Nations Unies

E/C.12/UZB/CO/3

Conseil économique et social

Distr. générale

31 mars 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le troisième rapport périodique de l’Ouzbékistan *

1.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de l’Ouzbékistan à ses 13e, 15e et 17e séances, les 22, 23 et 24 février 2022, et adopté les présentes observations finales à sa 30e séance, le 4 mars 2022.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de l’État partie et les renseignements complémentaires fournis dans les réponses écrites à la liste de points. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation interministérielle de haut niveau de l’État partie.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite des mesures législatives et institutionnelles et des orientations, mentionnées dans les présentes observations finales, que l’État partie a prises pour améliorer la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. En particulier, le Comité se félicite de l’adoption de la loi relative à la lutte contre la corruption (loi no LRU-419 du 3 janvier 2017) et de la création de l’Agence de lutte contre la corruption.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Application du Pacte au niveau national

4.Le Comité note que, conformément à la Constitution, le Pacte fait partie intégrante du cadre juridique interne et que les tribunaux ont compétence pour renvoyer à cet instrument, mais il demeure préoccupé par le fait que les dispositions du Pacte sont rarement invoquées devant les tribunaux (art. 2 (par. 1)).

5.Le Comité recommande à l ’ État partie de sensibiliser le public au Pacte et de mettre en œuvre des programmes de renforcement des capacités destinés aux juges, aux procureurs et aux avocats afin que ceux-ci invoquent et appliquent les droits économiques, sociaux et culturels devant les juridictions internes. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 9 (1998) sur l ’ application du Pacte au niveau national.

Indépendance du pouvoir judiciaire

6.Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie sur les mesures prises pour réformer le système judiciaire, dont la création du Conseil supérieur de la magistrature et l’adoption de nouvelles procédures de sélection et de nomination des candidats à la magistrature. Il est toutefois préoccupé par divers problèmes mettant en péril l’indépendance du pouvoir judiciaire, notamment l’ingérence des pouvoirs exécutif et législatif dans la procédure de sélection des juges de la Cour constitutionnelle et de la Cour suprême et dans la procédure de nomination des juges (art. 2, (par. 1)).

7. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour préserver l ’ indépendance et l ’ impartialité du pouvoir judiciaire afin de garantir l ’ exercice des droits de l ’ homme, dont les droits économiques, sociaux et culturels, en renforçant le mandat du Conseil supérieur de la magistrature et en prévenant toute ingérence de la part des pouvoirs exécutif et législatif dans les activités du système judiciaire, en particulier dans la procédure de sélection et de nomination des juges. Il lui recommande également de redoubler d ’ efforts pour donner suite aux recommandations formulées par le Rapporteur spécial sur l ’ indépendance des juges et des avocats dans son rapport sur sa visite en Ouzbékistan ( A/HRC/44/47/Add.1 ).

Institution nationale des droits de l’homme

8.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie sur le mandat et les activités du membre de l’Oliy Majlis chargé des droits de l’homme (Médiateur). Il est toutefois préoccupé par l’absence de transparence de la procédure de sélection et de nomination du Médiateur et par l’insuffisance des ressources qui lui sont affectées, ce qui compromet son bon fonctionnement (art. 2 (par. 1)).

9. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures afin de mettre le Bureau du Médiateur en pleine conformité avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris), notamment en renforçant encore davantage son indépendance et en le dotant de ressources financières et humaines suffisantes afin qu ’ il soit à même de s ’ acquitter de ses tâches avec efficacité et en toute indépendance, en particulier celles qui ont trait à la promotion et à la protection des droits économiques, sociaux et culturels.

Société civile

10.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie sur les mesures prises aux fins de l’élaboration du projet de loi sur les organisations non gouvernementales à but non lucratif. Il demeure toutefois préoccupé par la lourdeur des formalités administratives et procédurales que doivent remplir les organisations de la société civile qui souhaitent se faire enregistrer, par l’incapacité dans laquelle se trouvent ces organisations de mener librement leurs activités en raison des restrictions qui leur sont imposées, et par le faible nombre de nouvelles organisations enregistrées malgré les réformes adoptées récemment (art. 2 (par. 1)).

11.Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accélérer le processus de consultation lancé aux fins de l ’ adoption du projet de loi relatif aux organisations non gouvernementales à but non lucratif, avec la participation effective et constructive des organisations de la société civile. Il lui recommande également de créer un environnement favorable, et notamment de mettre en place une procédure efficace d ’ enregistrement des organisations non gouvernementales actives dans le domaine de la promotion et la protection des droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité invite l ’ État partie à se reporter à sa déclaration sur les défenseurs des droits de l ’ homme et les droits économiques, sociaux et culturels .

Corruption

12.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie sur la mise en œuvre de la politique de lutte contre la corruption (2021-2022), le mandat de l’Agence de lutte contre la corruption et l’introduction du système de déclaration obligatoire des revenus et des biens par les agents publics. Il est toutefois préoccupé par les informations indiquant que la corruption demeure répandue et par l’absence de renseignements sur les moyens sûrs et accessibles mis à la disposition des personnes qui souhaiteraient signaler des faits de corruption (art. 2 (par. 1)).

13. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour combattre la corruption et, à cette fin :

a) D ’ assurer l ’ application effective de la loi relative à la lutte contre la corruption (loi n o LRU-419 du 3 janvier 2017) et de renforcer le rôle de l ’ Agence de lutte contre la corruption, notamment en dotant cette institution de ressources financières et humaines suffisantes, en garantissant son indépendance et en lui conférant des compétences plus larges en matière d ’ inspection et de surveillance ;

b) D ’ élaborer et d ’ adopter une stratégie globale à long terme pour lutter contre la corruption, y compris au niveau local ;

c) De créer des mécanismes sûrs et accessibles permettant de signaler les cas de corruption, et d ’ adopter des mesures afin d ’ assurer la protection des militants anticorruption, des lanceurs d ’ alerte et des témoins.

Entreprises et droits de l’homme

14.Le Comité prend note des informations que l’État partie a communiquées au cours du dialogue au sujet des mesures prises en vue d’élaborer un plan d’action sur les entreprises et les droits de l’homme. Il est toutefois préoccupé par le manque d’informations sur le cadre réglementaire mis en place pour garantir que les entreprises respectent les droits consacrés par le Pacte et fassent preuve de la diligence voulue en matière de droits de l’homme (art. 2 (par. 1)).

15. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ accélérer l ’ élaboration et l ’ adoption du plan d ’ action national sur les entreprises et les droits de l ’ homme ;

b) D ’ élaborer et d ’ appliquer un cadre réglementaire régissant l ’ exercice de la diligence voulue en matière de droits de l ’ homme qui instaure l ’ obligation pour les entreprises domiciliées dans l ’ État partie ou placées sous sa juridiction de recenser, de prévenir et de combattre les violations des droits de l ’ homme commises dans le cadre des activités qu ’ elles mènent en Ouzbékistan ou à l ’ étranger ;

c) D ’ adopter des mesures afin d ’ établir la responsabilité juridique des entreprises qui ont leur siège sur son territoire ou qui sont gérées depuis celui-ci, en cas de violations des droits économiques, sociaux et culturels découlant de leurs activités, et d ’ offrir des voies de recours utiles aux victimes ;

d) De collecter des informations sur les plaintes déposées par les victimes de violations des droits économiques, sociaux et culturels commises par des entreprises .

Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 24 (2017) sur les obligations des États en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans le contexte des activités des entreprises.

Changements climatiques

16.Le Comité prend note de la soumission des contributions déterminées au niveau national au titre de l’Accord de Paris, telles qu’elles ont été révisées, et de l’adoption de la stratégie de transition vers une économie verte à l’horizon 2030. Il est toutefois préoccupé par l’insuffisance des mesures d’adaptation prises pour faire face aux répercussions des changements climatiques sur la population, en particulier la réduction prévue des ressources en eau (art. 2 (par. 1)).

17.Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que ses stratégies d ’ adaptation visant à neutraliser les répercussions des catastrophes naturelles et des changements climatiques soient fondées sur les droits de l ’ homme, et notamment de créer des mécanismes de surveillance. Le Comité invite l ’ État partie à se reporter à sa déclaration sur les changements climatiques et le Pacte adoptée l e 8 octobre 2018 ainsi qu ’ à la déclaration conjointe sur les droits de l ’ homme et les changements climatiques publiée le 16 septembre 2019.

Obligation d’agir au maximum des ressources disponibles

18.Le Comité prend note des informations fournies sur la réforme du système fiscal. Il est toutefois préoccupé par le fait que, même si elle a augmenté depuis 2011, la part du produit intérieur brut consacrée aux dépenses publiques demeure faible (art. 2 (par. 1)).

19. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ augmenter les dépenses sociales aussi bien au niveau national qu ’ à l ’ échelon local, en accordant une attention particulière aux personnes et aux groupes défavorisés et marginalisés, et de réaliser une étude d ’ impact sur les droits de l ’ homme de ses politiques macroéconomiques et budgétaires, le but étant de tirer le meilleur parti des ressources disponibles pour assurer la pleine réalisation des droits économiques, sociaux et culturels.

Non-discrimination

20.Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie sur l’incorporation de l’interdiction de la discrimination dans la Constitution et le cadre législatif ainsi que des renseignements fournis sur l’élaboration du projet de loi sur l’égalité et la non‑discrimination, qui est en cours d’examen par le Parlement. Le Comité est préoccupé par :

a)L’absence de loi et de cadres juridiques complets sur la lutte contre la discrimination ;

b)Le fait que les relations sexuelles entre adultes consentants de sexe masculin sont érigées en infraction par l’article 120 du Code pénal, et que les cas d’intimidation, de harcèlement, de violence et de stigmatisation ciblant les personnes lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes sont répandus, ce qui les empêche d’exercer leurs droits économiques, sociaux et culturels ;

c)La stigmatisation et la discrimination dont font l’objet les personnes vivant avec le VIH/sida dans le contexte des soins médicaux, de l’emploi et du droit de la famille en raison des dispositions discriminatoires du cadre législatif de l’État partie (art. 2 (par. 2)).

21. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter dans les meilleurs délais le projet de loi sur l ’ égalité et la non ‑ discrimination et de faire en sorte que ce texte prévoie une protection adéquate contre toutes les formes de discrimination afin de garantir que toutes les personnes aient accès dans des conditions d ’ égalité à tous les droits économiques, sociaux et culturels ;

b) D ’ abroger l ’ article 120 du Code pénal ;

c) De revoir son cadre législatif afin d ’ éliminer les dispositions qui ont un caractère discriminatoire à l ’ égard des personnes atteintes du VIH/sida ;

d) De mettre en place des mécanismes permettant aux victimes de discrimination de demander réparation, dont des voies de recours administratives et judiciaires efficaces ;

e) De mener des campagnes pour sensibiliser le public, les prestataires de soins de santé, les membres des forces de l ’ ordre et d ’ autres agents publics et éliminer la stigmatisation des personnes appartenant aux groupes marginalisés, dont les personnes vivant avec le VIH et les personnes lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes, ainsi que les stéréotypes négatifs circulant sur ces groupes ;

f) De tenir compte de son observation générale n o 20 (2009) sur la non ‑ discrimination dans l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

Réfugiés et demandeurs d’asile

22.Le Comité prend note de l’adoption de la loi relative au statut juridique des étrangers et des apatrides (loi no ZRU-692 du 4 juin 2021). Il constate toutefois qu’il n’existe pas de cadre juridique et stratégique général concernant les réfugiés et les demandeurs d’asile, ce qui les empêche de jouir de droits économiques et sociaux (art. 2 (par. 2)).

23. Le Comité recommande à l ’ État partie de se doter de cadres juridiques et stratégiques nationaux établis conformément aux normes internationales relatives aux réfugiés et aux demandeurs d ’ asile afin de garantir l ’ accès de ces personnes à l ’ emploi, à l ’ assistance sociale, à l ’ éducation et aux services de santé. Il lui recommande également d ’ adhérer à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et au Protocole facultatif de 1967 y relatif, ainsi qu ’ à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie.

Personnes handicapées

24.Le Comité prend note de l’adoption de la loi relative aux droits des personnes handicapées (loi no ZRU-641 du 15 octobre 2020) et d’autres mesures visant à promouvoir les droits de ces personnes. Il constate toutefois avec préoccupation que les personnes handicapées se heurtent à des difficultés qui les empêchent d’exercer leurs droits économiques, sociaux et culturels du fait que des aménagements raisonnables n’ont pas été effectivement apportés aux établissements publics, en particulier dans les écoles, les universités et les établissements médicaux (art. 2 (par. 2)).

25. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures pour garantir l ’ accès des personnes handicapées aux services et établissements publics ainsi qu ’ à l ’ emploi, aux services de santé et aux services sociaux. Il lui recommande également de redoubler d ’ efforts pour assurer une éducation inclusive à tous les niveaux, notamment en améliorant l ’ accessibilité physique des écoles et des universités, en mettant à disposition des moyens de transport adéquats, en dotant les établissements d ’ enseignement de matériels pédagogiques adaptés et en dispensant une formation adéquate aux enseignants et aux éducateurs.

Égalité de droits entre les hommes et les femmes

26.Le Comité salue les mesures juridiques et les mesures de politique générale adoptées dans le domaine de l’égalité des sexes, dont la loi relative aux garanties visant à assurer l’égalité des droits et des chances entre les hommes et les femmes (loi no ZRU-562 du 2 septembre 2019) et la stratégie nationale en faveur de l’égalité des sexes. Il demeure toutefois préoccupé par les informations d’après lesquelles les femmes sont moins rémunérées que les hommes sur le marché du travail et sont très nombreuses à travailler dans le secteur informel, ainsi que par le faible taux de scolarisation des femmes et des filles dans le secondaire et dans l’enseignement supérieur. Il est également préoccupé par la faible représentation des femmes à des postes de décision et de responsabilité (art. 3).

27. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De mettre en place des mécanismes pour assurer la mise en œuvre effective de ses cadres législatifs et stratégiques relatifs à l ’ égalité des sexes et pour garantir que les femmes et les filles aient pleinement accès aux droits économiques, sociaux et culturels ;

b) D ’ adopter des mesures pour mettre fin aux stéréotypes circulant sur les rôles assumés par chaque sexe et de remédier au faible taux de scolarisation des femmes dans le secondaire et dans l ’ enseignement supérieur, notamment en menant des campagnes de sensibilisation du grand public, en particulier afin de favoriser la présence des femmes et des filles dans la vie économique, sur le marché du travail, dans l ’ éducation et dans d ’ autres sphères de la vie sociale et culturelle ;

c) De redoubler d ’ efforts pour réduire l ’ écart de rémunération entre les hommes et les femmes, et d ’ offrir aux femmes des possibilités de formation et de renforcement des capacités dans des domaines d ’ activité non traditionnels et dans des secteurs leur offrant les mêmes perspectives de carrière que les hommes ;

d) De renforcer le système de quotas et d ’ adopter des mesures pour lutter contre la sous-représentation des femmes aux postes de direction et de décision, en particulier au niveau local.

Travail forcé

28.Le Comité salue les mesures efficaces prises par l’État partie pour réduire le travail forcé, en particulier le travail des enfants. Il est toutefois préoccupé par les informations indiquant que des personnes sont encore soumises au travail forcé pendant la saison de la récolte du coton (art. 6 et 7).

29. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour éliminer le travail forcé et les formes persistantes de travail des enfants, notamment en veillant à ce que les lois et politiques en vigueur interdisant le travail forcé soient effectivement appliquées, en renforçant l ’ Inspection nationale du travail afin de garantir que des enquêtes et des poursuites soient dûment menées sur les cas de travail forcé, et en s ’ assurant que les victimes bénéficient d ’ une réparation intégrale.

Droit à des conditions de travail justes et favorables

30.Le Comité prend note des informations indiquant que le salaire minimum est soumis à des révisions annuelles et qu’il a augmenté au cours des cinq dernières années comme suite à la réforme législative. Il constate toutefois avec préoccupation que le salaire minimum ne permet toujours pas d’assurer un niveau de vie décent aux travailleurs et à leur famille. Il regrette le manque d’informations sur les critères utilisés dans le cadre de la procédure de révision pour déterminer le niveau du salaire minimum. Il est également préoccupé par le manque d’informations concernant les compétences dévolues à l’Inspection nationale du travail en ce qui concerne l’application des dispositions relatives au salaire minimum et la réalisation d’inspections dans le secteur informel (art. 7).

31.Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les partenaires sociaux participent à la révision annuelle du salaire minimum, d ’ indexer celui-ci au coût de la vie et de garantir ainsi un niveau de vie décent aux travailleurs et à leur famille. Il lui recommande également de mettre en place des mécanismes d ’ application permettant d ’ assurer le paiement d ’ un salaire minimum, en particulier dans le secteur informel, et d ’ offrir aux travailleurs des voies de recours sûres et accessibles. Il lui recommande de renforcer l ’ Inspection nationale du travail afin qu ’ elle soit à même de faire respecter les dispositions relatives au salaire minimum et de procéder à des inspections dans le secteur informel. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 23 (2016) sur le droit à des conditions de travail justes et favorables.

Chômage des jeunes

32.Le Comité est préoccupé par la proportion élevée de jeunes, en particulier de jeunes femmes, qui n’ont pas d’emploi, ne font pas d’études ou ne suivent pas de formation après avoir achevé le cycle secondaire (art. 3 et 6).

33. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour réduire le nombre de jeunes qui n ’ ont pas d ’ emploi, ne font pas d ’ études ou ne suivent pas de formation, notamment en créant davantage de possibilités de formation technique et professionnelle adaptées au marché du travail, en accordant une attention particulière aux femmes.

Droits syndicaux

34.Le Comité prend note de l’information selon laquelle la loi sur les syndicats (loi no ZRU-588 du 6 décembre 2019) a été adoptée. Il est toutefois préoccupé par le fait que l’enregistrement des syndicats a lieu sous réserve de l’autorisation du Ministère de la justice. Il est également préoccupé par le fait que le nombre de syndicats enregistrés n’a pas augmenté depuis 2016, et par la faible proportion d’employés du secteur public et du secteur privé qui sont membres d’un syndicat (art. 8).

35.Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer les mesures visant à garantir le droit des employés de créer un syndicat de leur choix, en abrogeant les dispositions instaurant l ’ obligation d ’ obtenir une autorisation préalable du Ministère de la justice et en levant les obstacles administratifs à la création de syndicats. Il lui recommande également d ’ adopter dans les meilleurs délais le projet de loi sur les rassemblements, les réunions et les manifestations, avec la participation utile et constructive des syndicats et des parties prenantes concernées, en veillant à ce que les syndicats puissent exercer leurs droits et activités librement et sans faire l ’ objet de restrictions indues ni d ’ actes intimidation. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 18 (2005) sur le droit au travail et l ’ invite à se reporter à sa déclaration sur le droit de s ’ associer librement avec d ’ autres, y compris le droit de constituer des syndicats et d ’ y adhérer , adoptée conjointement avec le Comité des droits de l ’ homme en 2019.

Droit de grève

36.Le Comité est préoccupé par l’absence de cadre réglementaire régissant le droit de grève dans l’État partie (art. 8).

37. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les modifications de la loi sur le travail dans les meilleurs délais et de faire en sorte que le droit de grève soit consacré par la législation interne conformément aux normes internationales.

Droit à la sécurité sociale

38.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie concernant l’adoption de la Stratégie nationale relative à la protection sociale (2021-2030) et la mise en œuvre de la première phase du lancement du régime d’assurance maladie obligatoire. Il est toutefois préoccupé par le manque de coordination entre les entités gouvernementales compétentes dans l’application des différentes mesures de protection sociale, par l’insuffisance des aides sociales et par le fait que ces aides ne sont pas accessibles à tous les groupes de population concernés (art. 9 et 12).

39. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre effectivement en œuvre sa stratégie nationale en faveur de la protection sociale, notamment en établissant un système de coordination et d ’ administration qui soit clairement défini et qui couvre tous les groupes de population, en particulier les travailleurs du secteur informel, et d ’ accélérer le lancement du régime d ’ assurance maladie obligatoire. Il lui recommande également de faire en sorte que le niveau des prestations de protection sociale allouées aux personnes handicapées, aux personnes âgées, aux Roms/Lyuli, aux réfugiés et aux demandeurs d ’ asile soit suffisamment élevé et de recalculer périodiquement le montant des allocations sociales. Il l ’ invite à se reporter à son observation générale n o 19 (2007) concernant le droit à la sécurité sociale et à sa déclaration adoptée en 2015, intitulée « Les socles de protection sociale : un élément essentiel du droit à la sécurité sociale et des objectifs de développement durable » .

Protection de la famille et de l’enfant

40.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie concernant l’élaboration du projet de loi sur la violence intrafamiliale et du projet de loi sur la protection sociale des orphelins et des enfants privés de protection parentale, ainsi que sur la mise en œuvre de la politique de désinstitutionnalisation des enfants. Il est toutefois préoccupé par l’insuffisance des possibilités de prise en charge en milieu familial et de protection de remplacement offertes aux enfants, en particulier à ceux appartenant à un groupe défavorisé ou marginalisé. Il est également préoccupé par l’absence de collecte systématique de données sur la situation des enfants appartenant un groupe défavorisé ou marginalisé (art. 9 et 10).

41. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter dans les meilleurs délais le projet de loi sur la violence intrafamiliale afin que toutes les formes de violence domestique, y compris le viol conjugal, soient érigées en infraction, et de veiller à ce que ce texte soit effectivement appliqué afin de protéger toutes les victimes, de traduire les auteurs en justice et de prévenir l ’ impunité ;

b) D ’ adopter dans les meilleurs délais le projet de loi sur la protection sociale des orphelins et des enfants privés de protection parentale et de redoubler d ’ efforts pour offrir davantage de solutions de prise en charge en milieu familial et de protection de remplacement aux enfants, en particulier aux enfants handicapés, tout en veillant à ce que sa politique de désinstitutionnalisation soit effectivement appliquée ;

c) De collecter systématiquement des données statistiques sur les enfants appartenant à des groupes défavorisés et marginalisés.

Expulsions forcées

42.Le Comité prend note des renseignements fournis par l’État partie sur les mesures liées à la privation de droits de propriété et de droits fonciers qui ont été adoptées. Cependant, il relève avec regret les informations indiquant que les autorités ont procédé à des expropriations de biens, des démolitions de logements et d’expulsions forcées dans le contexte de projets d’urbanisation. En outre, il est préoccupé par les informations indiquant que le cadre juridique national relatif à la privation de droits de propriété n’est pas respecté et, surtout, que les habitants concernés ne sont pas préalablement consultés, ne touchent pas d’indemnisations ou reçoivent une indemnisation insuffisante, et ne sont pas relogés (art. 11).

43. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures juridiques et stratégiques pour :

a) Garantir que les autorités ne procèdent à des expulsions qu ’ en dernier recours, dans le respect de la législation interne et conformément aux dispositions des Pactes internationaux relatifs aux droits de l ’ homme ;

b) Faire en sorte que, lorsqu ’ une expulsion est ordonnée, les mesures de protection et les garanties en matière de procédure soient respectées, notamment en organisant des consultations avec les intéressés, en leur donnant un délai de préavis suffisant et raisonnable, en veillant à ce qu ’ un autre logement leur soit proposé dans un délai raisonnable, et en leur offrant des recours judiciaires ;

c) Garantir la disponibilité et l ’ accessibilité de services de représentation en justice abordables destinés aux habitants concernés ;

d) Prévenir le sans-abrisme en cas d ’ expulsion, en garantissant la disponibilité d ’ un logement de remplacement adéquat ;

e) Prendre en considération son observation générale n o 7 (1997) sur les expulsions forcées.

Droit à un logement convenable

44.Le Comité prend note des informations fournies sur les programmes de logements abordables appliqués par l’État partie. Il est toutefois préoccupé par l’insuffisance de l’offre de logements sociaux, en particulier de logements destinés aux personnes appartenant à des groupes défavorisés et marginalisés, et par le manque d’informations sur la situation des habitants touchés par la rupture du barrage de retenue de Sardoba, survenue en mai 2020 (art. 11).

45. Renvoyant à son observation générale n o 4 (1991) sur le droit à un logement suffisant, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour fournir des logements abordables et sociaux, en particulier aux habitants de la région de Sardoba qui ont perdu leur logement à la suite des inondations de mai 2020, aux personnes handicapées, aux Luyli/Roms, aux réfugiés, aux apatrides et aux demandeurs d ’ asile.

Droit à l’alimentation

46.Le Comité est préoccupé par l’absence de cadre législatif complet sur le droit à l’alimentation. Il est également préoccupé par l’insécurité alimentaire et l’état nutritionnel de la population de l’État partie (art. 11).

47. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter un cadre législatif complet garantissant le droit à une alimentation adéquate et de redoubler d ’ efforts pour lutter contre la faim et la malnutrition chronique, en particulier chez les groupes défavorisés. Le Comité invite l ’ État partie à se reporter à son observation générale n o 12 (1999) sur le droit à une nourriture suffisante et aux Directives volontaires à l ’ appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, adoptées en 2004 par le Conseil de l ’ Organisation des Nations Unies pour l ’ alimentation et l ’ agriculture.

Droit à la santé

48.Le Comité prend note des informations fournies sur l’élaboration du projet de loi sur la santé. Il est toutefois préoccupé par les informations indiquant que la qualité des services de santé publique laisse à désirer, que la disponibilité de ces services dans les zones rurales et reculées est limitée et que la corruption dans le secteur de la santé est largement répandue. Il est particulièrement préoccupé par les informations concernant les taux élevés de mortalité maternelle et de mortalité infantile (art. 12).

49. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ intensifier ses efforts pour renforcer et développer le système de santé publique, notamment en le dotant de ressources humaines et financières suffisantes et en adoptant des mesures de lutte contre la corruption afin de garantir que des services de santé de qualité soient disponibles et accessibles, en particulier pour les habitants des zones rurales et reculées et les personnes appartenant à des groupes marginalisés ;

b) De redoubler d ’ efforts pour réduire les taux de mortalité maternelle et infantile, en améliorant la qualité des soins dispensés aux femmes tout au long de la grossesse et au moment de l ’ accouchement dans les établissements de soins de santé primaires. Le Comité invite l ’ État partie à se reporter à son observation générale n o 22 (2016) sur le droit à la santé sexuelle et procréative.

Santé mentale

50.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie sur les mesures adoptées pour améliorer le système de soins de santé mentale. Il est cependant préoccupé par le fait que la qualité des services de santé mentale laisse à désirer en raison du nombre insuffisant d’établissements et de prestataires de soins de santé mentale spécialisés. Il est également préoccupé par le taux élevé de suicide et le nombre important de cas d’automutilation dans la population (art. 12).

51. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures visant à accroître la disponibilité et l ’ accessibilité de services de santé mentale de qualité sur l ’ ensemble de son territoire. Il lui recommande également de redoubler d ’ efforts pour s ’ attaquer et remédier aux causes profondes du taux élevé de suicide et pour proposer aux individus et aux groupes exposés au risque de suicide des programmes de prévention et des services d ’ accompagnement efficaces.

Consommation de stupéfiants

52.Le Comité est préoccupé par les lois et politiques répressives visant à faire face à la consommation de stupéfiants, qui entravent l’accès des usagers de drogues à l’emploi et font qu’ils renoncent à bénéficier des traitements ou des programmes de réduction des risques dont ils auraient besoin de crainte d’être incriminés. Il note en outre avec regret que les traitements de substitution aux opiacés ne sont pas disponibles dans l’État partie (art. 12).

53.Le Comité recommande à l ’ État partie de réexaminer son cadre législatif afin de garantir que la consommation de stupéfiants y soit abordée sous l ’ angle des droits de l ’ homme, en abrogeant les dispositions instaurant l ’ obligation d ’ enregistrement imposée aux usagers de drogues, et d ’ étudier la possibilité de dépénaliser la possession de drogues à des fins de consommation personnelle. Il lui recommande également d ’ élaborer des politiques de prévention de la toxicomanie, de renforcer les programmes de réduction des risques et d ’ offrir aux consommateurs de drogues des soins de santé et des services d ’ accompagnement psychologique et de réadaptation appropriés, y compris en rétablissant l ’ offre de traitements de substitution aux opiacés. L ’ État partie devrait en outre prendre les mesures voulues pour combattre la stigmatisation sociale dont font l ’ objet les usagers de drogues, en dispensant une formation aux membres des forces de l ’ ordre et aux professionnels de la santé et en sensibilisant le public, en particulier au droit à la santé reconnu aux usagers de drogues.

Droit à l’éducation

54.Le Comité prend note des mesures adoptées pour améliorer l’accès à l’éducation, notamment l’augmentation de la couverture préscolaire et les efforts actuellement déployés pour améliorer la qualité de l’éducation. Il est toutefois préoccupé par les informations selon lesquelles les établissements d’enseignement sont inaccessibles ou insuffisamment accessibles aux personnes handicapées. Il est préoccupé par le faible taux de scolarisation des enfants roms/lyuli (art. 13 et 14).

55. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour garantir l ’ accès universel à une éducation de qualité à tous les niveaux, notamment :

a) En renforçant les mesures destinées à améliorer la qualité de l ’ enseignement en consacrant des ressources suffisantes à l ’ éducation, en augmentant le nombre d ’ enseignants qualifiés et en améliorant les infrastructures et le matériel pédagogique ;

b) En améliorant les infrastructures éducatives afin de garantir l ’ accessibilité de tous les établissements scolaires et universitaires aux personnes handicapées et d ’ assurer une éducation inclusive ;

c) En prenant des mesures efficaces pour améliorer l ’ accès à l ’ éducation des enfants roms/lyuli et leur taux de rétention dans le système éducatif, et pour augmenter leur taux d ’ achèvement du cycle secondaire.

Droits culturels

56.Le Comité prend note des informations selon lesquelles des mesures ont été adoptées pour mieux protéger les sites culturels à mettre en valeur. Il est toutefois préoccupé par les informations indiquant que des maisons et des établissements situés dans des quartiers proches de sites considérés par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) comme faisant partie du patrimoine culturel mondial ont été démolis dans le cadre de projets d’urbanisation (art. 15).

57. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que la gestion et le développement des sites faisant partie du patrimoine culturel mondial soient conformes aux meilleures pratiques recommandées par l ’ UNESCO et par le Conseil international des monuments et des sites, notamment en assurant la pleine participation des communautés locales concernées, afin d ’ assurer le bien-être de ces communautés et de leur garantir pleinement la possibilité d ’ exercer leurs droits culturels.

Fracture numérique

58.Le Comité note avec préoccupation que l’accès à Internet est limité, en particulier pour les groupes marginalisés et défavorisés, ce qui empêche les intéressés d’exercer leurs droits économiques, sociaux et culturels, en particulier dans le contexte de la pandémie de coronavirus (COVID-19) (art. 15).

59. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures voulues afin qu ’ Internet soit accessible et abordable, en particulier pour les groupes marginalisés et défavorisés. Le Comité invite l ’ État partie à se reporter à son observation générale n o  25 (2020) sur la science et les droits économiques, sociaux et culturels.

D.Autres recommandations

60. Le Comité encourage l ’ État partie à adhérer au Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

61. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille ainsi que la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

62.Le Comité recommande à l ’ État partie de tenir pleinement compte des obligations que lui impose le Pacte et de garantir le plein exercice des droits qui y sont consacrés dans la mise en œuvre au niveau national du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030, y compris dans le cadre du relèvement après la pandémie de COVID-19. La réalisation des objectifs de développement durable serait sensiblement facilitée si l ’ État partie établissait des mécanismes indépendants pour le suivi des progrès et considérait les bénéficiaires des programmes publics comme les titulaires de droits qu ’ ils peuvent faire valoir. Le Comité recommande à l ’ État partie de soutenir les engagements pris au niveau mondial dans le contexte de la décennie d ’ action en faveur des objectifs de développement durable. Appliquer les objectifs d ’ après les principes de participation, de responsabilité et de non-discrimination permettrait de faire en sorte que nul ne soit laissé de côté. À cet égard, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur sa déclaration relative à l ’ engagement de ne laisser personne de côté.

63. Le Comité prie l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, y compris dans la République du Karakalpakstan et à l ’ échelon provincial, en particulier auprès des parlementaires, des fonctionnaires et des autorités judiciaires, et de l ’ informer dans son prochain rapport périodique des dispositions qu ’ il aura prises pour y donner suite. Il l ’ encourage à associer les organisations non gouvernementales et d ’ autres membres de la société civile au suivi des présentes observations finales et au processus de consultation nationale avant la soumission de son prochain rapport périodique.

64. Conformément à la procédure de suivi des observations finales adoptées par le Comité, l ’ État partie est prié de fournir, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de l ’ adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations formulées par le Comité aux paragraphes 13 (corruption), 21 (non-discrimination) et 33 (chômage des jeunes).

65. Le Comité prie l ’ État partie de lui soumettre son quatrième rapport périodique au titre de l ’ article 16 du Pacte le 31 mars 2027 au plus tard, sauf notification contraire résultant d ’ une modification du cycle d ’ examen. Conformément à la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le rapport périodique ne devra pas compter plus de 21 200 mots.