Nations Unies

E/C.12/BOL/CO/3

Conseil économique et social

Distr. générale

5 novembre 2021

Français

Original : espagnol

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le troisième rapport périodique de l’État plurinational de Bolivie *

1.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de l’État plurinational de Bolivie à ses 41e et 43e séances, les 5 et 6 octobre 2021, et a adopté les présentes observations finales à sa 54e séance, le 15 octobre 2021.

A.Introduction

2.Tout en regrettant qu’il ait été soumis tardivement, le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de l’État partie, ainsi que les renseignements complémentaires fournis dans les réponses à la liste des points à traiter. Il se félicite du dialogue constructif et sincère qu’il a eu avec la délégation interministérielle de l’État partie.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite des mesures législatives, institutionnelles et stratégiques, mentionnées dans les présentes observations finales, que l’État partie a prises pour améliorer la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels sur son territoire. Il salue la création du Système plurinational de suivi, de contrôle et de statistique relatif aux recommandations sur les droits humains en Bolivie, l’adoption de la Constitution politique de l’État en 2009, qui intègre explicitement les droits reconnus dans le Pacte, et, enfin, la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Application du Pacte au niveau national

4.Le Comité accueille avec satisfaction les dispositions de la Constitution qui consacrent l’opposabilité des droits reconnus dans le Pacte et le principe pro persona, et prend note de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle plurinationale, qui invoque certains de ces droits (arrêts constitutionnels plurinationaux nos 0335/2013, 0729/2019-S4, 1014/2019‑S4 et 0525/2019-S4). Il regrette toutefois de ne pas avoir reçu suffisamment de renseignements sur l’applicabilité des droits consacrés par le Pacte dans les quatre autonomies de l’État partie. Le Comité est aussi préoccupé par le manque d’efficacité du système d’indicateurs des droits de l’homme et du Système plurinational de suivi, de contrôle et de statistique sur les recommandations relatives aux droits de l’homme (art. 2, par. 1).

5. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre les mesures voulues pour promouvoir l’applicabilité de tous les droits consacrés par le Pacte dans ses quatre autonomies, en dispensant des formations sur le Pacte, à l’intention notamment des juges, des avocats, des membres des forces de l’ordre, des membres de l’Assemblée législative plurinationale et d’autres acteurs chargés d’appliquer cet instrument, et en menant des campagnes de sensibilisation auprès des titulaires de droits. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o  9 (1998) sur l’application du Pacte au niveau national  ;

b) De renforcer le système d’indicateurs des droits de l’homme et le système plurinational de suivi, de contrôle et de statistiques sur les recommandations relatives aux droits de l’homme, afin d’assurer un suivi efficace des recommandations des mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme, notamment en ce qui concerne les droits consacrés par le Pacte.

Indépendance du pouvoir judiciaire

6.Le Comité note avec satisfaction que la délégation de l’État partie a fait savoir que celui-ci donnerait suite aux recommandations du Groupe interdisciplinaire d’experts indépendants, créé dans le cadre d’un accord conclu avec la Commission interaméricaine des droits de l’homme pour participer aux enquêtes menées sur les faits de violence et les violations des droits de l’homme commis entre septembre et décembre 2019, en particulier sur les violations touchant l’indépendance du pouvoir judiciaire. Cependant, le Comité prend note avec préoccupation des éléments démontrant le manque d’indépendance et d’autonomie du pouvoir judiciaire et du ministère public (art. 2, par. 1).

7. Il recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour garantir l’indépendance du système judiciaire et la stabilité professionnelle des juges et des procureurs, et d’allouer des ressources budgétaires suffisantes pour assurer le bon fonctionnement de la justice.

Défenseurs des droits de l’homme

8.Le Comité est préoccupé par les conditions de sécurité dans lesquelles les défenseurs des droits de l’homme exercent leurs activités, en particulier dans le domaine de la défense des droits économiques, sociaux et culturels, de l’environnement et du droit à la terre et aux ressources naturelles. Il est également préoccupé par les obstacles auxquels se heurte le Bureau du Défenseur du peuple dans l’exercice de ses fonctions (art. 2, par. 1).

9. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter une politique globale de protection des défenseurs des droits économiques, sociaux et culturels qui prévoie des mesures ayant pour but de prévenir les attaques, visant, en particulier, les peuples autochtones. Il l’engage en outre à lutter contre l’impunité dont jouissent les auteurs de ces faits, en enquêtant sur les menaces, les actes de harcèlement et les faits de violence, et en veillant à ce que les auteurs de tels actes soient sanctionnés. Le Comité rappelle à l’État partie sa déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme et les droits économiques, sociaux et culturels  ;

b) De renforcer les capacités du Bureau du Défenseur du peuple, compte tenu du rôle primordial que joue cet organe pour ce qui est d’assurer le respect des droits consacrés par le Pacte.

Changements climatiques

10.Le Comité accueille avec satisfaction le cadre juridique établi par la loi no 071 sur les droits de la Terre mère (2010) et les mesures d’atténuation des changements climatiques et d’adaptation à ces changements dans les secteurs de l’eau et de l’énergie, comme la Stratégie nationale de gestion des risques agricoles et d’adaptation aux changements climatiques pour une agriculture résiliente (période 2017-2020). Il note toutefois avec préoccupation que l’État partie n’est pas en passe de réaliser la contribution déterminée au niveau national dans les secteurs des forêts et de la production agricole. Le Comité est inquiet, face à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et note avec préoccupation que l’État partie ne dispose pas des moyens nécessaires pour établir des inventaires nationaux de ces gaz. Il prend note, en outre, du manque de coordination des différents secteurs qui interviennent dans l’actualisation, la réalisation et le suivi des contributions déterminées au niveau national (art. 1er, par. 1, et art. 2, par. 1).

11. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De continuer de promouvoir des énergies de substitution qui soient renouvelables et de redoubler d’efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ;

b) D’adopter un plan national d’adaptation aux changements climatiques pour réduire les effets néfastes qu’ont les changements climatiques sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels ;

c) De renforcer les capacités des institutions nationales de sorte qu’elles soient en mesure d’établir des inventaires nationaux des gaz à effet de serre, de réviser ses contributions déterminées au niveau national, à la lumière de l’Accord de Paris, d’améliorer la coordination des secteurs concernés par la mise à jour et le suivi des contributions déterminées au niveau national et, enfin, de prendre les mesures voulues pour réaliser la contribution déterminée au niveau national dans les secteurs des forêts et de la production agricole.

d) D’utiliser comme référence sa déclaration sur les changements climatiques et le Pacte .

Peuples autochtones et questions territoriales

12.Le Comité salue les progrès accomplis par l’État dans la reconnaissance des droits des peuples autochtones, ainsi que les efforts faits aux fins de la constitutionnalisation de quatre formes d’autonomie (départementale, municipale, régionale et autochtone originaire paysanne), en application de la loi no 031 (2010). Il a néanmoins appris avec préoccupation que l’obtention du statut d’autonomie autochtone originaire paysanne serait rendue difficile par différents facteurs, notamment par le fait qu’il faut fournir un certificat de viabilité administrative et par la lenteur des procédures engagées dans ce domaine. Le Comité relève également avec préoccupation que la loi no 450 relative à la protection des nations et des peuples autochtones originaires en situation d’extrême vulnérabilité (2013) ne s’accompagne pas d’un texte d’application et que la loi no 073 relative à la délimitation juridictionnelle (2010) ne garantit pas pleinement la protection de la juridiction autochtone originaire paysanne (art. 1er, par. 2).

13. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’assurer la sécurité juridique aux peuples autochtones en ce qui concerne les terres et territoires qu’ils occupent et les ressources naturelles qu’ils utilisent traditionnellement, et de prendre les mesures nécessaires pour faciliter l’accès au statut d’autonomie autochtone originaire paysanne ;

b) D’adopter le texte d’application de la loi n o 450 relative à la protection des peuples autochtones originaires en situation d’extrême vulnérabilité et de réviser la loi n o 073 relative à la délimitation juridictionnelle ;

c) D’accélérer la formation des autorités publiques et des fonctionnaires, en particulier des professionnels de la justice, dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels des peuples autochtones.

Droit à la consultation et au consentement préalable, libre et éclairé

14.Le Comité regrette que l’adoption de la loi-cadre relative à la consultation préalable, libre et éclairée ait pris du retard et que la législation régissant les activités extractives et l’exploitation des hydrocarbures ne garantisse pas le respect des normes internationales relatives à la consultation. Il note avec préoccupation qu’il n’est pas systématiquement donné effet au droit des peuples autochtones à la consultation préalable au sujet des décisions susceptibles de les concerner, notamment des projets d’extraction minière, d’exploitation d’hydrocarbures et d’infrastructures. Le Comité regrette en particulier les manquements signalés au sujet du projet de construction routière concernant le Territoire autochtone et Parc national Isiboro-Sécure (art. 1er, par. 2).

15. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer sa législation en consultant les peuples autochtones au sujet de l’élaboration d’un cadre juridique et administratif et de politiques publiques relatifs à l’exercice du droit à la consultation et au consentement préalable, libre et éclairé, et d’adapter la législation en vigueur, essentiellement celle régissant les activités extractives et l’exploitation des hydrocarbures ;

b) De garantir la tenue de consultations utiles avec les peuples autochtones et le consentement préalable, libre et éclairé de ceux-ci au sujet de toute mesure législative ou administrative susceptible de les concerner directement ;

c) De prendre des mesures pour garantir l’intégrité du Territoire autochtone et Parc national Isiboro-Sécure .

Politique fiscale et inégalités

16.Le Comité prend note de l’augmentation des recettes publiques et de la croissance économique importante observée pendant la période considérée, ainsi que de l’augmentation des dépenses sociales et de la réduction notable des inégalités constatée depuis la soumission du dernier rapport. Néanmoins, il note avec préoccupation que les inégalités restent criantes et s’inquiète du manque de progressivité du régime fiscal, les impôts indirects représentant une part excessive des recettes publiques ; il relève que ce manque de progressivité de l’impôt empêche l’État de profiter de la possibilité qui pourrait lui être donnée de réduire d’autant plus les inégalités et de dégager davantage de ressources pour pouvoir donner effet aux droits économiques, sociaux et culturels (art. 2, par. 1 et 2).

17. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer les impôts directs pour se doter d’un système fiscal progressif, afin de réduire les inégalités et de dégager davantage de ressources pour mieux garantir l’exercice des droits consacrés par le Pacte, en agissant au maximum des ressources dont il dispose. Il l’invite à prendre en considération les recommandations que l’Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, a formulées dans le rapport qu’il a établi à l’issue de sa mission dans le pays .

Non-discrimination

18.Le Comité salue les progrès accomplis par l’État partie dans le domaine de la lutte contre la discrimination, notamment l’adoption de la loi no 045 contre le racisme et toutes les formes de discrimination (2010) et la mise en œuvre du Plan de lutte contre le racisme et toutes les formes de discrimination pour la période 2016-2020. Il observe toutefois que le Comité national de lutte contre le racisme et toutes les formes de discrimination ne dispose pas de ressources humaines et budgétaires suffisantes, ce qui le limite dans l’accomplissement de son mandat (art. 2, par. 2).

19. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer les capacités du Comité national de lutte contre le racisme et toutes les formes de discrimination et de veiller à la création d’un registre dans lequel seraient consignés les faits signalés et les faits ayant donné lieu à des procédures et à des sanctions, en application de la loi n o 045, en faisant en sorte que les renseignements consignés dans ce registre soient ventilés pour permettre de repérer les groupes de population les plus défavorisés ;

b) De mettre en œuvre une politique globale de lutte contre le racisme, d’évaluer la mise en œuvre de cette politique, d’en assurer le suivi et d’y consacrer des ressources suffisantes.

Les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes

20.Le Comité salue l’adoption de la loi no 807 sur l’identité de genre (2016), mais regrette que l’Arrêt constitutionnel plurinational 0076/2017 restreigne les droits fondamentaux des transgenres et des transsexes. Il prend note, en outre, de la résolution constitutionnelle no 127/2020 du Tribunal départemental de justice de La Paz, portant autorisation de l’enregistrement de la première union libre entre deux personnes de même sexe, mais il note avec préoccupation que d’autres couples homosexuels ont vu leurs demandes rejetées. Il trouve inquiétants les actes de violence et la discrimination dont sont victimes les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre, ainsi que l’impunité dont jouissent les auteurs de ces actes (art. 2, par. 2).

21. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter une loi sur les crimes de haine visant les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes, de protéger ceux-ci contre la violence et la discrimination, et de lutter contre l’impunité, notamment en menant des campagnes de sensibilisation à l’intention des organes judiciaires et législatifs et du grand public ;

b) De garantir l’application effective de la loi n o 807, et de veiller à ce que les règlements et procédures internes des institutions soient pleinement conformes à cette loi ;

c) D’adapter sa législation de façon à garantir aux couples homosexuels les mêmes droits qu’aux couples hétérosexuels et, en particulier, à leur assurer l’accès aux prestations sociales, notamment aux prestations de santé, à la sécurité sociale et aux pensions.

Demandeurs d’asile, réfugiés et migrants

22.Le Comité constate à regret que, faute des documents nécessaires, bon nombre de réfugiés et de migrants ont des difficultés à régulariser leur situation et à avoir accès à l’éducation et aux services de santé (art. 2, par. 2).

23. Le Comité recommande à l’État partie d’assurer l’intégration des demandeurs d’asile, des migrants et des réfugiés, et notamment de les faire bénéficier d’une aide humanitaire et de lever les obstacles qui les empêchent de bénéficier des politiques sociales, quel que soit leur statut migratoire, conformément à la Déclaration du Comité sur les devoirs des États envers les réfugiés et les migrants au titre du Pacte .

Égalité entre hommes et femmes

24.Concernant le Plan multisectoriel visant à abolir le système patriarcal et à faire avancer le droit des femmes de « vivre bien » (2016-2020), le Comité note avec préoccupation que l’État n’a pas rendu compte comme il se devait des résultats obtenus par la mise en œuvre de ce plan, et que les stéréotypes sur le rôle des femmes et des hommes dans la famille et la société perdurent et perpétuent la discrimination dont les femmes sont victimes dans des domaines comme l’éducation, la santé, l’emploi, la participation à la vie politique, la violence fondée sur le genre et l’emploi du temps à des travaux non rémunérés (tâches domestiques et soins à la famille) (art. 3).

25. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De dresser le bilan des effets qu’a eus le Plan multisectoriel visant à abolir le système patriarcal et à faire avancer le droit des femmes de « vivre bien », en particulier pour les femmes appartenant aux groupes de population en situation de vulnérabilité ; de prendre les mesures, y compris les mesures temporaires spéciales, s’avérant nécessaires pour réaliser le droit égal des femmes au plein exercice de tous les droits économiques, sociaux et culturels ;

b) De recueillir des données factuelles sur l’utilisation du temps afin de concevoir un système de soins complet qui permette de concilier vie professionnelle et vie familiale, et de mener, en parallèle, des campagnes visant à venir à bout des comportements patriarcaux et des stéréotypes sexistes ;

c) De reconnaître la valeur des travaux domestiques et des soins à la famille qui ne sont pas rémunérés, compte tenu de leur contribution à l’économie, et d’en tenir compte dans la comptabilité nationale.

d) Voir l’observation générale n o 16 (2005) du Comité des droits économiques, sociaux et culturels sur le droit égal de l’homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels.

Chômage

26.Le Comité note avec satisfaction que le plan de création d’emplois 2017-2022 a permis de réduire le taux de chômage, mais il regrette que peu de mesures aient été prises pour remédier à la perte d’emplois causée par la crise provoquée par la pandémie de COVID‑19, en particulier dans les groupes de population traditionnellement touchés par le chômage, comme les jeunes, les peuples autochtones, les personnes handicapées, les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes, les demandeurs d’asile, les réfugiés et les migrants (art. 6).

27. Le Comité recommande qu’à l’heure où les offres d’emploi se font plus rares en raison de la crise provoquée par la pandémie de COVID-19, l’État partie prenne d’urgence des mesures pour relancer l’économie et redouble d’efforts pour soutenir les demandeurs d’emploi, en particulier s’ils sont membres de groupes en situation de vulnérabilité. Il lui recommande aussi de contrôler l’introduction, dans la législation du travail, de modifications temporaires permettant de faire face à la pandémie de COVID-19, de façon à éviter les abus. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 18 (2005) sur le droit au travail.

Secteur informel de l’économie

28.Le Comité prend note avec préoccupation du taux élevé d’emploi informel, situation que la pandémie de COVID-19 n’a fait qu’aggraver. Il s’inquiète, en particulier, du nombre excessivement élevé de femmes dans le secteur informel, notant que les femmes sont plus susceptibles d’avoir un emploi précaire, notamment de travailler comme employées de maison. Le Comité regrette également que les femmes et d’autres groupes vulnérables de personnes qui travaillent toute leur vie dans le secteur informel aient peu accès aux pensions. D’autre part, le Comité est préoccupé par les taux de chômage élevés et les obstacles que rencontrent les personnes handicapées pour accéder à un travail décent (art. 3, 6 et 7).

29. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre les mesures nécessaires pour diminuer progressivement le nombre de travailleurs, en particulier de travailleuses, du secteur informel de l’économie, et les intégrer au secteur formel ;

b) De prendre des mesures concrètes pour combler l’écart qui existe dans l’accès à la pension, écart qui touche particulièrement les personnes qui travaillent dans le secteur informel ;

c) De contrôler la mise en œuvre effective de l’action positive en faveur des personnes handicapées dans les secteurs public et privé.

Conditions de travail

30.Le Comité est préoccupé par la situation de différents groupes du secteur informel, qui travaillent dans des conditions difficiles et sont exposés à la violence et à aux mauvais traitements, en particulier la population autochtone, les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes, ainsi que les demandeurs d’asile, les réfugiés et les migrants. Il s’inquiète aussi de l’exploitation des femmes et des filles dans le travail domestique, ainsi que de l’exploitation des travailleurs autochtones sur le marché informel dans les secteurs de l’élevage et de l’agriculture, et dans les entreprises d’exploitation forestière. D’autre part, le Comité regrette l’absence de mesures efficaces pour protéger les femmes contre le harcèlement et la discrimination sur le lieu de travail, ainsi que la persistance de l’écart de salaire pour le même type de travail entre les hommes et les femmes dans le secteur privé (art. 2, 6 et 7).

31. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De développer des actions visant à promouvoir la stabilité de l’emploi pour les femmes, à réduire l’écart de rémunération, à prévenir et à sanctionner le harcèlement et la discrimination au travail, et à promouvoir l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. En outre, le Comité demande instamment à l’État partie de contrôler les conditions de travail des employées de maison et d’assurer à celles-ci des recours utiles en cas de maltraitance ou d’exploitation ;

b) De redoubler d’efforts pour mettre fin à tous les cas d’exploitation par le travail qui touchent la population autochtone, et aux pires formes de travail des enfants, en recueillant des données ventilées et en effectuant davantage d’inspections pour détecter ces cas dans des lieux difficiles d’accès ;

c) D’appliquer une politique permettant de favoriser l’accès des personnes handicapées à un travail décent sur un marché du travail ouvert à tous, et de contrôler la fourniture d’aménagements raisonnables sur le lieu de travail ;

d) De se référer à son observation générale n o 23 (2016) sur le droit à des conditions de travail justes et favorables.

Travail des enfants

32.Le Comité salue le fait que, dans son arrêt no 0025/2017, la Cour constitutionnelle plurinationale a considéré que les mineurs ne devaient en aucun cas être autorisés à travailler à partir de l’âge de 10 ans, et note avec satisfaction que la loi no 1139 (2018) fixe à 14 ans l’âge à partir duquel un enfant peut travailler. Le Comité regrette toutefois que l’État partie n’ait pas pris suffisamment de mesures pour prévenir le travail des mineurs âgés de moins de 14 ans et venir en aide à ceux d’entre eux qui travaillent (art. 6).

33. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour prévenir le travail des mineurs de moins de 14 ans et venir en aide à ceux d’entre eux qui travaillent, et notamment de veiller à ce que les familles en situation d’extrême pauvreté reçoivent l’aide des services sociaux, de faire en sorte que les enfants aient accès à l’éducation et poursuivent leur scolarité, de mener des activités de sensibilisation et d’effectuer des inspections sur les lieux de travail.

Liberté syndicale et droit de grève

34.Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption de la loi no 316 (2012), qui a dépénalisé le droit de grève et protège les droits syndicaux. Il s’inquiète toutefois des difficultés liées à l’enregistrement des syndicats et des allégations concernant les restrictions excessives auxquelles serait soumis le droit de grève dans le secteur public, notamment le droit de grève des prestataires de santé (art. 8).

35. Le Comité recommande à l’État partie : de garantir le droit de créer et de faire enregistrer un syndicat et le droit des syndicats de ne pas faire l’objet d’ingérences dans leurs procédures internes, de protéger les personnes qui participent à des activités syndicales, de prévenir et réprimer toute forme de représailles et, enfin, d’établir un cadre juridique qui régisse le droit de grève pour les services essentiels et reconnaisse ce droit aux salariés du secteur public.

Sécurité sociale

36.Le Comité salue la mise en place du système unique de santé pour les populations en situation de vulnérabilité, l’octroi de l’allocation universelle et de l’allocation familiale pour atténuer les répercussions de la pandémie de COVID-19, et l’accès d’un plus grand nombre de personnes à la pension. Il s’inquiète toutefois du fait que les groupes défavorisés et marginalisés, notamment les femmes, les demandeurs d’asile, les réfugiés et les migrants ayant un emploi précaire dans le secteur informel, accèdent difficilement aux prestations de la sécurité sociale (art. 9).

37. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer les mesures prises pour garantir l’accès aux prestations sociales, sans discrimination, en particulier aux populations vulnérables ;

b) D’améliorer la couverture sociale et les services assurés aux personnes exerçant exclusivement des tâches domestiques non rémunérées et de favoriser une perception positive de la contribution des travailleurs migrants au système de sécurité sociale ;

c) De veiller à ce que le montant de la pension soit suffisant pour permettre d’assurer un niveau de vie convenable aux personnes qui en bénéficient, compte tenu des effets de la pandémie de COVID-19 ;

d) De se référer à son observation générale n o 23 (2016) sur le droit à la sécurité sociale.

Protection de la famille et des enfants et adolescents

38.Le Comité note avec préoccupation la persistance de taux élevés de violence sexuelle à l’encontre des enfants et des adolescents, de mariages et d’unions précoces, ainsi que la pratique bien ancrée des châtiments corporels. Il regrette aussi que le Système plurinational de protection globale des enfants et des adolescents ne soit pas suffisamment doté en ressources (art. 10).

39. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De garantir que les cas de violence sexuelle à l’encontre des enfants et des adolescents fassent l’objet d’enquêtes et de sanctions en bonne et due forme ;

b) De développer des actions, notamment des campagnes de sensibilisation, visant à prévenir et à éradiquer les mariages et unions précoces, ainsi que les châtiments corporels et psychologiques infligés aux enfants et aux adolescents ;

c) De renforcer le Système plurinational de protection globale des enfants et des adolescents, ainsi que le travail mené conjointement avec les Bureaux du Défenseur des enfants et des adolescents, en le dotant de ressources suffisantes.

Violence fondée sur le genre

40.Malgré le cadre de la loi no 348 visant à garantir aux femmes une vie exempte de violence (2013) et les protocoles relatifs aux poursuites judiciaires tenant compte du genre, le Comité est préoccupé par la persistance de taux élevés de violence à l’égard des femmes, notamment de féminicides. Il s’inquiète également de l’absence d’enquêtes diligentes et du niveau élevé d’impunité dans ces affaires. Le Comité est également préoccupé par l’insuffisance des services essentiels pour les femmes subissant des violences (art. 3 et 10).

41. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer la loi n o 348 et la capacité des services essentiels de protéger les femmes des situations de violence en prévoyant des infrastructures, des équipements, du personnel spécialisé et un budget adéquat ;

b) De veiller à ce que tous les cas de violence à l’égard des femmes fassent l’objet d’une enquête effective et à ce que les auteurs soient dûment punis, et de surveiller la mise en œuvre effective des protocoles relatifs aux poursuites judiciaires, compte tenu de la dimension de genre ;

c) De créer des tribunaux spécialisés ayant une compétence exclusive dans les questions de violence fondée sur le genre.

Pauvreté

42.Le Comité apprécie la réduction considérable de la pauvreté et l’amélioration de plusieurs indicateurs sociaux au cours des années de référence. Il constate néanmoins avec inquiétude que le taux de pauvreté demeure élevé. De même, les mesures prises pour atténuer les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur l’économie et la persistance des écarts socioéconomiques entre les populations rurales et urbaines et entre les populations autochtones et non autochtones (art. 11) ne sont pas suffisantes.

43. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer les mesures immédiates pour atténuer les effets sociaux et économiques de la COVID-19, en particulier sur les groupes vulnérables. Il l’exhorte aussi à redoubler d’efforts pour réduire davantage la pauvreté et combler les écarts socioéconomiques entre la population rurale et la population urbaine, et entre la population autochtone et la population non autochtone ; pour ce faire, il lui recommande d’intégrer une approche fondée sur les droits de l’homme dans ses stratégies de réduction de la pauvreté. À cet égard, le Comité invite l’État partie à prendre en considération sa déclaration sur la pauvreté et le Pacte .

Alimentation

44.Le Comité note avec satisfaction la réduction de la malnutrition chronique chez les enfants de moins de 5 ans et l’augmentation de la production alimentaire. Toutefois, il regrette que les taux de malnutrition chronique demeurent élevés dans les zones rurales et que les taux de surpoids et d’obésité augmentent (art. 11).

45. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour assurer une alimentation saine, nutritive et suffisante, en particulier en faveur des groupes défavorisés, ainsi que pour décourager la consommation d’aliments et de boissons nocifs pour la santé.

Eau et assainissement

46.Le Comité note avec satisfaction que la couverture de l’accès à une source d’eau améliorée et à des installations sanitaires améliorées a considérablement progressé. Toutefois, il s’inquiète du fait que l’indice d’accès à l’assainissement reste faible. Il note aussi avec préoccupation les disparités d’accès à ces services entre les villes et les campagnes et entre les départements (art. 11).

47. Le Comité recommande à l’État partie de continuer d’investir dans l’amélioration des conditions d’accès à l’eau, à l’hygiène et à l’assainissement, et, dans ce domaine, de s’attacher en particulier à l’action en faveur des groupes les plus défavorisés et les plus marginalisés. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o  15 (2002) sur le droit à l’eau.

Logement convenable

48.Le Comité prend note de la réduction de la pénurie de logements due à la mise en œuvre des programmes de l’Agence nationale du logement. Toutefois, il est préoccupé par l’insuffisance de l’offre de logements abordables et de logements sociaux, qui touche en particulier les populations défavorisées et marginalisées (art. 11).

49. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accroître la disponibilité de logements convenables et abordables, notamment en augmentant l’offre de logements sociaux et en élargissant l’octroi d’aides au logement ;

b) D’améliorer son système de collecte de données afin de produire des données fiables ventilées en fonction des motifs de discrimination interdits en matière d’accès à un logement convenable.

Droit à la santé

50.Le Comité se félicite de l’adoption du système de santé unifié (loi no 1152 (2019)), qui garantit la gratuité des soins de santé à la population non couverte par la sécurité sociale à court terme. Toutefois, il est préoccupé par le financement insuffisant associé à ladite loi et par les faiblesses structurelles du système de santé, aggravées par la pandémie de COVID‑19, qui perpétuent de fortes inégalités dans l’accès aux services de santé. Il note aussi avec préoccupation la sous-déclaration des décès dus à la COVID-19. En outre, il trouve inquiétant que, malgré la politique de santé familiale communautaire interculturelle de l’État partie, le nombre de visites à domicile et le nombre de spécialistes formés à une approche interculturelle soit insuffisant et qu’il existe toujours des obstacles à l’accès aux services de santé pour les personnes handicapées et les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes (art. 2, par. 1, et art. 12 et 15).

51. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer son système de santé en investissant davantage dans les infrastructures, les équipements et le personnel qualifié afin de réduire les écarts d’accès touchant les groupes les plus défavorisés ;

b) D’améliorer son système de surveillance épidémiologique, notamment face à la pandémie de COVID-19 ;

c) De promouvoir la mise en œuvre d’instances de gestion participative et de contrôle social des décisions dans la gestion partagée de la santé, dans le cadre du modèle de la politique de santé familiale communautaire interculturelle ;

d) D’assurer l’accessibilité des installations médicales, de l’information et de la communication pour les personnes handicapées ; de renforcer les capacités du personnel de santé sur les droits des personnes handicapées et des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes, et de disposer de protocoles de soins pour ces cas.

Mortalité maternelle

52.Le Comité salue la réduction du taux de mortalité maternelle, mais regrette qu’il demeure l’un des plus élevés de la région et que l’écart d’accès aux services obstétriques persiste pour les femmes autochtones ou rurales.

53. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour réduire la mortalité maternelle et les lacunes de l’accès aux services obstétriques dans les zones rurales et parmi la population autochtone et afro-bolivienne.

Santé sexuelle et procréative

54.Le Comité regrette la persistance des avortements non sécurisés due à la criminalisation de l’avortement et des obstacles que rencontrent les femmes pour accéder à des avortements sécurisés, même dans les cas légalement autorisés, en raison de facteurs tels que le manque de médicaments, l’exigence d’une copie de la plainte ou le manque de solutions de rechange en cas d’objection de conscience du personnel de santé. Il est aussi préoccupé par le taux élevé de grossesses chez les adolescentes. Il prend note avec préoccupation de l’absence d’une politique globale d’éducation à la santé sexuelle et procréative, de l’accès limité aux contraceptifs modernes et des retards pris dans l’adoption de la loi globale sur les droits sexuels et procréatifs (art. 12).

55. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De réviser la législation pénale interdisant l’avortement pour la rendre compatible avec les droits des femmes, notamment le droit à la vie et à la santé physique et mentale, et d’élargir les circonstances dans lesquelles l’avortement est légal, tout en supprimant les conditions restrictives qui limitent l’accès à celui-ci. Le Comité exhorte également l’État partie à faire en sorte que les femmes qui recourent à cette pratique ne soient pas tenues pénalement responsables et à assurer la diffusion et la disponibilité d’informations et de services de qualité en matière de santé sexuelle et procréative pour toutes les femmes et adolescentes, en particulier dans les zones rurales reculées ;

b) D’évaluer le Plan plurinational pour la prévention des grossesses chez les adolescentes et les jeunes 2015-2020 et d’intensifier l’action menée pour réduire ce problème par une éducation complète en matière de santé sexuelle et procréative et par des services de conseil et de soins de santé adaptés aux adolescents ;

c) D’adopter une loi complète sur les droits sexuels et procréatifs, et de mettre en œuvre un plan national de santé sexuelle et procréative assorti d’objectifs, d’indicateurs, d’un système de suivi, et de ressources techniques et financières suffisantes. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o  22 (2016) sur le droit à la santé sexuelle et procréative.

Politique à l’égard des drogues

56.Le Comité se déclare préoccupé par la persistance d’une approche essentiellement punitive de la consommation de drogues ainsi que par l’absence de programmes de réduction des risques pour les toxicomanes et de législation facilitant l’utilisation du cannabis à des fins médicales (art. 12).

57. Le Comité recommande à l’État partie de réformer la réglementation relative à la consommation de drogues selon une approche de santé publique et de réduction des risques, et d’établir des protocoles pour faciliter l’octroi d’autorisations pour la consommation de cannabis thérapeutique.

Droit à l’éducation

58.Le Comité se félicite des résultats obtenus par l’État partie en ce qui concerne la réduction du taux d’abandon scolaire et de l’analphabétisme. Toutefois, il est préoccupé par le fait que le taux d’achèvement de l’enseignement secondaire demeure faible, en particulier pour les élèves issus de groupes ruraux, autochtones, afro-boliviens et autres groupes défavorisés et marginalisés. Il regrette aussi l’absence d’une politique globale d’éducation inclusive, le manque de ressources, la prévalence de stéréotypes discriminatoires dans le milieu de l’enseignement, le faible nombre d’élèves handicapés inscrits aux différents niveaux d’enseignement, le taux élevé d’abandon scolaire parmi les élèves handicapés, l’existence d’écoles pratiquant la ségrégation et le manque d’enseignants spécialisés pour travailler avec les élèves handicapés (art. 13).

59. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De recueillir des données ventilées sur le taux d’abandon scolaire des élèves autochtones, afro-boliviens, ruraux ou appartenant à d’autres groupes défavorisés et marginalisés ;

b) De prendre des mesures concrètes et particulières pour réduire le taux d’abandon scolaire, notamment dans l’enseignement secondaire, en ce qui concerne les élèves autochtones, afro-boliviens et ruraux ;

c) D’élaborer et mettre en œuvre une politique globale visant à garantir une éducation inclusive et la scolarisation des personnes handicapées, et de lutter contre le taux élevé d’abandon scolaire chez les élèves handicapés ;

d) De prendre des mesures pour éliminer les stéréotypes discriminatoires dans le milieu de l’enseignement à l’égard des élèves handicapés et de faire en sorte que les établissements scolaires ne reproduisent pas ces stéréotypes ;

e) D’allouer des ressources suffisantes pour la mise en œuvre des mesures susmentionnées, y compris la formation des enseignants travaillant avec des élèves handicapés.

Incidences de la COVID-19 sur le droit à l’éducation

60.Le Comité est préoccupé par l’impact sur l’éducation des mesures prises en 2020 à cause de la propagation de la COVID-19, notamment la suspension des cours en présentiel, qui a accentué les disparités dans l’accès à un enseignement de qualité, en particulier pour les élèves autochtones vivant dans des zones rurales ou sans connexion Internet ou accès aux nouvelles technologies (art. 13).

61. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer la mise en œuvre de mesures précises et concrètes pour rendre effectif le retour à l’école, assurer l’accès à un enseignement de qualité et réduire la fracture numérique entre les élèves.

Éducation interculturelle et plurilingue

62.Dans le cadre de la politique d’éducation interculturelle et plurilingue et du programme de base du système éducatif plurinational, le Comité prend note des mesures prises par l’État partie concernant l’adoption et la mise en œuvre de plusieurs programmes interculturels régionaux, mais s’inquiète des lacunes de leur mise en œuvre et de l’absence de tels programmes pour les nations et peuples autochtones originaires paysans Juaniquina, Cayubaba et Itonama (art. 13 et 15).

63. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’évaluer la mise en œuvre des programmes d’études interculturels régionaux et de veiller à ce qu’ils soient adaptés aux besoins des divers peuples autochtones ;

b) D’adopter des mesures visant à approuver et à mettre en œuvre des programmes d’études interculturels régionaux pour les nations et les peuples autochtones originaires paysans Juaniquina , Cayubaba et Itonama.

Langues autochtones

64.Le Comité accueille avec satisfaction le vaste cadre normatif en faveur des droits linguistiques des nations et peuples autochtones originaires paysans, dont la loi no 269 (2012). Néanmoins, il est préoccupé par la préservation des langues autochtones dans l’État partie, en particulier de celles qui risquent de disparaître, ce qui nuit directement et irrémédiablement à l’exercice des droits culturels des peuples autochtones. Le Comité regrette que seul un petit nombre de fonctionnaires respectent l’obligation de maîtriser une langue autochtone pour garantir l’accès aux services qu’ils fournissent dans l’espace public (art. 15).

65. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures nécessaires à la préservation des langues autochtones, notamment l’adoption de règlements pour la mise en œuvre effective de la loi n o  450 sur la protection des nations et des peuples autochtones en situation de grande vulnérabilité. Il lui recommande aussi de promouvoir l’emploi de toutes les langues autochtones dans l’espace public.

Diversité culturelle

66.Le Comité se déclare préoccupé par un certain nombre de manifestations de discrimination à l’égard des peuples autochtones dans l’État partie. De plus, il note avec inquiétude l’existence d’un discours public qui utilise l’identité ethnique comme un critère d’exclusion et de division, en particulier dans le contexte de la crise sociopolitique de 2019 (art. 2 et 15).

67. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De mettre en œuvre une politique globale qui valorise la diversité et la pluralité, et rejette toute forme de discrimination ;

b) De créer des espaces de consensus et de dialogue afin de protéger, de promouvoir et de valoriser la diversité culturelle, et de faire en sorte que celle-ci soit perçue par l’ensemble de la population comme un facteur d’enrichissement plutôt que de division.

D.Autres recommandations

68. Le Comité recommande à l’État partie de tenir pleinement compte des obligations que lui impose le Pacte et de garantir la pleine jouissance des droits qui y sont énoncés dans la mise en œuvre au niveau national du Programme de développement durable à l’horizon 2030. La réalisation des objectifs de développement durable serait grandement facilitée si l’État partie établissait des mécanismes indépendants pour suivre les progrès réalisés et s’il considérait que les bénéficiaires des programmes publics étaient titulaires de droits qu’ils peuvent faire valoir. La mise en œuvre des objectifs dans le respect des principes de participation, de responsabilité et de non-discrimination permettrait de garantir que nul n’est laissé de côté. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa déclaration relative à l’engagement de ne laisser personne de côté .

69. Le Comité prie l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, y compris aux échelons des quatre types d’autonomies, et en particulier auprès des parlementaires, des fonctionnaires et des autorités judiciaires, et de l’informer dans son prochain rapport périodique des dispositions qu’il aura prises pour y donner suite. Il l’engage à associer le Bureau du Défenseur du peuple, les organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile, au suivi des présentes observations finales et au processus de consultation nationale avant la soumission de son prochain rapport périodique.

70. Conformément à la procédure de suivi des observations finales adoptées par le Comité, l’État partie est prié de fournir, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la mise en œuvre des recommandations formulées par le Comité aux paragraphes 9 a) (défenseurs des droits de l’homme), 11 c) (changements climatiques) et 15 a) (droit d’être consulté et droit au consentement préalable, libre et éclairé).

71. Le Comité demande à l’État partie de soumettre son quatrième rapport périodique au titre de l’article 16 du Pacte avant le 31 octobre 2026, à moins qu’il ne soit informé d’une modification du cycle d’examen. Conformément au paragraphe 16 de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots.