Nations Unies

E/C.12/RUS/CO/5

Conseil économique et social

Distr. générale

1er juin 2011

Français

Original: anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante-sixième session

Genève, 2-20 mai 2011

Examen des rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte

Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Fédération de Russie

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le cinquième rapport périodique de la Fédération de Russie sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/RUS/5) à ses 15e, 16e et 17e séances, les 11 et 12 mai 2011 (E/C.12/2011/SR.15 à 17), et a adopté, à sa 29e séance tenue le 20 mai 2011, les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du cinquième rapport périodique de la Fédération de Russie, qui contenait des informations complètes et détaillées sur la situation dans l’État partie, et se félicite des réponses écrites complètes qui ont été apportées à la liste des points à traiter (E/C.12/RUS/Q/5/Add.1). Le Comité se félicite également du dialogue ouvert et constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie.

B.Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction les efforts accomplis par l’État partie depuis l’examen de son dernier rapport périodique, qui ont contribué à promouvoir la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels, et en particulier:

a)La ratification, en juillet 2010, de la Convention no 135 (1973) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant la protection des représentants des travailleurs dans l’entreprise et les facilités à leur accorder, et en avril 2004, de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, ainsi que des deux Protocoles additionnels à cette Convention, à savoir le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants et le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer;

b)La création, en septembre 2004, du Ministère du développement régional de la Fédération de Russie, qui a été chargé de mettre en œuvre la politique relative aux minorités ethniques;

c)L’adoption, en février 2009, d’un plan directeur en faveur du développement durable pour les petits peuples autochtones du nord, de Sibérie et de l’Extrême-Orient russe;

d)L’adoption, en novembre 2010, d’une stratégie fédérale pour le développement des zones rurales pour la période allant jusqu’à 2020.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

4. Le Comité recommande à l ’ État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations à jour montrant comment le Pacte est appliqué dans la pratique, notamment des données ventilées et des statistiques annuelles comparatives relatives à l ’ application de sa législation et aux résultats concrets des plans, programmes et stratégies exécutés en rapport avec les différents droits consacrés par le Pacte. Il recommande aussi à l ’ État partie de réunir, pour les inclure dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées sur la jurisprudence pertinente établie par les tribunaux nationaux qui se réfère expressément aux dispositions du Pacte.

L e Comité invite l ’ État partie à veiller à ce que les juges, les avocats et les procureurs reçoivent régulièrement une formation sur la justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels , et à prendre d’autres mesures efficaces pour assurer l ’ accès à des recours judiciaires ou autres en cas de violation de ces droits. À cet égard, le Comité renvoie l ’État partie à ses O bservations générales n o 3 (1990) et n o 9 (1998) portant respectivement sur la nature des obli gations des États parties et sur l ’ applicat ion du Pacte au niveau national .

5.Le Comité juge préoccupant que les informations communiquées sur les activités du Bureau du Médiateur aux droits de l’homme de la Fédération de Russie ne lui permettent pas d’apprécier pleinement l’efficacité de son travail, et en particulier qu’elles ne fournissent pas de données ventilées par sexe ou par groupes défavorisés et marginalisés tels que les personnes handicapées, les Roms, les sans-abri, les sans-papiers, les minorités ethniques, les personnes déplacées de force, les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile. Le Comité est également préoccupé par le nombre élevé de plaintes refusées (la moitié des plaintes reçues chaque année), qui démontre soit que le fonctionnement du Bureau du Médiateur est mal connu, soit que les conditions de recevabilité des plaintes ne sont pas adaptées aux besoins des personnes pour lesquelles ce service constitue essentiellement une solution de remplacement acceptable par rapport aux voies de recours judiciaires et administratives.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ informer largement la population sur les méthodes de travail du Bureau du Médiateur aux droits de l ’ homme. De plus, il l ’ invite instamment à envisager de revoir les conditions de recevabilité des plaintes, en particulier l ’ obligation d ’ avoir épuisé les recours internes, afin que le Bureau du Médiateur devienne plus un moyen d ’ obtenir réparation des torts qu ’ une institution de dernier recours. À cet égard, le Comité renvoie l ’ État partie à son Observation générale n o 10 (1998) sur le rôle des institutions nationales des droits de l ’ homme dans la protection des droits éco nomiques, sociaux et culturels .

6.Tout en prenant note des mesures prises par l’État partie, notamment l’adoption du décret présidentiel no 460 du 13 avril 2010 sur la Stratégie nationale de lutte contre la corruption et le Plan national de lutte contre la corruption pour 2010-2011, le Comité demeure préoccupé par l’ampleur de la corruption dans l’État partie, et par ses répercussions néfastes sur la jouissance effective des droits économiques, sociaux et culturels par la population de l’État partie (art. 2, par. 1).

Le Comité demande à l ’ État partie de redoubler d’efforts pour prendre des mesures efficaces, d ’ ordre législatif ou autre, pour lutter contre la corruption aux niveaux tant fédéral que régional et local, notamment en allouant des ressources suffisantes à la mise en œuvre de sa stratégie nationale et de son plan national en la matière. Il l’encourage aussi à mettre en place un mécanisme efficace de suivi et un contrôle de l ’ utilisation, par les organismes publics, en particulier aux niveaux régional et local, des ressources allouées à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels.

7.Tout en prenant note des mesures prises par l’État partie, en particulier de l’adoption, en février 2009, d’un plan directeur en faveur du développement durable pour les peuples autochtones du nord, de Sibérie et de l’Extrême-Orient russe, du plan d’action correspondant pour 2009-2011, et du programme fédéral en faveur du développement socioéconomique des peuples autochtones à l’horizon 2011, le Comité est préoccupé par l’absence de résultats concrets de ces nouveaux plan directeur, plan d’action et programme fédéral. Il s’inquiète également de ce que les modifications apportées à la législation fédérale régissant l’utilisation de la terre, les forêts et les cours d’eau, en particulier les versions révisées du Code de la terre (2001) et du Code des forêts (2006) et le nouveau Code de l’eau, privent les peuples autochtones de leur droit à leurs terres ancestrales, à la faune et aux ressources biologiques et aquatiques dont dépendent leurs activités économiques traditionnelles, par l’octroi à des entreprises privées de licences autorisant à entreprendre certaines activités telles que l’extraction des ressources souterraines (art. 2, par. 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D ’ introduire le droit des peuples autochtones à leurs terres ancestrales dans le Code révisé de la terre et la nouvelle version révisée du projet de loi sur les territoires traditionnellement occupé s par les peuples autochtones, ainsi que le droit d’accéder librement aux ressources naturelles dont les communautés autochtones dépendent, dans le Code des forêts et le Code de l ’ eau ;

b) D ’ obtenir le consentement libre et éclairé des communautés autochtones et de donner la priorité à leurs besoins spécifiques avant d ’ octroyer à des entreprises privées des licences les autorisant à entreprendre des activités économiques sur des territoires traditionnellement occupés ou utilisés par ces communautés;

c) De veiller à ce que les contrats de licence conclus avec des entités privées prévoient d ’ indemniser suffisamment les communautés touchées;

d) D ’ intensifier ses efforts pour mettre en œuvre efficacement le programme fédéral en faveur du développement socioéconomique des peuples autochtones, de l ’ élargir à tous les peuples qui se définissent eux-mêmes comme «autochtones»;

e) D ’ adopter et de mettre en œuvre d ’ ici à la soumission de son prochain rapport périodique, la nouvelle version révisée de projet de loi sur les territoires traditionnellement occupés par les peuples autochtones n umériquement peu importants du n ord, de Sibérie et de l’ Extrême-Orient russe;

f) De nouveau, l e Comité engage instamment l ’ État partie à envisager de ratifier la Convention n o 169 (1989) de l ’ OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants.

8.Le Comité demeure préoccupé par les informations selon lesquelles, dans la pratique, la jouissance de nombre de droits et de prestations dépend encore de l’enregistrement, malgré l’adoption de la loi fédérale no 5242-1 de 1993 sur la liberté de circulation et le libre choix des citoyens de la Fédération de Russie de leur lieu de résidence dans le pays (art. 2, par. 2).

Le Comité engage vivement l ’ État partie à prendre des mesures efficaces, d ’ ordre législatif ou autre, pour veiller à ce que , dans la pratique, le non-enregistrement du lieu de résidence et l ’ absence d ’ autres documents d’identification personnelle n’entravent pas la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels consacrés par le Pacte . Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de délivrer un numéro d ’ identification unique à chaque citoyen , qui puisse lui donner accès partout sur le territoire à tous les avantages sociaux accordés par l ’ État , qu’il ai t ou non déclaré un lieu de résidence et quel que soit ce dernier, en particulier aux sans-abri, aux Roms et aux autres catégories de groupes défavorisés et marginalisés dans l ’ État partie.

9.Le Comité constate avec préoccupation l’absence persistante de plan d’action au niveau fédéral qui permettrait de remédier à la marginalisation sociale et économique des Roms. Le Comité demeure aussi préoccupé par l’absence de réponse appropriée à sa demande (formulée dans la liste des points à traiter) d’informations détaillées sur la situation des campements roms, et par les expulsions de Roms de leurs logements et la destruction desdits logements dans certaines villes et régions de l’État partie, souvent sans qu’un relogement leur soit proposé (art. 2, par. 2).

Le Comité invite l ’ État partie à adopter un programme d ’ action national visant à promouvoir les droits économiques, sociaux et cult urels des Roms, en le dotant de ressources suffisantes pour qu ’ il soit bien appliqué. Il lui recommande également de revoir sa politique d’expulsion et de destruction d es logements occupés par les Roms , conformément à l’Observation générale n o 7 (1997) du Comité sur le droit à un logement suffisant: expulsions forcées .

10.Le Comité demeure préoccupé par l’absence de loi fondamentale générale interdisant la discrimination dans l’État partie (art. 2, par. 2).

Le Comité engage l ’État partie à adopter une loi fondamentale générale interdisant toute forme de discrimination dans l ’ État partie en sus des lois qui interdisent déjà la discrimination dans des domaines spécifiques, conformément au Pacte et à l ’O bservation générale n o 20 (2009) du Comité sur la non-discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

11.Le Comité relève avec préoccupation que, en dépit des mesures prises par l’État partie, des personnes handicapées seraient encore marginalisées dans l’exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels, y compris en matière d’emploi, d’éducation et d’assistance médicale (art. 2, par. 2).

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de redoubler d’ efforts en vue de lutter contre la marginalisation des personnes handicapées. Il l ’ encourage plus particulièrement à continuer de prendre des mesures efficaces pour promouvoir l ’ intégration des personnes handicapées sur le marché du tra vail, notamment en renforçant l’efficacité du système des quotas d ’ emplois réservés aux personnes handicapées, en réintroduisant les avantages fiscaux pour l ’ embauche de personnes handicapées et en établissant une procédure d ’ application efficace et un mécanisme de re cours. Le Comité renvoie l’État partie à son O bs ervation générale n o 5 (1994) sur les personnes souffrant d’un handicap , et l’encourage de nouveau à envisager de ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

12.Tout en prenant note des efforts que déploie l’État partie et notamment de la création en juin 2006 de la Commission interdépartementale pour l’égalité des sexes et de l’adoption de la Stratégie nationale pour l’égalité des droits et des chances des hommes et des femmes en Fédération de Russie, le Comité fait part, une nouvelle fois, de ses préoccupations au sujet des inégalités entre les hommes et les femmes, s’agissant en particulier de la participation à la vie politique et publique, inégalités qui sont entretenues par des traditions et des stéréotypes préjudiciables qui attribuent aux femmes un rôle de second plan dans l’État partie (art. 3).

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts visant à promouvoir l ’ égalité des sexes et d’ ado pter le projet de loi fédérale sur les garanties de l ’ État concernant l ’ égalité entre les hommes et les femmes en matière de droits, de libertés et des chances en Fédération de Russie . Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ allouer toutes les ressources nécessaires à l ’application de sa S tratégie nationale pour l ’ égalité des droits et des chances des hommes et des femmes en Fédération de Russie.

Le Comité recommande également à l ’État partie d’œuvrer en concertation avec les médias et les personnalités influentes pour la promotion d’ une image positive, non stéréotypée et non discriminatoire des femmes.

13.Le Comité est préoccupé par le fait que les articles 280, 281.1 et 282.2 du Code pénal prévoient des peines de prison assorties de travail forcé (art. 6).

Le Comité prie instamment l ’ État partie de rév iser les articles 280, 281.1 et 282.2 du Code pénal aux termes desquel s certains actes sont passibles de peines d’emprisonnement assorties de travail obligatoire.

14.Le Comité s’inquiète une nouvelle fois de ce que, malgré les efforts déployés par l’État partie, la situation des femmes sur le marché de l’emploi demeure précaire et que les femmes constituent l’écrasante majorité des travailleurs dans les emplois subalternes et mal payés dans les différentes branches des secteurs public et privé. Il est également préoccupé par l’importance de l’écart de rémunération entre hommes et femmes, le salaire moyen des femmes représentant 65,3 % de celui des hommes sur l’ensemble du pays (art. 7).

Le Comité encourage l ’ État partie à garantir aux femmes des conditions de travail justes et favorables et, plus particulièrement, à intensifier ses efforts pour augmenter les salaires des employé e s des secteurs de l’éducation, des soins de santé et autres secteurs publics afin de réduire les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes dans l ’ État partie.

15.Le Comité demeure préoccupé par le nombre élevé de cas de harcèlement sexuel sur le lieu de travail dans l’État partie. Il est également préoccupé par le caractère étroit de la définition du harcèlement sexuel, considéré essentiellement comme le fait de contraindre une personne à des actes de caractère sexuel (art. 7).

Le Comité engage vivement l ’État partie à prendre toutes les mesures voulues pour remédier aux problèmes de harcèlement sexuel sur son territoire. Il lui recommande d’ envisager d ’ introduire dans le Code pénal et le Code du travail le harcèlement sexuel sur le lieu de travail en tant qu’infraction distincte, afin de renforcer la protection des femmes contre la discrimination sur le lieu de travail.

16.Le Comité s’inquiète de ce que le droit égal des femmes au travail est indûment limité dans l’État partie, avec pas moins de 456 professions et 36 branches d’activité les excluant de certains secteurs du marché de l’emploi. Il s’inquiète également du fait que, si cette politique visait initialement à protéger les femmes des emplois non sûrs et des conditions de travail dangereuses, aucune évaluation n’a été faite de l’impact réel sur la santé procréative des femmes. Le Comité s’inquiète en outre de ce qu’on ne s’est pas préoccupé de la conformité des emplois en question avec les normes de sûreté sur le lieu de travail (art. 7).

Le Comité demande à l’État partie de réviser la liste des emplois interdits aux femmes afin d ’éliminer la discrimination à l’égard des femmes sur le lieu de travail. Il lui demande aussi d’envisager de réviser la résolution 162 du 25 février 2000 et l’article 353 du Code du travail pour garantir l ’exercice par les femmes , à égalité avec les hommes , du droit au travail. Le Comité demande en outre à l’État partie de faire en sorte que les normes en matière de santé et de sécurité au travail soient strictement appliquées pour les femmes comme pour les hommes.

17.En dépit des efforts menés par l’État partie, notamment s’agissant de la ratification du traité sur la protection des travailleurs migrants avec l’Ouzbékistan le 28 juin 2009, le Comité demeure préoccupé par l’importance de l’économie informelle dans le pays et par le caractère généralisé des migrations illégales de main-d’œuvre, qui font qu’un grand nombre de personnes travaillent sans protection juridique et sociale (art. 7).

Le Comité encourage l ’ État partie à poursuivre ses efforts en vue de protéger les droits − garantis par le Pacte − des travailleurs sur le marché du travail informel. Il le prie instamment de continuer de prendre des mesures efficaces pour régulariser la situation des immigrés clandestins et faire baisser le nombre de travailleurs en dehors de l ’ économie formelle, afin de réduire les écarts en matière de protection. C es mesures devraient entre autres consister à:

A ssouplir les systèmes d ’ enregistrement et de quotas, y compris en permettant aux migrants de régulariser leur séjour sur la base d ’ une action déclaratoire et d ’ obtenir un permis de travail pour des périodes prolongées (trois à cinq ans) avec la possibilité d ’ obtenir ultérieurement le statut de résident permanent dans le pays;

F aire en sorte que les travailleurs migrants frappés d ’ un ordre d ’ expulsion aient accès à des voies de recours efficaces et que les ordres de détention et d ’ expulsion de travailleurs migrants respectent pleinement les obligations internationales de la Fédération de Russie en matière de droits de l ’ homme;

E xercer un contrôle strict sur les entités privées pour garantir aux travailleurs migrants une protection sociale et des conditions de travail égales et équitables ;

F aciliter l ’ accès des travailleurs migrants au régime de prestations sociales de l ’ État partie.

À cet égard, l e Comité invite aussi l ’ État partie à envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

18.En dépit des efforts engagés, le Comité demeure préoccupé par le faible niveau du salaire minimum, qui reste très inférieur au minimum vital et ne procure donc pas une existence décente aux travailleurs et à leur famille. Ce problème est aggravé par le maintien de la pratique des arriérés de salaire dans l’État partie (art. 7).

Le Comité encourage l ’ État partie à continuer de prendre des mesures efficaces pour relever les salaires, éviter les arriérés de salaire et garantir l ’ application de l ’ article 133 du Code du travail qui, conformément au Pacte, dispose que le salaire minimum ne doit pas être inférieur au minimum vital afin de pouvoir jouir d’un niveau de vie décent .

19.Le Comité est préoccupé par le fait que la législation de l’État partie impose encore des restrictions au droit de grève des travailleurs de certains secteurs publics, tels que les employés des services fédéraux de coursiers, des transports ferroviaires et des services municipaux, et d’autres travailleurs qui n’exercent aucune autorité au nom de l’État (art. 8).

Le Comité prie instamment l ’ État partie de modifier les textes juridiques applicables pour faire en sorte que tous les fonctionnaires qui n ’ exercent pas d ’ autorité au nom de l ’ État partie puissent exercer librement leur droit de grève.

20.Le Comité est préoccupé que le texte de l’article 31 du Code du travail dispose que l’autorisation de négocier collectivement peut être conférée à des organes représentatifs autres que les syndicats et impose l’arbitrage obligatoire dans tout service déterminé par les lois fédérales de l’État partie (art. 8).

Le Comité engage vivement l ’ État partie à modifier les textes juridiques applicables pour faire en sorte que la négociation collective soit toujours co nfiée aux syndicats, lorsqu’ils sont représenté s sur le lieu de travail. Il engage également l ’ État partie à veiller à limiter l ’ arbitrage obligatoire aux services réputés essentiels.

21.Le Comité s’inquiète qu’en dépit des informations fournies au sujet des divers droits des demandeurs d’asile et des réfugiés, les personnes au statut temporaire de demandeur d’asile, à l’inverse des réfugiés établis, n’aient pas accès à la sécurité sociale et aux centres et services publics de soins de santé, autres que les services d’urgence (art. 9).

Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ envisager d ’ étendre les prestations de sécurité sociale, y compris l ’ accès aux centres et services de soins de santé, aux personnes au statut temporaire de demandeur d ’ asile dans l ’ État partie.

22.En dépit des informations fournies par l’État partie au sujet des mesures engagées, le Comité demeure préoccupé par le fait que la violence familiale demeure répandue (art. 10).

Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer les mesures de lutte contre la violence familiale et ses conséquences et, notamment:

D’ adopter un texte législatif spécifique qui érige en infraction pénale les actes de violence familiale;

D’ intensifier les campagnes de sensibilisation du public à la violence familiale;

D e renforcer les mesures d ’ aide aux victimes de la violence familiale afin de leur garantir l ’ accès à des services de réadaptation et de conseil appropriés et à d ’ autres formes de réinsertion.

L ’ État partie devrait également dispenser une formation obligatoire aux fonctionnaires de police afin de les sensibiliser à toutes les formes de violence familiale . Le Comité prie instamment l ’ État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des statistiques et des données ventilées sur les tendances concernant les différentes formes de violence familiale .

23.En dépit des mesures prises par l’État partie, le Comité demeure préoccupé par les informations qui continuent de lui parvenir faisant état de cas de traite de femmes et d’enfants à des fins d’exploitation et de sévices sexuels (art. 10).

Le Comité encourage l ’ État partie à renforcer encore les mesures de lutte contre la traite des femmes et des enfants et à redoubler d ’ efforts pour combattre l ’ exploitation et la prostitution d ’ enfants ainsi que les sévices sexuels qui leur sont infligés, notamment en mettant au point des programmes s ’ attaquant aux causes profondes de la traite et de l ’ exploitation sexue lle des femmes et des enfants. De plus, l e Comité encourage de nouveau l ’ État partie à adopter son projet de loi global sur la lutte contre la traite des êtres humains , prévoyant un ensemble d ’ organes chargés de lut ter contre la traite et contenant des dispositions concernant la prévention de la traite, ainsi que la protection et la réhabilitation des victimes.

24.Le Comité demeure préoccupé face au grand nombre d’enfants qui vivent et travaillent dans la rue, en particulier dans le secteur informel où ils sont exposés aux mauvais traitements, y compris aux violences sexuelles, et à d’autres formes d’exploitation qui leur rendent extrêmement difficile la fréquentation régulière de l’école (art. 10).

Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre toutes les mesures propres à garantir la protection des enfants contre l’exploitation économique et sociale.

Le Comité l’exhorte aussi à intensifier ses efforts pour notamment:

Prendre des mesures efficaces afin de remédier aux causes profondes du phénomène des enfants des rues;

Prendre les mesures efficaces qui s’imposent pour garantir que les enfants des rues ont accès à l’éducation, à un hébergement et aux soins de santé;

Lutter contre les violences sexuelles et les autres formes d’exploitation des enfants des rues en engageant des poursuites contre les auteurs de ces violences et en réinsérant les victimes dans la société.

Le Comité recommande à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations sur les mesures prises pour remédier à la situation des enfants des rues et sur les progrès réalisés à cet égard.

25.Tout en prenant note des efforts déployés pour promouvoir d’autres formes familiales de placement des enfants, le Comité demeure préoccupé par le grand nombre d’enfants placés en institution dans l’État partie (art. 10).

Le Comité encourage l’État partie à continuer d’adopter des mesures, législatives ou autres, pour réduire le nombre d’enfants vivant en institution et à redoubler d’efforts pour développer le placement en famille d’accueil.

Le Comité prie instamment l’État partie d’assurer un contrôle adéquat des enfants placés en institution ou en famille d’accueil.

26.En dépit des efforts engagés par l’État partie, le Comité demeure inquiet du fait que, selon les estimations, 18,7 millions de personnes, soit 13,3 % de la population, sont privés d’un niveau de vie suffisant et continuent de vivre sous le seuil de pauvreté (art. 11).

Le Comité encourage l’État partie à continuer d’allouer des ressources à la lutte contre la pauvreté et de promouvoir un niveau de vie suffisant pour tous, et à continuer d’œuvrer pour ramener le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté à entre 4 et 8 millions d’ici à la présentation du prochain rapport périodique. Il recommande en outre à l’État partie d’adopter une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté intégrant les droits économiques, sociaux et culturels, conformément à la Déclaration du Comité sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

27.En dépit des efforts engagés, le Comité demeure préoccupé par le problème des sans-abri dans l’État partie (art. 11).

Le Comité encourage l’État partie à intensifier ses efforts pour remédier au problème des sans-abri, y compris en veillant à ce que des ressources adéquates soient réservées à la fourniture de logements sociaux, en accordant la priorité aux personnes et aux groupes les plus défavorisés et marginalisés, dont les personnes déplacées de force et les Roms.

28.Tout en prenant note de l’information concernant le système de soins médicaux gratuits dont bénéficient tous les peuples autochtones du nord, de Sibérie et de l’Extrême-Orient russe, qui prévoit un bilan de santé annuel obligatoire dans les établissements de santé publics et municipaux, dans le cadre du programme des services garantis par l’État, le Comité s’inquiète des rapports faisant état de lacunes dans le système de soins ambulatoires, qui résultent des nouvelles réorganisations territoriales menées dans l’État partie, en particulier celles qui ont touché le petit village autochtone de Pareny au Kamtchatka qui, selon les rapports, n’a plus accès aux services médicaux ambulatoires depuis deux ans (art. 12).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures propres à garantir que la réorganisation administrative de son territoire ne fasse pas baisser le niveau des soins de santé dispensés aux peuples autochtones du nord, de Sibérie et de l’Extrême-Orient russe, conformément au programme par lequel l’État garantit aux citoyens de Fédération de Russie des soins médicaux gratuits.

29.Le Comité demeure préoccupé par la progression de la toxicomanie, notamment de la consommation de drogues injectables, principal facteur de propagation de l’épidémie du VIH/sida, de l’hépatite C et de la tuberculose en Fédération de Russie. Il demeure aussi inquiet du maintien de l’interdiction qui pèse sur l’utilisation thérapeutique de la méthadone et de la buprénorphine dans le traitement des dépendances aux drogues, et du fait que le Gouvernement n’est pas favorable aux traitements de substitution aux opiacés ni aux programmes d’échange d’aiguilles et de seringues, pourtant vivement recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), l’Office des NationsUnies contre la drogue et le crime (UNODC) et d’autres organisations internationales, comme autant de mesures efficaces de prévention du VIH/sida chez les consommateurs de drogues injectables (art. 12).

Le Comité demande instamment à l’État partie d’adopter une approche fondée sur les droits de l’homme à l’égard des consommateurs de drogues afin qu’ils ne soient pas privés de leur droit fondamental à la santé. Il recommande vivement à l’État partie d’établir des bases juridiques claires et de soutenir l’application des mesures internationalement reconnues de prévention du VIH chez les consommateurs de drogues injectables, notamment les thérapies de substitution aux opiacés par la méthadone et la buprénorphine, ainsi que l’échange d’aiguilles et de seringues et les programmes de prévention des surdoses.

30.En dépit des efforts déployés par l’État partie, le Comité demeure préoccupé par le grand nombre de femmes, surtout dans les zones rurales, ayant un accès limité aux services de santé sexuelle et procréative, et par l’absence d’éducation en la matière dans l’État partie (art. 12).

Le Comité demande à l’État partie de poursuivre ses efforts pour renforcer la connaissance des moyens de contraception peu coûteux et l’accès à ces moyens et veiller à ce que l’information et les services en matière de planification familiale soient disponibles pour tous, y compris dans les zones rurales. Il encourage aussi l’État partie à inscrire l’éducation sexuelle dans les programmes scolaires des adolescents afin de prévenir les grossesses précoces et les maladies sexuellement transmissibles, dont le VIH/sida, ainsi que l’éducation aux soins de santé sexuelle et procréative. Le Comité encourage également l’État partie à prendre les mesures nécessaires pour que les moyens de contraception modernes soient pris en charge par le système d’assurance maladie publique.

31.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles de nombreuses personnes, victimes d’erreurs médicales commises par un hôpital ou par un médecin, n’ont pu obtenir réparation ni par recours administratif ni par recours judiciaire (art. 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations plus détaillées au sujet des cas d’erreur médicale portés devant les tribunaux contre des établissements de santé et des médecins, en indiquant si ces procédures ont abouti et le nombre d’affaires examinées chaque année de la période considérée .

32.Le Comité demeure préoccupé par le nombre important d’enfants qui ne fréquentent pas l’école dans l’État partie (art. 13 et 14).

Le Comité demande instamment à l’État partie d’intensifier ses efforts en vue de garantir qu’aucun enfant n’est privé du droit à l’éducation, en particulier dans les zones rurales et parmi les groupes défavorisés et marginalisés, y compris les Roms, les peuples autochtones et les enfants handicapés.

Le Comité encourage l’État partie à renforcer ses efforts et à privilégier l’intégration de tous les enfants de tous les groupes défavorisés et marginalisés, en particulier des enfants roms et des enfants handicapés, dans des écoles ordinaires.

33.En dépit des informations fournies par la délégation, le Comité s’inquiète du fait que les enfants vivant en Tchétchénie et dans le nord du Caucase demeurent, selon les rapports, affectés d’une manière ou d’une autre par les répercussions actuelles du conflit passé, en particulier en ce qui concerne leur droit à l’éducation (art. 13 et 14).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre d’urgence des mesures pour faire en sorte que tous les enfants vivant en Tchétchénie et dans le nord du Caucase, et ceux qui ont été déplacés à l’intérieur du pays, poursuivent leur scolarité, conformément à la loi fédérale sur l’éducation, et pour empêcher leur enrôlement volontaire dans des unités militaires.

34.Tout en prenant note des informations sur les mesures prises dans l’État partie pour garantir que tous jouissent pleinement de l’accès aux espaces culturels et récréatifs, le Comité est préoccupé par le fait que certains de ces espaces ne sont pas pleinement accessibles aux personnes handicapées. Il s’inquiète aussi du fait que le système juridique de l’État partie n’offre pas de protection adéquate du droit des peuples autochtones du nord, de Sibérie et de l’Extrême-Orient russe à leurs terres ancestrales et à l’utilisation traditionnelle de leurs ressources naturelles. Il est également préoccupé par l’absence de protection adéquate de leurs droits de propriété intellectuelle et d’information sur les droits de propriété intellectuelle (art. 15).

Le Comité demande instamment à l’État partie d’étendre son programme de création d’un environnement accessible et sans obstacle aux espaces culturels et récréatifs. Il lui recommande en outre d’intégrer dans les nouveaux projets de loi des normes claires et précises pour la protection effective des droits des peuples autochtones du nord, de Sibérie et de l’Extrême-Orient russe à leurs terres ancestrales, leurs ressources naturelles et leur patrimoine culturel, y compris la protection de leurs droits de propriété intellectuelle sur leurs œuvres, qui sont une expression de leur culture et de leurs savoirs traditionnels.

35. Le Comité encourage l’État partie à envisager de signer et de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

36. Le Comité demande des informations sur l’ampleur, dans l’État partie, des pratiques discriminatoires à l’égard des lesbiennes, des homosexuels, et des personnes bisexuelles ou transsexuelles, en particulier en matière d’emploi, de soins de santé et d’éducation (art. 2, par. 2).

37. L e Comité demande à l’ État partie de fournir , dans son prochain rapport périodique , des données annuelles concernant les questions relatives au droit à la santé , fondées sur des indicateurs et ventilées en fonction des motifs de discrimination interdits (art. 12).

38. Le Comité demande à l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, en particulier au sein de l’administration, dans l’appareil judiciaire et auprès des organisations de la société civile, de les faire traduire dans les principales langues parlées par les minorités en Fédération de Russie, et de leur donner la plus large publicité possible, et d’informer le Comité, dans son prochain rapport périodique, des mesures prises pour y donner suite. Il encourage également l’État partie à continuer d’associer l ’ institution nationale des droits de l’homme, les organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile au processus de discussion à l’échelon national avant la soumission de son prochain rapport périodique.

39. Le Comité invite l’État partie à présenter une version actualisée de son document de base, conformément aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles ayant trait au document de base commun, telles qu’elles ont été adoptées en juin 2006 par la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/MC/2006/3).

40. Le Comité invite l’État partie à présenter son sixième rapport périodique, établi conformément aux directives révisées du Comité concernant l’établissement de rapports adoptées en 2008 (E/C.12/2008/2) d’ici au 30 juin 2016.