À cette fin, il lui recommande d ’ adopter un nouveau plan national de développement et de lutte contre la pauvreté, soutenu par un mécanisme de surveillance et de mise en œuvre efficace, participatif et transparent. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur sa Déclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

25.Le Comité est préoccupé par l’ampleur de la malnutrition dans l’État partie, par les taux élevés d’émaciation, d’insuffisance pondérale et de retard de croissance, ainsi que par l’aggravation de l’insécurité alimentaire des familles, en particulier en zones rurales. Il se dit extrêmement préoccupé de ce que la hausse des prix des denrées alimentaires soit venue aggraver encore la situation. Il s’inquiète aussi de la part excessive des terres agricoles allouée à la culture du qat (art. 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter d ’ urgence des mesures efficaces pour lutter contre la faim et la malnutrition, en particulier chez l ’ enfant, et de prendre des mesures d ’ urgence pour contrecarrer les conséquences néfastes de la hausse des prix des denrées alimentaires sur le budget des familles, s ’ agissant en particulier des personnes et familles défavorisées et marginalisées. Le Comité invite l ’ État partie à s ’ inspirer, pour ce faire, de son Observation générale n o 12 (1999) sur le droit à une nourriture suffisante.

26.Le Comité s’inquiète de la pénurie d’eau, qui se répand, de l’insuffisance de l’accès à l’eau et des inégalités dans ce domaine, ainsi que de la pénurie d’eau potable dans l’État partie, en particulier dans les zones rurales et reculées. Il est également préoccupé par l’épuisement des réserves d’eau souterraine non renouvelables. Il s’inquiète en outre de ce que le réseau public d’assainissement se limite aux centres urbains, et note avec préoccupation le taux élevé de maladies d’origine hydrique et de mortalité infantile qui en résulte (art. 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts en vue de garantir l ’ accès de tous à l ’ eau et à des installations sanitaires adéquates, y compris dans les zones rurales et reculées. Il lui recommande également d ’ intensifier ses efforts, notamment grâce à la coopération internationale, en vue de remédier à la pénurie de ressources en eau, d ’ améliorer la gestion de l ’ eau, en particulier dans le secteur agricole, et de rationaliser l ’ utilisation des réserves d ’ eau souterraine non renouvelables. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son Observation générale n o 15 (2002) sur le droit à l ’ eau, ainsi que sur sa Déclaration sur le droit à l ’ assainissement (2010).

27.Le Comité s’inquiète de l’accès limité aux soins de santé de base et aux services de planification familiale y afférents, en particulier dans les zones rurales et reculées. Il est aussi préoccupé par les taux de mortalité maternelle et infantile très élevés dans l’État partie, qui sont liés au fait que 36 % seulement de l’ensemble des accouchements se déroulent en présence d’un personnel médical qualifié (art. 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris dans le cadre de sa Stratégie nationale pour la santé 2010-2015, en vue: a) de garantir l ’ accès de tous à des soins de santé de base et à des services de santé procréative spécialisés à des prix abordables; b) de renforcer la participation de personnel qualifié aux accouchements, ainsi que les soins prénatals et postnatals, en particulier dans les zones rurales et reculées; et c) d ’ améliorer la représentation des femmes au sein du personnel de santé, en particulier dans le domaine des soins infirmiers.

28.Le Comité constate avec préoccupation que, malgré de légères améliorations, les taux d’inscription dans l’enseignement primaire et secondaire demeurent particulièrement bas, notamment chez les filles. Il s’inquiète également de l’augmentation du taux d’abandon scolaire, ainsi que de la diminution de la fréquentation et du taux d’achèvement des études primaires et secondaires (art. 13 et 14).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre d ’ urgence des mesures pour remédier au faible taux d ’ inscription dans l ’ enseignement primaire et secondaire et pour lutter contre les inégalités entre les sexes, et de prendre toutes les mesures appropriées pour remédier aux problèmes liés au taux élevé d ’ abandon scolaire. Le Comité recommande que ces mesures consistent notamment à assurer l ’ application effective de la scolarité obligatoire, à s ’ attaquer au déséquilibre entre hommes et femmes au sein du personnel enseignant, particulièrement dans les zones rurales, à fournir un appui financier suffisant et à faire évoluer l ’ attitude des parents et les pratiques traditionnelles concernant les tâches ménagères.

29.Le Comité est vivement préoccupé par la persistance de la discrimination à l’égard des personnes handicapées, en particulier des femmes et des filles, en ce qui concerne leur accès à l’éducation (art. 13 et 14).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre d ’ urgence des mesures afin d ’ assurer l ’ insertion scolaire effective des enfants handicapés, notamment grâce à: a) la formation obligatoire de tous les enseignants (et non uniquement des éducateurs spécialisés); b) l ’ établissement de plans d ’ enseignement personnalisés pour tous les élèves; c) la mise à disposition d ’ appareils d ’ assistance et d ’ appui dans les salles de classe, ainsi que de matériel didactique et de programmes; d) l ’ accès physique, sans obstacles, aux écoles et à leurs locaux; e) l ’ enseignement de la langue des signes; f) l ’ allocation de ressources financières suffisantes; et g) l ’ application de l ’ exemption des frais d ’ inscription universitaire accordée aux personnes handicapées conformément à la législation.

30.Le Comité fait part de sa préoccupation quant au taux d’analphabétisme, qui demeure élevé dans l’État partie, en particulier chez les femmes et les filles des zones rurales (art. 13 et 14).

Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre ses efforts en vue d ’ éliminer l ’ analphabétisme et d ’ en atténuer les causes, y compris grâce à la mise en œuvre effective de sa stratégie d ’ éradication de l ’ analphabétisme et d ’ éducation des adultes, au suivi de cette stratégie, à son évaluation et à son financement, et de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations sur les résultats obtenus, année par année.

31.Le Comité s’inquiète grandement de ce que l’État partie ne prête pas suffisamment attention à son obligation en matière de droits culturels, qui découle du Pacte, comme l’atteste l’absence totale d’informations dans le rapport périodique à l’examen, ainsi que de l’absence de réponses aux points en rapport avec l’article 15 du Pacte soulevés dans la liste des points à traiter (art. 15).

Le Comité demande à l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur les mesures concrètes prises en vue de garantir l ’ exercice des droits reconnus à l ’ article 15 du Pacte, en particulier par les minorités et les autres personnes et groupes de personnes défavorisés et marginalisés. Le Comité recommande à l ’ État partie de collecter des données ventilées sur la composition ethnique de la société, ainsi que sur les personnes et les groupes défavorisés et marginalisés, afin de se donner les moyens d ’ adopter des mesures pratiques et ciblées pour mettre pleinement en œuvre l ’ article 15 du Pacte.

32. Le Comité encourage l ’ État partie à envisager de signer et de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

33.Le Comité encourage l ’ État partie à présenter une version actualisée de son document de base commun, conformément aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, en particulier celles ayant trait au document de base commun, telles qu ’ elles ont été adoptées en juin 2006 par la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme (HRI/MC/2006/3).

34. Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales dans tous les secteurs de la société, en particulier auprès de l’administration, de l’appareil judiciaire et des organisations de la société civile, de les traduire, et de leur donner la plus large publicité possible, et de l’informer des mesures qu’il aura prises pour y donner suite dans son prochain rapport périodique. Il invite aussi l’État partie à associer tous les intervenants concernés, y compris les organisations non gouvernementales et les autres membres de la société civile, au processus de discussion au niveau national avant la présentation de son prochain rapport périodique.

35. Le Comité demande à l’État partie de soumettre son troisième rapport périodique, établi conformément aux directives révisées concernant l’établissement de rapports que le Comité a adoptées en 2008 (E/C.12/2008/2), avant le 30 juin 2013.