.

Nations Unies

E/C.12/YEM/CO/3

Conseil économique et social

Distr. générale

23 mars 2023

Français

Original : anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le troisième rapport périodique du Yémen *

1.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Yémen à ses 12e, 14e et 17e séances, les 20, 21 et 23 février 2023, et adopté les présentes observations finales à sa 30e séance, le 3 mars 2023.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de l’État partie et les renseignements complémentaires fournis dans les réponses écrites à la liste de points. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie et qui s’est tenu en ligne pour des raisons exceptionnelles.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite des mesures législatives, institutionnelles et stratégiques que l’État partie a prises pour accroître la protection des droits économiques, sociaux et culturels, telles que la création de la Commission nationale de lutte contre la traite des êtres humains par la décision no 46 (2012) du Conseil des ministres, l’établissement par décret présidentiel (2012) de la Commission nationale d’enquête chargée d’enquêter sur toutes les violations des droits de l’homme qui auraient été commises depuis 2011 et les mesures mentionnées dans les présentes observations finales.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Application du Pacte dans le contexte d’un conflit armé

4.À l’heure où le Comité examine le troisième rapport périodique du Yémen, le pays est en proie à un conflit armé, qui s’est intensifié depuis 2015. Le Yémen connaît la plus grande crise humanitaire du monde : 21,6 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire, plus de 4 millions de personnes sont déplacées, les niveaux de pauvreté et d’insécurité alimentaire sont élevés et moins de la moitié des établissements de santé du pays sont encore opérationnels.

5.Le Comité est conscient que le conflit armé empêche l’État partie de contrôler effectivement certaines parties de son territoire et donc d’assurer la pleine réalisation des droits garantis par le Pacte. Il rappelle toutefois à l’État partie que ses obligations en matière de droits de l’homme s’appliquent à l’ensemble de son territoire et qu’il incombe aux États de protéger toutes les personnes se trouvant sur leur territoire, sans discrimination. À cet effet, l’État partie doit s’efforcer, dans toute la mesure du possible, de s’acquitter de ses obligations au titre du Pacte par tous les moyens compatibles avec le droit international.

6.Le Comité est profondément préoccupé par les violations systématiques et flagrantes des dispositions du Pacte dans le contexte du conflit armé, notamment les crimes de guerre suivants : les attaques, la destruction, l’enlèvement ou la mise hors d’usage de biens indispensables à la survie de la population civile, y compris à son accès aux denrées alimentaires et à l’eau ; les attaques contre des unités sanitaires et des moyens de transport sanitaires ; les attaques ciblant des écoles et des hôpitaux ; les actes de violence sexuelle ; le fait de procéder à la conscription ou à l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans les forces armées ou dans des groupes armés ou de les faire participer activement à des hostilités. Il rappelle que l’applicabilité du droit international humanitaire n’exclut pas l’application du droit international des droits de l’homme, y compris du Pacte, qui est indépendant, et renvoie à cet égard au paragraphe 106 de l’avis consultatif rendu le 9 juillet 2004 par la Cour internationale de Justice au sujet des Conséquences juridiques de l ’ édification d ’ un mur dans le t erritoire palestinien occupé, auquel il est indiqué que « la protection offerte par les conventions régissant les droits de l’homme ne cesse pas en cas de conflit armé ».

7.Le Comité s’inquiète vivement des conséquences graves et durables que le conflit armé a sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels par la population yéménite, notamment des droits à un niveau de vie suffisant, y compris l’alimentation, l’eau, l’assainissement et un logement suffisant, à la protection de la famille et des enfants, à la santé et à l’éducation. Il est particulièrement préoccupé par le fait que toutes les parties au conflit mènent des attaques contre des infrastructures civiles indispensables à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, comme des établissements de santé, des écoles et des installations de production alimentaire et d’approvisionnement en eau telles que des fermes, des systèmes d’irrigation et des bateaux de pêche.

8. Dans ce contexte, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De lutter contre l ’ impunité, de prévenir effectivement les violations des droits économiques, sociaux et culturels, notamment les attaques contre des infrastructures civiles telles que des établissements de santé, des installations de production alimentaire et d ’ approvisionnement en eau et des écoles, d ’ enquêter efficacement sur ces violations et d ’ en poursuivre et sanctionner tous les auteurs ;

b) De dispenser systématiquement à ses forces militaires une formation concernant les obligations que le droit des droits de l ’ homme et le droit humanitaire font aux États afin que, dans le cadre des opérations militaires, les principes de distinction, de proportionnalité et de précaution et l ’ interdiction d ’ attaquer des civils et des biens civils soient respectés ;

c) De veiller à ce que les personnes dont les droits économiques, sociaux et culturels ont été violés dans le contexte du conflit armé aient accès à des recours utiles ;

d) De redoubler d ’ efforts pour reconstruire et remettre en état les infrastructures essentielles, comme les installations d ’ approvisionnement en eau et de production alimentaire endommagées et les écoles et établissements de santé détruits, en mobilisant des ressources supplémentaires, notamment grâce à la coopération internationale ;

e) De mobiliser des ressources supplémentaires au niveau national, de faire davantage appel à la coopération et à l ’ assistance internationales et de se reporter à l ’ observation générale n o 3 (1990) sur la nature des obligations des États parties.

Application du Pacte au niveau national

9.Le Pacte n’étant pas directement applicable dans l’ordre juridique interne, le Comité craint que tous les droits consacrés par le Pacte ne soient pas garantis par la Constitution ou la législation de l’État partie et ne puissent dès lors pas être invoqués devant les tribunaux.

10. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures législatives et autres nécessaires pour incorporer pleinement les dispositions du Pacte dans sa législation de sorte que tous les droits consacrés par le Pacte soient applicables par les tribunaux. Il lui recommande également de veiller à ce que les programmes de formation juridique et judiciaire tiennent pleinement compte de l ’ invocabilité de ces droits et encouragent l ’ utilisation du Pacte comme source de droit interne. Il appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 9 (1998) sur l ’ application du Pacte au niveau national et l ’ encourage à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

Institutions nationales des droits de l’homme

11.Le Comité se félicite des mesures que l’État partie a prises pour renforcer le mandat de la Commission nationale d’enquête, mais constate avec préoccupation que cet organe ne jouit pas de l’indépendance nécessaire à l’exercice de ses fonctions.

12. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De mettre la Commission nationale d ’ enquête en pleine conformité avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris) en lui donnant davantage d ’ indépendance et en la dotant des ressources humaines, techniques et financières dont elle a besoin pour s ’ acquitter de ses fonctions de manière efficace et indépendante, en particulier s ’ agissant de la promotion et de la protection des droits économiques, sociaux et culturels ;

  b) D ’ appliquer les recommandations formulées par la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l ’ homme dans son rapport sur l ’ assistance technique fournie à la Commission nationale d ’ enquête pour lui permettre d ’ enquêter sur les allégations de violations des droits de l ’ homme et d ’ atteintes à ces droits commises par toutes les parties au conflit au Yémen (19 septembre 2022) ;

c) D ’ indiquer, dans son prochain rapport périodique, le nombre et la nature des plaintes pour violation des droits économiques, sociaux et culturels reçues et examinées par la Commission nationale d ’ enquête.

Défenseurs des droits de l’homme

13.Le Comité est préoccupé par les informations crédibles et fiables selon lesquelles les défenseurs des droits de l’homme, notamment ceux qui œuvrent en faveur des droits économiques, sociaux et culturels et de la justice sociale, font l’objet d’actes de harcèlement, d’intimidation et de représailles.

14. Le Comité demande à l ’ État partie :

a) De protéger efficacement les défenseurs des droits de l ’ homme, notamment ceux qui œuvrent à la protection des droits économiques, sociaux et culturels, contre toutes les formes de harcèlement, d ’ intimidation et de représailles ;

b) D ’ enquêter de manière approfondie, impartiale et efficace sur toutes les allégations d ’ atteinte à la vie, à l ’ intégrité physique ou à la liberté de défenseurs des droits de l ’ homme et sur toutes les menaces et tous les actes de violence, de harcèlement, d ’ intimidation et de diffamation visant des défenseurs des droits de l ’ homme, et de veiller à ce que les auteurs de tels faits soient traduits en justice ;

c) De mener des campagnes de sensibilisation mettant en avant l ’ importance du travail des défenseurs des droits de l ’ homme afin d ’ instaurer un climat de tolérance dans lequel ces défenseurs peuvent s ’ acquitter de leur mission sans craindre une quelconque forme d ’ intimidation, de menace ou de représailles ;

d) De se référer à la déclaration sur les défenseurs des droits de l ’ homme et les droits économiques, sociaux et culturels qu ’ il a adoptée en 2016 .

Occupation des terres

15.Le Comité est préoccupé par le nombre élevé de litiges fonciers et de cas d’accaparement des terres dans l’État partie, qui résultent de l’absence d’un système de registre des titres fonciers et concernent des terres occupées en vertu aussi bien du droit écrit que du droit coutumier.

16. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ établir une institution chargée de superviser le règlement des litiges fonciers ;

b) De concevoir et de mettre en place un régime de propriété fondé sur les droits de l ’ homme et un système complet, efficace et transparent de registre foncier ;

c) De se conformer pleinement à son observation générale n o 26 (2022) sur la terre et les droits économiques, sociaux et culturels.

Assistance internationale

17.Le Comité est préoccupé par les informations relatives aux obstacles et ingérences auxquels les agents humanitaires doivent faire face, notamment les restrictions de déplacement, le retoquage ou l’approbation tardive de projets humanitaires, la suspension arbitraire des activités, des tentatives de détournement de l’aide et la délivrance tardive de permis de travail, de visas et d’autorisations de voyage aux agents humanitaires, voire le refus de délivrer de tels documents. Il note avec une inquiétude particulière que des organismes d’aide ont dénoncé des violences à l’égard de leur personnel et des actes de destruction visant leurs installations, ces actes étant commis le plus souvent dans les zones contrôlées par le Gouvernement. De plus, il est préoccupé par les fermetures de routes, qui limitent fortement le transport des biens essentiels, comme les médicaments et les denrées alimentaires, et l’accès humanitaire.

18. Le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) De protéger tous les agents et biens humanitaires et d ’ enquêter efficacement sur toutes les violations qui entravent les activités humanitaires ;

b) De prendre des mesures pour éliminer tous les obstacles à la fourniture d ’ aide humanitaire et toute ingérence dans les travaux des organismes humanitaires et de faire en sorte que ceux-ci aient accès rapidement, en toute sécurité et sans entrave à tous les civils qui en ont besoin ;

c) De rouvrir les routes et de lever les restrictions à la livraison de denrées alimentaires, de médicaments et d ’ autres biens essentiels partout sur son territoire.

Entreprises et droits économiques, sociaux et culturels

19.Le Comité regrette que l’État partie ne lui ait pas communiqué d’informations sur le cadre réglementaire mis en place pour garantir que les entreprises respectent les droits consacrés par le Pacte et fassent preuve de la diligence voulue en matière de droits de l’homme.

20. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures législatives et administratives, notamment d ’ adopter un plan d ’ action, afin que les activités des entreprises domiciliées ou opérant sur son territoire n ’ aient pas d ’ incidence négative sur l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels. En outre, il lui demande de respecter pleinement son observation générale n o 24 (2017) sur les obligations des États en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans le contexte des activités des entreprises.

Obligation d’agir au maximum des ressources disponibles

21.S’il est conscient des difficultés que l’État partie rencontre en raison du conflit en cours, le Comité s’inquiète du fait que peu de ressources internes sont consacrées à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier à la fourniture de services sociaux tels que les services de santé, d’éducation et de protection sociale. Il s’inquiète également de ce que l’État partie ne lui a pas communiqué de renseignements concrets sur l’utilisation et la répartition des fonds issus de la coopération internationale et n’a pas tenu de consultations publiques, y compris avec la société civile (art. 2 (par. 1)).

22. Rappelant son observation générale n o 3 (1990) sur la nature des obligations des États parties, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ allouer les ressources budgétaires nécessaires à la réalisation des droits énoncés dans le Pacte en mobilisant des ressources internes, en particulier pour la fourniture de services sociaux, et en faisant appel, si nécessaire, à l ’ assistance et à la coopération internationales. Il lui recommande également de veiller à ce que le budget public soit élaboré et exécuté de manière transparente et participative et de garantir l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels par l ’ ensemble de la population, en particulier les groupes et individus les plus marginalisés et défavorisés.

Corruption

23.Le Comité est préoccupé par la corruption systémique dans l’État partie, qui touche tous les aspects de la vie publique et privée et détourne les ressources publiques de l’application du Pacte, et constate que l’État partie est classé 176e sur 180 dans l’Indice de perception de la corruption de 2022 établi par Transparency International. Il s’inquiète en outre de ne pas avoir reçu d’informations sur les mesures prises pour combattre la corruption et ses effets (art. 2 (par. 1)).

24. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De combattre les causes profondes de la corruption à titre de priorité ;

b) De prendre toutes les mesures législatives et administratives nécessaires pour garantir le respect des principes de transparence et de responsabilité dans l ’ administration publique, en droit comme en pratique, notamment en ce qui concerne l ’ utilisation des ressources publiques, y compris des fonds reçus dans le cadre de la coopération internationale ;

c) De renforcer les organes et organismes de lutte contre la corruption, notamment en assurant leur indépendance et en allouant des ressources financières suffisantes aux programmes de formation et de renforcement des capacités institutionnelles ;

d) De veiller à l ’ application effective des mesures de lutte contre la corruption et de faire le nécessaire pour protéger efficacement les victimes de la corruption, leurs avocats, les militants anticorruption, les lanceurs d ’ alerte et les témoins.

Non-discrimination

25.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie ne dispose pas d’une loi exhaustive de lutte contre la discrimination qui couvre tous les motifs de discrimination dans tous les domaines visés par le Pacte et que les individus et groupes défavorisés et marginalisés continuent de faire l’objet de discrimination dans l’exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels (art. 2 (par. 2)).

26. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter une loi exhaustive de lutte contre la discrimination interdisant la discrimination directe et indirecte pour quelque motif que ce soit dans l ’ ensemble des domaines couverts par le Pacte, conformément à l ’ article 2 (par. 2) du Pacte et à son observation générale n o 20 (2009) sur la non-discrimination dans l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels ;

b) D ’ offrir une protection efficace contre la discrimination à toutes les personnes, en particulier aux individus et aux groupes défavorisés et marginalisés.

Muhamasheen

27.Le Comité s’inquiète de ce que les Muhamasheen se heurtent à une discrimination institutionnelle et à des obstacles en ce qui concerne les soins de santé, l’éducation, l’emploi, le logement, l’état civil et la sécurité alimentaire et de ce qu’ils n’ont pas accès à l’aide humanitaire et aux services de base. Il s’inquiète également de voir que les femmes muhamasheen sont particulièrement vulnérables aux violations des droits énoncés dans le Pacte en raison de la discrimination multiple exercée à leur égard, qui fait que nombre d’entre elles n’ont jamais été à l’école, et qu’elles sont exposées à la violence fondée sur le genre (art. 2 (par. 2)).

28. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour combattre efficacement les stéréotypes négatifs et la discrimination systématique à l ’ égard des Muhamasheen, en particulier les femmes ;

b) D ’ appliquer les recommandations issues de la Conférence de dialogue national sur l ’ inclusion et l ’ intégration des Muhamasheen, notamment d ’ adopter des mesures temporaires spéciales telles qu ’ un quota de participation des Muhamasheen dans tous les organes et établissements publics ;

c) D ’ élaborer et d ’ appliquer une stratégie nationale globale pour que les Muhamasheen, en particulier les femmes, aient pleinement accès à l ’ éducation, à la santé, au logement et aux services publics, y compris à des formations techniques et professionnelles leur permettant d ’ améliorer leurs perspectives d ’ emploi.

Discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre

29.Le Comité est préoccupé par le fait que les relations homosexuelles entre adultes consentants sont érigées en infraction par les articles 264 et 268 du Code pénal et passibles de la peine de mort. Il s’inquiète de ce que les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes sont stigmatisées et visées par des actes d’intimidation, de harcèlement et de violence, ce qui nuit à l’exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels (art. 2 (par. 2).

30.Conscient de la diversité des valeurs morales et des cultures, le Comité fait toutefois observer que les lois et pratiques nationales doivent en toutes circonstances être conformes aux principes d ’ universalité des droits de l ’ homme et de non ‑ discrimination. Le non-respect des obligations découlant du Pacte ne saurait donc être justifié par des considérations politiques, sociales, religieuses, culturelles ou économiques internes. Par conséquent, le Comité demande à l ’ État partie de dépénaliser les relations sexuelles entre adultes consentants du même sexe et d ’ assurer une protection efficace contre toutes les formes de discrimination fondée sur l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre.

Personnes déplacées

31.S’il salue les mesures que l’État partie a prises pour aider les personnes déplacées, notamment la création du Haut Comité de secours, le Comité note avec préoccupation que les obstacles découlant des conditions de vie souvent précaires et dangereuses de ces personnes, des risques d’expulsion auxquels elles font face et de leur accès limité aux biens et services essentiels continuent de compromettre la réalisation de leurs droits économiques, sociaux et culturels, notamment leur droit à un niveau de vie suffisant(art. 2 (par. 2)).

32. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De recueillir des statistiques ventilées par sexe, genre, âge et emplacement géographique sur l ’ emploi, le logement et les conditions de vie des personnes déplacées ;

b) De prendre des mesures pour prévenir les déplacements et en réduire la durée et pour permettre aux personnes déplacées de rentrer chez elles dignement et en toute sécurité ou leur proposer des solutions durables ;

c) De protéger efficacement les personnes déplacées sur son territoire pour qu ’ elles aient accès à une alimentation suffisante, à un logement décent et aux services de base, notamment aux services d ’ approvisionnement en eau et d ’ assainissement, aux soins de santé, à l ’ éducation et à la protection sociale, en faisant appel, si nécessaire, à la coopération internationale.

Égalité de droits entre les hommes et les femmes

33.Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes ont l’obligation d’être accompagnées d’un tuteur masculin (mahram) ou d’avoir l’autorisation de celui-ci pour se rendre dans une autre province, une autre région ou un autre pays, ce qui nuit, notamment, à leur capacité d’obtenir des services, de travailler, de s’instruire et de participer à la vie publique et politique. Il s’inquiète de ce que cette obligation restreint fortement l’accès à l’aide humanitaire des personnes en situation de vulnérabilité, en particulier les femmes et les filles, étant donné qu’elle empêche les travailleuses humanitaires de voyager (art. 3).

34.Le Comité demande à l ’ État partie de supprimer la subordination des femmes à un mahram dans l ’ ensemble du pays et de veiller à ce que toutes les femmes puissent exercer pleinement leurs droits économiques, sociaux et culturels. Il renvoie en outre à son observation générale n o 16 (2005) sur le droit égal de l ’ homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels.

Droit au travail

35.Le Comité est préoccupé par le taux de chômage élevé dans l’État partie, en particulier chez les jeunes, les femmes et les personnes handicapées (art. 6).

36. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accorder la priorité à la création d ’ emplois, en particulier pour les jeunes. Il lui recommande également de mettre en place des programmes d ’ enseignement et de formation pour renforcer les compétences professionnelles et l ’ aptitude à l ’ emploi, en particulier des jeunes, des femmes et des personnes handicapées. Il l ’ invite à se conformer pleinement à son observation générale n o 18 (2005) sur le droit au travail.

Droit à des conditions de travail justes et favorables

37.Le Comité est préoccupé par le fait que de nombreux fonctionnaires, en particulier des enseignants et d’autres professionnels de l’éducation, ne sont pas payés ou sont payés en retard. Il trouve également préoccupant que les fonctionnaires doivent se rendre dans la province d’Aden pour recevoir leur salaire (art. 7).

38. Le Comité recommande à l ’ État partie de verser les salaires dus aux fonctionnaires partout dans le pays et d ’ éliminer tous les obstacles procéduraux à ce sujet.

Droits syndicaux

39.Le Comité est préoccupé par les informations concernant des ingérences dans les activités des syndicats et par le fait que la législation du travail ne protège pas expressément les syndicats contre les actes d’ingérence. Il constate en outre avec inquiétude que les articles 2, 20 et 21 de la loi sur les syndicats mentionnent expressément la Fédération générale des syndicats du Yémen, rendant impossible la création d’une autre fédération de défense des intérêts des travailleurs (art. 8).

40. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que sa législation protège expressément les syndicats contre toute ingérence des employeurs ou de leurs organisations dans leurs activités et de résoudre tous les cas d ’ ingérence de ce type. Il lui recommande également de modifier la loi sur les syndicats pour permettre aux travailleurs et aux organisations de travailleurs de créer et de rejoindre la fédération de leur choix.

Droit à la sécurité sociale

41.Le Comité prend note de l’information, communiquée par l’État partie, selon laquelle l’escalade du conflit a entraîné la suspension des activités du Fonds de protection sociale, qui a été remplacé par un projet de transfert monétaire d’urgence administré par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance selon les mêmes critères que le Fonds (art. 9).

42. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer un plan d ’ action à long terme pour relancer et renforcer le système national de protection sociale. Il l ’ invite à se conformer pleinement à son observation générale n o 19 (2007) sur le droit à la sécurité sociale.

Travail des enfants, y compris ses pires formes

43.Le Comité prend note des mesures que l’État partie a adoptées pour combattre le travail des enfants, y compris ses pires formes telles que la traite à des fins d’exploitation sexuelle et l’enrôlement, mais il s’inquiète vivement de la persistance de ces pratiques dans l’État partie. Il est particulièrement préoccupé par :

a)Le grand nombre d’enfants de moins de 14 ans qui sont victimes de travail des enfants ;

b)Le fait que des enfants âgés de 14 à 17 ans travaillent plus de trente heures par semaine ou dans des conditions dangereuses, notamment dans les secteurs de l’agriculture, de la pêche, de l’exploitation minière et de la construction ;

c)La traite des filles à des fins d’exploitation sexuelle ;

d)L’enrôlement d’enfants et leur utilisation dans les hostilités par toutes les parties au conflit (art. 10).

44. Le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) De prévenir et de faire cesser la pratique du travail des enfants, notamment en adoptant un plan national de lutte contre le travail des enfants, et de sensibiliser le public dans les établissements d ’ enseignement et les lieux publics à l ’ illégalité de cette pratique et à ses effets néfastes sur le bien-être et le développement de l ’ enfant ;

b) De prendre les mesures nécessaires pour qu ’ aucun enfant de moins de 14 ans ne soit employé en tant qu ’ apprenti ;

c) De renforcer les capacités de l ’ organisme chargé de l ’ inspection du travail des enfants et d ’ étendre la portée de ses activités en le dotant des ressources humaines et financières nécessaires pour qu ’ il puisse contrôler efficacement les cas de travail des enfants et faire appliquer l ’ arrêté ministériel n o 11 (2013) sur les travaux dangereux interdits aux enfants de moins de 18 ans ;

d) De combattre la traite des enfants, de faire appliquer l ’ article 26 de l ’ arrêté ministériel n o 11 et d ’ enquêter sur tous les cas de traite des enfants, d ’ en poursuivre les auteurs et de sanctionner ces derniers de manière efficace et dissuasive ;

e) D ’ adopter des mesures juridiques et d ’ autres mesures de protection pour interdire et prévenir efficacement l ’ enrôlement d ’ enfants et traduire en justice toutes les personnes impliquées dans l ’ enrôlement d ’ enfants et leur utilisation dans les hostilités, conformément au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant, concernant l ’ implication d ’ enfants dans les conflits armés, et d ’ accorder une réparation intégrale aux victimes ;

f) De prendre des mesures pour que les enfants victimes de travail forcé, y compris des pires formes de travail des enfants, reçoivent toute l ’ assistance nécessaire à leur réadaptation et à leur réinsertion sociale, y compris des soins de santé, un soutien psychologique adapté et une éducation.

Mariage d’enfants

45.Le Comité est vivement préoccupé par le grand nombre de mariages d’enfants dans l’État partie et ses effets dévastateurs sur l’exercice par les enfants de leurs droits économiques, sociaux et culturels, y compris leur droit à la santé et à l’éducation (art. 10).

46. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre d ’ urgence des mesures efficaces pour que les femmes et les hommes ne puissent être mariés avant l ’ âge de 18 ans, comme recommandé dans le document final de la Conférence de dialogue national de 2014 ;

b) De prévoir des sanctions contre les personnes qui célèbrent ou facilitent le mariage d ’ enfants et de veiller à ce que les victimes bénéficient de recours utiles et de la protection dont elles ont besoin ;

c) De faire mieux connaître les effets dévastateurs que le mariage d ’ enfants a sur les victimes et de créer des plateformes et d ’ autres outils pour faciliter le dialogue, au sein des communautés et des familles, sur les avantages de l ’ éducation des filles.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

47.Le Comité est préoccupé par l’ampleur de la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre dans l’État partie, y compris la violence familiale et sexuelle. Il s’inquiète de l’impunité qui découle notamment de l’absence d’un système efficace d’application de la loi, du manque d’accès à la justice et de l’acceptation culturelle de la violence familiale. À cet égard, le Comité partage la préoccupation du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (art. 10).

48. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre des mesures pour ériger en infraction toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, y compris le harcèlement sexuel, la violence familiale et le viol conjugal ;

b) De prévenir la violence fondée sur le genre et de veiller à ce que tous les cas de violence de ce type fassent l ’ objet d ’ une enquête, que leurs auteurs soient poursuivis et sanctionnés comme il se doit et que les victimes aient accès à la justice, à des réparations appropriées, à une place en foyer et à des services d ’ appui ;

c) D ’ appeler l ’ attention sur les recommandations formulées par le Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes suite à l ’ examen de son rapport valant septième et huitième rapports périodiques.

Mines terrestres et engins non explosés

49.Le Comité est préoccupé par le nombre élevé de personnes, en particulier d’enfants, qui sont tuées ou mutilées par des mines terrestres et des engins non explosés. Il note en outre avec inquiétude que des mines terrestres se trouvent sur des terres agricoles ou près de sources d’eau, ce qui met en danger la vie des civils et empêche ces derniers d’accéder à l’eau et aux denrées alimentaires (art. 10).

50. Le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ employer sans attendre à enlever les mines et les engins non explosés et de prendre des mesures concrètes pour atténuer les effets néfastes de ce type d ’ explosif. Il lui recommande également de collaborer avec la communauté internationale afin de disposer du matériel technique nécessaire pour marquer et enlever les engins non explosés et les mines.

Enregistrement des naissances

51.Le Comité relève avec préoccupation que peu de naissances sont enregistrées, ce qui prive les enfants de la possibilité d’exercer leurs droits économiques, sociaux et culturels, en particulier leurs droits aux soins de santé et à l’éducation (art. 10).

52. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour accroître le taux d ’ enregistrement des naissances et délivrer des actes de naissance. Il lui demande en particulier :

a) De veiller à ce que les naissances puissent être enregistrées auprès des services de l ’ état civil partout dans le pays ;

b) De garantir la gratuité de l ’ enregistrement des naissances et des actes de naissance ;

c) De mener des campagnes pour faire mieux connaître l ’ importance de l ’ enregistrement des naissances et les procédures connexes.

Pauvreté

53.Le Comité est préoccupé par les niveaux de pauvreté et d’extrême pauvreté dans l’État partie, qui sont plus élevés que jamais, et par l’absence d’une stratégie globale de lutte contre la pauvreté (art. 11).

54. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De redoubler d ’ efforts pour combattre la pauvreté, en particulier l ’ extrême pauvreté, notamment en adoptant des schémas de développement inclusifs qui bénéficient avant tout aux plus défavorisés et en réalisant une évaluation exhaustive des programmes et des stratégies existants afin de recenser les obstacles rencontrés et d ’ opérer les changements nécessaires à la mise en place d ’ une stratégie globale de lutte contre la pauvreté ;

b) De veiller à ce que la stratégie globale de lutte contre la pauvreté soit assortie d ’ objectifs précis et mesurables, prévoie l ’ allocation de ressources suffisantes et des mécanismes efficaces de coordination entre les différents acteurs, soit appliquée conformément aux normes et aux principes relatifs aux droits de l ’ homme et tienne compte des besoins de la population, en particulier des groupes les plus défavorisés et marginalisés ;

c) De se référer à la déclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qu ’ il a adoptée en 2001 .

Droit à l’alimentation

55.Le Comité est profondément préoccupé par les niveaux sans précédent d’insécurité alimentaire et de malnutrition aiguës et chroniques dans l’État partie, des millions de personnes, en particulier des enfants, courant un risque immédiat de famine. Il s’inquiète vivement de l’absence d’une stratégie globale permettant de lutter efficacement contre la faim et l’insécurité alimentaire (art. 11).

56. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre immédiatement des mesures pour combattre la malnutrition aiguë, en particulier chez les enfants, notamment d ’ adopter des plans d ’ action d ’ urgence intégrant des objectifs précis de réduction du taux de malnutrition aiguë sur son territoire ;

b) D ’ élaborer une stratégie de lutte contre la malnutrition chronique ;

c) De veiller à ce que les convois humanitaires et commerciaux destinés à répondre aux besoins de base puissent entrer et circuler sans entrave sur son territoire ;

d) D ’ adopter un cadre législatif et institutionnel ainsi qu ’ une stratégie pour garantir le droit à une nourriture suffisante et lutter contre la faim et la malnutrition chronique, et de solliciter l ’ appui technique de l ’ Organisation des Nations Unies pour l ’ alimentation et l ’ agriculture pour combattre l ’ insécurité alimentaire ;

e) De se référer à son observation générale n o 12 (1999) sur le droit à une nourriture suffisante et aux Directives volontaires à l ’ appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, que le Conseil de l ’ Organisation des Nations Unies pour l ’ alimentation et l ’ agriculture a adoptées en 2004.

Droit à l’eau et à l’assainissement

57.Le Comité s’inquiète vivement de la pénurie d’eau dans l’État partie, du manque d’infrastructures et de services adéquats d’hygiène, d’approvisionnement en eau et d’assainissement et du nombre élevé de personnes, en particulier des déplacés, qui ont besoin de telles infrastructures et de tels services. Il est préoccupé par la prolifération de la culture commerciale du qat, un arbuste qui nécessite une quantité considérable de ressources en eaux renouvelables et en eaux souterraines. Il est également préoccupé par les attaques menées contre des installations d’approvisionnement en eau et d’assainissement dans le cadre du conflit armé (art. 11).

58. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De surveiller, de prévenir et d ’ atténuer les répercussions du conflit armé sur les services d ’ approvisionnement en eau et d ’ assainissement ;

b) D ’ améliorer l ’ accès aux infrastructures et aux services d ’ hygiène, d ’ approvisionnement en eau potable et d ’ assainissement, en particulier pour les déplacés ;

c) D ’ encourager les agriculteurs à cultiver des cultures moins gourmandes en eau que le qat ;

d) D ’ appliquer pleinement son observation générale n o 15 (2002) sur le droit à l ’ eau.

Protection de l’environnement

59.Le Comité se félicite que l’État partie contribue au plan opérationnel de l’Organisation des Nations Unies visant à empêcher le déversement d’hydrocarbures de l’unité flottante de stockage et de déchargement Safer, amarrée au large des côtes de l’État partie. Il s’inquiète de ce que le déversement d’hydrocarbures du pétrolier, en mauvais état, aurait un effet dévastateur sur l’environnement et entraînerait une catastrophe humanitaire et environnementale (art. 11).

60. Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer de coopérer avec toutes les parties pour faciliter l ’ opération de sauvetage engagée par l ’ Organisation des Nations Unies visant à empêcher un déversement d ’ hydrocarbures dans la mer Rouge ainsi que les conséquences humanitaires et environnementales désastreuses que cela aurait pour l ’ État partie et la région.

Adaptation aux changements climatiques

61.Le Comité s’inquiète de voir que les changements climatiques favorisent l’insécurité alimentaire et les déplacements dans l’État partie, les inondations, les sécheresses et la hausse record des températures dans toutes les régions agricoles du Yémen entraînant la destruction de biens et la perte de moyens de subsistance (art. 11).

62. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ élaborer un plan national d ’ adaptation axé sur les effets les plus importants des changements climatiques ;

b) De renforcer les capacités d ’ évaluer les effets de ces changements sur les personnes et les groupes susceptibles d ’ être les plus touchés ;

c) De veiller à ce que les mesures d ’ adaptation respectent les droits économiques, sociaux et culturels ;

d) De prendre en considération la déclaration sur les changements climatiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels , qu ’ il a adoptée le 8 octobre 2018.

Droit à la santé physique et mentale

63.Le Comité note avec inquiétude que moins de la moitié des établissements de santé du pays sont opérationnels et qu’une grande partie d’entre eux ne disposent pas du matériel de base et ne peuvent pas fournir les services les plus essentiels à la population. Il est particulièrement préoccupé par le fait que des attaques ciblent des établissements et du personnel médicaux et que des établissements de santé sont utilisés à des fins militaires, ce qui a déjà entraîné la mort de patients, d’autres civils et de professionnels de la santé et endommagé plusieurs établissements médicaux vitaux ou provoqué leur fermeture. Il est préoccupé, en outre, par les taux élevés de mortalité maternelle et néonatale dans l’État partie (art. 12).

64. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ allouer des ressources suffisantes au secteur de la santé et d ’ assurer la disponibilité, l ’ accessibilité et la qualité des services de santé, y compris de santé reproductive, en veillant à ce qu ’ il y ait suffisamment de professionnels médicaux qualifiés et à ce que les fournitures, les infrastructures et les installations médicales soient adéquates ;

b) D ’ optimiser les effets de l ’ aide internationale en prenant des mesures pour garantir la livraison de médicaments et de vaccins, en particulier au bénéfice des individus et des groupes les plus défavorisés et marginalisés ;

c) D ’ enquêter de manière efficace, crédible, impartiale et transparente sur l ’ utilisation d ’ établissements médicaux à des fins militaires et sur toutes les attaques visant des établissements et du personnel médicaux, en veillant à ce que les auteurs de ces actes soient dûment poursuivis et tenus responsables ;

d) De renforcer les mesures visant à démilitariser totalement les établissements médicaux.

Services de soins de santé mentale

65.Le Comité s’inquiète des répercussions que la guerre a sur la santé mentale de la population, qui présente un risque élevé de dépression, de troubles anxieux et d’autres problèmes de santé mentale. Il s’inquiète également du manque d’attention portée à la santé mentale et au bien-être psychologique, de l’absence de services de promotion en la matière et de la grave pénurie de professionnels de la santé mentale correctement formés (art. 12).

66. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour que les services et soins professionnels de santé mentale, y compris les services de proximité, soient disponibles, de qualité et accessibles à tous, en particulier en formant correctement des professionnels de la santé mentale.

Droit à l’éducation

67.Le Comité est préoccupé par le nombre disproportionné d’enfants qui ne sont pas scolarisés en raison du conflit, de la pauvreté, du manque de possibilités d’éducation et de la pratique du mariage précoce et note que la pandémie de COVID-19 et plusieurs lacunes dans le système éducatif de l’État partie ont aggravé la situation à cet égard. Il est particulièrement préoccupé par le fait que :

a)Bien que l’État partie ait adopté la Déclaration sur la sécurité dans les écoles en octobre 2017, des écoles ont été détruites ou endommagées et utilisées à des fins militaires, ce qui en a fait des objets militaires susceptibles d’être attaqués et a entraîné leur fermeture, exposant les enfants au risque d’enrôlement par des groupes armés ;

b)De nombreux enseignants et autres professionnels de l’éducation ne sont pas payés ;

c)Le manque de services d’hygiène, d’approvisionnement en eau et d’assainissement dans les établissements d’enseignement empêche les enfants, en particulier les adolescentes, de poursuivre leurs études (art. 13 et 14).

68. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ enquêter de manière efficace, crédible, impartiale et transparente sur toutes les attaques contre des écoles et des lieux d ’ apprentissage et sur tous les cas d ’ utilisation de ces établissements à des fins militaires, et de veiller à ce que les auteurs de tels faits soient poursuivis et tenus responsables sans délai ;

b) De renforcer les mesures visant à démilitariser les écoles et à les protéger contre tout risque de militarisation ;

c) D ’ allouer des ressources nettement plus importantes et adaptées au secteur de l ’ éducation afin de reconstruire les écoles touchées par le conflit, de payer sans délai et en intégralité les enseignants et le personnel éducatif et de faire en sorte que toutes les écoles soient dotées d ’ installations d ’ approvisionnement en eau et d ’ assainissement adaptées aux besoins des enfants ;

d) De soutenir sans réserve, de manière concrète et prioritaire, les écoles, les enseignants et les étudiants pour que ces derniers puissent poursuivre leurs études ;

e) D ’ adopter et d ’ utiliser des indicateurs concrets assortis de délais concernant la répartition des ressources internes et des ressources issues de la coopération internationale afin d ’ assurer la disponibilité, la continuité et l ’ efficacité de l ’ enseignement, en particulier pour ce qui est de reconstruire et de réparer les écoles et les établissements d ’ enseignement, de recruter des enseignants et des membres de l ’ administration et de renforcer leurs capacités, et d ’ évaluer les mesures appliquées ;

f) De se conformer pleinement à son observation générale n o 13 (1999) sur le droit à l ’ éducation.

Châtiments corporels

69.Le Comité constate que, si plusieurs politiques ministérielles visent à abolir les châtiments corporels à l’égard des enfants dans les écoles et les garderies, aucune loi n’interdit cette pratique. À cet égard, il relève avec préoccupation que les châtiments corporels restent largement tolérés et pratiqués dans les milieux où les adultes exercent une autorité sur les enfants, notamment dans les écoles et les structures de protection de remplacement et à la maison (art. 13).

70. Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ adopter une loi interdisant expressément tout châtiment corporel dans les milieux où les adultes exercent une autorité sur les enfants, notamment dans les écoles et les structures de protection de remplacement et à la maison, et de prendre des mesures pour faire respecter cette interdiction. Il lui recommande en outre de prévoir des sanctions contre tous les auteurs de châtiments corporels et d ’ établir des mécanismes chargés de l ’ application de la loi, notamment des mécanismes de plainte adaptés aux enfants.

Droits culturels

71.Le Comité s’inquiète de voir que des attaques et des actes de destruction sont commis par toutes les parties au conflit contre le patrimoine culturel exceptionnel de l’État partie et que des sites inscrits au patrimoine culturel sont utilisés à des fins militaires (art. 15).

72. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ enquêter efficacement sur toutes les attaques commises contre des biens culturels et de les condamner. Il lui recommande également de sensibiliser les forces armées à l ’ importance du respect du patrimoine culturel, en particulier en dispensant des formations.

D.Autres recommandations

73.Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de ratifier les instruments fondamentaux relatifs aux droits de l ’ homme auxquels il n ’ est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, le Protocole facultatif à la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant établissant une procédure de présentation de communications. Le Comité lui recommande également de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, qu ’ il a signé en 2000.

74. Le Comité recommande à l ’ État partie de tenir pleinement compte des obligations que lui impose le Pacte et de garantir le plein exercice des droits qui y sont consacrés tant dans l ’ application du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030 au niveau national que dans les mesures qu ’ il prend pour assurer son relèvement après la pandémie de COVID-19. La réalisation des objectifs de développement durable serait sensiblement facilitée si l ’ État partie établissait des mécanismes indépendants pour le suivi des progrès et considérait les bénéficiaires des programmes publics comme les titulaires de droits qu ’ ils peuvent faire valoir. Le Comité lui recommande en outre de soutenir les engagements pris au niveau mondial dans le contexte de la décennie d ’ action en faveur des objectifs de développement durable. Appliquer les objectifs d ’ après les principes de participation, de responsabilité et de non-discrimination permettrait de faire en sorte que nul ne soit laissé de côté. À cet égard, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur sa déclaration relative à l ’ engagement de ne laisser personne de côté.

75.Le Comité prie l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, y compris dans les régions, en particulier auprès des parlementaires, des fonctionnaires et des autorités judiciaires, et de l ’ informer dans son prochain rapport périodique des dispositions qu ’ il aura prises pour y donner suite. Il souligne le rôle crucial que joue le parlement dans l ’ application des présentes observations finales et encourage l ’ État partie à l ’ associer aux prochaines activités d ’ établissement de rapports et de suivi. Il l ’ encourage également à associer la Commission nationale d ’ enquête, les organisations non gouvernementales et d ’ autres membres de la société civile au suivi des présentes observations finales et au processus de consultation nationale avant la soumission de son prochain rapport périodique .

76. Conformément à la procédure de suivi des observations finales adoptées par le Comité, l ’ État partie est prié de fournir, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de l ’ adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations formulées par le Comité aux paragraphes 8 (application du Pacte dans le contexte d ’ un conflit armé), 18 (assistance internationale) et 58 (droit à l ’ eau et à l ’ assainissement).

77. Le Comité demande à l ’ État partie de soumettre son quatrième rapport périodique au titre de l ’ article 16 du Pacte d ’ ici au 31 mars 2028, sauf notification contraire résultant d ’ une modification du cycle d ’ examen. Conformément à la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots.