Nations Unies

E/C.12/VNM/CO/2-4

Conseil économique et social

Distr. générale

15 décembre 2014

Français

Original: anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant les deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques du Viet Nam *

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné les deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques du Viet Nam sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/VNM/2-4) à ses 42e et 43e séances (E/C.12/2014/SR.42 et 43), les 10 et 11 novembre 2014. À sa 70e séance, le 28 novembre 2014, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Tout en regrettant leur soumission tardive, le Comité accueille avec satisfaction les deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques du Viet Nam et les renseignements complémentaires fournis par l’État partie en réponse à la liste de points à traiter (E/C.12/VNM/Q/2-4/Add.1) et ceux apportés oralement par la délégation. Le Comité se félicite également du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie qui comprenait des représentants des pouvoirs publics.

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie, en 2001, du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

Le Comité note avec satisfaction que les dispositions du Pacte priment sur celles de la législation nationale, comme le prévoit la loi de 2005 relative à la conclusion des traités, à l’adhésion aux traités et à leur application.

Le Comité salue l’adoption, par l’État partie, de mesures qui contribuent à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, et notamment:

a)L’adoption, en 2012, du Cadre stratégique pour la mobilisation, la gestion et l’utilisation de l’aide publique au développement et d’autres prêts à taux préférentiels pour la période 2011-2015;

b)L’adoption, en 2005, de la loi contre la corruption et les modifications ultérieurement apportées à cette loi, et la ratification, en 2009, de la Convention des Nations Unies contre la corruption;

c)L’adoption, en 2010, de la loi sur les personnes handicapées;

d)La mise en œuvre du Programme national ciblé sur les services de santé mentale de proximité;

e)La constitution de la Caisse d’assurance maladie et l’adoption, en 2008, de la loi sur l’assurance maladie ainsi que les modifications ultérieurement apportées à cette loi.

Le Comité note avec satisfaction que la pauvreté a sensiblement reculé dans l’État partie, ce qui a contribué à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Justiciabilité des droits énoncés dans le Pacte

Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n'a pas donné plein effet au Pacte dans son ordre juridique interne. Il regrette également que les dispositions du Pacte n’aient jamais été invoquées devant les tribunaux nationaux (art. 2, par. 1, du Pacte).

Le Comité recommande à l’État partie d’assurer la pleine intégration des dispositions du Pacte dans le droit interne, afin de renforcer la protection des droits reconnus par le Pacte. Il lui recommande aussi de veiller à ce que les droits économiques, sociaux et culturels et la question de leur justiciabilité fassent partie intégrante des programmes de formation des juges et des avocats. Il recommande en outre que les autorités chargées de la mise en œuvre du Pacte ainsi que le grand public soient davantage sensibilisés à ses dispositions.

Restrictions imposées à l’exercice des droits

Le Comité se déclare préoccupé par les dispositions du paragraphe 2 de l’article 14 de la Constitution, ainsi que par les dispositions législatives et réglementaires adoptées aux fins de leur application, qui imposent d'importantes restrictions au plein exercice des droits de l’homme (art. 4).

Le Comité prie instamment l’État partie d'examiner les restrictions à l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels prévues au paragraphe  2 de l’article 14 de la Constitution et dans ses règlements et lois d’application, afin de les rendre conformes à l’article 4 du Pacte, et de s’assurer qu’elles sont nécessaires et proportionnées et qu'elles n'entravent pas l'exercice d'un minimum indispensable de droits .

Accès à la justice et voies de recours

Le Comité note avec préoccupation que les personnes victimes de violations de leurs droits économiques, sociaux et culturels n’ont pas accès à des recours utiles. Il est aussi préoccupé par les informations faisant état de mesures d’intimidation et de représailles auxquelles s’exposent les personnes qui se plaignent de violations de leurs droits et celles qui dénoncent les expulsions forcées ou la précarité des conditions de travail (art. 2, par. 1).

Rappelant son Observation générale n o 3 (1990) sur la nature des obligations des États parties, le Comité demande à l’État partie de faire en sorte que les requérants indigents bénéficient de recours judiciaires ou d’autres recours utiles en cas de violation de leurs droits économiques, sociaux et culturels ainsi que de l’aide juridictionnelle. Il recommande aussi à l’État partie de sensibiliser la population aux mécanismes et procédures de recours existants. Le Comité invite en outre l’État partie à condamner les actes d’intimidation ou de représailles contre les personnes qui se déclarent victimes de violations de leurs droits et à prendre les mesures qui s’imposent à l’égard des responsables de ces actes.

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité note avec préoccupation l’absence pas d’institution nationale des droits de l’homme dans l’État partie.

Le Comité demande à l’État partie d’accélérer la mise en place d’une institution nationale des droits de l’homme, conforme aux Principes de Paris. Le Comité renvoie l’État partie à son Observation générale n o 10 (1998) sur le rôle des institutions nationales de défense des droits de l’homme dans la protection des droits économiques, sociaux et culturels.

Créer un environnement favorable pour la société civile

Le Comité est préoccupé par le fait que la société civile ne peut pas mener ses activités de manière libre et indépendante dans l’État partie. Il relève aussi avec une profonde préoccupation que les défenseurs des droits de l’homme font l’objet de mesures de harcèlement et de détention et sont empêchés de coopérer avec les mécanismes internationaux des droits de l’homme.

Le Comité invite l’État partie à créer des conditions propices à la libre création d’organisations de la société civile qui puissent fonctionner en toute indépendance et ne relèvent pas des organisations sociopolitiques mentionnées dans la Constitution. Il l’engage en outre à assurer une protection effective contre le harcèlement, l’arrestation et le placement en détention de défenseurs des droits de l’homme, y compris en faisant en sorte que les responsables de tels actes soient poursuivis et sanctionnés.

Corruption

Le Comité est préoccupé par l’étendue de la corruption dans l’État partie et par ses conséquences négatives pour la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Il s’inquiète en outre du faible nombre de condamnations depuis l’entrée en vigueur de la loi contre la corruption en 2005 (art. 2, par. 1).

Le Comité demande instamment à l’État partie de s’attaquer aux causes profondes de la corruption et à l’impunité dont jouissent ceux qui s’y livrent et de garantir la transparence dans la conduite des affaires publiques, en droit et en pratique. À cet égard, il recommande à l’État partie de veiller à l’application des dispositions législatives relatives aux déclarations de biens et à la protection des droits de l’homme des personnes qui se livrent à des activités de lutte contre la corruption, en particulier les victimes, les lanceurs d’alerte, les témoins et leurs avocats.

Non-discrimination

Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas mis en place un cadre législatif efficace pour assurer l’application des dispositions du Pacte et de la Constitution qui interdisent la discrimination (art. 2, par. 2).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une loi antidiscrimination complète qui définisse, interdise et sanctionne la discrimination, quel qu’en soit le fondement. Ladite loi devra viser la discrimination non seulement directe, mais aussi indirecte et prévoir la mise en œuvre de mesures spéciales temporaires et de voies de recours pour les victimes. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son Observation générale n o 20 (2009) sur la non-discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

Système d’enregistrement des ménages

Le Comité se dit préoccupé par l’effet discriminatoire du système d’enregistrement des ménages (hô khâu) sur l’accès des migrants internes aux services sociaux et sur l’exercice d’autres droits, tels que les droits relatifs au logement et le droit à l’eau et à l’assainissement (art. 2, par. 2).

Rappelant que la Constitution garantit la liberté d’aller et venir et de choisir sa résidence dans le pays, le Comité demande instamment à l’État partie de faire en sorte qu’un changement de résidence, même temporaire, n’affecte pas la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels. En particulier, le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que l’accès aux prestations sociales, au logement, à des services tels que l’approvisionnement en eau et l’assainissement et à la scolarisation ne soit plus conditionné par l’enregistrement de la résidence et de modifier le système d’enregistrement actuellement en vigueur pour le rendre pleinement compatible avec les normes relatives aux droits de l’homme.

Personnes handicapées

Le Comité note avec préoccupation la discrimination à laquelle se heurtent les personnes handicapées dans la jouissance de plusieurs droits, notamment le droit à l’éducation et le droit au travail, en dépit de l’adoption de la loi de 2010 sur les personnes handicapées. En outre, le Comité est préoccupé par le fait que le nouveau programme prévoyant des exonérations fiscales et d’autres avantages pour les entreprises dont le personnel comporte au moins 30 % de personnes handicapées préconise la création d’entreprises distinctes pour les travailleurs handicapés. (art. 2, par. 2)

Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’allouer des ressources suffisantes à la mise en œuvre du Plan nationa l d’action sur le handicap pour  2012-2020, en particulier pour ce qui concerne l’accessibilité et la mise en place d’aménagements raisonnables, notamment dans les zones rurales;

b) D’entreprendre des campagnes de sensibilisation en vue d’éliminer les obstacles culturels et les préjugés à l’égard des personnes handicapées;

c) De recruter activement des personnes handicapées dans la fonction publique et de rétablir le système de quotas, y compris dans le secteur privé;

d) De mettre en place un système efficace pour évaluer la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels des personnes handicapées;

e) D’accélérer la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Discrimination à l’égard des femmes

Le Comité note avec préoccupation que, pour pouvoir s’acquitter des responsabilités familiales qui leur incombent, les femmes de l’État partie travaillent principalement dans le secteur informel, où les horaires de travail sont plus flexibles. Il est en outre préoccupé par le fait que l’État partie a pris des mesures qui perpétuent de facto cette situation discriminatoire, comme le maintien des dispositions relatives aux responsabilités de la femme à l’égard de la famille dans la nouvelle loi sur le mariage et la famille et l’adoption d’un programme de formation, implicitement sexiste, à des activités comme la couture et le tricot (art. 3).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) De modifier toutes les dispositions législatives discriminatoires à l’égard des femmes, telles que celles qui figurent dans la loi relative au mariage et à la famille et celles qui prévoient un âge de départ à la retraite différent pour les hommes et pour les femmes;

b) De continuer à sensibiliser la population au partage égal des responsabilités dans la famille et dans la société et de surveiller, en se fondant sur des données de référence, l’incidence des campagnes sur la manière dont la société perçoit les rôles respectifs de l’homme et de la femme;

c) D’éliminer les préjugés et les stéréotypes sexistes inscrits dans les manuels scolaires;

d) De promouvoir la formation des femmes dans des domaines non traditionnels et dans des secteurs susceptibles de leur offrir des possibilités de carrière égales à celles des hommes dans l’économie formelle;

e) De mettre en place des services de garde d’enfants d’un coût abordable et d’introduire un système de congé de paternité;

f) D’appliquer des mesures spéciales temporaires pour atteindre les objectifs fixés dans la Stratégie nationale pour l’égalité des sexes pou r  2011-2020 en ce qui concerne la représentation des femmes dans l’administration publique.

Chômage et sous-emploi

Le Comité note avec préoccupation la persistance d’un taux de chômage élevé chez les jeunes dans l’État partie. Il s’inquiète en outre de ce que la majorité des jeunes chômeurs sont jugés insuffisamment qualifiés pour le marché du travail, en dépit de l’existence d’un système de formation professionnelle bien développé. De plus, le Comité est préoccupé par l’ampleur du sous-emploi dans l'État partie, en particulier dans les zones rurales (art. 6).

Le Comité recommande à l’État partie de réformer ses programmes d’éducation et de formation professionnelle, en se fondant sur une évaluation minutieuse des besoins, afin d’offrir des compétences susceptibles donnant l’accès à l’emploi. Ces programmes doivent aussi être accessibles dans les zones rurales. Le Comité renvoie l’État partie à son Observation générale n o 18 (2005) sur le droit au travail.

Conditions de travail, y compris dans l’économie informelle

Le Comité est préoccupé par la persistance de mauvaises conditions de travail dans l’État partie ainsi que par la méconnaissance des normes relatives à la sécurité et à l’hygiène sur le lieu de travail parmi les travailleurs et les employeurs, situation exacerbée par l’importance du marché de l’économie informelle et le manque de capacités de l’inspection du travail (art. 7).

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts en vue:

a) De sensibiliser davantage les travailleurs et les employeurs à la sécurité et à l’hygiène sur le lieu de travail;

b) De prendre les mesures nécessaires pour que le montant du salaire minimum garantisse un niveau de vie suffisant aux travailleurs et à leur famille et de mettre en place des mécanismes d’application des dispositions légales garantissant un salaire équitable et une rémunération égale pour un travail de valeur égale;

c) De prendre des mesures pour éviter que les personnes travaillant dans le secteur de l’économie informelle soient victimes d’abus et pour faire réduire progressivement le nombre de travailleurs en dehors de l’économie formelle, notamment en encourageant l’utilisation de contrats-types;

d) D’allouer les ressources nécessaires pour que le système d’inspection dispose d’un nombre suffisant d’inspecteurs qualifiés chargés de surveiller les conditions de travail, y compris dans l’économie informelle.

Travailleurs migrants

Le Comité note avec préoccupation que les irrégularités constatées dans le recrutement de travailleurs migrants vietnamiens, la portée limitée de la loi relative aux Vietnamiens travaillant sous contrat à l’étranger et les difficultés d’accès à une aide spécialement conçue pour répondre à leurs besoins rende nt les travailleurs migrants vietnamiens vulnérables aux abus et à l’exploitation (art. 7).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’élargir le champ d’application de la loi sur les Vietnamiens travaillant sous contrat à l’étranger aux émigrés vietnamiens qui travaillent de manière illégale;

b) De réglementer et contrôler les services de recrutement et de veiller à ce que les actes délictueux dont se rendent coupables les agences de recrutement donnent lieu à des poursuites et à des sanctions;

c) D’améliorer les mécanismes d’examen des plaintes et l’aide juridictionnelle, afin de tenir compte de la vulnérabilité, de la mobilité et de la complexité de la migration;

d) D’adopter des politiques ciblées qui répondent aux besoins des migrants vulnérables, tels que les migrants en situation irrégulière et les employés de maison.

Droit de grève

Le Comité relève avec préoccupation le caractère strict des conditions imposées à l’exercice légitime du droit de grève ainsi que la définition large des «services essentiels» qui restreignent le droit de grève des fonctionnaires. En outre, le Comité est préoccupé par le fait que la participation à des grèves illégales peut donner lieu au versement à l’employeur de dommages-intérêts d’un montant allant jusqu’à l’équivalent de trois mois de salaire (art. 8).

Le Comité recommande à l’État partie de lever les restrictions excessives imposées à l’exercice du droit de grève, en droit et en pratique, et de ne considérer comme «services essentiels» que les services dont l’interruption mettrait en danger la vie, la sécurité personnelle ou la santé de l’ensemble ou d’une partie de la population. Le Comité prie instamment l’État partie de modifier la législation qui prévoit le versement de dommages-intérêts par les travailleurs.

Droits syndicaux

Le Comité constate avec préoccupation qu’en vertu de la loi relative aux syndicats, telle que révisée, la formation de syndicats et la participation à leurs activités sont toujours régies par les statuts de la Confédération générale vietnamienne du travail (art. 8).

Le Comité engage l’État partie à mettre sa législation sur les droits syndicaux en conformité avec les normes internationales relatives au droit de former avec d’autres des syndicats et de s’affilier au syndicat de son choix. Le Comité invite l’État partie à ratifier les Conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) ( n o 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

Accès à l’assurance maladie et aux soins de santé

Le Comité constate avec préoccupation qu'en dépit des progrès accomplis en ce qui concerne le taux d’affiliation à l’assurance maladie, le faible taux de couverture parmi les travailleurs de l’économie informelle ainsi que la contribution financière imposée aux patients empêchent l’accès des groupes défavorisés et marginalisés aux soins de santé. Le Comité relève également avec préoccupation le manque de services de soins de santé de qualité, en particulier dans les zones reculées. De plus, le Comité s’inquiète des inégalités qui divisent la société en matière de protection sanitaire et de l’effet néfaste de la privatisation sur l’accès à des soins de santé d’un coût abordable.

Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’intensifier ses efforts pour améliorer le taux d’affiliation à l’assurance-maladie dans l’économie informelle et de mener des campagnes pour encourager les groupes défavorisés et marginalisés à contribuer au régime d’assurance;

b) De faire en sorte que la contribution financière imposée aux patients demeure à la portée de tous, y compris les groupes socialement défavorisés et d’élargir la liste des médicaments pris en charge dans le cadre du régime d’assurance pour limiter les sommes à débourser par le patient;

c) D’investir dans l’amélioration de la qualité des services de soins de santé dispensés dans les centres de santé communautaires et dans les hôpitaux de district.

Le Comité renvoie l’État partie à ses Observations générales n o  19 (2007) sur le droit à la sécurité sociale et n o  14 (2000) sur le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint.

Assurance chômage

Le Comité est préoccupé par l’absence, dans l’État partie, de filet de sécurité sociale financé par l’État en cas de chômage et par le fait que l’assurance chômage n’est accessible qu’aux membres en règle de cotisation, ce qui se traduit par un très faible taux d’affiliation à l'assurance chômage, soit 5,32 % de la population active en 2013 (art. 9).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les politiques et mesures législatives nécessaires pour promouvoir l’accès à l’assurance chômage, notamment en mettant en place des prestations d’assistance sociale non soumises à cotisation pour les chômeurs, en accordant des subventions en vue de promouvoir l’affiliation à l’assurance chômage et en veillant à ce que les conditions à remplir pour percevoir des allocations de chômage soient raisonnables et proportionnées. Le Comité invite l’État partie à faire figurer des informations sur les progrès accomplis dans son prochain rapport périodique.

Personnes âgées

Le Comité est préoccupé par la situation générale des personnes âgées dans l’État partie, seul un petit nombre d’entre elles bénéficiant de prestations de retraite ou de l’allocation vieillesse, cette dernière n’étant versée qu’aux personnes âgées de plus de 80 ans qui ne bénéficient pas des services d’un soignant et ne reçoivent ni pension de retraite, ni prestation d’assurance sociale. De plus, le Comité relève avec inquiétude que le montant de l’allocation est en-dessous du seuil de pauvreté (art. 9 à 11).

Le Comité recommande à l’État partie de réviser les critères d’éligibilité applicables à l’allocation sociale pour les personnes âgées de manière à ne pas exclure ceux qui en ont besoin. Il recommande également à l’État partie de relever le montant de l’allocation sociale de manière à assurer aux bénéficiaires un niveau de vie suffisant.

De plus, compte tenu du vieillissement de la population, le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour répondre aux besoins spécifiques des personnes âgées, notamment des mesures visant à garantir des moyens d’existence aux personnes âgées, grâce à des régimes à la fois contributifs et non contributifs, à dispenser des services de soins de santé adaptés et financièrement abordables, et à mener des campagnes de sensibilisation aux droits des personnes âgées.

À cet égard, le Comité recommande à l’État partie de tenir compt e de ses Observations générales  n o  6 (1995) sur les droits économiques, sociaux et culturels des personnes âgé es et  n o  19 (2007) sur le droit à la sécurité sociale.

Mariage avec des étrangers

Le Comité constate avec inquiétude que les femmes qui épousent des étrangers sont particulièrement exposées à la violence, notamment celles qui se marient par l’entremise d’agences matrimoniales, pratique illégale mais qui a cours dans l’État partie (art. 10).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les centres de conseil donnent aux femmes des informations sur le cadre juridique applicable à la violence dans la famille et sur le droit au mariage dont jouissent les immigrants dans le pays d’accueil, y compris des informations sur les mécanismes de plainte accessibles aux femmes étrangères. Il recommande aussi à l’État partie de poursuivre ceux qui sont reconnus coupable d’infraction à la loi interdisant les mariages par l’entremise d’agences matrimoniales.

Enfants apatrides

Le Comité relève avec préoccupation que les enfants de migrants arrivés par le mariage mais de retour dans leur pays dont le statut juridique n’est pas établi demeurent apatrides et ne peuvent donc pas être scolarisés ou bénéficier d’autres services sociaux (art. 10).

Le Comité recommande à l'État partie de reconnaître et d'enregistrer les enfants de migrants arrivés par le mariage qui sont apatrides et de veiller à ce qu'ils reçoivent l’éducation, les soins de santé et autres services sociaux nécessaires.

Exploitation économique des enfants

Le Comité constate avec inquiétude que l’exploitation économique des enfants demeure largement répandue dans l’État partie (art. 10).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour donner suite aux conclusions de la première enquête nationale sur le travail des enfants et mettre fin à l’exploitation économique des enfants. Il engage l’État partie à mettre les dispositions autorisant le travail des enfants, telles que celles énoncées dans la Circulaire n o  11 (2013) du Ministère du travail, des invalides de guerre et des affaires sociales, en conformité avec les normes internationales.

Pauvreté parmi les personnes vivant en zone rurale et les minorités ethniques

Le Comité s’inquiète des disparités régionales en ce qui concerne la jouissance du droit à un niveau de vie suffisant: les personnes vivant en zone rurale ainsi que les minorités ethniques des zones reculées et montagneuses sont particulièrement défavorisées (art. 11).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des stratégies fondées sur les droits de l’homme efficaces et des programmes ciblés pour résoudre les difficultés que posent les disparités régionales sur le plan de la pauvreté et du niveau de vie. Le Comité renvoie l’État partie à la déclaration sur la pauvreté qu’il a adoptée le 4 mai 2001. Le Comité invite l’État partie à rendre compte des progrès accomplis et à fournir des données statistiques ventilées par année, région et autres facteurs pertinents dans son prochain rapport périodique.

Incidences des programmes de développement, telles que la sédentarisation et l’expropriation

Le Comité est préoccupé par les incidences négatives des programmes de développement, telles que la sédentarisation et l’annulation de droits fonciers, sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels des minorités ethniques. Le Comité s’inquiète plus particulièrement de ce qui suit:

a)Les lois et règles régissant l’expropriation et la sédentarisation ne sont pas conformes aux normes internationales;

b)Les personnes et les communautés affectées par les programmes de développement n’ont pas obtenu d’indemnisation équitable pour les terres saisies et certaines d’entre elles n’ont pas été correctement réinstallées;

c)Les personnes et les communautés réinstallées éprouvent des difficultés à trouver des moyens de subsistance de remplacement;

d)Les politiques de sédentarisation ne tiennent pas compte des effets négatifs sur les droits culturels des minorités ethniques (art. 11 et 15).

Le Comité prie instamment l’État partie:

a) De veiller au respect, en droit et en pratique, du principe du consentement préalable, libre et éclairé des minorités ethniques pour les décisions qui les concernent et de leur droit d’être représentées en justice;

b) De garantir la transparence des procédures, y compris en faisant en sorte que les renseignements relatifs aux taux d’indemnisation, aux lieux de réinstallation et aux mesures de soutien soient disponibles bien en avance;

c) D’intégrer aux plans d’expropriation et de sédentarisation des stratégies de subsistance de remplacement adaptées à l’âge et au genre des intéressés et de veiller à ce que les entreprises qui tirent profit des terres ayant fait l’objet d’une expropriation s’acquittent de l’obligation qui leur incombe de recruter des personnes privées de terres;

d) De garantir l’accès à des recours utiles, notamment en examinant les plaintes reçues et en accordant des indemnisations s’il y a lieu;

e) De procéder à une évaluation de l’incidence de l’expropriation et de la sédentarisation sur la jouissance des droits consacrés par le Pacte et de faire participer les minorités ethniques à la prise de décisions et à l’élaboration des plans visant à résoudre les problèmes recensés.

Le Comité renvoie l’État pa rtie à son Observation générale  n o  7 (1997) sur les expulsions forcées.

Droit à la santé sexuelle et procréative

Le Comité constate avec préoccupation que les besoins de certains groupes, notamment les femmes des minorités ethniques, les femmes des zones rurales et les femmes célibataires, dans le domaine des services de santé sexuelle et procréative ne sont pas satisfaits (art. 12).

Le Comité recommande à l’État partie d’accorder la priorité aux groupes tels que les femmes des minorités ethniques et des zones rurales, ainsi que les célibataires et les jeunes, dans les programmes de santé sexuelle et procréative. Le Comité demande à l’État partie de supprimer les dispositions de la législation nationale régissant le contrôle des naissances afin de respecter le droit de chacun de décider librement et de manière responsable du nombre d’enfants qu’il aura et de l’espacement des naissances.

Eau et assainissement

Le Comité constate avec inquiétude que l'accès à une eau salubre et en quantité suffisante et à des services d’assainissement améliorés est restreint dans les zones rurales, en dépit des progrès accomplis dans la mise en œuvre du Programme national pour l’eau et l’assainissement d’ici à 2020. Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état de la contamination de l’eau en raison de l’exploitation minière et de l’utilisation excessive d’engrais et de pesticides dans les zones rurales, ainsi que dans les zones urbaines et industrielles (art. 12).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’allouer davantage de ressources à l’approvisionnement en eau salubre et à l’amélioration des services d’assainissement, en particulier dans les zones rurales, et de veiller à ce que les coûts directs et indirects, tels que les emprunts, liés aux activités visant à rendre l’eau salubre et à améliorer les services d’assainissement demeurent abordables;

b) De promulguer une réglementation relative au traitement de l’eau dans les zones industrielles, de prendre des mesures pour protéger les sources d’eau contre la contamination et de veiller à ce que l’eau fournie à la population soit salubre.

Le Comité renvoie l’État partie à son Observation généra le  n o  15 (2002) sur le droit à l’eau et à sa déclaration sur le droit à l’assainissement , adoptée le 19  novembre 2010.

Éducation en faveur des groupes défavorisés et marginalisés

Le Comité relève avec préoccupation que l’accès à une éducation de qualité demeure limité dans les zones reculées et montagneuses et dans les îles où vivent les minorités ethniques, malgré les progrès notables accomplis dans le domaine de l’éducation ailleurs dans l’État partie (art. 15).

Le Comité recommande à l’État partie de mettre au point un cadre global et d’allouer des ressources suffisantes pour dispenser une éducation de qualité aux enfants des minorités ethniques et aux enfants vivant dans des zones reculées. À cet égard, le Comité recommande à l’État partie:

a) De planifier correctement les besoins en matière de personnel enseignant;

b) D’investir davantage dans l’enseignement préscolaire des enfants en question;

c) D’améliorer les systèmes de suivi des enfants déscolarisés et de réintégration de ces enfants dans l’enseignement;

d) D’adopter des approches fondées sur l’enseignement bilingue reposant sur la langue maternelle;

e) De renforcer la gestion décentralisée de l’enseignement.

Droit de décider de sa propre identité

Le Comité exprime sa préoccupation devant la non-reconnaissance des peuples autochtones dans l'État partie, position qui nuit à la jouissance des droits culturels par les peuples en question (art. 15).

Rappelant que le droit de décider de sa propre identité est un principe fondamental de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, le Comité recommande à l’État partie de respecter le droit de chacun, seul, en association avec d’autres ou au sein d’une communauté, de choisir sa propre identité, y compris le droit de s’identifier comme appartenant à un peuple autochtone. Il recommande également à l’État partie d’adopter une loi régissant la reconnaissance des minorités ethniques et garantissant leurs droits. Le Comité invite l’État partie à ratifier la Convention de l’OIT (nº 169) concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, 1989.

Droits culturels des minorités ethniques

Le Comité exprime sa préoccupation devant la politique que mène l’État partie qui consiste à éliminer progressivement certaines valeurs culturelles traditionnelles et à les remplacer par de nouvelles politiques culturelles fondées sur la stabilité socioéconomique et le développement. De plus, le Comité est préoccupé par les effets néfastes du tourisme commercial sur les activités culturelles des minorités ethniques, telles que la course de bœufs Bay Nui et la course de bateau-dragon (art. 15).

Le Comité prie instamment l’État partie de s’abstenir de soumettre les politiques culturelles à des objectifs de développement et de respecter pleinement le droit des minorités ethniques de prendre part à leur vie culturelle et de maintenir, promouvoir et développer leur propre culture. Les restrictions imposées à l’exercice de ce droit ne doivent viser que les pratiques néfastes qui portent atteinte à d’autres droits de l’homme. De plus, le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que les minorités ethniques participent pleinement à la prise de décisions concernant l’exploitation économique de leur propre patrimoine culturel et qu’elles tirent des avantages concrets de ces activités. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État part ie sur son Observation générale  n o  21 (2009) sur le droit de chacun de participer à la vie culturelle.

Liberté artistique

Le Comité est préoccupé par la censure en vigueur dans l’État partie et qui empiète sur la liberté artistique. Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état de l’arrestation et de la détention de blogueurs en application du décret 72 du 15 juillet 2013 (art. 15).

Rappelant l’obligation qui incombe à l’État partie, en vertu du paragraphe 3 de l’article 15 du Pacte, de respecter la liberté indispensable à l’activité créative, le Comité prie instamment l’État partie d’abolir la censure des activités culturelles et autres formes d’expression. De plus, le Comité demande instamment à l’État partie de mettre les restrictions imposées à la liberté d’expression en conformité avec les normes internationales, notamment en supprimant les peines d’emprisonnement prévues.

D.Autres recommandations

Le Comité encourage l’État partie à envisager de signer et de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le Comité prie l’État partie de diffuser largement les présentes Observations finales à tous les niveaux de la société, en particulier auprès des hauts fonctionnaires, des parlementaires, des autorités judiciaires et des organisations de la société civile, et de l’informer dans son prochain rapport périodique de toutes les mesures qu’il aura prises pour donner suite à ces o bservations finales.

Le Comité invite l’État partie à soumettre son cinquième rapport périodique conformément aux direc tives adoptées par le Comité en  2008 (E/C.12/2008/2), au plus tard le 30 novembre 2019.