Nations Unies

E/C.12/BFA/CO/1

Conseil économique et social

Distr. générale

12 juillet 2016

Original : français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le rapport initial du Burkina Faso *

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le rapport initial du Burkina Faso sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/BFA/1) à ses 28e à 30e séances (E/C.12/2016/SR.28-30), les 9 et 10 juin 2016, et a adopté, à sa 50e séance, le 24 juin 2016, les observations finales ci­après.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial du Burkina Faso, bien qu’il ait été soumis avec beaucoup de retard, ainsi que des réponses écrites de l’État partie (E/C.12/BFA/Q/1/Add.1) à la liste de points. Le Comité se félicite également du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation interministérielle de l’État partie.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme suivants :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, en 2009 ;

b)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2009 ;

c)La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, en 2003 ;

d)La Convention relative aux droits de l’enfant, en 1990, et ses Protocoles facultatifs concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2006 et 2007, respectivement ;

e)La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en 1987, et le Protocole facultatif s’y rapportant, en 2005 ;

f)La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 1999, et le Protocole facultatif s’y rapportant, en 2010 ;

g)Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Protocole facultatif s’y rapportant, en 1999 ;

h)La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, en 1974.

4.Le Comité note avec satisfaction la mise en place d’une commission des affaires générales, institutionnelles et des droits humains tant au sein de l’Assemblée nationale qu’au sein du Conseil national de la transition. Il note également la création d’un ministère en charge des droits humains et d’un comité interministériel des droits humains et du droit international humanitaire.

5.Le Comité note en outre avec satisfaction l’adoption de lois renforçant la protection et contribuant à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, notamment :

a)La loi no 103-2015/CNT du 22 décembre 2015, portant bail d’habitation privée au Burkina Faso ;

b)La loi no 60-2015/CNT du 5 septembre 2015, portant régime d’assurance maladie universelle au Burkina Faso ;

c)La loi no 34/2009/AN du 16 juin 2009 sur le foncier rural ;

d)La loi no 036-2015/CNT du 26 juin 2015, portant sur le Code minier du Burkina Faso.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Justiciabilité des droits consacrés par le Pacte

6.Le Comité constate avec préoccupation que l’absence de reconnaissance expresse dans la Constitution ou dans la législation nationale de plusieurs droits prévus dans le Pacte, notamment en matière de logement, d’alimentation et de promotion des langues nationales, en diminue la protection. Le Comité regrette le manque d’informations sur l’invocation du Pacte devant les tribunaux nationaux, bien que la Constitution reconnaisse la primauté des instruments internationaux ratifiés par le Burkina Faso sur les lois internes (art. 2, par. 1).

7. Le Comit é recommande à l’État partie d’incorporer l’ensemble des droits énoncés dans le Pacte dans sa Constitution et de prendre les mesures nécessaires pour donner effet au Pacte dans l’ordre juridique interne. Il encourage l’État partie à faire connaître le Pacte et sa justiciabilité auprès des juges, des avocats , des agents publics et des autres acteurs chargés de l’application des lois , ainsi qu’auprès de la population , et d’instaurer un recours judiciaire accessible et abordable. Il invite également l’État partie à informer les parlementaires de leur rôle dans la mise en œuvre du Pacte. Le Comité se réfère à cet égard à son observation générale n o 9 (1998) sur l’application du Pacte au niveau national.

Commission nationale indépendante des droits de l’homme

8. Le Comité accueil le avec satisfaction l’ adoption par l’ É tat partie de la loi portant création d’une commission nationale des droits humains en mars 2016 et recommande à l’État partie d’adopter les mesures requises pour permettre à la nouvelle Commission n ationale des d roits h umains de se conformer pleinement aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme ( Principes de Paris ) . Il demande à l’État partie de ve iller à ce que le mandat de cette commission intègre l’ensemble des droits économiques, sociaux et culturels et à ce que les ressources humaines et financières nécessaires à son bon fonctionnement lui soient allouées (art. 2, par. 1) .

Corruption

9.Le Comité est préoccupé par le fait que, malgré les efforts consentis par l’État partie dans ce domaine, la corruption et les flux financiers illicites font obstacle à la pleine jouissance des droits économiques, sociaux et culturels (art. 2, par. 1).

10. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts dans la lutte contre la corruption, les flux financiers illicites et l’impunité qui y est associée, et de garantir la transparence absolue dans la conduite des affaires publiques, en droit et dans la pratique. Le Comité recommande également à l’État partie de renforcer les mesures prises pour sensibiliser les responsables politiques, les parlementaires et les fonctionnaires nationaux et locaux aux coûts économique s et socia ux de la corruption, ainsi que les juges, les procureurs et les agents des forces de l’ordre à la stricte application de la législation.

Non-discrimination

11.Le Comité est préoccupé par l’absence d’une loi générale de lutte contre la discrimination s’étendant à l’ensemble des domaines couverts par le Pacte, et par l’absence de mesures efficaces, législatives ou autres visant à lutter contre la discrimination. Il note avec préoccupation les disparités qui existent entre les zones rurales et urbaines dans la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, affectant de manière plus significative les individus et les groupes les plus marginalisés et les plus vulnérables (art. 2, par. 2).

12. L e Comité recommande à l’État partie d ’adopter et de mettre en œuvre une loi générale et complète de lutte contre la discrimination qui intègre tous les motifs de discrimination prévus à l’article 2 du Pacte et interdi s e toute forme de discrimination, directe et indirecte . Ladite loi devrait également autorise r la mise en œuvre de mesures spéciales temporaires en faveur des groupes défavor isés ou marginalisés , y compris les groupes minoritaires tels que les Silanko, Mossé et Peul, les peuples autochtones tels que les T o uareg, Mbororo et Woodabe, les personnes atteintes d’albinisme et les personnes ayant un handicap . Il lui re com m ande d e prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier aux disparités régionales qui ne permettent pas à toute la population de jouir sur un pied d’égalité des droits éc onomiques, sociaux et culturels. À cet égard, le Comité invite l’État partie à se reporter à son observation générale n o 20 (2009) sur la non-discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

Ressources

13.Le Comité est alarmé par l’incidence préjudiciable sur les droits des communautés rurales, des petits exploitants agricoles et des agropasteurs, des activités d’entreprises qui exploitent les ressources naturelles de leurs territoires. Il est très préoccupé par les informations selon lesquelles ces activités ont un impact grave sur les droits humains de ces communautés, tels que les droits à la santé, à l’environnement, à l’éducation, au logement et à l’eau, notamment dans la communauté Essakane où la société minière concernée n’a pas entièrement respecté ses engagements pris à titre de compensation envers les populations déplacées, en l’occurrence la construction de l’école non achevée et l’approvisionnement en eau pour les cultures maraîchères.

14. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour renforcer la mise en œuvre du Plan de g estion e nvironnementale et s ociale afin d e veiller à ce qu’ aucun terrain ne soit cédé ni à des investisseurs, ni pour des projets de développement économique sans que l ’ on ait d’abord procédé à une évaluation complète d’impact sur les droits économiques, sociaux et culturels et sollicité le consentement libre, préalable et éclairé des populations qui dépendent de la terre pour leur subsistance. À cet égard, le Comité recommande à l’ É tat partie de veiller à l’application du Code minier et de l’environnement et d e faire en sorte que les utilisateurs des terres qui estiment que leurs droits ont été violés disposent de voies de recours, tel que prévu par l’article 30 de la Constitution .

Égalité des droits entre les hommes et les femmes

15.Le Comité regrette qu’en dépit des modifications apportées à la loi pour assurer l’égalité des sexes, dans la pratique, des inégalités perdurent entre hommes et femmes, notamment en raison de la persistance des stéréotypes sur le rôle des femmes et des hommes. Le Comité constate aussi avec inquiétude que les femmes vivant dans les zones rurales sont encore plus défavorisées (art. 3 et 7).

16. Le Comité recommande à l’État partie d e mener, en collaboration avec les organisations de la société civile et les médias, des campagnes de sensibilisation de l’opinion publique en vue d’éliminer les stéréotypes d e genre dans la famille et dans la société en général , dans l ’ intérêt des femmes comme des hommes . Il lui recommande d e renforcer l’application des mesures visant à combattre la discrimination à l’égard des femmes , et d ’adopter des mesures concrètes pour éliminer les inégalités persistantes entre les hommes et les femmes, en particulier les femmes en zone rurale, et de favoriser le ur plein accès à l’éducation, à la santé et à la terre. Le Comité se réfère à cet égard à son observation générale n o 16 (2005) sur le droit égal de l ’ homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels (art. 3) .

Inégalité en matière de succession et de régimes matrimoniaux

17.Le Comité note la déclaration par laquelle la délégation a indiqué que le Code des personnes et de la famille avait été révisé et serait présenté à l’Assemblée nationale à sa prochaine séance. Le Comité note également l’information fournie par la délégation, selon laquelle l’État partiea proposé de fixer l’âge légal du mariage à 18 ans pour les femmes et les hommes ainsi que d’adopter une définition élargie du mariage. Le Comité est néanmoins préoccupé par l’application du droit coutumier en matière de succession, de régimes matrimoniaux et de libéralités, renforçant l’inégalité de traitement entre les hommes et les femmes. Le Comité regrette que la polygamie soit toujours autorisée par le Code des personnes et de la famille et pratiquée, et que les mariages précoces et forcés soient nombreux dans l’État partie (art. 3).

18. Le Comité recommande à l’État partie d e veiller à ce que soient abrogées toutes l es dispositions discriminatoires du C ode des p ersonnes et de la f amille et celles du droit coutumi e r , notamment la polygamie . Il lui recommande également d e prendre d es mesures efficaces pour combattre les mariages précoces et forcés et de veiller à l’application des dispositions du Code pénal qui les criminalis e . Il lui recommande en outre de faire en sorte que soient enregistrés, sans frais, par l’État , tous les mariages autorisé s par le Code des p ersonnes et de la f amille , y compris les mariages organisés sous forme de cérémonies coutumières ou religieuses, afin de s’assurer que tou te s les personnes marié e s bénéficient de la protection prévue par la loi pour lutter contre les mariages précoces et forcés.

Droit au travail

19.Le Comité relève avec préoccupation qu’en dépit des efforts de l’État partie, le taux de chômage demeure élevé, particulièrement parmi les jeunes et les femmes, et de façon plus prononcée, de l’ordre de 30 %, chez les jeunes adultes vivant dans les centres urbains (art. 3 et 6).

20. L e Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour renforcer la mise en œuvre de sa politique nationale de l’emploi en y introduisant des objectifs précis, en ciblant ses efforts en particulier sur les jeunes et les femmes, et en renforçant la qualité de l’éducation et de la formation technique et professionnelle, qui doit être adapté e aux besoins du marché du travail. Le Comité se réfère à cet égard à son observation générale n o 18 (2005) sur le droit au travail.

Secteur informel et sécurité sociale

21.Le Comité exprime sa préoccupation quant au fait qu’un grand nombre de travailleurs (plus de 70 %) demeurent dans l’économie informelle et ne sont pas protégés par la législation du travail. Il en résulte qu’une grande partie de la population burkinabè ne bénéficie d’aucune protection sociale. Le Comité est aussi préoccupé par le manque de prestations d’assistance sociale non soumises à cotisation (art. 6, 7 et 9).

22. L e Comité recommande à l’État partie de s’assurer que sa politique nationale établit un système de sécurité sociale universelle qui, progressivement, garantisse les prestations suffisantes à tous les travailleurs et les prestations non soumises à cotisation à toute personne ou famille défavorisée , afin qu’elle p uiss e avoir un niveau de vie décent . En s’inspirant de la recommandation n o  204 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle ( 2015 ), le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour régulariser la situation des travailleurs de l’économie informelle et d’étendre de façon systématique les services de l’inspection du travail au secteur informel. Le Comité se réfère à cet égard à son observation générale n o 19 (2007) sur le droit à la sécurité sociale et à sa d éclaration sur les s ocles de p rotection s ociale (2015) .

Salaire minimum

23.Le Comité constate avec inquiétude que le salaire minimum reste bas et ne garantit pas un niveau de vie décent, et que le salaire minimum ne s’applique pas aux travailleurs de l’économie informelle (art. 7).

24. Le Comité recommande à l’État partie de prendre d es mesures administratives et législatives pour garantir qu e le salaire minimum soit régulièrement réexaminé et fixé à un montant suffisant qui permet te à tous les travailleurs et travailleuses et aux membres de leur famille s , y compris les travailleurs d e l’économie informelle, d’avoir des conditions de vie décent es . Le Comité se réfère à cet égard à son observation générale n o 23 (2016) sur l e droit à des condit ions de tra vail justes et favorables .

Droits syndicaux

25.Le Comité est préoccupé par le fait que l’exercice des droits syndicaux, notamment le droit de grève, fasse encore l’objet de restrictions excessives dans la pratique. Il s’inquiète des allégations selon lesquelles des dirigeants et adhérents syndicaux seraient victimes de discrimination et peuvent être licenciés en raison de leurs activités syndicales (art. 8).

26. Le Comité engage l’État partie à veiller à ce que son cadre législati f sur les droits syndicaux soit en conformité avec l’article 8 du Pacte, tout en prenant en compte l es Convention s de l ’ OIT n o 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical ( 1948 ) et n o 98 sur le droit d’organisation et de négociation collective ( 1949 ). Il engage également l’État partie à protéger les travailleurs syndiqués et leurs dirigeants contre les actes d’intimidation, notamment en veillant à ce que ce type d’agissement s fasse l’objet d’enquêtes et que les responsables soient systématiquement jugés et sanctionnés.

Violence envers les femmes

27.Le Comité est préoccupé par la prévalence et l’omniprésence de violences à l’égard des femmes, en particulier des cas de violence familiale et de violence sexuelle. Il s’inquiète des actes de violence contre les femmes âgées accusées de sorcellerie. Le Comité regrette les difficultés rencontrées par les femmes victimes de violence pour accéder à la justice et pour bénéficier du soutien nécessaire. Il note avec regret qu’en dépit des efforts fournis les mutilations génitales féminines persistent dans l’État partie, en particulier dans les régions rurales. Le Comité est également préoccupé par le fait que la loi no 061-2015/CNT portant prévention, répression et réparation des violences à l’égard des femmes et des filles et prise en charge des victimes ne pénalise pas l’acte du viol entre époux. À cet égard, il regrette que l’alinéa 2 de l’article 14 de cette loi impose une amende « lorsque le viol est commis de manière répétitive sur un partenaire intime avec qui l’auteur entretient des relations sexuelles stables et continues ou lorsque ladite partenaire est dans une incapacité physique quelconque d’accomplir une relation sexuelle » (art. 3 et 10).

28. Le Comité engage l’État partie :

a) À réviser sa loi portant prévention, répression et réparation des violences à l’égard des femmes et des filles et prise en charge des victimes , afin de pénaliser tout acte d e viol entre époux , sans condition ;

b) À garantir l’accès à la justice aux victimes de violence familiale , de violence sexuelle et de violence contre les femmes âgées accusées de sorcellerie, en encourageant le signalement des infractions et en veillant à ce que les auteurs soient poursuivis et condamnés  ;

c) À redoubler d’efforts dans sa lutte contre les mutilations génitales féminines, notamment en agissant sur la base d’études, corroborées par des données empiriques, sur les causes profondes de ces pratiques et en menant une campagne de sensibilisation continue contre ces pratiques  ;

d) À garantir l’accès des victimes à des services adéquats de rétablissement, de conseil et de réhabilitation, et à prendre des mesures pour sensibiliser les agents chargés de l’application des lois , ainsi que le public , à l’élimination de toute forme de violence à l’égard des femmes.

29. Le Comité se réfère à cet égard à son observation générale n o 22 (2016) sur l e droit à l a santé sexuelle et reproductive.

Exploitation économique des enfants

30.Le Comité est préoccupé par le nombre important d’enfants qui sont exploités à des fins économiques dans les secteurs de l’agriculture et du travail domestique, et en particulier dans des conditions dangereuses, notamment dans l’extraction minière artisanale. Il est également préoccupé par le fait que la pauvreté des familles dans les zones rurales et l’accès restreint à l’enseignement augmentent le risque d’exploitation économique des enfants (art. 10).

31. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour combattre l’exploitation économique des enfants et d’assurer l’ appli cation de manière effective d es disposition s du Code du t ravail interdi sant le s pires formes de travail des enfants, notamment en renforçant les inspections, en diligentant des enquêtes , en poursuivant et en sanctionnant les responsables, et en faisant bénéficier les victimes de mesures de réadaptation et d’assistance. Il recommande également à l’État partie d e mener des campagnes de sensibilisation sur sa législation contre le travail des enfants, en particulier dans les zones minières et les zones agricole s , ainsi que dans les villes où les enfants sont souvent employés à des fins domestiques. Il lui recommande de prendre d es mesures pour soutenir les familles pauvres afin de permettre à leurs enfants de jouir du droit à l’éducation.

Pauvreté

32.Le Comité est préoccupé de ce que, malgré la mise en œuvre des mesures pour combattre la pauvreté, une proportion importante de la population n’est pas en mesure de bénéficier d’un niveau de vie adéquat, et de ce que la pauvreté, dont l’extrême pauvreté (plus de 25 %), reste généralisée dans l’État partie. Le Comité note que les taux de pauvreté sont plus élevés chez les femmes et les habitants des zones rurales qui sont touchés de façon disproportionnée (art. 11).

33. L e Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour combattre la pauvreté, en particulier l’extrême pauvreté, en veillant à ce que la s tratégie de croissance accélérée et de développement durable so i t mis e en œuvre dans une perspective fondée sur les droits de l’homme et soit doté e des ressources nécessaires , et en accordant une attention prioritaire aux besoins des individus, des familles et des groupes sociaux les plus défavorisés et marginalisés. Le Comité rappelle sa d éclaration sur la pauvreté et le Pacte i nternational relatif aux d roits é conomiques, s ociaux et c ulturels (2001).

Insécurité alimentaire et malnutrition

34.Le Comité est préoccupé par le fait que, malgré la mise en œuvre, entre autres, du programme national de développement des services agricoles, l’insécurité alimentaire touche une grande partie de la population. En dépit des progrès réalisés dans la lutte contre la malnutrition, le Comité s’inquiète de la persistance alarmante de la malnutrition aiguë chez les moins de 5 ans et de la prévalence de la maladie du noma. Le Comité constate que la politique de promotion de l’agro-industrie dans l’État partie a un impact néfaste sur les exploitations familiales agricoles dans les zones fertiles du pays et peut faire obstacle à la réalisation du droit à l’alimentation des couches sociales les plus vulnérables, notamment en raison de l’accaparement de ressources qui peut en résulter. Il regrette les retards pris dans la mise en œuvre des programmes de délivrance des attestations de possession foncière prévue par la loi no 34-2009/AN portant régime foncier rural, ainsi que l’absence de décret d’application de l’article 74 de cette loi (art. 11).

35. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts afin de garantir le droit à une alimentation adéquate et de renforcer la lutte contre la faim et la malnutrition , en particulier pour les enfants de moins de 5 ans . Il relève l ’ intérêt que pourrait présenter à cet égard l ’ adoption d ’ une loi-cadre sur le droit à l ’ alimentation. Le Comité recommande également à l ’ É tat partie de mettre en place des mesures visant à favoriser l’utilisation rationnelle de la terre et à surmonter les pratiques discriminatoires existantes, surtout à l’égard des petits producteurs agricoles , et d ’ encadrer strictement les investissements agricoles afin de s ’ assurer qu ’ ils n ’ entravent pas l ’ accès aux ressources des communautés locales et que le respect des conditions imposées aux investisseurs fa it l ’ objet d ’ un suivi rigoureux. Il renvoie à cet égard aux Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, adoptées en 2012 par le Comité de la sécurité alimentaire mondiale . Le Comité recommande également à l’État partie d’adopter des mesures favorisant l’ accès des petits producteurs agricoles aux technologies appropriées et facilitant leur accès aux marchés locaux, afin d’améliorer les revenus en zone rurale , notamment en favorisant la diffusion des pratiques agroécologiques . Le Comité renvoie l’État partie à son observation générale n o 12 (1999) sur le droit à une nourriture suffisante et aux Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, adoptées par le Conseil de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.

Expulsions forcées

36.Le Comité est préoccupé par les expulsions forcées d’un grand nombre de familles en zone rurale, notamment à Kounkoufouanou et à Essakane, du fait de l’exploitation de mines d’or et de l’agro-industrie (art. 11).

37. Le Comité recommande à l’État partie d ’adopter des mesures efficaces contre les expulsions forcées, en conformité avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme, et de garantir aux victimes d’expulsions forcées un recours effectif permettant la restitution de leurs biens ou l’octroi d’une indemnisation adéquate. Le Comité renvoie l’État partie à son observation générale n o 7 (1997) sur le droit à un logement suffisant : expulsions forcées .

Droit à un logement adéquat et abordable

38.Le Comité note avec préoccupation qu’une proportion élevée de la population vit dans des logements précaires et dans des conditions peu adéquates. Le Comité craint que le nombre de logements construits et prévus par l’État partie ne soit pas à la mesure de la grave pénurie de logements actuelle, surtout dans la ville de Ougadougou, et qu’il n’existe aucune politique nationale sur le droit à un logement abordable. Il s’inquiète aussi de la hausse des prix du logement qui en résulte, en particulier dans les zones urbaines (art. 11).

39. L e Comité recommande à l’État partie d’adopter u ne stratégie nationale sur le logement fondée sur les droits de l’homme , qui indique les mesures à prendre et les ressources nécessaires pour remédier progressivement à la pénurie de logements. Le Comité invite également l’État partie à assurer l’application de la loi portant bail d’habitation privée pour protéger les locataires des loyers excessifs et des augmentations de loyer excessives . Il appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 4 (1991) sur le droit à un logement suffisant .

Droit à l’eau potable et à l’assainissement

40.Le Comité est préoccupé par le manque d’accès à l’eau potable, qui est aggravé dans les zones rurales, et les ruptures dans l’approvisionnement en eau potable par les services de l’Office national de l’eau et de l’assainissement. Il note l’absence de stratégie nationale pour le système d’assainissement, notamment le traitement et l’évacuation des déchets solides et des eaux usées.

41. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que chacun bénéficie de la fourniture sûre et accessible de services d’approvisionnement en eau et d’assainissement , en particulier ceux qui vivent en milieu rural . Il appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 15 ( 2002 ) sur le droit à l’eau, ainsi que sur sa Déclaration sur le droit à l’assainissement (2010).

Droit à la santé

42.Le Comité se félicite de l’adoption de la loi portant régime d’assurance maladie universelle dans l’État partie. Le Comité regrette cependant qu’en dépit des efforts déployés par l’État partie pour améliorer la qualité et la disponibilité des services de soins de santé, les personnes ou groupes défavorisés ou marginalisés, notamment les personnes vivant en zone rurale et les personnes handicapées, continuent d’éprouver des difficultés à accéder aux services de santé. Le Comité constate avec regret que le budget alloué à la santé est insuffisant pour couvrir toute la population. Le Comité s’inquiète du manque d’infrastructures sanitaires, d’équipement et de personnel médical, et de la disponibilité limitée des médicaments (art. 12).

43. Le Comité recommande à l’État partie d’ augmenter le budget allou é à la santé et de poursuivre ses efforts pour garantir l’accessibilité, la disponibilité et la qualité des services de santé, en particulier dans les zones rurales . Il lui recommande notamment d’améliorer l’infrastructure du système de soins de santé primaires et de veiller à ce que les hôpitaux disposent du personnel médical, des fournitures et des médicaments d’urgence nécessaires. Le Comité rappelle son o bservation générale n o 14 (2000) sur le droit a u meilleur état de santé susceptible d ’ être atteint (art. 12).

Mortalité infantile et maternelle

44.Le Comité relève avec préoccupation que, en dépit des progrès réalisés dans la réduction des taux de mortalité infantile et maternelle, ces taux demeurent très élevés. Le Comité regrette que la plupart des décès d’enfants de moins de 5 ans soient dus à des maladies facilement évitables ou guérissables (art. 12).

45. Le Comité recommande à l’État partie d e redoubler d’efforts pour réduire le taux élevé de mortalité infantile , notamment des enfants de moins de 5 ans , et faire en sorte que les naissances se déroulent avec l’assistance de professionne ls de la santé dûment qualifiés et que le suivi mé dical soit assuré sur une base régulière pour les enfants de moins de 5 ans . Il lui recommande également d e renforcer les mesures visant à prévenir la mortalité et la morbidité maternelles, notamment en améliorant l’accès des femmes aux soins obstétricaux et néonatals de base . À ce sujet, le Comité invite l’État partie à tenir compte du guide technique du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme concernant l’application d’une approche fondée sur les droits de l ’ homme à la mise en œuvre des politiques et des programmes visant à réduire la mortalité et la morbidité mate rnelles évitables (A/HRC/21/22).

Santé sexuelle et reproductive

46.Le Comité est préoccupé par la criminalisation de l’avortement en toutes circonstances, sans aucune exception, ce qui pousse les femmes à recourir à des avortements à risque susceptibles de mettre sérieusement en danger leur vie et leur santé. Le Comité est aussi préoccupé par les taux élevés de grossesse, y compris chez les adolescentes, dus en partie à l’inaccessibilité et à l’indisponibilité de services appropriés de santé sexuelle et reproductive et aux difficultés rencontrées par les femmes pour accéder aux moyens de contraception. Il regrette que, dans la pratique, les victimes de viol n’aient pas accès aux contraceptifs d’urgence et qu’elles soient obligées de payer pour leurs propres soins médicaux (art. 12).

47. L e Comité recommande à l’État partie  :

a) D’abroger sa législation concernant la pénalisation de l’avortement afin d’adopter une législation compatible avec les droits de la femme à la vie, à la santé et à la dignité et de prendre des mesures pour prévenir les avortements à risque ;

b) De redoubler d’efforts pour assurer la disponibilité et l’accessibilité des services de santé sexuelle et procréative, notamment la délivrance de contraceptifs d’urgence et le suivi médical sans frais, y compris pour les victimes de viol  ;

c) De développer et de renforcer l’éducation à la santé sexuelle et procréative dans les programmes des établissements d’enseignement primaire et secondaire pour filles et garçons, de façon à ce qu’elle soit complète et adaptée à chaque tranche d’âge.

48. Le Comité se réfère à cet égard à son observation générale n o 22.

Accès à l’éducation

49.Le Comité note avec satisfaction l’augmentation des taux de scolarisation primaire dans l’État partie, particulièrement due à l’introduction de la mesure de gratuité des frais de scolarité. Toutefois, le Comité est préoccupé par :

a)Les informations selon lesquelles il existe encore des coûts indirects de scolarité, sous la forme de contributions financières demandées aux parents, qui limiteraient l’accès à l’éducation primaire ;

b)La persistance d’inégalités dans l’accès à l’éducation touchant particulièrement les enfants ayant un handicap et des enfants vivant en zone rurale ;

c)Le taux élevé d’abandon scolaire dans le primaire et le secondaire, en particulier des filles ;

d)La faible qualité de l’enseignement en raison du nombre insuffisant d’enseignants qualifiés et du manque d’infrastructures et de matériel pédagogique ;

e)Le taux élevé d’analphabétisme, principalement dans les zones rurales et en particulier chez les femmes (art. 13).

50. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer l es mesures tendant à garantir l’application effective de la gratuité des frais de scolarité au niveau de l’enseignement primaire et , progressivement , de l ’ enseignement secondaire ; d’assurer l a mis e en œuvre du Plan de développement stratégique de l’éducation de base pour garantir l’accès de tous les enfants au système éducatif, en mett a nt l ’ accent sur l’enseignement préscolaire et en encourage ant l’éducation inclusive pour les enfants ayant un handicap ; et de remédier d’urgence au taux élevé d’abandon scolaire dans le primaire et le secondaire, particulièrement pour les filles , par la mise en œuvre de la s tratégie nationale d’accélération de l’éducation des filles . Il lui recommande aussi d’améliorer la qualité et l’infrastructure des écoles, en particulier dans les zones rurales , et de poursuivre ses efforts dans le cadre du P lan d’alphabétisation.

Accès à Internet

Le Comité note avec inquiétude que la population résidant dans l’État partie n’a qu’un accès limité à Internet (art. 15).51.

Le Comité recommande à l’État partie d’ accroître l’accès à Internet et de redoubler d’efforts dans la mise en place de centres d’information et d’éducation sur l’utilisation des nouvelles technologies et d ’Internet. Le Comité recommande aussi à l’État p artie de poursuivre ses efforts dans le cadre d e l ’amélioration de la couverture du réseau électri que dans tout le pays .52.

D.Autres recommandations

53. Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

54. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour progressivement élaborer et appliquer des indicateurs appropriés sur la mise en œuvre d es droits économiques, sociaux et culturels, afin de faciliter l ’ évaluation des progrès accomplis par l ’ État partie dans le respect de ses obligations en vertu du Pacte pour les différents segments de la population. À cet égard, le Comité renvoie l’État partie au cadre conceptuel et méthodologique concernant les indicateurs des droits de l’homme élaboré par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ( voir HRI/MC/2008/3 , chap. I ).

55. Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales dans tous les secteurs de la société, en particulier auprès des agents de l’État, des autorités judiciaires, des parlementaires, des avocats et des organisations de la société civile, et de l’informer, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu’il aura prises pour les mettre en œuvre. Il encourage aussi l’État partie à associer les organisations de la société civile aux discussions menées au niveau national avant la présentation de son prochain rapport périodique.

56. Le Comité prie l’État partie de soumettre son deuxième rapport périodique d’ici au 30 juin 2021 et l’invite à présenter un e version actualisée de son document de base commun conformément aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme , englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument (HRI/ MC/2006/3 ) .