Nations Unies

E/C.12/DNK/CO/5

Conseil économique et social

Distr. générale

6 juin 2013

Français

Original: anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le cinquième rapport périodique du Danemark, adoptées par le Comitéà sa cinquantième session (29 avril-17 mai 2013)

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le cinquième rapport périodique du Danemark sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/DNK/5) à ses 17e et 18e séances (E/C.12/2013/SR.17 et 18) tenues le 10 mai 2013, et a adopté à sa 28e séance tenue le 17 mai 2013 les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le cinquième rapport périodique du Danemark (E/C.12/DNK/5), y compris les informations communiquées sur la situation au Groenland et aux îles Féroé, et les réponses du Gouvernement danois à la liste des points à traiter (E/C.12/DNK/Q/5/Add.1). Le Comité relève avec satisfaction que la délégation de l’État partie était composée de représentants des deux sexes et d’experts de divers ministères. Il se félicite de l’esprit de coopération dont fait preuve l’État partie et du dialogue riche et constructif noué avec la délégation.

B.Aspects positifs

Le Comité prend note avec satisfaction:

a)De l’adoption en mai 2012 d’une nouvelle stratégie de coopération au développement;

b)De la mise en place en décembre 2012 d’une commission d’experts chargée d’examiner, entre autres, la question de l’incorporation des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, y compris le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels;

c)Des mesures prises en vue d’améliorer les conditions de vie des demandeurs d’asile et autres immigrés dans l’État partie;

d)De la publication en 2009 d’une nouvelle série de directives nationales relatives à la protection maternelle, actualisées en 2012;

e)De l’adoption du Plan d’action national contre la traite des êtres humains (2011‑2014).

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité exprime de nouveau sa préoccupation devant le fait que l’État partie n’a pas encore intégré les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans la législation nationale. Il juge également préoccupant que l’examen de la jurisprudence montre que, même si l’État partie affirme que le Pacte est appliqué par les tribunaux danois, rares sont les cas où les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme sont appliqués par les tribunaux ou invoqués par les parties en cause, et que la Cour suprême ait déclaré que les instruments non intégrés ne sont pas directement applicables dans l’ordre juridique interne.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intégrer les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans la législation nationale et de les faire mieux connaître, notamment de l ’ appareil judiciaire, par des programmes d ’ éducation et de formation aux droits de l ’ homme. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son Observation générale n o  9 (1998) sur l ’ application du Pacte au niveau national.

Le Comité relève que l’État partie maintient sa réserve à l’alinéa d de l’article 7 du Pacte ayant trait au droit à la rémunération des jours fériés, formulée en 1972 au moment de la ratification du Pacte.

Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir sa réserve à l ’ alinéa  d de l ’ article 7 du Pacte, en vue de la retirer, compte tenu en particulier de la notion de temporalité qu ’ il y a introduite.

Le Comité prend note avec satisfaction de l’indépendance de l’Institut danois des droits de l’homme, mais regrette que son mandat n’englobe pas encore les îles Féroé.

Le Comité recommande à l ’ État partie de promulguer, en concertation avec le Gouvernement féroïen, une législation visant à étendre le mandat de l ’ Institut danois des droits de l ’ homme aux îles Féroé. En outre, il encourage ce dernier à s ’ intéresser aux droits économiques, sociaux et culturels de la même manière qu ’ aux droits civils et politiques, compte tenu de l ’ universalité et de l ’ indivisibilité de tous les droits de l ’ homme.

Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas encore adopté de législation complète contre la discrimination et qu’il se repose sur diverses lois offrant de multiples niveaux de protection aux différents groupes de personnes (art. 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures en vue d ’ adopter une législation complète contre la discrimination, garantissant à tous la jouissance sans discrimination des droits économiques, sociaux et culturels, conformément au paragraphe 2 de l ’ article 2 du Pacte. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que cette législation protège également contre la discrimination fondée sur l ’ orientation sexuelle et sur le handicap. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son Observation générale n o  20 (2009) sur la non ‑discrimination dans l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

Le Comité fait de nouveau part de sa préoccupation face à l’écart salarial qui persiste entre les femmes et les hommes, en particulier dans les îles Féroé, ainsi que face à la sous-représentation des femmes aux postes élevés et, tout particulièrement, dans l’enseignement et le secteur privé (art. 3).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour garantir l ’ égalité hommes ‑ femmes dans l ’ univers du travail, remédier aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, et assurer une représentation équitable des femmes aux postes à responsabilité. Il lui recommande également de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les progr ès accomplis dans ces domaines.

Le Comité est préoccupé par les difficultés auxquelles les femmes appartenant à des groupes minoritaires continuent de se heurter dans l’exercice des droits consacrés par le Pacte et la réalisation de ces droits, s’agissant en particulier de l’accès à l’éducation, à l’emploi et aux soins de santé (art. 3).

Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer les mesures, y compris par des mesures spéciales temporaires, pour faciliter l ’ exercice par les femmes appartenant à des groupes minoritaires de tous les droits consacrés par le Pacte, en particulier leur accès à l ’ éducation, à l ’ emploi et aux soins de santé.

Le Comité est préoccupé par le fait que le taux de chômage des jeunes et des immigrés venus de pays en développement est plus élevé que la moyenne nationale. Il juge préoccupant également que la période d’octroi de l’allocation de chômage ait été ramenée de quatre à deux ans à compter du 1er janvier 2013 (art. 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer les mesures, en particulier via le Plan de mesures d ’ urgence 2013, visant à lutter contre l ’ élévation des taux de chômage des jeunes et des immigrés ven us de pays en développement. Le  Comité recommande également à l ’ État partie de faire état dans son prochain rapport périodique de l ’ évaluation des effets de la réduction de la durée de la période d ’ octroi de l ’ allocation de chômage sur le niveau de vie des personnes touchées par cette mesure.

Le Comité est préoccupé par la sous-représentation disproportionnée des personnes handicapées sur le marché du travail et par le recul de leur participation à ce marché. Il juge également préoccupant que la législation nationale du travail ne fasse pas systématiquement obligation à l’employeur de procéder aux aménagements raisonnables requis (art. 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour promouvoir un marché du travail ouvert aux personnes handicapées et de modifier la législation nationale du travail de façon à ce qu ’ elle fasse systématiquement obligation aux employeurs de procéder aux aménagements raisonnables requis.

Le Comité prend note avec préoccupation que l’État partie n’a toujours pas établi desalaire minimum national, mettant ainsi en péril en particulier le droit des travailleurs noncouverts par des conventions collectives et celui des personnes handicapées àunerémunération égale pour un travail de valeur égale (art. 7).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures législatives et autres pour instaurer un salaire minimum national. Il lui recommande aussi de veiller à ce que le niveau de ce salaire soit régulièrement réexaminé et à ce que son montant soit suffisant pour permettre à tous les travailleurs et aux membres de leur famille d ’ avoir un niveau de vie décent.

Le Comité relève avec préoccupation que le montant des prestations d’aide sociale de base versées aux moins de 25 ans ne suffit pas à assurer un niveau de vie convenable àces personnes. Il relève également avec préoccupation que la réforme de la retraite anticipée pourrait priver les personnes handicapées de moins de 40 ans d’accès àdespensions d’invalidité (art. 9).

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que le montant des prestations sociales pour les moins de 25 ans soit suffisant pour garantir à ces personnes un niveau de vie convenable. Il lui recommande également de prendre des mesures pour que les personnes handicapées de moins de 40 ans aient accès à des pensions d ’ invalidité.

Le Comité constate avec préoccupation que, au Groenland, l’usage des châtiments corporels contre les enfants n’est pas expressément interdit dans la famille et les structures deremplacement (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour interdire les châtiments corporels dans tous les contextes, au Groenland .

Le Comité constate avec préoccupation qu’un nombre important d’enfants sont placés en établissement hors de leur famille, notamment en institution (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour garantir qu ’ il est proposé aux enfants privés d ’ environnement familial une solution d ’ accueil de type familial de préférence à un placement en institution. Il lui recommande également de prendre des mesures pour faire en sorte que les enfants qui sont placés en établissement hors de leur famille, en particulier les enfants handicapés, puissent avoir accès à des soins appropriés. À cet égard, le Comité recommande à l ’ État partie de prendre en compte les Lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants, annexées à la résolution 64/142 de l ’ Assemblée générale.

Le Comité constate avec préoccupation que certaines catégories de la population sont davantage exposées au risque de vivre dans la pauvreté, en particulier les familles monoparentales, celles qui vivent de l’aide sociale et les familles immigrées (art. 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour instaurer un seuil de pauvreté national, et de mettre en place un dispositif propre à garantir à tous ceux qui vivent dans la pauvreté, en particulier les familles monoparentales, celles qui vivent de l ’ aide sociale et les familles immigrées, l ’ apport d ’ une aide ciblée. Le Comité recommande aussi à l ’ État partie de prendre, en sus des mesures en place pour favoriser la réduction de la pauvreté par l ’ éducation, des mesures ciblées tendant à remédier à la pauvreté dans les établissements et villages isolés au  G roenland. À cet égard, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur sa déclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adoptée le 4 mai 2001.

Le Comité est préoccupé par les obstacles auxquels les travailleurs migrants et les autres groupes défavorisés et marginalisés, y compris les Roms, se heurtent dans la réalisation de leur droit à un logement convenable. Il est également préoccupé par la pénurie persistante de logements sociaux, y compris aux îles Féroé. Il s’inquiète en outre de la persistance du phénomène des sans-abri dans l’État partie, en particulier au sein de la population immigrée, et de la persistance du nombre élevé d’expulsions forcées (art. 11).

Tenant compte de son Observation générale n o  4 (1991) sur le droit à un logement suffisant, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter toutes les mesures propres à garantir l ’ accès des groupes défavorisés et marginalisés, y compris les migrants et les Roms, à un logement suffisant, notamment en veillant à ce que des ressources suffisantes soient dégagées pour augmenter l ’ offre de logements sociaux et en prévoyant des formes d ’ aide financière appropriées, telles que des allocations logement. Le Comité recommande également à l ’ État partie de prendre toutes mesures appropriées pour améliorer sur les plans quantitatif et qualitatif les dispositifs d ’ accueil (y compris les hébergements d ’ urgence, les foyers, les centres d ’ accueil et de réinsertion sociale et les maisons-relais et pensions de famille), et d ’ élaborer les politiques et programmes voulus pour faciliter la réinsertion sociale des personnes sans domicile. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de prendre des mesures pour fournir aux personnes expulsées de force un logement de remplacement ou une indemnisation leur permettant d ’ acquérir un logement adéquat, conformément aux lignes directrices figurant dans l ’ Observation générale n o  7 (1997) du Comité relative aux expulsions forcées.

Le Comité constate avec préoccupation que les réfugiés soumis à des quotas, les migrants ayant bénéficié du regroupement familial et les migrants sans papiers continuent de se heurter à des difficultés en matière d’accès aux soins de santé (établissements, biens et services) (art. 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour garantir que tous les particuliers et groupes défavorisés et marginalisés, en particulier les réfugiés soumis à des quotas, les migrants ayant bénéficié du regroupement familial ainsi que les migrants sans papiers et les membres de leur famille, aient accès aux soins de santé de base. Le Comité recommande que, dans le cadre de ces mesures, il soit prévu de faire passer un examen de santé à ces personnes dès leur arrivée dans l ’ État partie, et de leur proposer de vacciner leurs enfants. Il recommande également à l ’ État partie de prendre des mesures pour faire connaître aux groupes et personnes défavorisés et marginalisés le dispositif de soins de santé et de veiller à ce que tous aient accès aux informations s ’ y rapportant dans d ’ autres langues que le danois.

Le Comité est préoccupé par la situation défavorable, liée à des facteurs socioéconomiques, des enfants d’immigrés et des enfants roms dans les écoles publiques par rapport aux élèves danois de souche. Il juge également préoccupant que les enfants demandeurs d’asile ne soient pas rapidement pris en charge par les écoles publiques ordinaires (art. 13 et 14).

Le Comité recommande à l ’ État partie de donner la priorité à la mise en œuvre du cadre de promotion des langues et à la réduction de l ’ impact du milieu socioéconomique auquel l ’ élève appartient sur ses résultats scolaires. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de prendre des mesures pour garantir que les enfants demandeurs d ’ asile soient rapidement pris en charge par les écoles publiques ordinaires et ne passent pas d ’ abord par une école distincte.

Le Comité est préoccupé par le fait que les enfants handicapés ont beaucoup moins de chances que les enfants non handicapés de passer les examens de fin de premier cycle et de second cycle de l’enseignement obligatoire et que, s’ils y parviennent, leurs résultats sont moins bons que ceux obtenus par les autres enfants (art. 13 et 14).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour assurer l ’ intégration des enfants handicapés dans un système éducatif ouvert à tous. Il lui recommande aussi de faire en sorte que les enseignants soient formés pour éduquer les enfants handicapés dans le cadre scolaire ordinaire, et que les enfants handicapés disposent de l ’ équipement et du soutien voulus.

Le Comité juge préoccupant que l’État partie n’ait pas appliqué le principe de l’auto‑identification culturelle s’agissant de la reconnaissance de la tribu de Thulé du Groenland en tant que groupe autochtone distinct (art. 15).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour reconnaître la tribu de Thulé du Groenland en tant que groupe autochtone distinct habilité à faire valoir ses droits traditionnels, y compris à préserver son identité culturelle et à utiliser sa propre langue.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour veiller à ce que tous les groupes et personnes défavorisés et marginalisés, notamment les personnes handicapées, les enfants de migrants, les enfants issus de familles à faible revenu et les personnes âgées, puissent exercer pleinement leur droit de prendre part à la vie culturelle.

Le Comité prie l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations sur les mesures prises pour garantir le droit de chacun de bénéficier du progrès scientifique et de ses applications, conformément à l ’ alinéa  b du paragraphe 1 de l ’ article 15 du Pacte.

Le Comité encourage l ’ État partie à envisager de signer et de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le Comité encourage l ’ État partie à envisager de signer et de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées. En outre, il lui recommande de nouveau d ’ envisager de ratifier les Conventions de l ’ OIT n o 117 sur la politique sociale (objectifs et normes de base), 1962 , et n o  174 sur la prévention des accidents industriels majeurs, 1993.

Le Comité demande à l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, en particulier auprès de l ’ administration, de l ’ appareil judiciaire et des organisations de la société civile, de les faire traduire et de leur donner la plus large publicité possible, et de l ’ informer, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu ’ il aura prises pour y donner suite. Le Comité invite également l ’ État partie à associer tous les intervenants concernés, y compris les organisations non gouvernementales et les autres membres de la société civile, au processus de discussion au niveau national avant la soumission de son prochain rapport périodique .

Le Comité demande à l ’ État partie de soumettre son sixième rapport périodique, établi conformément aux directives révisées concernant l ’ établissement de rapports que le C omité a adoptées en 2008 (E/C.12/2008/2), d ’ ici au 31 mai 2018.