Nations Unies

E/C.12/LUX/CO/4

Conseil économique et social

Distr. générale

15 novembre 2022

Original : français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique du Luxembourg *

1.Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique du Luxembourg à ses 48e et 50e séances, les 6 et 7 octobre 2022, et adopté les présentes observations finales à sa 60e séance, le 14 octobre 2022.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique de l’État partie, bien que ce dernier ait été soumis avec un retard important. Il accueille également les réponses écrites à la liste des points. Il se félicite du dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation interministérielle de haut niveau de l’État partie.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite des mesures législatives, institutionnelles et stratégiques que l’État partie a prises pour renforcer la protection des droits économiques, sociaux et culturels sur son territoire, telles que l’établissement du Centre pour l’égalité de traitement en 2006, l’adoption du Plan d’action national pour la promotion des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes en 2018 et les mesures citées au paragraphe 27 de son quatrième rapport périodique en matière d’égalité entre femmes et hommes, ainsi que d’autres mesures mentionnées dans les présentes observations finales. Le Comité prend note avec satisfaction de la ratification par l’État partie du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le 3 février 2015.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Application du Pacte au niveau national

4.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie au sujet de la primauté des traités internationaux sur le droit interne, y compris constitutionnel. Cependant, il note avec regret que les droits consacrés par le Pacte n’ont jamais été invoqués devant les tribunaux de l’État partie ou appliqués directement par ceux-ci.

5. Le Comité réitère la recommandation formulée dans ses précédentes observations finales de prendre d es mesures efficaces, dans le cadre de la formation juridique et judiciaire, pour garantir la pleine prise en compte de la justiciabilité des droits consacrés par le Pacte et pour encourager le recours au Pacte comme source de droit au sein des tribunaux nationaux. Il recommande également à l ’ État partie d ’ adopter des mesures a pprop r iées pour sensibiliser la population au Pacte , au Protocole facultatif s ’ y rapportant et à la justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels. Il appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 9 (1998) concernant l ’ application du Pacte au niveau national.

Collecte de données

6.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour améliorer la collecte de données, tels que la création de l’Observatoire de l’égalité en 2020. Néanmoins, il est préoccupé par l’absence de collecte systématique de données ventilées en fonction des motifs de discrimination interdits, ce qui l’empêche d’apprécier le degré de réalisation des droits énoncés dans le Pacte.

7. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ améliorer son système de collecte de données, afin de recueillir des données ventilées par motif interdit de discrimination, notamment l ’ origine ethnique et nationale , le handicap, le sexe, l ’ âge et la situation socioéconomique , en vue de suivre les progrès accomplis dans la réalisation des droits énoncés dans le Pacte et d ’ élaborer des politiques publiques efficaces et ciblées, en faveur, en particulier, des individus et des groupes défavorisés et marginalisés. Il demande également à l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques annuelles comparatives, ventilées selon les motifs susmentionnés et d ’ autres motifs pertinents, afin de pouvoir mesurer les progrès accomplis dans la réalisation des droits énoncés dans le Pacte. En outre, il recommande à l ’ État partie d e tenir compte du cadre conceptuel et méthodologique concernant les indicateurs des droits de l ’ homme qui a été élaboré par le Haut ‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme .

Institution nationale des droits de l’homme

8.Le Comité est préoccupé par le fait que la Commission consultative des droits de l’homme n’a pas compétence pour traiter des plaintes individuelles et que les ressources financières et humaines allouées à cette institution restent insuffisantes pour qu’elle puisse s’acquitter pleinement de son mandat, y compris en matière de droits économiques, sociaux et culturels.

9. L e Comité recommande à l ’ État partie de continuer de s ’ employer à accroître l ’ efficacité et l ’ indépendance de la Commission consultative des droits de l ’ homme en tenant compte des observations et recommandations formulées en mars 2022 par l ’ Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l ’ homme, notamment en la dotant des ressources financières et humaines suffisantes pour lui permettre de s ’ acquitter pleinement de son mandat. Le Comité encourage l ’ État partie à examiner la possibilité de doter ladite institution de la capacité de recevoir et d ’ examiner des plaintes et requêtes concernant des situations individuelles, y compris en ce qui concerne les droits économiques, sociaux et culturels.

Changement climatique

10.Le Comité prend note des mesures adoptées par l’État partie en matière d’atténuation et d’adaptation aux effets du changement climatique, notamment la loi du 15 décembre 2020 relative au climat, le Plan national intégré en matière d’énergie et de climat pour la période2021-2030, et la Stratégie et plan d’action pour l’adaptation aux effets du changement climatique pour la période 2018-2023. Néanmoins, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des institutions financières publiques et privées placées sous la juridiction de l’État partie maintiennent des investissements significatifs dans l’industrie des combustibles fossiles et dans d’autres secteurs àforte intensité de carbone, en dépit de ses impacts nuisibles au climat. Il est aussi préoccupé par le manque de transparence et de régulation adéquate et efficace du secteur financier dans ce domaine.

11.Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour diminuer les investissements publics et privés dans l ’ industrie des combustibles fossiles et dans d ’ autres secteurs àforte intensité de carbone , et assurer qu ’ ils so ie nt compatibles avec la nécessité de réduction des émissions de gaz à effet de serre, y compris par des mesures de régulation et de transparence efficaces. À ce propos, il le renvoie à sa d éclaration sur les changements climatiques et le Pacte ainsi qu ’ à la déclaration conjointe du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes, du Comité des droits économiques, sociaux et culturels , du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille , du Comité des droits de l ’ enfant et du Comité des droits des personnes handicapées sur les droits de l ’ homme et les changements climatiques .

Entreprises et droits de l’homme

12.Le Comité prend note des mesures adoptées par l’État partie en ce qui concerne les entreprises et les droits de l’homme, telles que le deuxième plan d’action national en la matière pour la période 2020-2022 et le Pacte national « Entreprises et droits de l’homme », à caractère volontaire. Cependant, il constate avec préoccupation que le cadre législatif et réglementaire de l’État partie n’impose pas d’obligation de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme aux sociétés domiciliées sur son territoire, y compris celles du secteur financier. Il est aussi préoccupé par le fait que le deuxième plan d’action de l’État partie ne répond pas suffisamment aux dispositions des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, en ce qui concerne l’accès à des voies de recours efficaces, enparticulier à l’égard des violations des droits de l’homme qui se produisent à l’étranger liées aux entreprises domiciliées sur le territoire de l’État partie.

13. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter un cadre législatif et réglementaire qui : a) impose aux entreprises domiciliées sur son territoire , y compris celles du secteur financier, d ’ exercer une diligence raisonnable en matière de droits de l ’ homme dans leurs activités, au Luxembourg comme à l ’ étranger ; b) prévoie que les entreprises so ie nt tenues responsables en cas de violation des droits économiques, sociaux et culturels, y compris à l ’ étranger ; et c) permette aux victimes, y compris les non-ressortissants, d ’ avoir accès à des recours efficaces dans l ’ État partie et de demander réparation par des voies judiciaires et non judiciaires. Étant donné le levier économique et d ’ emploi de l ’ État partie et des entreprises étatiques, il lui recommande aussi de renforcer le cadre politique et stratégique concernant les entreprises et les droits de l ’ homme avec l ’ introduction d ’ un ensemble judicieux de mesures , y compris des politiques d ’ approvisionnement vert qui favoriseront le marché des produits et services respectueux de l ’ environnement dans le secteur privé. Le Comité renvoie l ’ État partie à son observation générale n o 24 (2017) sur les obligations des États en vertu du Pacte dans le contexte des activités des entreprises.

Maximum des ressources disponibles

14.Le Comité prend acte des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre l’évasion fiscale transfrontière et pour œuvrer à la transparence, notamment l’adoption de la loi du 13janvier 2019 instituant un registre des bénéficiaires effectifs. Néanmoins, il est préoccupé par les informations selon lesquelles, malgré les mesures adoptées par l’État partie, des flux financiers concernant aussi bien de possibles activités illicites que des stratégies d´évasion et de fraude fiscales provenant de pays tiers continuent à être placés dans des institutions financières dans l’État partie, entre autres par le biais de l’établissement de sociétés écrans, avec des effets négatifs sur la disponibilité de ressources financières indispensables à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels dans les pays tiers concernés. Il est aussi préoccupé par l’absence de cadre légal adéquat pour la protection des lanceurs d’alerte (art. 2, par. 1).

15. Le Comité recommande à l ’ État partie de continuer de renforcer ses mesures de lutte contre les flux illicites et la fraude et l ’ évasion fiscale transfrontière , en particulier lorsqu ’ elle est pratiquée par des sociétés et des particuliers fortunés, afin de contribuer aux efforts internationaux contr e les flux illicites, la fraude et l´ é vasion fiscale et de permettre aux autres pays de s ’ assurer d es ressources financières indispensables à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels . En particulier, le Comité recom m ande à l ’ État partie d ’ éviter que les bas taux effectifs de fiscalité ainsi que l ’ absence d ’ une réglementation et d ’ un contrôle suffisam m ent efficaces permetten t l ’ utilisation de sociétés é crans pour l ’ é vasion et la fraude fiscale s . Il recommande aussi à l ’ État partie de renforcer le cadre légal et les mesures relatives à la protection de s lanceurs d ’ alerte. Le Comité renvoie l ’ État partie à son observation générale n o 24 (2017) sur les obligations des États en vertu du Pacte dans le contexte des activités des entreprises, en particulier le par agraphe 37.

Aide et coopération au développement

16.Le Comité félicite l’État partie de ce qu’il a dépassé depuis l’année 2000 l’objectif d’une aide publique au développement égale à 0,7 % du revenu national brut, fournissant systématiquement 1 %. Il regrette toutefois l’information fournie par l’État partie selon laquelle la coopération au développement luxembourgeoise ne réalise pas d’études d’impact sur les droits humains (art. 2, par. 1).

17. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intégrer pleinement les droits consacrés par le Pacte dans sa politique de coopération pour le développement, notamment au moyen d ’ études d ’ impact sur les droits de l ’ homme.

Non-discrimination

18.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie sur les progrès des politiques et des stratégies de lutte contre la discrimination. Néanmoins, il regrette que la proposition de révision no 7755 du chapitre II de la Constitution, déposée en avril 2021, n’incorpore pas une liste des motifs de discrimination, y compris ceux édictés à l’article 2 (par. 2) du Pacte, mais se limite à établir que « [n]ul ne peut être discriminé en raison de sa situation ou de circonstances personnelles ». Il regrette aussi que ladite proposition de révision constitutionnelle maintienne une formulation qui différencie les Luxembourgeois des non-Luxembourgeois en ce qui concerne l’égalité de tous devant la loi, en dépit de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, qui reconnaît l’égalité des droits entre nationaux et étrangers. Par ailleurs, le Comité note avec préoccupation que la loi sur l’égalité de traitement de 2006 ne couvre pas tous les motifs de discrimination énoncés à l’article 2 (par. 2) du Pacte. Il est aussi préoccupé par les obstacles qui limitent l’accès à la justice pour les personnes souhaitant porter plainte pour discrimination, entre autres la méconnaissance des différentes voies de recours possibles, et le manque de moyens et de compétences alloués au Centre pour l’égalité de traitement (art. 2, par. 2).

19. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De réexaminer la formulation dans sa proposition de révision constitutionnelle afin d ’ inclure explicitement une liste de motifs de discrimination interdits, bien que non exhaustive, et d ’ enlever la différenciation qui y est faite entre les Luxembourgeois et les non-Luxembourgeois en ce qui concerne l ’ égalité de tous devant la loi ;

b) De revoir la loi relative à l ’ égalité de traitement, afin de la rendre conforme aux dispositions de l ’ article 2 du Pacte, en y incluant tous les motifs de discrimination interdits et en tenant compte également de l ’ observation générale n o  20 (2009) du Comité sur la non-discrimination dans l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels ;

c) D ’ améliorer le système d ’ information sur les voies de recours contre la discrimination, d ’ allouer les ressources humaines et financières suffisantes au Centre pour l ’ égalité de traitement , et d ’ accorder à ce dernier la compétence pour être saisi de plaintes et pour intenter des actions en justice au nom de victimes de discrimination.

Égalité entre hommes et femmes

20.Le Comité constate les efforts déployés par l’État partie pour remédier aux inégalités entre les hommes et les femmes, notamment dans sa politique, ses plans et ses programmes en faveur de l’égalité des sexes, ainsi que les résultats obtenus en ce qui concerne la réduction de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes, ce dernier étant le plus bas de l’Union européenne en 2020, et la forte augmentation du nombre d’hommes qui prennent un congé parental, ce qui se traduit par le fait que, depuis 2019, plus d’hommes que de femmes ont pris ce type de congé, d’après l’Inspection générale de la sécurité sociale. Toutefois, le Comité reste préoccupé par la surreprésentation des femmes dans le secteur de la santé et de l’action sociale et dans l’enseignement, par le fait que le taux d’employés à bas salaire est deux fois plus élevé chez les femmes et que quatre emplois à temps partiel sur cinq sont occupés par des femmes. Il est aussi préoccupé par le fait que les cadres dirigeantes gagnent en moyenne 29 % de moins que leurs homologues masculins et que les femmes demeurent sous-représentées aux postes de direction et de décision, dans le secteur public comme dans le secteur privé (art. 3 et 7).

21. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De poursuivre ses efforts visant à éliminer l ’ écart de rémunération entre les femmes et les hommes, en remédiant à la ségrégation verticale et horizontale entre hommes et femmes sur le marché du travail ;

b) De redoubler d ’ efforts pour garantir que les hommes comme les femmes ont la possibilité de suivre d es études et des parcours professionnels non traditionnels, notamment en combattant les stéréotypes liés au genre ;

c) De continuer à promouvoir une plus grande représentation des femmes à tous les niveaux de l ’ administration publique, en particulier aux postes de décision, ainsi que leur participation aux fonctions de direction dans le secteur privé ;

d) De tenir compte de son observation générale n o 16 (2005) sur le droit égal de l ’ homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques , sociaux et culturels.

Droit au travail

22.Le Comité prend note de la forte diminution du taux de chômage dans l’État partie, passé de 7,5 % en juillet 2020 à 4,4 % en août 2022. Cependant, il est préoccupé par le fait que le taux de chômage est beaucoup plus élevé parmi les jeunes, les personnes handicapées, les personnes à faible niveau d’éducation et les ressortissants de pays extérieurs à l’Union européenne, y compris les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile (art. 6).

23. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre ses efforts pour réduire le chômage et pour aider les jeunes, les personnes handicapées , les personnes à faible niveau d ’ éducation et les ressortissants de pays extérieurs à l ’ Union européenne, y compris les migrants, les réfugiés et les demandeurs d ’ asile, à accéder à l ’ emploi . Il lui recommande aussi de veiller à ce que les programmes visant à promouvoir l ’ inclusion des groupes les plus défavorisé s et marginalisé s sur le marché du travail n ’ aient pas pour effet de les maintenir majoritairement dans des emplois peu qualifiés. Il lui recommande en outre de tenir compte de son observation générale n o 18 (2005) sur le droit au travail et de sa déclaration de 2017 sur les devoirs des États envers les réfugiés et les migrants au titre du Pacte .

Salaire minimal

24.Le Comité note que le salaire social minimal dans l’État partie est l’un des plus élevés au monde, et qu’il est indexésur l’évolution du coût de la vie et revalorisé tous les deux ans au moins. Néanmoins, il est préoccupé par les informations selon lesquelles ce salaire social minimal, exprimé en standard de pouvoir d’achat, n’est pas suffisant pour couvrir les besoins de base d’un adulte seul ou d’un ménage monoparental. En outre, le Comité regrette le manque d’informations détaillées concernant les mesures prises pour faire mieux respecter le salaire minimal par les employeurs, le taux de respect et les sanctions infligées aux employeurs qui sont en infraction (art. 7).

25. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour que le salaire minimal soit d ’ un montant suffisant pour permettre aux travailleurs et à leur famille de jouir d ’ un niveau de vie décent. Il lui recommande aussi de renforcer la capacité des services de l ’ inspection du travail à faire respecter le salaire minim al par les employeurs , et d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur le taux de respect, les sanctions infligées aux employeurs qui ne respectent pas le droit au salaire minim al et les cas dans lesquels les travailleurs ont effectivement obtenu des droits qui leur étaient dus par suite de l ’ action des inspecteurs du travail . Le Comité renvoie l ’ État partie à son observation générale n o 23 (2016) sur le droit à des conditions de travail justes et favorables.

Droits syndicaux

26.Le Comité note avec préoccupation que la législation de l’État partie concernant la constitution et la dissolution des syndicats n’est pas pleinement conforme au Pacte. Il est aussi préoccupé par l’impact sur l’exercice du droit de grève des dispositions de l’article 25 de la Constitution de l’État partie, qui soumettent à une autorisation préalable les rassemblements en plein air, politiques, religieux ou autres, restriction retenue dans la proposition de révision no 7755 du chapitre II de la Constitution, et regrette le manque d’informations de la part de l’État partie à ce sujet (art. 8).

27. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir l ’ exercice des droits syndicaux, notamment le droit de former des syndicats et le droit de grève, conformément à l ’ article 8 du Pacte et aux dispositions de la Convention de 1948 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (n o 87) de l ’ Organisation internationale du Travail. Il lui recommande aussi d ’ inclure des informations détaillées sur la régulation et l ’ exercice des droits syndicaux dans son prochain rapport périodique. Concernant les restrictions constitutionnelles au droit de réunion pacifique , le Comité appelle l ’ at tention de l ’ État partie sur la recommandation qui lui a été adressée en juillet 2022 par le Comité des droits de l ’ homme .

Sécurité sociale

28.Le Comité se félicite de l’étendue de la couverture du système de sécurité sociale dans l’État partie. Cependant, il est préoccupé par les effets discriminatoires de la condition de résidence officielle et effective sur l’accès à quelques prestations importantes d’aide sociale des ressortissants de pays extérieurs à l’Union européenne, des demandeurs d’asile et d’autres groupes défavorisés et marginalisés, telles que l’accès au revenu d’inclusion sociale. Le Comité est aussi préoccupé par les informations selon lesquelles il existe des difficultés importantes pour les personnes les plus défavorisées et marginalisées dans la prise de connaissance de toutes les prestations existantes et des démarches administratives à entreprendre (art. 9).

29. Le Comité recommande à l ’ État partie de réexaminer la condition de résidence officielle et effective afin d ’ en supprimer les effets discriminatoires sur l ’ accès au revenu d ’ inclusion sociale, en particulier pour les individus et group e s défavorisé s et marginalisés. Il lui recommande aussi d ’ intensifier ses efforts visant à rendre les informations plus accessibles aux individus et aux groupes défavorisés concernant les prestations du système de sécurité sociale et les démarches administratives à suivre. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 19 (2007) sur le droit à la sécurité sociale.

Protection de la famille et de l’enfance

30.Tout en prenant note des informations fournies par l’État partie concernant la protection de la famille et des enfants, le Comité est préoccupé par :

a)La situation de désavantage des couples de même sexe en ce qui concerne la reconnaissance de la filiation ;

b)L’absence d’un système de justice pénale pour mineurs ;

c)La persistance de la distinction entre enfants nés dans le mariage et hors mariage, et la terminologie employée à cet égard − « enfants légitimes » et « enfants naturels » − dans la législation de l’État partie (art.10).

31.  Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De p rendre les mesures nécessaires visant à établir un cadre légal en matière de filiation qui respecte pleinement le principe de non- discrimination , y compris la non-discrimination envers les couples de même sexe ;

b) D ’ accélérer l ’ adoption des trois nouveaux projet s de loi destiné s à protége r les mineurs dans le système d ’ administration de la justice pour enfants , en tenant compte des recommandations que le Comité des droits de l ’ enfant lui a adressées dans ses observations finales de 2021  ;

c) De prendre les mesures nécessaires pour éliminer toute discrimination envers les enfants nés hors mariage , y compris l ’ adoption du projet de loi n o 6568 portant réforme du droit de la filiation, qui vise à éliminer les notions d ’ enfants « légitimes » et « naturels ».

Droit au logement

32.Tout en prenant note des efforts déployés par l’État partie pour faire face à la crise du logement, y compris pendant la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19), le Comité est préoccupé par l’écart persistant entre l’offre et la demande de logement et l’augmentation du coût des logements locatifs, ce qui touche principalement les jeunes, les familles monoparentales, les personnes à faible revenu, les migrants, les réfugiés, les demandeurs d’asile et les étudiants. Il est aussi préoccupé par la persistance du sans-abrisme dans l’État partie, en particulier chez les personnes et les groupes marginalisés et défavorisés, et par l’absence de données nationales sur les personnes sans abri (art. 11).

33. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer les mesures adoptées afin de répondre efficacement aux besoins de logement de la population, en particulier des individus et des groupes défavorisés et marginalisés , et d ’ accro î tre le nombre de logements abordables et de logements sociaux ainsi que les montant s des aides au logement. Il lui r ecommande aussi d ’ enquêter sur les causes profondes du problème de sans-abri sme et de collecter des données sur les personnes sans abri sur le plan national. À cet égard, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 4 (1991) sur le droit à un logement suffisant.

Pauvreté

34.Tout en prenant note des mesures adoptées pour lutter contre la pauvreté et les inégalités dans l’État partie, le Comité est préoccupé par l’augmentation du risque de pauvreté et par le fait que ce dernier touche de manière disproportionnée les jeunes, les étrangers, les personnes faiblement éduquées, les chômeurs et les familles monoparentales. Par ailleurs, il note avec préoccupation que le taux de risque de pauvreté des étrangers, principalement les ressortissants de pays extérieurs à l’Union européenne, est deux fois supérieur à celui des nationaux (art. 2, par. 1, et art. 11).

35. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer son action dans le domaine de la lutte contre la pauvreté et les inégalités , et de veiller à ce que les programmes prévus dans ce domaine soient appliqués selon une démarche fondée sur les droits de l ’ homme et accordent l ’ attention voulue aux groupes les plus exposés au risque de pauvreté, en particulier les jeunes, les étrangers, les personnes faiblement éduquées, les chômeurs et les familles monoparentales. À cet égard, le Comité renvoie l ’ État partie à sa déclaration de 2001 sur la pauvreté et le Pacte .

Droit à la santé physique et mentale

36.Tout en prenant note des mesures adoptées par l’État partie visant à assurer le plein exercice du droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale, y compris pendant la pandémie de COVID-19, le Comité note avec préoccupation que :

a)Certains groupes de population ont un accès très limité aux soins de santé, notamment les sans-abri, les personnes migrantes en séjour irrégulier, les réfugiés, les demandeurs d’asile et les personnes sortant de prison ;

b)Il n’existe pas de réglementation interdisant de pratiquer sur les enfants intersexes des interventions chirurgicales qui sont souvent irréversibles, médicalement non nécessaires, et préjudiciables à leur intégrité physique et mentale ;

c)Les jeunes et les migrants sont particulièrement affectés par des troubles de santé mentale et par la dépression, et que les services de santé mentale ne sont pas largement disponibles et accessibles;

d)Le tabagisme et la consommation d’alcool sont des vecteurs majeurs de morbidité et de mortalité dans l’État partie (art.12).

37. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour que toutes les personnes dans l ’ État partie, y compris les sans-abri, les personnes migrantes en séjour irréguli e r, les réfugiés, les demandeurs d ’ asile et les personnes sortant de prison aient accès à des soins de santé préventifs, curatifs et palliatifs dans des conditions d ’ égalité  ;

b) De veiller à ce que, dans la pratique, il ne soit pas procédé à des interventions chirurgicales en l ’ absence de nécessité ou d ’ urgence médicale sur les caractéristiques sexuelles d ’ enfants intersexes, jusqu ’ à ce qu ’ ils soient capables de former leur propre point de vue et de donner leur consentement éclairé, et d ’ accélérer l ’ adoption d ’ une loi en ce sens, comme cela est prévu dans le Plan d ’ action national pour la promotion des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes ;

c) D ’ accroître la disponibilité, l ’ accessibilité, l ’ acceptabilité et la qualité des services professionnels de soins de santé mentale, et de redoubler d ’ efforts pour s ’ attaquer aux causes profondes de la prévalence des problèmes de santé mentale dans les groupes de la population les plus touchés par ces problèmes ;

d) D ’ accroître ses efforts pour lutter contre le tabagisme et l ’ alcoolisme, notamment en poursuivant ses actions de prévention, en prenant des mesures de promotion de modes de vie sains et en mettant en place de s programmes de sensibilisation aux risques éle vés de tels abus sur la santé ;

e) De tenir compte de son observation générale n o 14 (2000) sur le droit au meilleur état de santé susceptible d ’ être atteint et de sa déclaration sur les devoirs des États envers les réfugiés et les migrants au titre du Pacte .

Droit à l’éducation

38.Le Comité prend note des mesures adoptées par l’État partie pour réduire les inégalités en matière d’éducation. Cependant, il est préoccupé par :

a)Les inégalités persistantes en matière de réussite, liées à l’origine socioéconomique, au statut migratoire de l’enfant et à ses capacités linguistiques, et notamment le faible taux d’achèvement des études secondaires ;

b)La sous-représentation des élèves issus de familles de migrants dans l’enseignement secondaire dit « classique », considéré comme la filière la plus valorisante ;

c)Les informations selon lesquelles le manque de statistiques ne permet pas d’établir clairement les progrès de l’éducation inclusive pour les élèves handicapés, et que certains d’entre eux fréquenteraient encore des écoles spéciales, en dépit des efforts réalisés ;

d)Les informations faisant état de brimadesà l’école contre les élèveslesbiennes, gays, bisexuels, transgenres ou intersexes (art.13 et 14).

39. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De redoubler d ’ efforts pour réduire les disparités en matière de réussite scolaire, en particulier parmi les enfants issus de familles à faible revenu, migrantes et qui ne parlent pas les langues officielles de l ’ État partie ;

b) De redoubler d ’ efforts pour que la langue ne fasse pas obstacle à l ’ éducation et n ’ augmente pas les inégalités, notamment en ouvrant des classes de soutien linguistique tout en favorisant des espaces de discussion et la prise de mesures sur l ’ adaptation du système scolaire à la réalité sociale du pays  ;

c) De remédier à la sous-représentation des enfants migrants dans l ’ enseignement secondaire « classique » , et de revoir les critères d ’ orientation des élèves vers les différentes filières éducatives ;

d) D ’ accentuer ses efforts pour garantir l ’ éducation inclusive aux enfants handicapés et de renforcer la collecte de données dans ce domaine ;

e) D e protéger tous les enfants contre les brimades et la violence à l ’ école , et d ’ accroître les efforts de prévention dans ce domaine et de promotion de la compréhension et de la tolérance.

Technologies de l’information et de la communication

40.Le Comité note que la connectivité, notamment la couverture Internet à haut débit, est assez développée dans l’État partie. Néanmoins, il note avec préoccupation que, d’après l’Étude internationale sur la maîtrise des outils informatiques et la culture de l’information menée en 2018 et l’analyse présentée dans le Rapport national sur l’éducation au Luxembourg en 2021, les compétences numériques dans l’enseignement secondaire luxembourgeois sont nettement inférieures à la moyenne internationale, et que les performances dans ce domaine sont plus faibles parmi les élèves issus d’un milieu socioéconomique défavorisé et dans l’enseignement secondaire général ou technique, ce qui contribue à renforcer les inégalités à l’école et creuse la fracture numérique (art. 15).

41. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accentuer ses efforts pour améliorer les compétences numériques dès l ’ école et de veiller à ce que le progrès scientifique et ses applications, y compris les technologies de l ’ information et de la communication, bénéficient à toutes les personnes résidant sur son territoire, sans discrimination.

D.Autres recommandations

42. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

43. Le Comité recommande à l ’ État partie de tenir pleinement compte des obligations que lui impose le Pacte et de garantir le plein exercice des droits qui y sont consacrés, tant dans la mise en œuvre au niveau national du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030 que dans les mesures prises pour assurer le relèvement du pays après la pandémie de COVID-19. La réalisation des objectifs de développement durable serait grandement facilitée si l ’ État partie établissait des mécanismes indépendants pour suivre les progrès réalisés et s ’ il envisageait les bénéficiaires des programmes publics comme des titulaires de droits qui peuvent faire valoir leur droit à des prestations. Le Comité recommande à l ’ État partie de soutenir les engagements pris au niveau mondial dans le contexte de la décennie d ’ action en faveur des objectifs de développement durable. S ’ attacher à atteindre les objectifs dans le respect des principes de participation, de responsabilité et de non-discrimination permettrait de garantir que nul n ’ est laissé de côté. À cet égard, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur sa déclaration relative à l ’ engagement de ne laisser personne de côté .

44. Le Comité prie l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, y compris à l ’ échelon communal, en particulier auprès des parlementaires, des agents de l ’ État et des autorités judiciaires, et de l ’ informer dans son prochain rapport périodique des dispositions qu ’ il aura prises pour y donner suite. Le Comité souligne le rôle crucial que joue le Parlement dans la mise en œuvre des présentes observations finales et encourage l ’ État partie à assurer sa participation aux futures procédures d ’ établissement de rapports et de suivi . Il l ’ encourage à associer toutes les institutions nationales de droits de l ’ homme , les organisations non gouvernementales et d ’ autres membres de la société civile au suivi des présentes observations finales et au processus de consultation nationale avant la soumission de son prochain rapport périodique.

45. Conformément à la procédure de suivi des observations finales adoptées par le Comité, l ’ État partie est prié de fournir, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de l ’ adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations formulées par le Comité aux paragraphes  13 (entreprises et droits de l ’ homme), 21 c) (égalité entre hommes et femmes) et 23 (droit au travail) ci ‑ dessus.

46. Le Comité prie l ’ État partie de lui soumettre son cinquième rapport périodique au titre de l ’ article 16 du Pacte d ’ ici au 31 octobre 2027 , sauf notification contraire résultant d ’ une modification du cycle d ’ examen. Conformément à la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots.