Nations Unies

E/C.12/NIC/CO/5

Conseil économique et social

Distr. générale

11 novembre 2021

Français

Original : espagnol

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le cinquième rapport périodique du Nicaragua *

1.Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique du Nicaragua à ses 45e et 47e séances, les 7 et 8 octobre 2021, et a adopté les présentes observations finales à sa 57e séance, le 15 octobre 2021.

A.Introduction

2.Le Comité prend note avec satisfaction du cinquième rapport périodique du Nicaragua bien qu’il ait été soumis tardivement. Il regrette que l’État partie n’ait pas fourni de réponses écrites à la liste de points à traiter, d’autant plus que nombre d’événements extraordinaires se sont produits entre la présentation du rapport et le dialogue prévu, qui méritaient d’être abordés.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que le dialogue fait partie intégrante de l’examen du rapport et que c’est une opportunité unique pour le Comité et l’État partie concerné de nouer un dialogue approfondi et constructif, ce qui permet au Comité, parallèlement au rapport soumis par l’État partie et d’autres renseignements communiqués, de constater les progrès accomplis et d’indiquer à l’État partie les domaines où de nouveaux efforts sont nécessaires. À cet égard, le Comité a invité l’État partie à participer à l’examen de son cinquième rapport périodique à la présente session. Toutefois, le 21 septembre 2021, l’État partie a informé le Comité qu’il participerait « en tant qu’auditeur » au dialogue susmentionné, en désignant, pour le représenter, l’Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République du Nicaragua auprès de la Confédération suisse, qui a participé en ligne aux séances publiques des 7 et 8 octobre consacrées à l’examen. à la séance du 7 octobre, conformément à sa pratique habituelle, le Comité a invité l’Ambassadeur à prendre la parole pour faire une déclaration liminaire, mais celui-ci n’a pas souhaité le faire. Le Comité a ensuite posé des questions concernant l’application du Pacte dans l’État partie et le représentant de l’État partie a été invité à y répondre. Celui-ci a réaffirmé qu’il participait simplement en tant qu’auditeur. Compte tenu de cette situation, le Comité a clôturé la séance publique. Le 8 octobre, le Comité a tenu une nouvelle séance pour écouter les réponses de l’État partie. Le représentant de l’État partie a indiqué que les questions avaient été transmises à la capitale. Le 8 octobre, après la clôture de la séance publique, le Comité a reçu une communication du Ministre des relations extérieures indiquant que l’État partie ne répondrait pas à ses questions. L’État partie a eu amplement l’occasion de fournir des réponses et des informations utiles et de faire connaître ses vues sur les thèmes abordés, ce qui aurait permis au Comité de nouer un dialogue constructif et de préciser ses préoccupations. Compte tenu de cette situation, le Comité tient à souligner que l’invitation qu’il a adressée à l’État partie, conformément à sa pratique, visait à nouer un dialogue authentique et constructif. À cet égard, le Comité souligne qu’il importe que les États parties s’engagent pleinement dans un dialogue authentique et constructif avec les organes conventionnels des droits de l’homme, comme le prévoit la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, adoptée le 9 avril 2014. Le Comité rappelle également à l’État partie que, dans le plein exercice de sa souveraineté, il a décidé de ratifier le Pacte et d’être lié par le Comité et la présente procédure, et renvoie l’État partie à l’article 62 de son règlement intérieur. Le Comité regrette que sa tâche consistant à évaluer de manière aussi indépendante que possible la mise en œuvre du Pacte dans l’État partie ait été gravement compromise par le manque de coopération et l’absence de dialogue authentique avec l’État partie et se voit obligé de poursuivre son examen, conformément à son règlement intérieur, en l’absence de dialogue avec l’État partie.

B.Aspects positifs

4.Le Comité se félicite des mesures que l’État partie a prises pour renforcer la promotion et la protection de l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier ceux des personnes handicapées, des peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine. En outre, le Comité se félicite des efforts et des progrès accomplis par l’État partie en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté, la réduction des inégalités entre les sexes dans les domaines du travail, de l’éducation et de la santé, et l’élargissement de l’accès à l’éducation pour les enfants et les adolescents.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Dialogue national et coopération avec les mécanismes internationaux et régionaux des droits de l’homme

5.Le Comité prend note avec inquiétude de la fermeture des espaces de participation et de dialogue aux niveaux national et international, en particulier avec les mécanismes de promotion et de protection des droits de l’homme.

6. Le Comité exhorte l’État partie à prendre les mesures nécessaires pour rétablir les possibilités de participation et de dialogue de manière transparente et constructive avec tous les acteurs au niveau national, y compris les représentants de la société civile, des établissements universitaires et du secteur privé, les représentants et chefs des peuples autochtones, les personnes d’ascendance africaine et les défenseurs des droits de l’homme. Le Comité exhorte également l’État partie à rétablir le dialogue et la coopération au niveau international avec les mécanismes régionaux et universels de protection des droits de l’homme.

Indépendance du pouvoir judiciaire et du bureau du Procureur chargé de la défense des droits de l’homme

7.Le Comité est préoccupé par les informations reçues concernant le manque d’indépendance et d’impartialité du pouvoir judiciaire. Il est également préoccupé par le manque d’indépendance du bureau du Procureur chargé de la défense des droits de l’homme et par son manque de réactivité face aux violations des droits de l’homme dans l’État partie, raison pour laquelle le bureau a été rétrogradé au statut « B » par l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme.

8. Le Comité exhorte l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’impartialité et l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il l’exhorte également à prendre toutes les mesures nécessaires pour que le bureau du Procureur chargé de la défense des droits de l’homme s’acquitte de son mandat de protection et de promotion des droits de l’homme, y compris les droits économiques, sociaux et culturels, en toute indépendance et diligence, et se conforme aux Principes relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris ).

Défenseurs des droits de l’homme

9.Le Comité est gravement préoccupé par les informations concernant des persécutions, des menaces ainsi que des actes de harcèlement et de représailles visant des défenseurs des droits de l’homme, notamment des étudiants et des professeurs d’université, des médecins et du personnel médical, qui avaient participé à des manifestations contre les réformes de la loi sur la sécurité sociale et à des protestations contre le manque de diligence suite à l’incendie dans la réserve biologique Indio-Maíz, et qui avaient dénoncé des irrégularités présumées dans le cadre de la gestion de la pandémie de coronavirus (COVID-19).

10. Le Comité exhorte l’État partie à prendre des mesures efficaces et appropriées pour prévenir les actes de violence visant les défenseurs des droits de l’homme en général et protéger efficacement la vie et l’intégrité physique de ces personnes, en s’assurant que les autorités nationales et locales coordonnent véritablement leur action. Il l’exhorte également à mener des enquêtes approfondies, impartiales et efficaces sur toutes les allégations d’atteinte à la vie, à l’intégrité physique et à la liberté, ainsi que sur tout acte de violence, de menace, de harcèlement, d’intimidation et de diffamation visant des défenseurs des droits de l’homme, notamment des étudiants, des professeurs d’université et du personnel médical. Il exhorte en outre l’État partie à réintégrer les étudiants, les professeurs d’université et le personnel médical qui auraient été injustement écartés de leur emploi ou de leurs études. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa déclaration relative aux défenseurs des droits de l’homme et des droits économiques, sociaux et culturels .

Droits des peuples autochtones

11.Le Comité est préoccupé par les informations reçues concernant l’absence de mécanismes adéquats qui permettent de garantir le droit des peuples autochtones à être consultés sur les décisions susceptibles d’avoir des effets sur leurs droits, notamment leurs droits sur les territoires qu’ils occupent traditionnellement. Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas mené de procédures de consultation préalable adéquates avant l’approbation de grands projets d’investissement susceptibles d’avoir des effets sur les droits des peuples autochtones, tels que la construction du Grand Canal Interocéanique. En outre, le Comité note avec préoccupation les allégations selon lesquelles l’État partie a favorisé la création d’instances parallèles pour supplanter la représentation des communautés autochtones légitimement constituées, ce qui altère les procédures de consultation et facilite l’usurpation de territoires autochtones. Il s’inquiète également de l’absence de progrès en ce qui concerne l’attribution de titres de propriété sur les territoires autochtones et du manque de mécanismes efficaces de protection des droits des autochtones sur leurs terres, territoires et ressources. Le Comité est préoccupé par les graves conflits sociaux et les violences qui se produisent au sujet de la possession et de l’utilisation de terres et de territoires entre les peuples autochtones et des tiers occupant ces terres ou territoires ou souhaitant exploiter les ressources naturelles que ces territoires renferment, en particulier sur les territoires des peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine de la côte caraïbe du Nicaragua (art. 1er).

12. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures suivantes :

a) Concevoir, adopter et mettre en œuvre, en consultation avec les peuples autochtones et d’ascendance africaine, une procédure appropriée qui garantisse leur droit d’être consultés en vue d’obtenir leur consentement libre, préalable et éclairé concernant toute mesure législative ou administrative susceptible d’avoir des effets sur leurs droits et leurs territoires, et veiller à ce que cette procédure tienne compte de leurs traditions et de leurs caractéristiques culturelles ;

b) Veiller à ce que les autorités communales légitimement constituées et désignées par les peuples autochtones ne soient pas supplantées par des instances parallèles dans la prise de décisions concernant les peuples autochtones ;

c) Mettre en place un mécanisme efficace doté de ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour garantir la protection des droits qu’ont les peuples autochtones de posséder, d’utiliser, de mettre en valeur et de gérer leurs terres, territoires et ressources en toute sécurité, y compris au moyen d’un processus approprié d’assainissement de la gestion du territoire, de la reconnaissance légale et de la protection juridique nécessaires, conformément aux normes internationales ;

d) Mener une enquête impartiale et approfondie sur les cas d’usurpation de terres et de territoires autochtones, ainsi que sur les actes de violence commis par des occupants tiers à l’encontre de membres des peuples autochtones et de personnes d’ascendance africaine.

Corruption

13.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la corruption et l’impunité restent monnaie courante dans l’État partie. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles l’accès aux informations d’intérêt public est limité et il n’existe pas de mécanismes de responsabilisation efficaces, ce qui empêche une évaluation objective des mesures adoptées pour rendre pleinement effectif l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels (art. 2, par. 1).

14. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De garantir la transparence et la responsabilité de l’administration publique ;

b) De veiller à la mise en œuvre effective des mesures prises pour lutter contre la corruption, afin de combattre efficacement l’impunité dans ce secteur ;

c) De prendre des mesures pour protéger efficacement les victimes de la corruption, leurs avocats, les militants anticorruption, les lanceurs d’alerte et les témoins.

Réformes budgétaires et fiscales

15.Le Comité regrette de ne pas avoir reçu d’informations de l’État partie sur la proportion des dépenses publiques allouées aux priorités sociales, telles que l’alimentation, le logement, l’eau, l’assainissement, la santé et l’éducation, et constate avec préoccupation que les fonds destinés aux secteurs de la santé et de l’éducation auraient diminué. Il regrette également que l’État partie n’ait pas rendu compte de la proportion des recettes publiques provenant des impôts et des effets de la loi de concertation fiscale sur la mise à disposition du maximum des ressources disponibles en vue de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité prend note avec préoccupation des informations selon lesquelles la loi susmentionnée supprime les exonérations pour la plupart des produits du panier alimentaire de base (art. 2, par. 1).

16. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire en sorte que le budget soit élaboré et mis en œuvre de façon à garantir l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels par l’ensemble de la population, en particulier par les personnes et les groupes les plus marginalisés et défavorisés ;

b) De renforcer les mécanismes de responsabilisation pour les recettes et les dépenses publiques et d’assurer une plus grande transparence dans l’accès aux informations relatives à la collecte des impôts ;

c) D’évaluer les effets de la loi de concertation fiscale en vue de procéder à une réforme complète, en consultation avec les acteurs sociaux concernés, qui permette la conception, l’approbation et la mise en œuvre d’une politique fiscale progressive et socialement juste, l’objectif étant d’améliorer la disponibilité des ressources aux fins de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels.

Non-discrimination

17.Le Comité est préoccupé par les allégations de discrimination fondée sur l’opinion politique dont ont fait l’objet des personnes opposées ou critiques à l’égard du Gouvernement dans l’exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels, en particulier le droit au travail et l’accès aux services de santé. Il est en outre préoccupé par le manque d’informations sur l’efficacité des mesures prises pour lutter contre la discrimination à l’égard des peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine, ainsi que celle fondée sur le handicap, l’orientation sexuelle et l’identité de genre (art. 2).

18. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures appropriées pour veiller à ce que nul ne fasse l’objet de discrimination dans l’accès aux droits économiques, sociaux et culturels, notamment en adoptant une législation antidiscrimination complète qui garantisse une protection suffisante contre la discrimination, conformément à l’article 2 du Pacte et compte tenu de l’observation générale n o  20 (2009) sur la non-discrimination et les droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité exhorte l’État partie à prévenir et à combattre la discrimination fondée sur l’opinion politique et à veiller à ce que tous ceux qui en sont victimes aient accès à des recours judiciaires et administratifs utiles pour s’en protéger.

Égalité entre hommes et femmes

19.Le Comité prend note de la loi sur l’égalité des droits et des chances adoptée par l’État partie, mais il est préoccupé par les informations selon lesquelles les stéréotypes de genre restent ancrés dans la société, ce qui entrave l’exercice par les femmes de leurs droits économiques, sociaux et culturels, en particulier dans le domaine de l’emploi, et l’accès aux postes de décision dans la sphère publique et privée (art. 3).

20. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mécanismes adéquats pour mettre en œuvre la loi sur l’égalité des droits et des chances et d’adopter une politique d’égalité des sexes comprenant, entre autres choses, des mesures visant à promouvoir l’égalité des chances en matière de carrière grâce à l’éducation et à la formation dans des matières autres que celles traditionnellement dominées par l’un ou l’autre sexe, à parvenir à un partage égal des responsabilités familiales entre les hommes et les femmes et à modifier les stéréotypes et les perceptions concernant le rôle des sexes tant dans la famille que dans la société.

Droit au travail

21.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni de statistiques ventilées et actualisées sur les taux d’emploi, de chômage et de sous-emploi, ainsi que sur la disponibilité et l’accessibilité des programmes d’enseignement technique et professionnel. Le Comité est préoccupé par les niveaux élevés de chômage et par le nombre élevé de personnes travaillant dans le secteur informel, en particulier les femmes, les autochtones et les personnes d’ascendance africaine (art. 6, 7 et 9).

22. Le Comité recommande à l’État partie de se doter d’une stratégie globale en faveur de l’emploi qui s’attaque aux causes principales du chômage, comprenne un plan d’action assorti d’objectifs précis et soit axée en priorité sur les groupes qui sont exposés de manière disproportionnée au chômage. Il lui recommande de veiller à ce que les travailleurs employés dans l’économie parallèle aient accès à la législation du travail et à la protection sociale, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire progressivement le nombre de travailleurs dans ce secteur de l’économie, en les intégrant dans l’économie structurée. Il lui recommande en outre d’élaborer des programmes de formation technique et professionnelle de qualité, adaptés aux besoins du marché du travail et tenant compte des besoins des personnes et des groupes les plus défavorisés et marginalisés.

Salaire minimum

23.Le Comité prend note avec préoccupation des informations relatives à l’absence d’accords tripartites concernant l’ajustement du salaire minimum. Il regrette le manque d’informations sur le montant du salaire minimum et sur le fait qu’il soit suffisant pour assurer un niveau de vie décent aux travailleurs et aux membres de leur famille (art. 7).

24. Le Comité exhorte l’État partie à prendre les mesures législatives et administratives nécessaires pour établir un mécanisme efficace de révision périodique du salaire minimum avec la participation des travailleurs et des employeurs et de leurs organisations représentatives, en vue de garantir que tous les travailleurs reçoivent un salaire minimum qui leur permette d’avoir des conditions de vie décentes pour eux ‑ mêmes et leur famille.

Conditions de travail

25.Le Comité regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur les conditions de travail des femmes dans certains secteurs, comme les maquiladoras et le travail domestique, et s’inquiète en outre de ce que les conditions de travail dans ces secteurs restent précaires et continuent d’exposer les femmes qui y travaillent à de graves risques d’abus et d’exploitation (art. 7).

26. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre les mesures nécessaires pour garantir l’équité et l’égalité des conditions de travail des femmes, en particulier dans les maquiladoras et le travail domestique ;

b) De mettre en place un mécanisme d’inspection du travail, doté des ressources matérielles, techniques et humaines suffisantes pour contrôler avec efficacité et impartialité les conditions de travail dans tous les secteurs ;

c) De créer des mécanismes efficaces pour dénoncer toutes les formes d’abus et d’exploitation par le travail, en prenant en considération, en particulier, la situation des femmes qui travaillent dans les maquiladoras et dans le secteur du travail domestique.

Licenciements abusifs

27.Le Comité prend note avec préoccupation des allégations de licenciements abusifs de professeurs d’université et de maîtres de conférences qui avaient participé à des manifestations entre avril et août 2018. Il est également préoccupé par les licenciements de médecins et de membres du personnel médical, qui seraient dus à leur refus d’obtempérer à l’ordre de ne pas soigner les personnes blessées durant ces manifestations et dans le contexte de la pandémie de COVID-19 (art. 6 et 7).

28. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour que les personnes qui s’estiment victimes d’un licenciement injustifié aient accès à un recours judiciaire utile, soient indemnisées et, le cas échéant, soient rétablies dans leurs fonctions. Le Comité exhorte l’État partie à mener une enquête approfondie sur les allégations de licenciements abusifs d’enseignants et de maîtres de conférences, ainsi que de médecins et de membres du personnel médical, qui ont eu lieu dans le cadre de la crise politique de 2018 et dans le contexte de la pandémie de COVID-19.

29. Le Comité renvoie l’État partie à son observation générale n o 23 (2016) sur le droit à des conditions de travail justes et favorables.

Sécurité sociale

30.Le Comité note avec préoccupation les informations fournies par l’État partie dans son rapport selon lesquelles, en décembre 2018, seuls 11,9 % de la population étaient assurés, ce qui représente 26,06 % de la population active, et que, par ailleurs, l’État partie n’a toujours pas de couverture d’assurance chômage. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni d’informations sur les effets de la réforme de l’Institut nicaraguayen de sécurité sociale (art. 9).

31. Le Comité exhorte l’État partie à mettre en place un système de sécurité sociale qui garantisse une couverture sociale universelle et des prestations adéquates à tous les travailleurs, à toutes les personnes et aux familles, en particulier les personnes appartenant aux groupes les plus défavorisés et marginalisés, afin de leur garantir des conditions de vie décentes. Le Comité engage l’État partie à prendre les mesures nécessaires pour établir un socle de protection sociale qui comprenne les garanties sociales universelles élémentaires. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o  19 (2007) sur le droit à la sécurité sociale et sur la déclaration intitulée « Les socles de protection sociale : un élément essentiel du droit à la sécurité sociale et des objectifs de développement durable » qu’il a adoptée en 2015.

Protection de l’enfance

32.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni de données statistiques sur l’ampleur de la situation du travail des enfants et sur les mesures prises pour protéger les enfants contre les travaux dangereux et l’exploitation économique (art. 10).

33. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour prévenir et combattre l’exploitation économique des enfants, en veillant à ce que les dispositions législatives relatives au travail des enfants soient fermement appliquées, en renforçant les mécanismes d’inspection du travail et en apportant un soutien aux familles pauvres afin que les enfants puissent aller à l’école. Le Comité exhorte l’État partie à veiller à ce que tous les cas d’exploitation économique ou de toute autre forme d’exploitation des enfants et des adolescents fassent l’objet d’une enquête approfondie et à ce que les responsables soient dûment punis.

Pauvreté

34.Le Comité constate avec préoccupation que, malgré les efforts déployés par l’État partie, le niveau de pauvreté au Nicaragua est toujours élevé, en particulier dans les zones rurales et dans les régions autonomes de la côte caraïbe, qui sont habitées principalement par des peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine. Le Comité est préoccupé par les informations indiquant une augmentation du taux de pauvreté en raison des crises sociopolitique et sanitaire, et des effets dévastateurs des ouragans Iota et Eta sur la côte caraïbe (art. 11).

35. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures nécessaires pour lutter contre la pauvreté, en particulier l’extrême pauvreté, en adoptant un plan d’action national contre la pauvreté qui intègre une approche fondée sur les droits de l’homme, qui dispose de ressources suffisantes pour sa mise en œuvre et qui tienne dûment compte des différences et des écarts entre les zones urbaines et les zones rurales, ainsi que de l’exclusion sociale des peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine vivant dans les régions autonomes de la côte caraïbe, afin de garantir le plein exercice de leurs droits fondamentaux , en particulier de leurs droits économiques, sociaux et culturels.

Droit à un niveau de vie suffisant

36.Le Comité prend note avec préoccupation des informations concernant les effets néfastes des projets d’exploitation des ressources naturelles menés par certaines sociétés, qui causent des dommages irréversibles à l’environnement et portent atteinte au droit à la santé et au droit à un niveau de vie suffisant des communautés touchées, en particulier les peuples autochtones et les personnes d’ascendance africaine (art. 1er, 11 et 12).

37. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’élaborer des directives et des règles claires permettant d’évaluer l’impact social et environnemental que peuvent avoir les projets d’exploitation des ressources naturelles sur l’ensemble du territoire de l’État partie, en particulier sur les territoires des peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine ;

b) De garantir que les communautés touchées, y compris les peuples autochtones et les personnes d’ascendance africaine, soient consultées concernant les activités liées à l’exploitation des ressources naturelles sur leurs territoires, obtiennent des indemnisations pour les dommages ou pertes subis et bénéficient d’une partie des recettes tirées desdites activités.

Droit à une nourriture suffisante

38.Le Comité regrette l’absence d’informations actualisées sur l’incidence de la dénutrition et de la malnutrition dans l’État partie et sur les résultats concrets de la mise en œuvre du Programa Productivo Alimentario (programme « Faim zéro »). Le Comité constate avec préoccupation que, selon certaines informations, il existe des niveaux élevés de dénutrition et de malnutrition, y compris de surpoids et d’obésité, dans l’État partie (art. 11).

39. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour protéger le droit à une nourriture suffisante et d’entreprendre un examen et une adaptation du Programme Faim zéro, dans le but de s’attaquer à l’insécurité alimentaire et à la malnutrition de manière efficace et globale, y compris, entre autres, des programmes visant à promouvoir des régimes alimentaires plus sains et intégrant des aspects liés au commerce, à l’aménagement du territoire, à l’éducation et à la politique fiscale, en fixant des objectifs clairs et assortis de délais et en mettant en place des mécanismes appropriés pour évaluer l’avancée du Programme. Le Comité engage l’État partie à mener son action avec la participation de toutes les parties prenantes, y compris les organisations de la société civile. Le Comité renvoie l’État partie à son observation générale n o  12 (1999) sur le droit à une nourriture suffisante et aux Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, adoptées par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.

Droit à la santé

40.Le Comité prend note des renseignements fournis dans le rapport de l’État partie au sujet de la politique nationale de santé. Il est toutefois préoccupé par les informations indiquant des problèmes telles que le manque de ressources suffisantes et adéquates, les pénuries de fournitures, de médicaments, de matériel chirurgico-médical et d’équipement médical, et la détérioration des infrastructures de certains hôpitaux, en particulier dans les zones rurales et dans les régions autonomes de la côte caraïbe. En outre, le Comité note avec préoccupation les allégations concernant le refus de fournir une assistance médicale aux personnes qui ont été blessées durant les manifestations qui ont eu lieu entre avril et août 2018 et le manque d’informations à cet égard de la part de l’État partie (art. 12).

41. Le Comité recommande à l’État partie d’allouer des ressources suffisantes au secteur de la santé et l’exhorte à adopter d’urgence les mesures propres à garantir la disponibilité, l’accessibilité et la qualité des services de santé, de manière à ce qu’il y ait un nombre suffisant d’établissements et de services de santé publique dotés d’un personnel médical qualifié, de médicaments approuvés par les instances scientifiques et d’équipements hospitaliers en bon état, et que les conditions sanitaires soient satisfaisantes, en particulier dans les zones rurales et dans les régions autonomes de la côte caraïbe. Le Comité exhorte l’État partie à enquêter sur les allégations de refus de soins médicaux aux personnes blessées durant les manifestations qui ont eu lieu entre avril et août 2018 et à prendre les mesures nécessaires pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise à l’avenir.

Gestion de la pandémie

42.Le Comité note avec inquiétude les rapports faisant état d’un manque d’accès à des informations fondées sur une analyse épidémiologique adéquate et complète de l’évolution de la pandémie de COVID-19. Il s’inquiète également des divergences entre les chiffres officiels d’infection et de décès et ceux enregistrés par les organisations de la société civile et figurant dans les rapports scientifiques, ainsi que de l’absence de coopération et de partage d’informations permettant de suivre l’évolution de la pandémie au niveau national. À cet égard, le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas pris les mesures nécessaires pour empêcher la propagation de la COVID-19 en se fondant sur une analyse appropriée de la situation. Enfin, le Comité regrette le manque d’informations sur le plan de vaccination adopté par l’État partie (art. 12).

43. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour fournir à la population des informations précises et scientifiquement fondées sur la situation épidémiologique et l’évolution de la pandémie de COVID-19 dans l’État partie, et de veiller à ce que ces informations soient régulièrement mises à jour et facilement accessibles à l’ensemble de la population et aux organisations internationales compétentes dans le domaine de la santé. Le Comité exhorte l’État partie à mettre en place, en coopération avec tous les acteurs concernés, y compris les représentants de la société civile et de la communauté scientifique, un mécanisme efficace et régulièrement mis à jour d’enregistrement des cas afin d’évaluer la situation épidémiologique au niveau national et de prendre ainsi les mesures appropriées et nécessaires pour prévenir les risques d’infection et fournir des soins de santé de qualité à l’ensemble de la population. En outre, le Comité recommande à l’État partie d’adopter un plan de vaccination qui garantisse l’accès de tous, sans discrimination, à la vaccination contre la COVID-19.

Santé sexuelle et procréative

44.Le Comité prend note des informations contenues dans le rapport sur la prise en charge des futures parturientes dans les « casas maternas » (foyers d’hébergement), en particulier dans les zones rurales difficiles d’accès. Toutefois, il prend note avec inquiétude des informations concernant la réforme de la loi sur l’avortement, qui incrimine l’avortement quel qu’il soit après avoir éliminé la possibilité d’avortement thérapeutique, ce qui a entraîné une augmentation des avortements à risque dans l’État partie. Le Comité constate avec inquiétude que l’État partie a un taux très élevé de grossesses chez les adolescentes. Il regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur les taux de mortalité maternelle et sur les progrès réalisés en vue de l’adoption d’une loi sur la santé sexuelle et procréative (art. 12).

45. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De réviser sa législation en ce qui concerne l’interdiction totale de l’avortement afin de la rendre compatible avec d’autres droits fondamentaux, comme le droit de la femme à la santé et à la vie, ainsi que son droit à la dignité ;

b) De prendre les mesures qui s’imposent pour continuer à réduire la mortalité maternelle, à la lumière du Guide technique du Haut-Commissariat aux droits de l’homme concernant l’application d’une approche fondée sur les droits de l’homme à la mise en œuvre des politiques et des programmes visant à réduire la mortalité et la morbidité maternelles évitables  ;

c) De prendre les mesures nécessaires pour réduire le taux élevé de grossesse chez les adolescentes, en particulier celles appartenant à des groupes marginalisés ou défavorisés ou à des familles à faible revenu et ayant un faible niveau d’instruction, et pour assurer l’accessibilité, la disponibilité et le caractère abordable des services de santé sexuelle et procréative et des informations y relatives à toutes les femmes et adolescentes, en particulier dans les zones rurales ;

d) D’intégrer une éducation sexuelle complète et adaptée à l’âge dans les programmes scolaires du primaire et du secondaire pour les filles et les garçons, et d’élaborer et de mettre en œuvre un programme de formation à l’intention des enseignants. Il lui recommande également de prendre en considération son observation générale n o  22 (2016) sur le droit à la santé sexuelle et procréative.

Droit à l’éducation

46.Le Comité prend note des progrès accomplis pour ce qui est de l’accès à l’éducation dans l’État partie, mais il est préoccupé par les lacunes concernant la qualité de l’enseignement en termes d’infrastructures et de matériels, de contenu des programmes scolaires et de formation des enseignants, situation qui est particulièrement préoccupante dans les zones rurales et sur la côte caraïbe. Le Comité prend note avec préoccupation des informations concernant les taux élevés d’abandon scolaire dans l’enseignement primaire et secondaire, en particulier dans les zones rurales (art. 13).

47. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire le nécessaire pour améliorer la qualité de l’enseignement en augmentant l’effectif d’enseignants qualifiés, notamment en faisant participer ces enseignants à des programmes de formation continue et en améliorant les infrastructures et le matériel pédagogique, en particulier dans les zones rurales et dans les régions autonomes de la côte caraïbe ;

b) De prendre des mesures appropriées pour faire baisser les taux d’abandon scolaire et de redoublement à tous les niveaux d’enseignement, en particulier dans le primaire et parmi les élèves des groupes marginalisés et défavorisés.

Liberté d’enseignement

48.Le Comité regrette de ne pas avoir reçu d’informations au sujet des garanties en matière de la liberté d’enseignement et s’inquiète des informations selon lesquelles la gestion des universités est de plus en plus liée à des intérêts politiques et partisans, ce qui a conduit à des licenciements de professeurs et à des expulsions d’étudiants, restreignant ainsi le droit à l’éducation, la liberté de pensée et d’opinion, ainsi que la liberté de la recherche scientifique et de l’activité créatrice (art. 13, 14 et 15).

49. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir le respect de la liberté d’enseignement, de la liberté de pensée et d’opinion à l’université et le respect de la liberté de la recherche scientifique et de l’activité créatrice. Il lui recommande aussi de veiller à ce que la gestion des universités ne soit pas guidée par des intérêts politiques partisans. Il renvoie l’État partie à son observation générale n o  25 (2020) sur la science et les droits économiques, sociaux et culturels.

Droits culturels

50.Le Comité constate avec préoccupation que les mesures prises ne favorisent pas suffisamment le respect de la diversité culturelle des peuples autochtones et d’ascendance africaine et la diffusion de leurs cultures (art. 15).

51. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer la protection des droits culturels et le respect de la diversité culturelle, et créer des conditions propres à permettre aux communautés d’ascendance africaine de préserver, de développer, d’exprimer et de diffuser leur identité, leur histoire, leur culture, leurs traditions et leurs coutumes.

Accès à Internet

52.Le Comité regrette de ne pas avoir reçu d’informations de l’État concernant les mesures prises pour garantir la disponibilité, l’accessibilité et le caractère abordable des services Internet. Il constate avec préoccupation que, selon des informations publiques, la majorité des élèves n’ont pas accès à Internet, ce qui a des effets considérables sur leur droit à l’éducation dans le contexte de la pandémie de COVID-19 (art. 15).

53. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer l’accès à Internet, en particulier dans les zones rurales, y compris par le développement des infrastructures nécessaires, et pour rendre les coûts des services Internet abordables pour tous, sans discrimination.

D.Autres recommandations

54. Le Comité engage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

55. Le Comité recommande à l’État partie de tenir pleinement compte des obligations que lui impose le Pacte et de garantir la pleine jouissance des droits qui y sont énoncés dans la mise en œuvre au niveau national du Programme de développement durable à l’horizon 2030. La réalisation des objectifs de développement durable serait grandement facilitée si l’État partie établissait des mécanismes indépendants pour suivre les progrès réalisés et s’il considérait que les bénéficiaires des programmes publics étaient titulaires de droits qu’ils peuvent faire valoir. La mise en œuvre des objectifs dans le respect des principes de participation, de responsabilité et de non-discrimination permettrait de garantir que nul n’est laissé de côté. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa déclaration relative à l’engagement de ne laisser personne de côté .

56. Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, y compris aux échelons national et municipal et en particulier auprès des parlementaires, des fonctionnaires et des autorités judiciaires, et de l’informer dans son prochain rapport périodique des dispositions qu’il aura prises pour y donner suite. Le Comité engage l’État partie à collaborer avec le bureau du Procureur chargé de la défense des droits de l’homme, les organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile, au suivi des présentes observations finales et au processus de consultation nationale avant la soumission de son prochain rapport périodique.

57. Conformément à la procédure de suivi des observations finales adoptées par le Comité, l’État partie est prié de fournir, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la mise en œuvre des recommandations formulées par le Comité aux paragraphes 10 (défenseurs des droits de l’homme), 12 a) et b) (droits des peuples autochtones) et 43 (gestion de la pandémie de COVID-19).

58. Le Comité demande à l’État partie de soumettre son sixième rapport périodique au titre de l’article 16 du Pacte avant le 31 octobre 2026, à moins qu’il ne soit informé d’une modification du cycle d’examen. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne doit pas compter plus de 21 200 mots.