Nations Unies

E/C.12/CAN/CO/6

Conseil économique et social

Distr. générale

23 mars 2016

Français

Original : anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le sixième rapport périodique du Canada *

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le sixième rapport périodique du Canada sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/CAN/6) à ses 6e et 7e séances (E/C.12/2016/SR.6-7), tenues les 24 et 25 février 2016, et a adopté les observations finales ci-après à sa 20e séance, le 4 mars 2016.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le sixième rapport périodique de l’État partie ainsi que les informations complémentaires fournies dans ses réponses à la liste de points à traiter (E/C.12/CAN/Q/6/Add.1). Le Comité se félicite aussi des réponses apportées oralement par la délégation de haut niveau.

B.Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées en 2010.

Il prend note avec satisfaction des mesures prises par l’État partie pour renforcer la promotion et la protection des droits économiques, sociaux et culturels, notamment par :

a)L’abrogation de l’article 67 de la loi canadienne sur les droits de la personne en 2008, permettant ainsi aux individus de porter plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne pour discrimination dans la mise en œuvre de la loi sur les Indiens ;

b)La restauration du Programme fédéral de santé intérimaire en décembre 2015 pour certaines catégories de réfugiés et de demandeurs d’asile qui avait été supprimé en 2012 ;

c)La décision de l’État partie, en 2015, de diligenter une enquête nationale sur les meurtres et les disparitions de femmes et de filles autochtones ;

d)L’engagement pris par l’État partie de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (2007) ;

e)L’engagement pris par l’État partie de rétablir le formulaire long du recensement et d’entreprendre la nouvelle Enquête canadienne sur l’incapacité ;

f)La nomination récente du nouveau Cabinet fédéral, dans lequel 50 % des nouveaux ministres sont des femmes et 17 % des « minorités visibles ».

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Mise en œuvre du Pacte au plan national

Malgré certaines évolutions prometteuses et le fait que le Gouvernement se soit engagé à revoir les positions qu’il adopte dans le cadre de procédures judiciaires, le Comité est préoccupé par le fait que les droits économiques, sociaux et culturels ne sont généralement pas justiciables devant les tribunaux internes. Il s’inquiète également que les recours légaux ouverts aux victimes de violations des droits consacrés par le Pacte sont limités, ce qui affecte de manière disproportionnée les groupes et les individus défavorisés et marginalisés, notamment les sans-abri, les autochtones et les personnes handicapées.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures législatives nécessaires pour faire appliquer intégralement les droits consacrés dans le Pacte dans son ordre juridique et veiller à ce que les victimes aient accès à des recours utiles. Il recommande à l’État partie de mettre en œuvre son engagement de revoir les positions qu’il adopte dans le cadre de procédures judiciaires afin de renforcer la justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels. L’ État partie devrait associer la société civile et les organisations autochtones à cette révision, de façon à élargir l’interprétation de la Charte canadienne des droits et liberté, en particulier des articles 7, 12 et 15, de manière à y inclure les droits économiques, sociaux et culturels, et à assurer ainsi la justiciabilité des droits reconnus par le Pacte. Il recommande également à l’ É tat partie de renforcer les programmes de formation aux droits de l’homme afin d’améliorer la connaissance et l’application de la Convention, ainsi que la sensibilisation à cet instrument, en particulier chez les membres de l’appareil judiciaire, les responsables de l’application des lois et les fonctionnaires. Le Comité renvoie à son observation générale n o  3 (1990) sur la nature des obligations des États parties , et à son observation générale n o  9 (1998) sur l’application du Pacte au niveau national.

Arrangements intergouvernementaux dans le cadre du système fédéral

Le Comité se félicite que l’État partie ait réaffirmé que sa structure fédérale permet de renforcer la mise en œuvre du Pacte par le biais des mesures de responsabilisation aux plans local et régional, et il constate que l’État partie a fait référence, dans son document de base, à l’article 36 de la loi constitutionnelle de 1982, dans ce contexte. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait que les financements et d’autres accords avec les provinces, les territoires et les municipalités ne fixent pas les responsabilités s’agissant de la mise en œuvre des droits consacrés par le Pacte aux différents niveaux.

Le Comité recommande que les droits économiques, sociaux et culturels soient intégrés dans les accords intergouvernementaux et dans les lois d’orientation pour les municipalités, et que les transferts de ressources tiennent dûment compte du respect des droits reconnus par le Pacte.

Maximum des ressources disponibles

Le Comité est préoccupé par la stagnation des dépenses sociales en pourcentage du produit intérieur brut. Il est également préoccupé par le faible niveau d’imposition des sociétés comparativement à d’autres pays riches, ainsi que par l’impact disproportionné des mesures d’austérité adoptées dans un certain nombre de provinces sur les groupes et les personnes désavantagés et marginalisés (art. 2, par. 1).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accroître les dépenses nationales de manière à garantir les droits consacrés par le Pacte et parvenir ainsi à la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels. Il engage l ’ État partie à adopter et appliquer une politique fiscale adaptée et socialement équitable, et qui permette d ’ améliorer le recouvrement de l’impôt afin de garantir que des ressources suffisantes so nt consacrées à la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels , en accordant une attention particulière aux personnes et aux groupes désavantagés et marginalisés . À cet égard, le Comité invite l’État partie à recueillir des données ventilées d’après les motifs interdits de discrimination. Le Comité recommande à l ’ État partie de surveiller étroitement la mise en œuvre de mesures d ’ austérité par les provinces et de s’assurer que cela ne compromet pas le contenu essentiel minimum de l ’ ensemble des droits énoncés dans le Pacte, que ce s mesures d’austérité ne so nt pas discriminatoire s et qu’elles so nt temporaires, nécessaires et proportionnées. Le Comité rappelle à l ’ État partie la lettre relative aux mesures d ’ austérité que le Président du Comité a adressée à tous les États parties le 16 mai 2012.

Aide publique au développement

Le Comité est préoccupé par le niveau de l’aide publique au développement (0,24 % du revenu intérieur brut).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accroître son aide publique au développement afin d’atteindre l’objectif convenu au plan international, à savoir 0,7  % du revenu intérieur brut , et de fonder sa politique de coopération pour le développemen t sur une approche fondée sur les droits de l ’ homme .

Consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones

Le Comité est préoccupé par le fait que le droit au consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones à toute modification affectant leurs terres et territoires n’est pas correctement intégré en droit interne et n’est pas appliqué avec constance et régularité par l’État partie. Tout en constatant que l’État partie a déclaré que cette question serait réexaminée par le nouveau gouvernement, le Comité demeure néanmoins préoccupé par l’absence de mécanismes et de processus officiels destinés à engager des consultations approfondies avec les peuples autochtones, en particulier dans le contexte des activités des industries extractives.

Le Comité recommande à l ’ État partie de reconnaître pleinement le droit à un consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones dans ses lois et politiques, et de lui donner une application concrète . En particulier, il recommande à l ’ État partie de mettre en place des mécanismes efficaces permettant aux peuples autochtones de participer effective ment aux processus décisionnels concernant les projets de développement réalisés sur leurs terres et territoires, ou à proximité de ceux-ci. Il recommande également à l ’ État partie d ’ associer effectivement les peuples autochtones à la formulation des lois qui les concernent.

Entreprises et droits économiques, sociaux et culturels

Le Comité est préoccupé par le fait que le comportement des entreprises enregistrées ou domiciliées dans l’État partie qui mènent des activités à l’étranger peut parfois avoir des incidences négatives sur l’exercice des droits énoncés dans le Pacte par les populations locales. Il s’inquiète également de ce que les victimes ont un accès limité aux recours judiciaires devant les tribunaux de l’État partie, et que les mécanismes de recours non judiciaires existants, tels que le Bureau du Conseiller en responsabilité sociale des entreprises (RSE) de l’industrie extractive, n’ont pas toujours été efficaces. Le Comité est en outre préoccupé par l’absence d’évaluations d’impact prenant expressément en compte les droits de l’homme avant que des accords commerciaux et d’investissements internationaux ne soient négociés.

Le Comité recommande à l’État partie de renforcer sa législation applicable à la conduite des sociétés enregistrées ou domiciliées dans l ’ État partie qui mènent des activités à l ’ étranger, notamment en procédant à des évaluations d ’ impact sur les droits de l ’ homme avant de prendre des décisions en matière d ’ investissement. Il recommande également à l ’ État partie de mettre en place des mécanismes efficaces pour enquêter sur les plaintes déposées contre ces sociétés, et d ’ adopter les mesures législatives propres à faciliter la saisine de ses tribunaux internes par les personnes qui ont été victimes de ces sociétés. Le Comité recommande de surcroît à l ’ État partie de veiller à ce que les accords commerciaux et en matière d ’ investissement négociés par le Canada reconnaissent la primauté de ses obligations internationales relatives aux droits de l ’ homme sur les intérêts des investisseurs, de telle sorte que la mise en place de procédures de règlement des différends entre les investisseurs et l ’ État ne crée pas d ’ obstacle à la réalisation intégrale des droits consacrés par le Pacte.

Non-discrimination

Le Comité est préoccupé par le fait que la situation sociale ne figure pas parmi les motifs de discrimination interdits dans la loi canadienne sur les droits de la personne (art. 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire figurer la situation sociale parmi les motifs de discrimination interdits dans la loi canadienne sur les droits de la personne et les lois provinciales y relatives, selon que de besoin. Le Comité attire l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 20 (2009) sur la non ‑ discrimination dans l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

Peuples autochtones

Le Comité est préoccupé, en dépit de l’engagement pris par l’État partie de remédier à la situation des peuples autochtones, par les inégalités socioéconomiques persistantes entre peuples autochtones et peuples non autochtones, ainsi que par les disparités pour ce qui est de la fréquence de la pauvreté et de l’exercice des droits fondamentaux, notamment les droits au logement, à l’éducation et aux services de santé. Le Comité est également préoccupé par la baisse des financements, en soi déjà insuffisants, alloués aux peuples autochtones vivant à l’intérieur ou à l’extérieur des réserves, une situation qui est aggravée par les différends juridictionnels entre le Gouvernement fédéral et les exécutifs provinciaux en ce qui concerne le financement des peuples autochtones (art. 2, par. 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie, en consultati on avec les peuples autochtones  :

a) D’appliquer et de renforcer ses programmes et politiques existants visant à améliorer l’exercice par les peuples autochtones des droits énoncés dans le Pacte ;

b) D ’ accroître les financements fédéraux et provinciaux en faveur des peuples autochtones à hauteur de leurs besoins, et d ’ élaborer des solutions permettant d ’ assurer la mise en œuvre coordonnée et responsable des droits des peuples autochtones par toutes les administrations ;

c) De mettre en œuvre les recommandations formulées par le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones à l ’issue de sa mission au Canada en 2013 (voir A/HRC/27/52/Add.2 ) ;

d) De promouvoir et d ’ appliquer les principes consacrés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ;

e) D ’ envisager de ratifier la Convention (n o  169) de l’Organisation internationale du Travail relative au x peuples indigènes et tribaux, 1989 .

Égalité entre hommes et femmes

Le Comité est préoccupé par la discrimination à l’égard des femmes dans l’État partie, dans de nombreux domaines touchant les droits économiques, sociaux et culturels. En particulier, il s’inquiète de ce que les femmes, étant avant tout dispensatrices de soins dans la famille, sont surreprésentées dans les emplois à temps partiel et les secteurs peu rémunérés, ce qui contribue à perpétuer la ségrégation liée au sexe sur le lieu de travail ainsi que les écarts de salaire entre les sexes. Le Comité est en outre préoccupé par les autres dispositions discriminatoires fondées sur le sexe qui figurent dans la loi relative aux Indiens s’agissant de la classification du statut d’Indien (art. 3).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer et de mettre en œuvre une politique nationale globale sur l ’ égalité des sexes afin de remédier aux facteurs structurels à l’origine de l ’ inégalité entre les sexes, en étroite coopération avec les provinces et les territoires et en consultation avec les organisations de la société civile. Le Comité recommande également à l ’ État partie :

a) De mettre effectivement en œuvre et d’améliorer la législation en vigueur sur l’égalité de salaire entre hommes et femmes, aux niveaux provincial et territorial, y compris des mécanismes de mise en œuvre efficaces, comprenant des mesures temporaires spéciales telles que des quotas ;

b) D’abroger les dispositions discriminatoires résiduelles dans la loi sur les Indiens ;

c) De maintenir son engagement d’assurer des services abordables de protection de l’enfance dans l’ensemble du pays afin d’aider les parents à trouver un équilibre entre responsabilités familiales et professionnelles ;

d) D’adopter des mesures ciblées destinées à renforcer l’accès des femmes handicapées à l’assistance sociale et aux possibilités d’emploi ;

e) De redoubler d’efforts pour éliminer les stéréotypes et préjugés sur les rôles dévolus aux hommes et aux femmes, notamment grâce à des campagnes de sensibilisation.

Chômage

Le Comité est préoccupé par le fait que certains groupes et certaines personnes défavorisés et marginalisés continuent d’être touchés de manière disproportionnée par le chômage, notamment les personnes handicapées, les Canadiens d’ascendance africaine, les jeunes, les immigrés récents, les minorités et les peuples autochtones (art. 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire davantage d ’ efforts pour lutter contre le chômage qui touche les groupes et les personnes défavorisés et marginalisés . Il lui recommande également de renforcer l ’ application et le suivi de la loi sur l ’ équité en matière d ’ emploi, et de prendre toutes mesures nécessaires pour en améliorer et en étendre l ’ application. En outre, le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour garantir l’adoption de dispositions législatives et de politique générale sur l ’ é qu ité en matière d ’ emploi dans toutes les administrations , en collaboration avec les provinces et les territoires.

Salaire minimum

Tout en constatant que le salaire minimum a été révisé dans toutes les provinces au cours de la période à l’examen, le Comité est préoccupé par le fait qu’il demeure insuffisant et en deçà du coût de la vie dans toutes les provinces (art. 7).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que le salaire minimum soit augmenté dans tous les territoires, et révisé et régulièrement indexé sur le coût de la vie, de manière à garantir à tous les travailleurs et à leur famille une existence décente.

Conditions de travail justes et favorables

Le Comité se félicite des modifications introduites dans le Programme des aides familiales. Il demeure toutefois préoccupé par le fait que certaines catégories de travailleurs étrangers, notamment les travailleurs migrants temporaires et saisonniers, sont susceptibles d’être exploités par des employeurs, en particulier du fait que leur permis de travail est lié à un employeur spécifique (art. 7).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour empêcher l’exploitation par le travail des travailleurs migrants temporaires et saisonniers, notamment en renforçant les visites d’inspection, en améliorant la réglementation applicable aux agences de recrutement, et en remplaçant le permis de travail pour un employeur déterminé par un permis pour un type d’emploi. Le Comité renvoi e à son observation générale n o 23 (2016) sur le droit à des conditions de travail justes et favorables.

Sécurité sociale

Le Comité est préoccupé par le taux inadéquat des prestations sociales dans toutes les provinces et pour l’ensemble des ménages, ainsi que par l’absence de mesures de responsabilisation en ce qui concerne les transferts sociaux fédéraux. Il est également préoccupé par l’existence de dispositions dérogatoires dans quelques territoires qui permettent de réduire les allocations relatives aux enfants des prestations sociales. En outre, le Comité se dit préoccupé par les modifications apportées récemment au projet de loi C-43 qui autorisent les provinces à refuser les prestations sociales aux demandeurs réfugiés ou à d’autres personnes n’ayant pas le statut de résident permanent au Canada (art. 9).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les taux des prestations sociales soient augmentés dans toutes les provinces et portés à des niveaux qui permettent une existence décente aux bénéficiaires et à leur famille, établissant ainsi un filet de sécurité efficace en matière de revenus. L’État partie devrait également adopter des mécanismes de responsabilisation dans les transferts sociaux fédéraux, ce qui permettrait de contrôler la manière dont les fonds sont affectés aux prestations sociales. De surcroît, l’État partie est invité à faire en sorte que toutes les dispositions dérogatoires dans les exécutifs provinciaux soient abrogées, et que les amendements récemment apportés au projet de loi C-43 soient révisés, afin de garantir que les demandeurs réfugiés et les autres personnes n’ayant pas le statut de résident permanent au Canada aient accès aux services sociaux, et ce, sans discrimination.

Assurance-emploi

Le Comité est préoccupé par la baisse du nombre de chômeurs qui bénéficient de l’assurance-emploi et par le niveau insuffisant de ces prestations. En particulier, il note avec préoccupation les conditions strictes à remplir pour bénéficier de l’assurance-emploi et constate qu’il est fréquent que les travailleurs n’aient pas droit de bénéficier de telles prestations lorsque leur contrat de travail prend fin (art. 9).

Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir les seuils d ’ admissibilité à l ’ assurance-emploi et les prestations de cette assurance, afin que tous les travailleurs, y compris les travailleurs à temps partiel et les travailleurs étrangers temporaires, perçoivent des prestations d ’ assurance-emploi suffisantes, sans discrimination.

Violence à l’égard des femmes

Le Comité constate avec préoccupation que la violence à l’égard des femmes persiste dans l’État partie, qu’elle touche particulièrement les femmes et les filles autochtones et qu’elle est encore exacerbée par l’insécurité économique dans laquelle elles vivent. Il est également préoccupé par le fait que, dans certains cas, les refuges ne correspondant pas aux besoins des femmes et que, comme ils sont trop peu nombreux, certaines femmes sont incapables de payer leur logement et que l’aide sociale est insuffisante, les victimes de la violence ne parviennent pas à échapper aux situations de violence (art. 10 et 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie de lutter contre la violence à l ’ égard des femmes et des filles de manière globale. Il l ’ engage notamment à étudier le lien qui existe entre la pauvreté, l ’ origine ethnique et la vulnérabilité à la violence, et à prendre des mesures efficaces destinées à prévenir et à éliminer cette violence. Il lui recommande aussi d ’ intensifier l ’ action qu ’ il mène pour protéger les victimes de la violence, notamment en faisant en sorte que l es refuges adaptés aux besoins des victimes so ie nt disponibles et suffisamment nombre ux , et en prévoyant des solutions de logement à long terme ainsi que l ’ assistance sociale voulue.

Enfants en structures d’accueil

Le Comité est préoccupé par le fait que les enfants autochtones sont plus susceptibles d’être placés dans des institutions d’accueil, et constate que ce risque est renforcé par le caractère inadéquat du financement des services de protection de l’enfance prévu pour les peuples autochtones vivant dans les réserves. Le Comité note aussi avec inquiétude que les enfants afro-canadiens sont surreprésentés dans les institutions d’accueil (art. 10).

Le Co mité recommande à l’État partie  :

a) De revoir et d’augmenter le financement des services familiaux et des services de protection de l’enfance pour les peuples autochtones vivant dans les réserves, et de respecter pleinement la décision du Tribunal canadien des droits de l’homme (janvier 2016) concernant les services fournis aux enfants et aux familles des Premières Nations vivant dans les réserves ;

b) De mettre en œuvre les recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation (2015) en ce qui concerne les internats indiens ;

c) De prendre des mesures efficaces pour faire face aux causes fondamentales de la surreprésentation des enfants afro-canadiens dans les structures d’accueil.

Pauvreté

Compte tenu du niveau élevé de développement de l’État partie, le Comité est préoccupé par le nombre important de personnes vivant dans la pauvreté. Il note aussi avec inquiétude que les peuples autochtones, les personnes handicapées, les mères célibataires et les groupes minoritaires ont toujours des taux plus élevés de pauvreté, et s’inquiète de l’efficacité limitée des mesures prises pour remédier au problème (art. 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter plus efficacement contre la pauvreté et attacher une attention particulière aux groupes et aux individus plus vulnérables à la pauvreté. Il recommande à l ’ État partie, en collaboration avec les provinces, les territoires et les peuples autochtones, et en con certa tion avec les organisations de la société civile, de mettre en œuvre une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté fondée sur les droits de l ’ homme, comportant des objectifs et des échéances mesurables, ainsi que des mécanismes de suivi indépendants. Il lui recommande aussi de faire en sorte que les politiques de lutte contre la pauvreté mises en place dans les provinces et les territoires se fondent sur les droits de l ’ homme et correspondent à la s tratégie nationale.

Droit au logement

Le Comité trouve inquiétante la persistance de la crise du logement dans l’État partie. Il note avec une préoccupation particulière : 1) l’absence de stratégie nationale du logement ; 2) l’insuffisance du financement du logement ; 3) le subventionnement insuffisant du logement dans le cadre de la prestation d’assistance sociale ; 4) la pénurie de logements sociaux ; 5) l’augmentation du nombre d’expulsions dues aux impayés de loyer (art. 11).

Le Comité invite instamment l ’ État partie à mettre au point et à appliquer avec efficacité une stratégie nationale du logement fondée sur les droits de l ’ homme, et à veiller à ce que toutes les stratégies de logement provinciales et territoriales soient conformes à la stratégie mise en place au niveau national. À la lumière d e ses observations générales n o 4 (1991) sur le droit à un logement suffisant et n o 7 (1997) sur les expulsions forcées, le Com ité recommande à l’État partie :

a) D ’ accroître progressivement les ressources fédérales et provinciales allouées au logement, et de renforcer l ’ élément du logement dans les prestations d ’ assistance sociale afin qu ’ elles soient adaptées au coût de la vie ;

b) De prendre des mesures efficaces pour accroître considérablement le nombre de logements sociaux abordables disponibles ;

c) De réglementer les conditions de location pour que les locataires puissent exercer leur droit à un logement convenable à un prix abordable et ne soient pas vulnérables aux expulsions forcées et au sans-abrisme ;

d) De veiller à ce que sa législation sur les expulsions soit compatible avec les normes internationales, particulièrement en ce qui concerne l ’ obligation de faire en sorte que personne ne se retrouve sans logement ou victime d ’ autres violations des droits de l ’ homme dues aux expulsions, et que les victimes d ’ expulsions soient dûment indemnisées ou bénéficient d’une solution de relogement .

Sans-abrisme

Le Comité est préoccupé par le nombre croissant de sans-abri dans l’État partie, les lacunes de la prévention du sans-abrisme, l’insuffisance du nombre de refuges d’urgence adéquats et l’existence de lois d’interdiction de camper et autres textes érigeant en infraction le sans-abrisme dans certaines juridictions (art. 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’adopter une stratégie nationale sur le sans-abrisme afin d’examiner les causes de la hausse du sans-abrisme et de recueillir des données sur la portée de ce phénomène, ventilées par lieu géographique, appartenance ethnique, sexe et conditions sociales , et de lutter contre le sans-abrisme . Il lui recommande aussi de prendre des mesures efficaces pour garantir que l ’ ensemble du pays dispose de refuges d ’ urgence adéquats et d ’ abroger les réglementations provinciales qui pénalisent les sans-abri s lorsqu’ils trouvent les solutions nécessaires à leur survie et à leur bien-être .

Niveau de vie suffisant

Le Comité est préoccupé par le fait que les peuples autochtones, notamment les Inuits et les Premières Nations, font face à des conditions de logement médiocres, voire à la promiscuité, ce qui entraîne notamment des problèmes de santé pour les collectivités concernées. Le Comité note aussi avec inquiétude que les Premières Nations ont un accès restreint à l’eau potable et à l’assainissement, et qu’il n’y a pas de réglementation sur l’eau les concernant (art. 11).

Le Comité engage l ’ État partie à s ’ employer davantage à résoudre la crise du logement qui frappe les peuples autochtones, en concertation avec les gouvernements et organisations autochtones. Il l ’ invite aussi instamment à honorer son engagement s ’ agissant d ’ assurer l ’ accès à l ’ eau potable et à l ’ assainissement pour les Premières Nations, tout en garantissant leur participation active à la planification et à la gestion de l ’ eau. Ce faisant, l ’ État partie devrait avoir à l ’ esprit non seulement le droit économique des peuples autochtones à l ’ eau mais aussi la signification culturelle de l ’ eau pour les peuples autochtones.

Logement des personnes handicapées

Le Comité est préoccupé par le fait que les personnes présentant un handicap psychosocial et intellectuel continuent d’être placées en établissement à cause du manque de logements adéquats. Il note aussi avec inquiétude l’augmentation du taux d’incarcération de ces personnes et le recours excessif au régime cellulaire (art. 11 et 12).

Le Comité recommande l ’ intégration de la question du handicap dans tous les plans et politiques concernant le logement, à tous les niveaux. À cette fin, il recommande à l ’ État partie d ’ accroître le nombre de logements sociaux abordables financièrement pour les personnes présentant un handicap psychosocial et intellectuel, ainsi que les services de proximité. Il lui recommande aussi de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Droit à l’alimentation

Le Comité remercie la délégation pour les renseignements qu’elle lui a donnés sur la mise au point d’une politique alimentaire nationale. Néanmoins, il demeure préoccupé par les niveaux d’insécurité alimentaire dans l’État partie, par le fait qu’un nombre croissant de personnes dépendent des banques alimentaires, particulièrement dans le nord du pays, et par les lacunes du programme alimentaire Nutrition Nord Canada (art. 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures efficaces pour mettre en œuvre les recommandations formulées dans son rapport par le Rapporteur spécial sur le droit à l ’ a limentation à la suite de sa mission au Canada en 2012 (voir A/HRC/27/52/Add.2) . Il lui recommande de veiller à ce que sa politique alimentaire soit fondée sur les droits de l ’ homme et conçue en collaboration étroite avec les provinces, les territoires et les peuples autochtones, et en concertation avec les organisations de la société civile. Il lui recommande de veiller en particulier à mettre fin à l ’ insécurité alimentaire, notamment en ce qui concerne l ’ alimentation traditionnelle, dans le nord du pays , et de prendre des mesures efficaces pour protéger l’accès à l’alimentation traditionnelle . À cette fin, il l ’ engage à revoir le programme Nutrition Nord Canada en prêtant l ’ attention voulue aux dispositions nécessaires en matière de transparence et de responsabilité, et à étendre la couverture de ce programme pour que celui-ci touche les personnes les plus frappées par l ’ insécurité alimentaire.

Droit à la santé

Le Comité note avec préoccupation que les immigrés sans papiers se trouvant dans l’État partie n’ont pas accès aux soins de santé. Il note aussi avec inquiétude que les usagers de drogues se heurtent à des obstacles lorsqu’ils veulent faire appel aux services médicaux, à cause de la stigmatisation et de l’approche punitive de la Stratégie nationale antidrogue de 2007, ce qui a eu des conséquences négatives sur la santé des usagers de drogues et des effets discriminatoires sur les groupes et les individus défavorisés et marginalisés, tels que les Afro-Canadiens, les peuples autochtones et les femmes (art. 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir l’accès au Programme fédéral de santé intérimaire sans discrimination fondée sur le statut au regard de la législation sur l’immigration , conformément à la recommandation formulée par le Comité des droits de l ’ homme en 2015 (CCPR/C/CAN/CO/6, par.  12). Il lui recommande aussi de veiller à ce que la loi nationale relative à la lutte contre les drogues et la stratégie nationale antidrogue incorporent une approche de santé publique et s ’ appuient sur le principe de la réduction des risques, et de prendre des mesures efficaces pour faciliter l ’ accès, pour les usagers de drogues, à des soins médicaux appropriés, à des services d ’ appui psychologique et à des services de réadaptation.

Droits relatifs à la santé sexuelle et procréative

Le Comité salue l’information donnée par la délégation sur les mesures prises pour faciliter l’accès aux services légaux d’avortement. Néanmoins, il demeure préoccupé par les disparités d’accès à de tels services et à des moyens de contraception abordables (art. 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie de garantir l ’ accès à des services d ’ avortement légaux dans toutes les provinces et tous les territoires. Il lui recommande aussi de veiller à ce que l ’ objection de conscience invoquée par certains médecins n ’ empêche pas les femmes de recourir aux services légaux d ’ interruption de grossesse. Il lui recommande aussi de veiller à ce que d es moyens de contraception abordables soient accessibles à toutes, en particulier à celles qui vivent dans des régions éloignées et à celles qui souffrent de la pauvreté . Le Comité renvoi e à son observation générale n o 22 (2016) sur le droit à la santé sexuelle et procréative.

Changements climatiques et protection de l’environnement

Le Comité est préoccupé par le fait que les changements climatiques pèsent sur l’exercice, par les peuples autochtones, des droits consacrés par le Pacte. Il note aussi avec préoccupation que la portée des règlements qui régissent la protection de l’environnement a été affaiblie au cours des dernières années, notamment par l’adoption de la loi sur le budget C-38 (2012) et dans le contexte des activités extractives (art. 12).

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire face plus efficacement aux conséquences des changements climatiques sur les peuples autochtones et à faire pleinement participer ces peuples à la conception et à la mise en œuvre des politiques et programmes relatifs à ces changements. Il lui recommande aussi de veiller à ce que le recours à des sources d ’ énergie fossile non classiques soit précédé de consultations avec les populations concernées et de processus d’étude d’impact. Il lui recommande également de s ’ intéresser à la production d ’ énergies différentes et renouvelables. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer davantage sa législation et sa réglementation, conformément à ses obligations internationales dans le domaine des droits de l ’ homme, et de veiller à ce que des évaluations sur l ’ impact environnemental soient régulièrement réalisées dans le contexte des activités de l ’ industrie extractive.

Droit à l’éducation

Le Comité note avec préoccupation la baisse continue des résultats scolaires des enfants autochtones et Afro-Canadiens. Il est particulièrement préoccupé par le niveau élevé de l’abandon scolaire à tous les niveaux. Il note aussi avec inquiétude que, selon les informations dont il dispose, les enfants dont les parents n’ont pas de statut légal se heurtent à des obstacles s’agissant de la scolarité (art. 13).

Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer l ’ action qu ’ il mène pour faire face aux problèmes déjà anciens auxquels se heurtent les enfants autochtones ou Afro-Canadiens pour accéder à l ’ école primaire et secondaire et terminer ces cycles. Il lui recommande aussi, ce faisant, de mettre au point des interventions, en concertation avec les communautés concernées, pour lutter contre l ’ abandon scolaire, notamment en mettant fin aux mesures inutiles de renvoi et d ’ exclusion temporaire des élèves. Le Comité recommande aussi à l ’ État partie de garantir la scolarité gratuite obligatoire pour tous les enfants, sans discrimination.

Enseignement postsecondaire

Le Comité est préoccupé par l’augmentation des frais d’inscription dans l’enseignement postsecondaire, s’ajoutant à une réduction du financement public, et par l’effet disproportionné de cette situation sur les étudiants et les familles à faible revenu et sur les peuples autochtones (art. 13).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour accroître les budgets a lloués au système éducatif post secondaire subventionné, afin de faciliter l ’ accès de tous à l ’ enseignement supérieur, q uels que soient le milieu socio économique et l ’ origine ethnique.

Droits culturels

Le Comité est préoccupé par le fait que de nombreuses langues autochtones sont en danger, malgré certaines mesures qui ont été prises. Il trouve aussi inquiétant le caractère inadéquat du financement et de la promotion de l’art et de la culture africaine, qui s’ajoute à la discrimination structurelle à laquelle se heurte ce groupe s’agissant d’exercer ses droits économiques, sociaux et culturels dans l’État partie (art. 15).

Le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ employer davantage à promouvoir la préservation et l ’ utilisation des langues autochtones, notamment en garantissant que les provinces et territoires enseignent et utilisent les langues autochtones à l ’ école, lorsqu ’ il y a lieu. Il lui recommande de promouvoir et de mieux financer l ’ art et la culture des Afro-Canadiens et, à cette fin, de s ’ appuyer sur la Décennie internationale des personnes d ’ ascendance africaine, proclamée par l ’ Assemblée générale, en tant que vecteur de promotion et de protection des droits de l ’ homme de ce groupe.

D.Autres recommandations

Le Comité engage l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour mettre au point et appliquer progressivement les indicateurs voulus relatifs à la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels, et faciliter ainsi l ’ évaluation des progrès réalisés s ’ agissant du respect de ses obligations au titre du Pacte pour diverses catégories de la population. À cet égard, le Comité renvoie au cadre conceptuel et méthodologique concernant les indicateurs des droits de l ’ homme mis au point par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme ( voir HRI/MC/2008/3).

Le Comité prie l ’ État partie de diffuser les présentes observations finales à tous les niveaux de la société aux échelons national, provincial et territorial , en particulier parmi les parlementaires, les responsables publics et les autorités judiciaires, et de l ’ informer dans son prochain rapport périodique des mesures prises pour y donner suite. Il l ’ engage aussi à associer les organisations non gouvernementales et les autres membres de la société civile aux concertations nationales préalables à la soumission du prochain rapport périodique.

Le Comité prie l ’ État part ie de lui soumettre, pour le 31  mars 2021, son septième rapport périodique, qui sera établi conformément aux directives révisées concernant les rapports que le Comité a adoptées en 2008 (E/C.12/2008/2). Il l ’ invite également à mettre à jour, si besoin est, son document de base commun conformément aux directives harmonisées concernant l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme (HRI/GEN/2/Rev. 6, chap.  I).