Nations Unies

E/C.12/TJK/CO/4

Conseil économique et social

Distr. générale

10 novembre 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique du Tadjikistan *

1.Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique du Tadjikistan à ses 45e et 46e séances, le 5 octobre 2022, et a adopté les présentes observations finales à sa 60e séance, le 14 octobre 2022.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique de l’État partie et les renseignements complémentaires fournis dans les réponses écrites à la liste de points. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite des mesures législatives, institutionnelles et stratégiques que l’État partie a prises pour renforcer la protection des droits économiques, sociaux et culturels sur son territoire, notamment de l’adoption de la Stratégie nationale de développement pour la période 2016-2030, de la Loi constitutionnelle de 2015 sur la nationalité et de la loi d’amnistie de 2019, ainsi que des mesures mentionnées dans les présentes observations finales.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Application du Pacte au niveau national

4.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie selon lesquelles des séminaires de formation sur les normes internationales relatives aux droits de l’homme sont organisés à l’intention des avocats, des fonctionnaires et des magistrats, y compris des juges de la Cour suprême, mais il constate avec préoccupation que ces séminaires ne portent pas sur les dispositions du Pacte. Il note en outre avec inquiétude que les dispositions du Pacte ne sont invoquées dans aucune décision de justice.

5.Le Comité recommande à l’État partie de dispenser régulièrement des formations sur la teneur des droits consacrés par le Pacte et leur opposabilité devant les tribunaux et de fournir aux titulaires de droits les informations dont ils ont besoin pour faire valoir ces droits. Il lui recommande également de faire en sorte que les droits économiques, sociaux et culturels puissent être invoqués à tous les niveaux du système judiciaire et d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur les décisions dans lesquelles des tribunaux nationaux ont invoqué le Pacte. À cet égard, il renvoie à son observation générale n o  9 (1998) sur l’application du Pacte au niveau national.

Indépendance du pouvoir judiciaire

6.Le Comité reste préoccupé par le fait que l’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire ne sont pas garanties de manière effective, notamment par le fait que la Commission d’admission de l’Union des avocats, qui habilite les conseils à pratiquer le droit, est toujours présidée par le Ministère de la justice.

7. Rappelant sa recommandation précédente à cet égard , le Comité recommande à l’État partie de garantir la pleine indépendance du pouvoir judiciaire, notamment de faire en sorte que la Commission d’admission de l’Union des avocats soit indépendante et de mettre en place les garanties juridiques appropriées.

Institution nationale pour la promotion et la protection des droits de l’homme

8.Le Comité prend note des mesures que l’État partie a prises pour renforcer le mandat du Commissaire aux droits de l’homme, mais il constate avec préoccupation que peu de progrès ont été accomplis s’agissant de rendre cette institution pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

9. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour rendre le Commissaire aux droits de l’homme pleinement conforme aux Principes de Paris, notamment d’accroître encore son indépendance et de le doter de ressources financières et humaines suffisantes afin qu’il soit à même de s’acquitter efficacement et en toute indépendance de ses tâches, en particulier celles qui ont trait à la promotion et à la protection des droits économiques, sociaux et culturels.

Société civile

10.Le Comité est préoccupé par les restrictions excessives, tant en droit qu’en pratique, imposées aux organisations non gouvernementales, en particulier aux organisations qui œuvrent en faveur des droits des lesbiennes, des gays, des bisexuels, des transgenres et des intersexes, en ce qui concerne leur enregistrement et l’obligation qui leur incombe de rendre compte des subventions externes qu’elles reçoivent. Il constate que ces restrictions nuisent aux activités des organisations engagées dans la protection et la promotion de tous les droits de l’homme, y compris les droits économiques, sociaux et culturels.

11. Le Comité recommande à l’État partie d’abroger toute disposition légale qui restreint indûment les activités des organisations non gouvernementales, notamment en ce qui concerne l’enregistrement de ces organisations et leur accès aux subventions. Il lui recommande également de faire en sorte que toutes les organisations non gouvernementales et les organisations à but non lucratif qui œuvrent à la promotion et à la protection des droits économiques, sociaux et culturels puissent mener leurs activités dans un contexte qui leur est favorable.

Défenseurs des droits de l’homme

12.Le Comité est gravement préoccupé par les informations selon lesquelles des défenseurs des droits de l’homme, notamment des défenseurs des droits économiques, sociaux et culturels, ont été arrêtés, placés en détention et traduits en justice sans bénéficier des garanties d’une procédure régulière dans le contexte des manifestations ayant eu lieu dans la région autonome du Haut-Badakhchan en novembre 2021 et en mai 2022. Il est particulièrement préoccupé par l’opacité entourant leur détention et leur procès et par les informations selon lesquelles ils n’ont pas pu consulter d’avocat pendant la procédure.

13.Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que les défenseurs des droits de l’homme, y compris ceux qui œuvrent à la protection des droits économiques, sociaux et culturels, jouissent immédiatement de toutes les garanties d’une procédure régulière lorsqu’ils sont arrêtés, placés en détention et présentés à la justice, notamment qu’ils bénéficient d’une représentation légale indépendante et efficace à chaque étape de la procédure. Il renvoie l’État partie à sa déclaration de 2016 sur les défenseurs des droits de l’homme et les droits économiques, sociaux et culturels .

Gestion de la pandémie de maladie à coronavirus

14.En ce qui concerne l’action de l’État face à la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19), le Comité note avec préoccupation que peu d’informations factuelles ont été communiquées à la population sur l’évolution de la pandémie, que la communication publique manquait de transparence et que les renseignements sur la pandémie qui émanaient de sources non gouvernementales faisaient l’objet d’un contrôle strict et étaient passibles d’amendes et de sanctions pénales s’ils étaient jugés inexacts. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles la répartition des fonds alloués à la lutte contre la COVID‑19 manquait de transparence, les mesures nécessaires pour protéger le personnel médical et les patients, notamment leur fournir des équipements de protection individuelle en quantité suffisante, n’ont pas été prises, et les ressources allouées au diagnostic et au traitement des cas de COVID-19 ont été insuffisantes.

15. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire en sorte que des informations transparentes, exactes et fondées sur des données scientifiques et factuelles soient communiquées en temps utile à la population, tout en respectant la liberté d’expression, en particulier en abrogeant les dispositions prévoyant des sanctions ;

b) De faire en sorte que les fonds alloués à la lutte contre la COVID-19 soient gérés selon les principes de transparence et de responsabilité ;

c) De prendre des mesures adéquates pour protéger les professionnels de santé et les patients, et d’affecter des ressources suffisantes au diagnostic et au traitement des cas de COVID-19 ;

d) De tenir compte de son observation générale n o  25 (2020) sur la science et les droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que de sa déclaration d’avril 2020 sur la pandémie de COVID-19 et les droits économiques, sociaux et culturels .

Corruption

16.Le Comité prend note des mesures que l’État partie a prises pour combattre la corruption, notamment l’adoption de la loi de 2020 sur la lutte contre la corruption, de la Stratégie anticorruption pour la période 2021-2030 et du Plan d’action associé à la stratégie. Il note toutefois avec préoccupation que selon certaines informations, la corruption serait toujours répandue dans tous les secteurs de la société, y compris dans ceux de la justice, de la santé et de l’éducation. Il constate en outre avec inquiétude qu’aucune modification notable n’a été apportée à la législation nationale en vue de l’aligner sur les normes internationales et de réprimer pleinement la corruption (art. 2, par. 1).

17. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre les efforts qu’il déploie pour prévenir et éliminer la corruption à tous les niveaux et s’attaquer au problème de l’impunité, notamment en réprimant pénalement toutes les infractions de corruption et tous les éléments constitutifs de l’infraction consistant à verser des pots-de-vin. Il lui recommande également de veiller à ce que sa législation soit conforme aux prescriptions de la Convention des Nations Unies contre la corruption.

Non-discrimination

18.Le Comité se félicite de l’adoption de la loi sur l’égalité et l’élimination de toutes les formes de discrimination, qui est entrée en vigueur le 22 juillet 2022. Il note que cette loi interdit la discrimination fondée sur « d’autres circonstances », mais il constate avec préoccupation qu’elle n’est pas effectivement appliquée aux cas de discrimination qu’elle ne prévoit pas expressément, par exemple la discrimination fondée sur le casier judiciaire ou sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou l’expression du genre (art. 2, par. 2).

19.Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que la loi sur l’égalité et l’élimination de toutes les formes de discrimination s’applique effectivement à toutes les personnes victimes de discrimination. Il renvoie l’État partie à son observation générale n o  20 (2009) sur la non-discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

Personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes

20.Le Comité est préoccupé par la stigmatisation et la discrimination que subissent les lesbiennes, les gays, les bisexuels, les transgenres et les intersexes et qui les empêchent de jouir de leurs droits économiques, sociaux et culturels, et par l’absence de politiques, initiatives ou programmes publics visant à lutter contre ces phénomènes ou à promouvoir la tolérance à l’égard des minorités sexuelles et de genre (art. 2, par. 2).

21. Le Comité recommande à l’État partie de protéger efficacement les personnes contre toutes les formes de discrimination et de violence fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, qui empêchent les victimes de jouir de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Il lui recommande également de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment de mener des campagnes de sensibilisation, pour lutter contre la stigmatisation et la discrimination dont sont victimes les lesbiennes, les gays, les bisexuels, les transgenres et les intersexes.

Réfugiés et demandeurs d’asile

22.Le Comité constate avec préoccupation que les réfugiés et les demandeurs d’asile ont des difficultés à trouver un logement et sont soumis à des restrictions légales en la matière, ont un accès restreint à certaines zones urbaines et n’ont pas le droit de séjourner dans les grandes villes, ce qui limite leur accès au marché du travail, aux soins de santé, à l’éducation, au logement et à d’autres services. En outre, il est préoccupé par les informations selon lesquelles des réfugiés et demandeurs d’asile afghans et d’autres ressortissants afghans ont été expulsés du Tadjikistan, les exposant au risque de subir un préjudice irréparable à leur retour, notamment d’être victimes d’actes de torture, de mauvais traitements ou d’autres violations des droits de l’homme, y compris des droits économiques, sociaux et culturels. Il note aussi avec inquiétude que, du fait de ces expulsions, des familles ont été séparées, ce qui constitue une atteinte à leur droit à l’unité familiale et compromet leur capacité de jouir de plusieurs droits économiques, sociaux et culturels (art. 2, par. 2, et 10, par. 1).

23. Le Comité invite instamment l’État partie à :

a) Donner effet à sa recommandation précédente à cet égard en prenant toutes les mesures nécessaires pour lever les restrictions prévues dans les résolutions présidentielles n o 325 (2000) et n o 328 (2004), afin de garantir aux réfugiés et aux demandeurs d’asile la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels consacrés par le Pacte ;

b) Ouvrir dès que possible le centre d’hébergement temporaire attendu et veiller à ce qu’il soit accessible aux demandeurs d’asile vulnérables ;

c) Veiller au respect du principe de non-refoulement, en s’abstenant d’expulser ou de transférer toute personne, quel que soit son statut, lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire que celle-ci risque de subir un préjudice irréparable à son retour, notamment d’être victime d’actes de torture, de mauvais traitements ou d’autres violations graves des droits de l’homme, y compris des droits économiques, sociaux et culturels, et mettre fin à toutes les formes de refoulement et d’expulsion qui portent atteinte aux droits des familles de réfugiés et de demandeurs d’asile ;

d) Se référer à sa déclaration sur les devoirs des États envers les réfugiés et les migrants au titre du Pacte .

Personnes handicapées

24.Le Comité se félicite de l’adoption d’un plan national d’action (2020), du Programme national 2021-2025 pour l’accessibilité et d’autres mesures visant à ratifier et à appliquer la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Il reste toutefois préoccupé par le fait que des obstacles imputables à l’absence d’aménagements raisonnables, en particulier dans les établissements scolaires et médicaux, empêchent les personnes handicapées d’exercer leurs droits économiques, sociaux et culturels (art. 2, par. 2).

25. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts en vue de ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées dans les meilleurs délais. Il lui recommande également de faire en sorte que toutes les institutions et tous les services soient accessibles et d’obliger les entités des secteurs privé et public à procéder à des aménagements raisonnables pour les personnes handicapées.

Personnes vivant avec le VIH/sida

26.Le Comité félicite l’État partie pour les mesures qu’il a prises en matière de prévention du VIH, notamment l’adoption du Programme national de lutte contre l’épidémie de VIH/sida au Tadjikistan pour la période 2021-2025. Le Comité constate néanmoins avec préoccupation que diverses dispositions juridiques discriminatoires, notamment l’interdiction faite aux personnes infectées par le VIH d’étudier dans les universités de médecine et d’adopter un enfant et le dépistage obligatoire du VIH avant le mariage, favorisent la stigmatisation et la discrimination liées au VIH et empêchent souvent les personnes qui vivent avec le VIH/sida ou risquent d’être infectées de bénéficier des mesures de prévention, de traitement et de soutien. Il note avec une préoccupation particulière que l’article 125 du Code pénal réprime l’exposition au VIH et sa transmission. Il note en outre avec inquiétude que les informations sur la séropositivité ne sont pas confidentielles (art. 2 et 12).

27. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre les mesures appropriées pour abroger l’article 125 du Code pénal, afin de dépénaliser l’exposition au VIH et sa transmission ;

b) De prendre les mesures appropriées pour abroger ou modifier toutes les lois discriminatoires à l’égard des personnes vivant avec le VIH dans le contexte de l’adoption d’enfants, du mariage, des relations de travail, de l’accès aux services de santé et de l’éducation ;

c) De veiller à ce que le personnel judiciaire, le personnel médical, les travailleurs sociaux et les autorités scolaires respectent les principes du consentement éclairé et du secret médical s’agissant de la séropositivité des personnes dont ils ont la charge ;

d) De tenir compte de son observation générale n o  22 (2016) sur le droit à la santé sexuelle et procréative.

Égalité de droits entre les hommes et les femmes

28.Le Comité prend note des mesures juridiques et stratégiques que l’État partie a prises pour parvenir à l’égalité des sexes, notamment l’adoption de la Stratégie nationale 2021-2030 pour le renforcement du rôle des femmes. Il reste toutefois préoccupé par les stéréotypes sexistes bien ancrés qui empêchent les filles de poursuivre leurs études secondaires et de participer activement à la vie de la société. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles les femmes continuent de gagner moins que les hommes sur le marché du travail, en particulier dans le secteur agricole, sont très nombreuses à travailler dans le secteur informel et à exercer des professions qui n’exigent pas ou presque pas de qualifications, et sont sous-représentées aux postes de décision et dans la fonction publique (art. 3).

29. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures concrètes pour garantir que ses cadres législatifs et stratégiques relatifs à l’égalité des sexes soient effectivement appliqués et que les femmes et les filles puissent jouir de leurs droits économiques, sociaux et culturels dans des conditions d’égalité avec les hommes, et pour éliminer les stéréotypes sexistes ;

b) De remédier au faible taux de scolarisation des femmes et des filles dans l’enseignement secondaire et supérieur, notamment en menant des campagnes de sensibilisation destinées au grand public, afin de favoriser la pleine participation des femmes et des filles sur le marché du travail, dans l’éducation et dans d’autres sphères de la vie sociale et culturelle ;

c) De redoubler d’efforts pour réduire l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes, en particulier dans le secteur agricole, et d’offrir aux femmes des possibilités de formation et de renforcement des capacités dans des domaines d’activité qui ne sont pas traditionnellement les leurs et dans des secteurs qui leur offrent les mêmes perspectives de carrière que les hommes ;

d) De renforcer les mesures visant à lutter contre la sous-représentation des femmes aux postes de décision et dans la fonction publique, notamment d’adopter des mesures temporaires spéciales telles que des quotas ;

e) De procéder, en consultation avec le Commissaire aux droits de l’homme et les organisations de la société civile, selon qu’il convient, à une évaluation complète de l’exécution et des résultats des mesures juridiques et stratégiques visant à atteindre l’égalité entre les hommes et les femmes ;

f) De tenir compte de son observation générale n o  16 (2005) sur le droit égal de l’homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels.

Violence à l’égard des femmes

30.Le Comité est conscient des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la violence fondée sur le genre, en particulier la violence domestique, mais il reste préoccupé par le fait que diverses formes de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, notamment la violence domestique, sont toujours répandues dans le pays. Il est également préoccupé par l’impunité, les lacunes juridiques en matière de protection, la faiblesse du système de justice pénale et l’incapacité des autorités à remédier au problème de manière systématique (art. 3).

31. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De se doter d’une législation complète qui érige en infractions toutes les formes de violence fondée sur le genre, y compris la violence domestique, le viol conjugal et les agressions sexuelles au sein du couple et en dehors ;

b) De veiller à ce que tous les signalements de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre fassent l’objet d’une enquête et que les responsables soient poursuivis et sanctionnés ;

c) De dispenser aux responsables de l’application des lois les formations et les programmes de renforcement des capacités dont ils ont besoin et de mener des campagnes de sensibilisation auprès du grand public ;

d) De veiller à ce que les victimes aient accès à tous les services nécessaires, notamment aux foyers, à une prise en charge médicale et psychosociale , à l’assistance d’un avocat et à un soutien socioéconomique.

Droit au travail

32.Le Comité prend note des mesures qui ont été prises pour renforcer l’enseignement et la formation professionnels afin de promouvoir l’emploi, mais il reste préoccupé par le manque général de possibilités d’emploi dans l’État partie, ce qui pousse un grand nombre de Tadjiks à émigrer vers d’autres pays à la recherche d’un emploi. Il est particulièrement préoccupé par le taux élevé de chômage, notamment chez les jeunes, les femmes et les personnes handicapées (art. 6).

33. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De créer des possibilités d’emploi en restructurant ses secteurs d’activité et le marché du travail ;

b) De conserver sa main-d’œuvre en augmentant les salaires ;

c) De réformer son système national d’enseignement et de formation techniques et professionnels afin de faire correspondre les qualifications et les compétences aux besoins du marché du travail ;

d) De continuer à prendre des mesures concrètes pour aider les groupes les plus touchés par le chômage, notamment les jeunes, les femmes et les personnes handicapées.

Arriérés de salaires

34.Le Comité est préoccupé par les arriérés de salaires devant être payés aux travailleurs de divers secteurs, notamment le secteur minier et l’industrie manufacturière (art. 7).

35. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De contrôler efficacement le paiement des salaires et de prévoir des sanctions appropriées et dissuasives en cas de non-paiement ;

b) De mettre en place un fonds de garantie des salaires pour que les travailleurs puissent toucher leur salaire lorsque leur employeur est insolvable et n’est pas en mesure de le leur verser ;

c) De veiller à ce que les mécanismes de réparation prévoient non seulement le paiement de l’ensemble des arriérés de salaires, mais aussi une compensation équitable pour les pertes imputables aux retards de paiement.

Inspection du travail

36.Le Comité est préoccupé par les effets sur les droits humains des travailleurs que pourrait avoir la loi prévoyant un moratoire sur les inspections des entreprises, car celle-ci entraînerait la suspension des inspections du travail, qui sont des mécanismes importants pour protéger les droits des travailleurs et leur garantir de bonnes conditions de travail (art. 7).

37. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que l’éventuel moratoire sur les inspections ne s’applique pas aux inspections du travail, à ce que les inspections du travail soient effectuées aussi fréquemment et consciencieusement que nécessaire, et à ce que les inspecteurs du travail soient habilités à effectuer des visites sans préavis, en particulier lorsqu’ils enquêtent sur des questions de santé et de sécurité au travail.

Secteur informel

38.Le Comité prend note du programme national 2019-2023 de réduction de l’emploi informel non déclaré, ainsi que du plan d’exécution correspondant, mais il constate avec préoccupation que le programme ne comporte pas d’indicateurs spécialisés et mesurables et ne précise pas les ressources financières allouées à la réalisation de ses objectifs et activités. Il constate en outre avec préoccupation que les travailleurs du secteur informel et ceux dont les modalités de travail sont non traditionnelles ne sont pas couverts par le Code du travail et que leurs droits en la matière s’en trouvent donc restreints, et qu’il ne dispose pas de données statistiques sur le secteur informel (art. 6 à 8).

39. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre toutes les mesures qui s’imposent pour mettre effectivement en œuvre le programme national 2019-2023 de réduction de l’emploi informel non déclaré ;

b) De veiller à ce que les travailleurs du secteur informel soient couverts par le Code du travail et les autres lois relatives au travail, et par le système de protection sociale ;

c) De collecter régulièrement des informations sur le secteur informel, y compris son ampleur et les conditions de travail qui y règnent ;

d) De se référer à son observation générale n o  18 (2005) sur le droit au travail.

Droits syndicaux

40.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les autorités publiques s’ingèrent dans la formation et le fonctionnement des syndicats indépendants. Il constate en outre avec préoccupation : a) que l’article 323 (par. 2) du Code du travail exige une majorité des deux tiers pour déclarer la grève, ce qui peut empêcher une grève d’avoir lieu, le quorum des deux tiers des personnes présentes à une réunion pouvant être difficile à atteindre ; et b) qu’en application des articles 1er, 290, 291, 301, 306 et 307 du même Code, les travailleurs peuvent être représentés, y compris aux fins de la négociation collective, par des représentants autres que des syndicats, qu’un syndicat ait ou non été constitué dans l’entreprise ou à un niveau supérieur (art. 8).

41. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le droit de toute personne de former des syndicats et de s’y affilier librement et pour empêcher toute ingérence arbitraire dans le fonctionnement des syndicats ;

b) De modifier l’article 323 (par. 2) du Code du travail afin d’abaisser le quorum requis pour déclarer une grève ;

c) De modifier les articles 1 er , 290, 291, 301, 306 et 307 du Code du travail afin que le droit de négociation collective ne soit conféré aux représentants des travailleurs qu’en l’absence d’un syndicat au niveau concerné.

Droit à la sécurité sociale

42.Le Comité note que la législation et les objectifs stratégiques en matière de sécurité sociale correspondent dans l’ensemble aux normes internationales, mais il est préoccupé par les écarts de couverture et par l’adéquation des prestations (art. 9).

43. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De mettre sur pied un système de sécurité sociale qui assure une couverture universelle et des prestations adéquates à tous les travailleurs, et de faire en sorte que ce système couvre aussi les travailleurs du secteur informel ;

b) De procéder à une évaluation du système de cotisations sociales afin de déterminer son efficacité et son efficience ;

c) D’améliorer la couverture du système en augmentant les prestations d’assurance sociale, en promouvant une culture de l’assurance sociale et en veillant à ce que les employeurs et les salariés versent des cotisations ;

d) D’établir un système de sécurité sociale non contributif pour les personnes qui ne sont pas sur le marché du travail, telles que les personnes âgées, les personnes handicapées et les personnes appartenant à des groupes marginalisés et défavorisés ;

e) De se référer à son observation générale n o  19 (2007) sur le droit à la sécurité sociale.

Protection de la famille et de l’enfant

44.Le Comité prend note avec satisfaction de la première série de modifications apportées en juillet 2019 à la loi sur l’état civil − qui a introduit plusieurs changements positifs, notamment l’enregistrement gratuit de la naissance dans les trois mois suivant la date de naissance − et félicite l’État partie pour ses efforts en matière de lutte contre l’apatridie. Il est toutefois préoccupé par le manque d’accès aux actes de naissance, qui augmente les risques d’apatridie et complique l’accès des enfants sans papiers aux services médicaux gratuits, y compris aux vaccins obligatoires, et à l’éducation (art. 10).

45. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que tous les enfants nés sur son territoire soient enregistrés et aient accès à leur certificat de naissance, indépendamment du statut juridique de leurs parents ou des documents en leur possession, notamment en adoptant de nouvelles modifications à la loi sur l’enregistrement civil et aux instructions y afférentes ;

b) D’adhérer à la Convention relative au statut des apatrides (1954) et à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie (1961) afin de favoriser le respect : i) des normes minimales de traitement des apatrides en ce qui concerne plusieurs droits économiques, sociaux et culturels, y compris les droits à l’éducation, au logement, à l’assistance publique et à l’assistance administrative et le droit de disposer de documents d’identité et de voyage ; et ii) des garanties visant à prévenir l’apatridie à la naissance et plus tard dans la vie.

Droit au logement

46.Le Comité prend note de l’adoption d’un nouveau Code du logement en mars 2022, mais il est préoccupé par les informations selon lesquelles les expulsions restent un problème grave dans le pays et les autorités y procèdent la majorité du temps sans réaliser de consultations, sans proposer de solution de relogement, sans octroyer d’indemnisation adéquate et avec un préavis tardif (art. 11, par. 1).

47. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire en sorte que les expulsions ne soient effectuées qu’en dernier recours ;

b) Lorsqu’une expulsion est ordonnée, de veiller à ce que les mesures de protection et les garanties en matière de procédure soient respectées, notamment en consultant véritablement les intéressés, en leur donnant un délai de préavis suffisant et raisonnable, en veillant à ce qu’un autre logement leur soit proposé dans un délai raisonnable, et en leur offrant des recours judiciaires ;

c) De veiller à ce que les habitants concernés puissent bénéficier d’une aide juridictionnelle accessible et abordable ;

d) D’éviter que les personnes expulsées se retrouvent sans-abri en garantissant qu’un logement de remplacement convenable leur est proposé ;

e) De tenir compte de son observation générale n o  7 (1997) sur les expulsions forcées.

Droit à l’eau et à l’assainissement

48.Le Comité reste préoccupé par les importantes disparités régionales et socioéconomiques en matière de disponibilité, d’accessibilité, de prix et de qualité de l’eau potable et des services d’assainissement (art. 11, par. 1).

49. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures pour combler les disparités en matière d’accès à l’eau potable et à des services d’assainissement adéquats, en accordant une attention particulière aux personnes et aux groupes les plus défavorisés et marginalisés ;

b) D’investir dans les services d’eau et d’assainissement afin que l’ensemble de la population puisse bénéficier de services abordables et de qualité.

Changements climatiques

50.Le Comité est préoccupé par les effets potentiellement importants des changements climatiques sur la disponibilité de l’eau, la santé, la production agricole et l’élevage (art. 11).

51. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’élaborer un plan national d’adaptation axé sur les effets les plus importants des changements climatiques ;

b) De renforcer les capacités de diagnostic concernant les effets de ces changements sur les personnes et les groupes susceptibles d’être touchés plus durement ;

c) De veiller à ce que les mesures d’adaptation respectent les droits économiques, sociaux et culturels ;

d) De se référer à sa déclaration d’octobre 2018 sur les changements climatiques et le Pacte .

Droit à la santé physique et mentale

52.Le Comité est préoccupé par les restrictions d’accès aux soins de santé, en particulier pour les groupes défavorisés, qui sont dues aux contraintes budgétaires, à la pénurie de professionnels de santé et à l’insuffisance des infrastructures médicales. Il est particulièrement préoccupé par l’augmentation des prix des services médicaux imputable à la privatisation de ces services (art. 12).

53.Le Comité recommande à l’État partie d’allouer des ressources suffisantes au secteur de la santé et d’assurer la disponibilité, l’accessibilité et la qualité des services de santé, notamment de veiller à ce que le personnel médical qualifié soit en nombre suffisant et à ce que les fournitures, les infrastructures et les installations médicales soient adéquates. Il lui recommande également de veiller à ce que les partenariats public-privé conclus n’aient pas d’incidence négative sur le prix des services médicaux, en particulier pour les personnes les plus défavorisées.

Droit à l’éducation

54.Le Comité félicite l’État partie pour l’adoption de sa stratégie nationale 2021-2030 pour le développement de l’éducation. Il constate toutefois avec préoccupation que l’accès à l’enseignement préprimaire est inégal en fonction des régions, la plupart des établissements d’éducation de la petite enfance étant situés dans les zones urbaines. Il est en outre préoccupé par le taux élevé d’abandon scolaire dans l’enseignement secondaire, en particulier chez les filles et les enfants des zones rurales (art. 13).

55. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour créer de nouveaux établissements d’éducation de la petite enfance dans les zones rurales afin de garantir un accès équitable à l’enseignement préprimaire ;

b) De veiller à ce que les enfants, en particulier les filles et les enfants qui habitent en zone rurale, poursuivent leurs études dans l’enseignement secondaire supérieur.

Qualité de l’enseignement et inclusivité

56.Le Comité constate avec préoccupation que la qualité des installations et des équipements scolaires, le contenu des programmes et la formation des enseignants sont perfectibles et que l’accès à l’eau et aux installations sanitaires n’est pas garanti (art. 13).

57. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour garantir l’accès universel à une éducation de qualité à tous les niveaux, notamment :

a) De faire en sorte que toutes les écoles disposent d’un approvisionnement en eau et d’installations sanitaires adéquats, afin de répondre aux besoins de tous les enfants ;

b) De former convenablement les enseignants et les éducateurs, notamment afin qu’ils sachent répondre aux besoins des enfants handicapés, et de sensibiliser les élèves afin de créer un environnement convivial pour les enfants handicapés ;

c) D’améliorer les infrastructures afin que toutes les écoles et universités soient accessibles aux personnes handicapées ;

d) De revoir les programmes scolaires pour les rendre plus adaptés à l’évolution de la société en général et aux exigences du marché du travail en particulier ;

e) De se référer à son observation générale n o  13 (1999) sur le droit à l’éducation.

Droits culturels

58.Le Comité est préoccupé par le nombre insuffisant d’enseignants qualifiés pour enseigner dans les langues minoritaires et par la pénurie de supports pédagogiques dans ces langues, à tous les niveaux d’éducation (art. 15).

59. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour faire en sorte que suffisamment d’enseignants soient qualifiés pour enseigner dans les langues minoritaires et pour élaborer davantage de supports pédagogiques dans ces langues pour tous les niveaux d’éducation, en consultation avec les représentants des minorités concernées.

D.Autres recommandations

60. Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

61. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier les instruments fondamentaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

62.Le Comité recommande à l’État partie de tenir pleinement compte des obligations que lui impose le Pacte et de garantir le plein exercice des droits qui y sont consacrés tant dans l’application du Programme de développement durable à l’horizon 2030 au niveau national que dans les mesures qu’il prend pour assurer son relèvement après la pandémie de COVID-19. La réalisation des objectifs de développement durable serait sensiblement facilitée si l’État partie établissait des mécanismes indépendants pour le suivi des progrès et considérait les bénéficiaires des programmes publics comme les titulaires de droits qu’ils peuvent faire valoir. Le Comité recommande en outre à l’État partie de soutenir les engagements pris au niveau mondial dans le contexte de la décennie d’action en faveur des objectifs de développement durable. Appliquer les objectifs d’après les principes de participation, de responsabilité et de non-discrimination permettrait de faire en sorte que nul ne soit laissé de côté. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa déclaration relative à l’engagement de ne laisser personne de côté .

63.Le Comité prie l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, y compris à l’échelon régional, en particulier auprès des parlementaires, des fonctionnaires et des autorités judiciaires, et de l’informer dans son prochain rapport périodique des dispositions qu’il aura prises pour y donner suite. Il souligne le rôle crucial que joue le parlement dans l’application des présentes observations finales et encourage l’État partie à faire en sorte qu’il prenne part aux prochaines activités d’établissement de rapports et de suivi. Il encourage en outre l’État partie à associer le Commissaire aux droits de l’homme, les organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile au suivi des présentes observations finales et au processus de consultation nationale avant la soumission de son prochain rapport périodique.

64. Conformément à la procédure de suivi des observations finales adoptées par le Comité, l’État partie est prié de fournir, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations formulées par le Comité aux paragraphes 13 (défenseurs des droits de l’homme), 23 a), b) et c) (réfugiés et demandeurs d’asile) et 47 b) et d) (droit au logement).

65. Le Comité demande à l’État partie de lui soumettre son cinquième rapport périodique au titre de l’article 16 du Pacte d’ici au 31 octobre 2027, sauf notification contraire résultant d’une modification du cycle d’examen. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots.