Nations Unies

E/C.12/NLD/CO/6

Conseil économique et social

Distr. générale

6 juillet 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le sixième rapport périodique des Pays‑Bas *

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le sixième rapport périodique des Pays‑Bas (E/C.12/NLD/6) à ses 18e et 19e séances (E/C.12/2017/SR.18 et E/C.12/2017/SR.19), les 1er et 2 juin 2017, et a adopté les observations finales suivantes à sa 47e séance, le 23 juin 2017.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le sixième rapport périodique de l’État partie et les réponses écrites à la liste de points à traiter (E/C.12/NLD/Q/6/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation interministérielle de l’État partie, y compris avec des représentants de ses pays constitutifs, Aruba, Curaçao et Sint Maarten.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite que l’État partie ait ratifié les instruments ci‑après relatifs aux droits de l’homme :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2016 ;

b)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2011 ;

c)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2010.

4.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives et institutionnelles, ainsi que les mesures de politique générale prises par l’État partie pour promouvoir les droits économiques, sociaux et culturels, notamment :

a)La création de l’Institut néerlandais des droits de l’homme, en 2012 ;

b)L’adoption d’un plan d’action national en faveur des droits de l’homme, en 2013, ainsi que du Plan d’action national sur les entreprises et les droits de l’homme, en 2014 ;

c)L’adoption de la loi sur la participation, en 2015, ainsi que de la loi sur les emplois et les quotas dans l’emploi, en 2014, et de la loi sur l’éducation appropriée, également en 2014 ;

d)L’adoption de la loi portant Code de signalement obligatoire, en 2013 ;

e)La suppression de la procédure prévoyant la détention prolongée des demandeurs d’asile ;

f)L’adoption de la loi sur l’enseignement obligatoire à Aruba, en 2012 ;

g)L’instauration de l’enseignement primaire et secondaire gratuit à Curaçao, en 2012 ;

h)La modification du Code civil, du Code pénal et de l’ordonnance relative au droit de la fonction publique, à Curaçao, en 2014, qui assouplit les restrictions au droit de grève des fonctionnaires, ainsi que la levée de l’interdiction de faire grève visant les fonctionnaires, dans le Code pénal révisé d’Aruba, en 2014 ;

i)L’incrimination de la traite des êtres humains dans le Code pénal de Curaçao, en 2011.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Justiciabilité du Pacte

5.Le Comité note avec préoccupation que bien que la Constitution des Pays‑Bas (art. 93 et 94) établisse la préséance des traités internationaux, qui sont contraignants pour tous, sur la législation nationale, l’État partie a adopté l’avis que, d’une manière générale, les dispositions du Pacte ne sont pas contraignantes pour tous, qu’elles sont de nature programmatique et ne sont donc pas justiciables. Le Comité demeure préoccupé de ce que le Pacte ne joue pas un rôle important dans les processus d’élaboration des lois et des politiques de l’État partie, et de ce que des réformes majeures ont été adoptées dans le domaine des services sociaux, sans qu’il soit tenu compte du Pacte (art. 2).

6. Rappelant ses précédentes recommandations (voir E/C.12/NLD/CO/4 ‑ 5, par. 6), le Comité engage l’État partie à incorporer dans leur totalité les droits consacrés par le Pacte dans l’ordre juridique interne et à veiller à ce qu’ils soient respectés dans le processus d’élaboration des lois et des politiques. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o  9 (1998) sur l’application du Pacte au niveau national.

Plans d’action nationaux en faveur des droits de l’homme

7.Le Comité se félicite de l’adoption du Plan d’action national en faveur des droits de l’homme aux Pays‑Bas. Toutefois, il regrette que ce plan ne fixe pas de stratégies, ni de cibles précises à l’intention des ministères compétents et des administrations locales. Le Comité regrette en outre qu’il n’ait pas été défini de plans d’action nationaux en faveur des droits de l’homme pour Aruba, Curaçao et Sint Maarten.

8. Le Comité recommande à l’État partie de fixer des cibles spécifiques et de définir des stratégies pour tous les ministères compétents et tous les niveaux de l’administration publique, dans le cadre de la mise en œuvre du Plan d’action national en faveur des droits de l’homme, et ce, en étroite consultation avec toutes les parties prenantes, notamment la société civile et l’Institut néerlandais des droits de l’homme. Il demande en outre à l’État partie d’adopter des plans d’action nationaux en faveur des droits de l’homme dans toutes ses entités constitutives.

Coopération internationale en matière de développement

9.Le Comité est vivement préoccupé par la diminution du niveau de l’aide publique au développement de l’État partie, qui est passée en‑dessous de l’engagement convenu au niveau international, de 0,7 % du revenu national brut (RNB), en 2013, et a continué à diminuer depuis. Il s’inquiète de ce qu’il n’est pas systématiquement procédé à des études d’impact sur les droits de l’homme (art. 2 1)).

10. Le Comité invite l’État partie à porter progressivement son aide publique au développement à 0,7 % du RNB et à adopter une démarche fondée sur les droits de l’homme, et notamment à procéder à des études d’impact sur les droits de l’homme, dans le cadre de sa politique de coopération en matière de développement.

Les entreprises et les droits économiques, sociaux et culturels

11.Le Comité se félicite de l’adoption du Plan d’action national sur les entreprises et les droits de l’homme, en 2014. Il regrette toutefois que ce plan ne renferme que des principes directeurs visant en premier lieu les entreprises néerlandaises travaillant à l’étranger et qu’il ne prévoie pas de mécanismes de suivi formels. Le Comité est également préoccupé par les informations concernant les dégradations dont pâtiraient des habitations à Groningen en raison de l’extraction de gaz aux Pays‑Bas et de la pollution résultant du raffinage du pétrole à Curaçao. Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de graves préjudices causés à l’environnement et aux moyens de subsistance des populations autochtones au Pérou par une société domiciliée dans l’État partie (art. 2, par. 1, et art. 11).

12. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’inclure un mécanisme formel de suivi dans le Plan d’action national sur les entreprises et les droits de l’homme ;

b) De prendre des mesures pour garantir le respect des obligations relatives aux droits l’homme par les sociétés en activité sur le territoire de l’État partie ;

c) De prendre des mesures pour garantir la sécurité physique et la santé mentale des populations qui vivent dans la région de Groningen où il est procédé à l’extraction de gaz, ainsi que la sécurité et la sûreté de leurs domiciles, d’accorder des indemnisations appropriées aux victimes et d’empêcher de nouveaux dommages liés à ces acti vités extractives  ;

d) D’accélérer la réforme de l’industrie du raffinage du pétrole à Cur açao afin d’éviter la pollution  ;

e)De lever les obstacles juridiques et pratiques empêchant de demander des comptes aux sociétés domiciliées dans l’État partie à raison de violations des droits économiques, sociaux et culturels résultant de leurs activités sur le territoire national et à létranger.

13. Le Comité renvoie l’État partie à son observation générale n o  24 (2017) sur les obligations des États en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans le contexte des activités des entreprises.

Disparités dans la mise en œuvre du Pacte dans les différentes entités de l’État partie

14.Tout en prenant note de la structure complexe de l’État partie, qui comprend des pays autonomes à Aruba, Curaçao et Sint Maarten, et de la décentralisation des responsabilités dans le cas des municipalités spéciales de Bonaire, Saint‑Eustache et Saba, le Comité est préoccupé par les disparités concernant la mise en œuvre du Pacte dans les différents pays de l’État partie, de même qu’entre la partie européenne des Pays‑Bas et les Pays‑Bas des Caraïbes (art. 2).

15. Conformément à sa précédente recommandation (voir E/C.12/NLD/CO/4 ‑ 5, par. 5), le Comité rappelle à l’État partie la responsabilité fondamentale qui lui incombe, de mettre en œuvre le Pacte dans tous ses pays constitutifs et municipalités spéciales et lui recommande de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la pleine jouissance des droits économiques, sociaux et culturels à toutes les personnes relevant de sa juridiction.

Transfert de compétences

16.Le Comité note qu’il y a un transfert croissant des responsabilités relatives à l’élaboration et à la fourniture des services aux municipalités, depuis 2015. Il est néanmoins préoccupé par l’insuffisance des capacités de certaines administrations locales pour assurer les services sociaux, et par leur manque de pratique dans ce domaine (art. 2).

17. Le Comité rappelle à l’État partie qu’il a la responsabilité de mettre en œuvre le Pacte à tous les niveaux, y compris au niveau municipal. Il recommande à l’État partie de s’assurer que toutes les administrations publiques, y compris les autorités locales, ont pleinement conscience des obligations qui sont les leurs au titre du Pacte, et à cet égard, il encourage l’État partie à publier les informations nécessaires et à les diffuser auprès des administrations locales, afin que celles ‑ ci soient à même de fournir les services sociaux voulus, à un prix abordable, aux habitants de leur localité. Le  Comité recommande en outre à l’État partie de fournir tout l’appui nécessaire, notamment budgétaire, aux municipalités, afin qu’elles puissent veiller à la réalisation des droits énoncés dans le Pacte à l’échelon local. Le Comité renvoie à son observation générale n o  3 (1990) sur la nature des obligations des États parties.

Discrimination à l’égard des minorités

18.Le Comité est préoccupé de ce que différents groupes, notamment les minorités ethniques, les migrants, les personnes handicapées, les travailleurs domestiques, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées, les réfugiés et les demandeurs d’asile se heurtent à une discrimination de fait dans l’État partie, dans de nombreux domaines couverts par le Pacte, notamment l’emploi, la sécurité sociale, l’éducation, le logement et le niveau de vie (art. 2, par. 1).

19. Le Comité recommande à l’État partie de continuer à rechercher les causes profondes des discriminations systémiques et structurelles à l’égard des groupes minoritaires. Il lui recommande également de mettre à profit les résultats disponibles d’études sur la discrimination en vue d’élaborer des politiques et des programmes assortis de buts et de cibles spécifiques pour lutter contre les préjugés. Le Comité recommande en outre à l’État partie de prendre to utes les mesures nécessaires, y  compris des mesures temporaires spéciales, selon qu’il conviendra, pour garantir à tous l’exercice des droits énoncés dans le Pacte dans des conditions d’égalité. Il invite l’État partie à se reporter à son observation générale n o  20 (2009) sur la non ‑ discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

Éducation aux droits de l’homme

20.Le Comité est préoccupé par le fait que l’éducation civique actuellement dispensée dans le cadre du programme national d’enseignement ne prévoit toujours pas d’éducation appropriée aux droits de l’homme, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels (art. 2, par. 2, et art. 13).

21. Le Comité renouvelle sa précédente recommandation (voir  E/C.12/NLD/CO/4 ‑ 5, par. 32) et recommande à l’État partie de veiller à ce qu’une éducation aux droits de l’homme soit assurée dans les établissements scolaires à tous les niveaux et dans les universités et qu’elle porte sur les droits économiques, sociaux et culturels.

Égalité entre hommes et femmes

22.Bien qu’il se félicite des données complètes fournies par l’État partie en ce qui a trait à la participation des femmes, le Comité est préoccupé par le nombre élevé de femmes travaillant à temps partiel, qui est nettement supérieur à la moyenne de l’Union européenne, par le faible nombre de femmes occupant des fonctions de décision, en particulier de femmes exerçant les fonctions de maire, et par la faible proportion de femmes siégeant dans des conseils d’administration d’entreprises. Il est également préoccupé par la différence considérable de rémunération entre les hommes et les femmes, en particulier dans le secteur privé. Le Comité est en outre préoccupé par les stéréotypes qui subsistent en ce qui concerne l’éducation des enfants et les rôles respectifs des femmes et des hommes dans la famille et dans la société (art. 3 et 7).

23. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier son action pour parvenir à une réelle égalité entre hommes et femmes. À cet égard, il recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures pour assurer l’indépendance financière des femmes en favorisant leur accès à des emplois à plein temps, notamment en renforçant les services de garde d’enfants et autres services d’aide aux familles ;

b) D’intensifier son action pour faire augmenter le niveau de représentation des femmes aux fonctions de décision, en particulier le nombre de femmes exerçant les fonctions de maire et le nombre de femmes siégeant dans des conseils d’administration d’entreprises ;

c) De redoubler d’efforts pour faire évoluer la représentation stéréotypée que la société se fait des rôles respectifs des hommes et des femmes, notamment grâce à des campagnes de sensibilisation sur l’égalité des perspectives professionnelles et l’égale répartition des responsabilités familiales entre les hommes et les femmes ; et

d) De prendre des mesures spéciales additionnelles à titre temporaire afin de parvenir à l’égalité dans tous les domaines des droits économiques, sociaux et culturels.

24. Le Comité invite l’État partie à se reporter à son observation générale n o  16 (2005) sur le droit égal de l’homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels.

Chômage

25.S’il se félicite du faible taux de chômage dans l’État partie, le Comité note néanmoins avec préoccupation que le taux de chômage des minorités ethniques reste élevé et qu’il continue à augmenter, malgré une amélioration notoire de leur niveau d’instruction. Le Comité note également avec regret que si la présence des femmes sur le marché de l’emploi a augmenté, le taux d’emploi des femmes appartenant à des minorités ethniques, en particulier les femmes turques et marocaines, demeure faible (art. 6 et 7).

26. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour remédier concrètement au chômage des minorités ethniques, en particulier des femmes turques et marocaines, en mettant en œuvre des programmes et des plans visant à intégrer pleinement tous les groupes de la société sur le marché du travail. Il appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o  18 (2005) sur le droit au travail.

Droit au travail des personnes handicapées

27.Bien qu’il constate au vu de la loi sur la participation et de la loi sur les emplois et les quotas d’emplois adoptées en 2015, que les cibles intermédiaires concernant l’emploi des personnes handicapées ont été atteintes, le Comité note avec préoccupation que certaines personnes handicapées sont exclues du système, dans la mesure où seules les personnes inscrites peuvent bénéficier du système de quotas. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que malgré les mesures prises, le taux de chômage des personnes handicapées est deux fois plus élevé que chez les personnes qui n’ont pas de handicap et que les personnes handicapées occupent souvent des emplois à des niveaux qui sont en‑deça de leurs compétences (art. 2 et 6).

28. Le Comité recommande à l’État partie d’étudier de près l’effet de la loi sur les emplois et les quotas d’emplois sur la situation des personnes handicapées qui n’entrent pas dans le groupe cible défini. Il demande à l’État partie de fournir des informations, dans son prochain rapport périodique, sur le niveau d’emploi des personnes appartenant au groupe cible de la loi sur les emplois et les quotas d’emplois, ainsi que de celles qui n’appartiennent pas à ce groupe, de même que sur les mesures prises en faveur de ces dernières. Le Comité souhaite en outre avoir des informations, ventilées par sexe, par âge et par niveau d’études, sur les personnes appartenant au groupe cible qui se sont vu proposer un contrat à durée indéterminée au bout de deux ans dans leur emploi.

Travailleurs domestiques et travailleurs migrants

29.Bien que prenant note des mesures prises par l’État partie pour améliorer la situation des travailleurs domestiques, le Comité demeure préoccupé par le fait que ces travailleurs ne jouissent toujours pas de l’intégralité des droits économiques, sociaux et culturels qui sont les leurs. Le Comité est également préoccupé de ce que les employeurs n’acquittent pas toujours les contributions de sécurité sociale voulues. Il est préoccupé en outre de ce que les inspecteurs du travail ont la double responsabilité, d’une part, de contrôler les conditions de travail et, d’autre part, de s’assurer que la législation relative au séjour des travailleurs étrangers sur le territoire est respectée et de détecter les fraudes éventuelles, ce qui pourrait dissuader les travailleurs migrants de signaler des manquements à la réglementation du travail (art. 7).

30. Le Comité recommande à l’État partie de prendre sans délai des mesures afin d’assurer la protection effective de tous les travailleurs sur le marché du travail, notamment des travailleurs domestiques et des travailleurs migrants, conformément au Pacte. Il invite en outre l’État partie à réexaminer la question de la double responsabilité confiée aux inspecteurs du travail, de manière à garantir l’accès à des recours utiles à tous les travailleurs soumis à des conditions de travail injustes ou défavorables. Le Comité renvoie l’État partie à son observation général e n o 23 (2016) sur le droit à des conditions de travail justes et favorables.

Sécurité sociale

31.Le Comité est préoccupé par les répercussions des modifications apportées récemment à diverses lois relatives à la sécurité sociale sur l’accès des titulaires de droits à des prestations adéquates, en raison, notamment, de la nature et de la rigidité des critères d’admission au bénéfice de telles prestations. Le Comité s’inquiète également de ce que certaines municipalités n’ont pas les capacités nécessaires pour aider les personnes et les familles dans le besoin du fait de la baisse de leurs allocations de sécurité sociale (art. 9).

32. Le Comité engage l’État partie à revoir les conditions d’admission au bénéfice de prestations de sécurité sociale en vue d’assurer la protection effective de tous les bénéficiaires. Le Comité prie l’État partie de prendre des mesures pour permettre aux municipalités d’apporter un soutien adéquat à toutes les personnes dont le montant des prestations de sécurité sociale a diminué en raison des récentes modifications législatives. Il appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o  19 (2007) concernant le droit à la sécurité sociale.

Violence familiale et maltraitance des enfants

33.Le Comité est préoccupé par le fait que, malgré les mesures qui ont été prises, la violence familiale et la maltraitance des enfants restent très fréquentes dans toutes les entités constitutives de l’État partie. Il s’inquiète en outre de ce que le transfert de la responsabilité en matière de prévention de la violence familiale aux municipalités dans les Pays‑Bas n’a pas été assorti d’un renforcement correspondant des capacités. Il s’ensuit que, dans de nombreuses municipalités, le temps d’attente des victimes de ce type de violence pour accéder aux services fournis par les centres pour la sécurité à la maison est excessif. Le Comité est également préoccupé par le caractère restrictif des conditions d’admission dans les centres d’hébergement qui entrave l’accès des victimes à ces structures. Le Comité prend note de l’intention de l’État partie de conclure un accord avec les autorités d’Aruba, de Curaçao et de Sint Maarten pour renforcer les politiques de lutte contre la violence familiale mais reste préoccupé par le fait que l’on ne dispose toujours pas de données fiables sur la question dans ces territoires (art. 10).

34. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour combattre la violence familiale et la maltraitance des enfants. À cet égard, il demande à l’État partie :

a) De mettre en place des mécanismes permettant de contrôler les capacités des municipalités, d’adapter les critères d’admission aux besoins des victimes tout en veillant à ce qu’elles aient accès à des services de qualité dans l’ensemble des  Pays ‑ Bas ;

b) De prendre immédiatement des mesures, en collaboration avec les autorités locales, pour renforcer la lutte contre la violence familiale et la maltraitance des enfants à Aruba, Curaçao et Sint Maarten et de prévoir des fonds, des ressources et un personnel suffisants à cette fin ;

c) De faire figurer dans son prochain rapport périodique des données à jour et ventilées, provenant de l’ensemble des entités qui le constituent, sur le nombre et la nature des cas de violence familiale signalés et sur les condamnations prononcées et les sanctions appliquées aux auteurs des faits, ainsi que sur les éventuelles mesures d’aide et de réadaptation prises en faveur des victimes conformément à la recommandation formulée par le Comité dans ses précédentes observations finales (voir E/C.12/NLD/CO/4 ‑ 5, par. 21).

Congé parental

35.Malgré le plan récent visant à porter le congé de paternité pour les hommes de deux jours à cinq jours, le Comité s’inquiète de ce que les modalités actuelles du congé parental n’ont pas abouti à une participation plus grande des hommes à la prise en charge des enfants (art. 10).

36. Le Comité recommande à l’État partie de revoir le système de congé parental et de le modifier afin de donner aux hommes et aux femmes les moyens de concilier leur vie professionnelle et leur vie de famille et, notamment, de mener des campagnes de sensibilisation dans l’ensemble de l’État partie.

Pauvreté

37.Le Comité est préoccupé par le fait que le nombre de personnes exposées au risque de pauvreté pendant quatre ans ou plus continue d’augmenter. Le Comité est en outre préoccupé par le taux de pauvreté à Aruba, à Curaçao et à Sint Maarten, et regrette que l’absence de données fiables et d’instrument officiel de mesure de la pauvreté dans ces pays constitutifs ne lui permette pas d’évaluer avec précision la situation pendant la période considérée (art. 11).

38. Le Comité invite instamment l’État partie à redoubler d’efforts pour lutter contre la pauvreté et à mettre au point des outils de mesure officiels, comme il l’avait recommandé dans ses précédentes observations finales (voir E/C.12/NLD/CO/4 ‑ 5, par. 24). Il prie en outre l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des statistiques annuelles ventilées et comparatives sur le nombre de personnes et de ménages vivant dans la pauvreté et sur les progrès accomplis dans la lutte contre la pauvreté.

Migrants sans papiers

39.Le Comité est préoccupé par le fait que certaines dispositions restrictives, notamment de la loi relative au droit à prestations, qui subordonnent l’accès aux allocations de logement, aux allocations d’éducation et aux prestations d’aide sociale à une résidence légale dans l’État partie, ont contribué à précariser la situation des migrants sans papiers et des demandeurs d’asile déboutés dans l’État partie. Le Comité est également préoccupé par le fait que l’accès à l’alimentation, à l’eau et au logement n’est pas garanti par la loi. Le Comité relève en outre avec préoccupation que le Gouvernement a subordonné l’accès des migrants sans papiers au logement à une « volonté manifeste de retourner dans le pays d’origine » et qu’il a menacé de sanctionner les municipalités qui continuaient à fournir un hébergement à des migrants sans papiers (art. 2 et 11).

40. Le Comité renouvelle la recommandation qu’il avait formulée dans ses précédentes observations finales (voir E/C.12/NLD/CO/4 ‑ 5, par. 25) et rappelle à l’État partie son obligation d’assurer à toutes les personnes placées sous sa juridiction la satisfaction de l’essentiel de chacun des droits consacrés par le Pacte, notamment les droits à l’alimentation, au logement, à la santé, à l’eau et à l’assainissement. Le  Comité engage l’État partie à :

a) S’abstenir de subordonner l’accès à l’alimentation, à l’eau et au logement à la volonté de l’intéressé de retourner dans son pays d’origine ;

b) Mettre en place une stratégie d’ensemble pour garantir qu e tous, y compris les migrants en situation irrégulière sans papiers, jouissent de l’essentiel de tous les droits consacrés par le Pacte, et à veiller à ce que des fonds suffisants y  soient affectés.

41. Le Comité rappelle à l’État partie sa déclaration sur les devoirs des États envers les réfugiés et les migrants au titre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/2017/1) ainsi que son observation générale n o 20 (2009) sur la non ‑ discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

Personnes sans abri

42.Le Comité est préoccupé par l’accroissement notable du nombre de sans‑abri dans l’État partie, en particulier chez les personnes et les groupes marginalisés et défavorisés (art. 11).

43. Le Comité demande instamment à l’État partie d’enquêter sur les causes profondes du problème des sans ‑ abri et lui recommande de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment d’assurer aux personnes marginalisées et défavorisées des logements sociaux abordables et d’allouer à cet effet des fonds suffisants aux municipalités. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o  4 (1991) sur le droit à un logement suffisant.

Santé sexuelle et procréative

44.Le Comité prend note du fait que la législation sur l’avortement de Sint Maarten, qui interdit l’avortement en toutes circonstances, est en cours de réexamen, l’objectif étant de dépénaliser l’avortement. Le Comité regrette toutefois que la délégation n’ait pas pu indiquer d’échéance pour le réexamen (art. 12).

45. Le Comité engage l’État partie à adopter rapidement un cadre législatif sur l’avortement à Sint Maarten qui soit conforme à l’article 12 du Pacte et de veiller à ce que chacun à Sint Maarten bénéficie de services, de biens, d’équipements et d’informations touchant à la santé sexuelle et procréative qui soient disponibles, accessibles, acceptables et de qualité. Le Comité renvoie à son observation générale n o  22 (2016) sur le droit à la santé sexuelle et procréative.

Accès des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile à la santé

46.Le Comité s’inquiète de ce que la décision de supprimer les subventions pour les services d’interprétation dans les établissements de soins de santé ait des effets négatifs sur l’accès des migrants aux services de santé. Le Comité est particulièrement préoccupé par les incidences de cette mesure sur l’obtention du consentement éclairé au traitement médical (art. 2 et 12).

47. Le Comité invite l’État partie à reconsidérer sa décision de ne pas financer les services d’interprétation dans les établissements de soins de santé et de veiller à ce que toutes les personnes se trouvant sur son territoire aient accès aux services de santé sans discrimination. Le Co mité rappelle à l’État partie son observation générale n o  14 (2000) sur le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint.

Enfants intersexués

48.Le Comité est préoccupé par le fait que la pratique de l’État partie consistant à procéder à des interventions chirurgicales et médicales précoces sur des enfants intersexués qui ne sont pas nécessaires du point de vue de la santé physique et qui modifient leur caractéristiques sexuelles, ne respecte pas leur droit d’y consentir au préalable, librement et en connaissance de cause (art. 12).

49. Le Comité recommande à l’État partie de revoir la pratique consistant à réaliser des interventions chirurgicales et médicales précoces sur des enfants intersexués de manière à s’assurer qu’ils sont suffisamment matures pour être consultés sur le traitement qui leur convient le mieux, exprimer leur consentement et faire ce choix en connaissance de cause.

Éducation

50.Le Comité est préoccupé par la ségrégation dans un grand nombre d’établissements scolaires et par les inégalités qui en résultent quant aux niveaux d’instruction, en particulier en ce qui concerne les enfants appartenant à des minorités ethniques (art. 13).

51. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire la ségrégation et les écarts dans les niveaux d’instruction, en consacrant davantage de ressources à l’éducation des enfants appartenant à des minorités ethniques, notamment en recrutant davantage d’enseignants qualifiés et en augmentant le nombre d’établissements d’enseignement adéquats pour ces groupes.

Éducation inclusive pour les enfants handicapés

52.Le Comité prend note de l’adoption de la loi relative à l’éducation appropriée en 2014 et de l’accord conclu entre les municipalités et les conseils de coopération régionale en juin 2016 afin de faire diminuer l’abandon scolaire chez les enfants handicapés, mais regrette que cette loi ne confère pas à ces enfants le droit d’être intégrés dans le système d’enseignement ordinaire ni le droit à un enseignement de qualité. La conséquence en est que de nombreux enfants handicapés sont presque automatiquement orientés vers des écoles dispensant un enseignement spécialisé, et que tant les écoles ordinaires que les écoles spécialisées sont souvent incapables de fournir un soutien éducatif adapté. Le Comité est également préoccupé par le nombre très élevé d’enfants handicapés officiellement dispensés de fréquenter l’école (art. 13 et 14).

53. Le Comité recommande à l’État partie de suivre de près les incidences des modifications d’ordre législatif et administratif sur le droit à l’éducation des enfants handicapés et de faire diminuer le taux d’abandon scolaire. Il demande également à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques sur les taux de scolarisation et d’abandon scolaire chez les enfants handicapés, notamment sur le type d’école que ces enfants fréquentent et la durée de leur scolarisation, ainsi que sur leur âge, leur sexe et leur origine ethnique.

Droits culturels

54.Le Comité prend note des efforts déployés pour mettre en place des programmes scolaires qui reflètent l’histoire et les cultures locales d’Aruba, de Curaçao et de Sint Maarten et pour dispenser un enseignement dans la langue maternelle des élèves, mais reste préoccupé par le fait que les mesures prises n’ont pas été efficaces et que les possibilités pour les enfants d’étudier dans les langues locales sont peu nombreuses, de sorte que les enfants dont le néerlandais n’est pas la langue maternelle sont défavorisés (art. 15).

55. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour que l’histoire et les cultures locales soient intégrées dans les programmes scolaires et qu’il soit possible d’étudier dans la langue locale dans les régions où, traditionnellement, la langue locale est parlée, y compris au niveau universitaire. Le Comité rappelle à l’État partie son observation générale n o  21 (2009) sur le droit de chacun de participer à la vie culturelle, dans laquelle il indique que l’éducation doit être culturellement adéquate et doit permettre aux enfants de développer leur personnalité et leur identité culturelle et de connaître et comprendre les valeurs et pratiques culturelles de la communauté à laquelle ils appartiennent comme celles des autres communautés et sociétés.

D.Autres recommandations

56. Le Comité prend note avec satisfaction des mesures positives prises par l’État partie en vue de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et l’encourage à mener à bien le processus de ratification le plus rapidement possible. Il l’invite en outre à envisager de reconnaître la compétence du Comité au titre de l’article 11 du Protocole facultatif.

57.Le Comité encourage lÉtat partie à envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

58. Le Comité recommande à l’État partie de tenir pleinement compte des obligations que lui impose le Pacte et de garantir le plein exercice des droits qui y  sont énoncés dans la mise en œuvre au niveau national du Programme de développement durable à l’horizon 2030, avec l’aide et la coopération de la communauté internationale en cas de besoin. La réalisation des objectifs de développement durable serait grandement facilitée si l’État partie établissait des mécanismes indépendants pour suivre les progrès réalisés et s’il considérait que les bénéficiaires des programmes publics étaient détenteurs de droits qu’ils peuvent faire valoir. La mise en œuvre des objectifs dans le respect des principes de participation, de responsabilité et de non ‑ discrimination permettrait de garantir que nul n’est laissé à l’écart.

59. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour mettre au point et appliquer progressivement des indicateurs appropriés à la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels, et faciliter ainsi l’évaluation des progrès réalisés pour se conformer aux obligations que lui impose le Pacte pour diverses catégories de la population. À cet égard, il renvoie au cadre conceptuel et méthodologique concernant les indicateurs des droits de l’homme mis au point par le  Haut ‑ Commissariat des Nations  Unies aux droits de l’homme (voir HRI/MC/2008/3).

60. Conformément à la procédure de suivi des obse rvations finales adoptée par le  Comité, l’État partie est prié de fournir, dans un délai de dix ‑ huit mois à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 8, 12 et 40 a) ci ‑ dessus.

61. Le Comité prie l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, aux échelons national, provincial et territorial, en particulier auprès des parlementaires, des fonctionnaires et des autorités judiciaires, et de l’informer dans son prochain rapport périodique des mesures prises pour y donner suite. Il l’encourage aussi à continuer d’associer l’Institut néerlandais des droits de l’homme, les organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile à l’ensemble du processus d’établissement des rapports soumis en vertu du Pacte, notamment à l’élaboration du prochain rapport périodique, et à la mise en œuvre des présentes observations finales.

60. Le Comité prie l’État partie de lui soumettre, le 30 juin 2022 au plus tard, son septième rapport périodique, qui sera établi conformément aux directives concernant les rapports que le Comité a adoptées en 2008 (voir E/C.12/2008/2). Il l’invite aussi à mettre à jour son document de base commun conformément aux directives harmonisées pour l’établissement des rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (voir HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I).