Nations Unies

E/C.12/ITA/CO/6

Conseil économique et social

Distr. générale

7 décembre 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le sixième rapport périodique de l’Italie *

1.Le Comité a examiné le sixième rapport périodique de l’Italie à ses 38e et 39e séances, les 29 et 30 septembre 2022, et adopté les présentes observations finales à sa 60e séance, le 14 octobre 2022.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le sixième rapport périodique de l’État partie, qui est fondé sur la liste de points établie avant la soumission de ce rapport. Il sait gré à l’État partie d’avoir accepté de soumettre son rapport conformément à la procédure simplifiée, qui permet de mieux cibler l’examen du rapport et le dialogue avec la délégation. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction la ratification, en 2015, de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

4.Le Comité se félicite des mesures législatives, institutionnelles et stratégiques prises par l’État partie pour renforcer la protection des droits économiques, sociaux et culturels sur son territoire, telles que l’adoption de la loi no 32 du 7 avril 2022 sur la famille, visant à améliorer la qualité de la vie des familles avec enfants, de la loi no 26 du 28 mars 2019 sur le revenu de citoyenneté, et du second plan d’action national relatif aux entreprises et aux droits de l’homme (2021-2026), ainsi que des mesures mentionnées dans les présentes observations finales.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Application du Pacte au niveau national

5.Le Comité demeure préoccupé par le fait que les dispositions du Pacte ne sont invoquées dans aucune décision de justice et qu’aucune formation spécialisée sur l’opposabilité de ces dispositions n’est dispensée aux juges, aux procureurs et aux avocats. Il constate également avec préoccupation que les fonctionnaires, en particulier ceux qui sont responsables de l’application du Pacte, ne connaissent pas les obligations que cet instrument met à la charge de l’État partie (art. 2 (par. 1)).

6. Le Comité recommande à l’État partie :

a)De dispenser régulièrement aux juges, aux procureurs et aux avocats des formations spécialisées sur les dispositions du Pacte et leur opposabilité  ;

b)De sensibiliser aux droits économiques, sociaux et culturels les acteurs étatiques responsables de l’application du Pacte, tels que les services de police, les inspecteurs du travail, les travailleurs sociaux, le personnel de santé et les enseignants  ;

c)De procéder systématiquement à une étude d’impact sur les droits de l’homme lorsqu’il entreprend de formuler des lois et des politiques ayant trait aux droits économiques, sociaux et culturels  ;

d)De suivre et de respecter l’observation générale n o 9 (1998) du Comité sur l’application du Pacte au niveau national.

Institution nationale des droits de l’homme

7.Le Comité déplore l’absence chronique de résultats concrets en ce qui concerne la création d’une institution nationale des droits de l’homme indépendante, alors que cela fait des années que l’État partie étudie la question (art. 2 (par. 1)).

8. Le Comité exhorte l’État partie à créer une institution nationale des droits de l’homme dotée d’un large mandat, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), et à lui allouer les ressources humaines, techniques et financières nécessaires à la pleine réalisation de son mandat en ce qui concerne les droits économiques, sociaux et culturels. À cet égard, l e Comité rappelle son observation générale n o 10 (1998) sur le rôle des institutions nationales de défense des droits de l’homme dans la protection des droits économiques, sociaux et culturels.

Société civile, défenseurs des droits de l’homme et journalistes

9.Le Comité se montre préoccupé par les allégations répétées d’actes de harcèlement, de menace physique et d’agression verbale commis par des acteurs étatiques et non étatiques et visant des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes qui œuvrent en faveur des droits économiques, sociaux et culturels, notamment dans le contexte de la protection des réfugiés (art. 5).

10. Le Comité recommande à l’État partie de garantir aux journalistes indépendants, aux défenseurs des droits de l’homme et aux autres activistes une protection efficace, y compris par un élargissement des programmes de protection des personnes.

Disparités régionales

11.Le Comité constate avec préoccupation qu’il existe des disparités régionales persistantes dans l’accès aux services sociaux, que trop peu de mesures sont prises pour y remédier, que les administrations locales disposent de capacités financières et administratives réduites et variables et que les administrations centrales et locales manquent de coordination (art. 2 (par. 1)).

12. Le Comité recommande à l’État partie :

a)De renforcer les capacités financières et administratives des administrations locales afin que tous les habitants de l’État partie jouissent en toute égalité des droits inscrits dans le Pacte, quel que soit leur lieu de résidence  ;

b)D’accroître les flux de fonds publics depuis les régions plus riches du nord vers les régions plus pauvres du sud  ;

c) De se prévaloir davantage, en tant qu’État membre de l’Union européenne, des possibilités de financement offertes par le Fonds européen de développement régional pour ses projets dans ce domaine.

Entreprises et droits de l’homme

13.Le Comité prend note de l’adoption du second plan d’action national relatif aux entreprises et aux droits de l’homme (2021-2026), mais constate avec inquiétude que le décret législatif no 231/2001 ne couvre pas suffisamment les violations des droits de l’homme par les entreprises et permette à celles-ci d’être exonérées de responsabilité si elles prouvent qu’elles ont mis en place un mécanisme adéquat de prévention et de gestion des risques. Il constate également avec préoccupation que le cadre réglementaire et juridique régissant le devoir de précaution n’englobe pas suffisamment les sous-traitants, notamment étrangers (art. 2 (par. 1)).

14. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De modifier le décret législatif n o 231/2001 pour que les entreprises ne soient plus exonérées de leur responsabilité et pour que les violations de tous les droits de l’homme soient visées  ;

b) De faire respecter les obligations légales et le devoir de précaution par l’ensemble des entreprises de la chaîne logistique, y compris aux sous-traitants dans le pays et à l’étranger  ;

c) D’intégrer ces composantes aux futurs plans d’action nationaux relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, et de suivre et de respecter l’observation générale n o 24 (2017) du Comité sur les obligations des États en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans le contexte des activités des entreprises.

Exportations d’armes

15.Le Comité constate avec préoccupation que les études d’impact sur les droits de l’homme menées dans le cadre des mécanismes de contrôle des exportations d’armes sont de mauvaise qualité et que des violations des droits de l’homme ont pu découler de transferts et d’exportations d’armes, passés comme plus récents, de l’État partie vers des pays qui ont par la suite fait usage de ces armes dans des zones de conflit. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles l’opacité du processus d’attribution des licences d’exportation d’armes est source de corruption et de malversations (art. 2 (par. 1)).

16. Le Comité recommande à l’État partie d’évaluer les risques de manière approfondie avant d’accorder des licences d’exportation d’armes et de refuser de délivrer ces licences ou de les suspendre lorsqu’il existe un risque que les armes servent à commettre des violations des droits de l’homme, y compris des droits économiques, sociaux et culturels. L’État partie doit également veiller à ce que tous les transferts et exportations d’armes soient conformes à ses obligations au titre du Traité sur le commerce des armes.

Changements climatiques

17.Le Comité est préoccupé par le fait que les politiques actuelles de réduction des émissions ne permettront peut-être pas à l’État partie de respecter ses obligations au titre de l’Accord de Paris, et que des pratiques non durables contribuent aux changements climatiques au-delà du territoire de l’État partie (art. 2 (par. 1)).

18. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures pour s’acquitter de sa contribution déterminée au niveau national au titre de l’Accord de Paris, notamment via une plus forte taxation des émissions  ;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires au remplacement des combustibles fossiles dans son bouquet énergétique, y compris en augmentant la part de l’énergie renouvelable  ;

c) De suivre et de respecter la déclaration du Comité sur les changements climatiques et le Pacte .

Obligation d’agir au maximum des ressources disponibles

19.Le Comité constate avec préoccupation que l’impôt sur les sociétés a baissé, que la taxe sur la valeur ajoutée, qui est en elle-même régressive, reste relativement élevée et que les droits de succession sont très faibles. Tous ces facteurs réduisent la marge de manœuvre budgétaire. Il est également préoccupé par les retards dans l’application du Plan national de relèvement et de résilience, qui pourraient constituer un obstacle au transfert des fonds nécessaires au redressement financier et économique du pays après la pandémie de COVID‑19 (art. 2 (1)).

20. Le Comité recommande à l’État partie de restructurer son système fiscal pour lui donner une orientation plus progressiste en revenant sur la taxation des sociétés, la taxe sur la valeur ajoutée et les droits de succession, afin d’augmenter l’assiette fiscale et d’accroître la marge de manœuvre budgétaire en vue de la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels et d’accentuer l’effet redistributif du système. Le Comité recommande également à l’État partie de garantir la mise en œuvre sans délai du Plan national de relèvement et de résilience.

Aide publique au développement

21.Le Comité est préoccupé par le fait que l’aide publique au développement de l’État partie reste bien inférieure à l’objectif de 0,7 % du revenu national brut prôné par les Nations Unies.

22. Le Comité prend note de l’intention affichée de l’État partie d’augmenter son aide publique au développement pour atteindre l’objectif de 0,7 % du revenu intérieur brut d’ici à 2030, et lui recommande de procéder à cette augmentation sans délai.

Corruption

23.Le Comité note que l’État partie a renforcé son cadre juridique de lutte contre la corruption par l’adoption de la loi no 3/2019, mais reste préoccupé par l’omniprésence de la corruption dans le pays, y compris dans le système judiciaire. Il est également préoccupé par l’inadéquation et le manque de moyens des institutions chargées de la lutte contre la corruption (art. 2 (par. 1)).

24. Le Comité recommande une nouvelle fois à l’État partie d’enquêter sur toutes les allégations de corruption, y compris dans le système judiciaire, et de garantir l’application effective de la loi sur la lutte contre la corruption . Il recommande aussi à l ’ État partie d ’ allouer des ressources suffisantes aux institutions de lutte contre la corruption, de mettre en place une politique de tolérance zéro envers la corruption et de garantir une protection efficace des victimes de la corruption, des lanceurs d ’ alerte et de leurs avocats.

Mesures d’austérité et dette publique

25.Le Comité prend note des mesures de diminution de la dette publique prises par l’État partie suite à la crise financière, mais il reste préoccupé par les effets délétères notables et persistants de ces mesures d’austérité sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier les coupes budgétaires réalisées dans le secteur de la santé, qui ont amplifié les effets de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19). Il est également préoccupé par le fait que la réduction du déficit budgétaire et de la dette publique risque de nécessiter l’adoption de mesures d’austérité supplémentaires et donc de diminuer la capacité de l’État partie de satisfaire à son obligation de mobiliser le maximum de ses ressources disponibles et de financer convenablement son système de santé (art. 2 (par. 1), 6, 9 et 11).

26. Le Comité recommande à l’État partie :

a)D ’évaluer les effets des ajustements budgétaires envisagés sur les droits inscrits dans le Pacte et de prendre toutes les mesures nécessaires pour minimiser tout effet néfaste et donner la priorité au secteur de santé  ;

b)De suivre et de respecter la lettre ouverte que le Comité a adressée le 16 mai 2012 aux États parties concernant les droits économiques, sociaux et culturels dans le contexte de la crise économique et financière , ainsi que sa déclaration de 2016 sur la dette publique, les mesures d’austérité et le Pacte.

Discrimination

27.Le Comité est préoccupé par les cas récents de discours haineux encourageant une certaine animosité contre des groupes en raison de leur orientation sexuelle, de leur statut migratoire, de leur religion ou de leur appartenance raciale, y compris par les appels à priver ces groupes de leurs droits économiques, sociaux et culturels (art. 2 (par. 1)).

28. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des politiques et des lois globales de lutte contre la discrimination afin de permettre à toutes les personnes d’exercer leurs droits humains et leurs droits économiques, sociaux et culturels sans aucune discrimination quelle qu’elle soit, y compris les discours haineux. À cet égard, le Comité rappelle son observation générale n o 20 (2009) sur la non-discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

Personnes handicapées

29.Le Comité partage les préoccupations du Comité des droits des personnes handicapées, selon lequel la législation interne ne comporte pas de définition des aménagements raisonnables et n’indique pas de façon explicite que le refus de ceux‑ci constitue une forme de discrimination fondée sur le handicap. Il constate en outre avec préoccupation que les programmes de protection sociale ne répondent pas aux besoins des personnes handicapées (art. 2 (par. 2)).

30. Le Comité recommande à l’État partie de promulguer une législation qui dispose expressément que le refus d’aménagement raisonnable constitue une discrimination fondée sur le handicap dans tous les domaines de la vie, y compris dans les secteurs public et privé, conformément aux recommandations du Comité des droits des personnes handicapées . Il recommande également à l’État partie de garantir que les programmes de protection sociale répondent aux besoins des personnes handicapées, dans toute leur diversité et dans des conditions d’égalité avec les autres, conformément aux demandes du Comité des droits des personnes handicapées .

Migrants, demandeurs d’asile et réfugiés

31.Le Comité demeure préoccupé par le fait que les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés ne jouissent pas de tous les droits inscrits dans le Pacte à leur arrivée dans l’État partie. Il note en outre avec préoccupation que la loi no 132 du 1er décembre 2018 sur l’immigration et la citoyenneté a contribué à une hausse du nombre de migrants en situation irrégulière dans l’État partie et du risque qu’ils soient victimes d’exploitation. De plus, il note avec inquiétude que le manque de clarté des informations communiquées concernant les différentes campagnes de régularisation a découragé des personnes concernées d’en faire la demande (art. 2 (par. 2)).

32. Le Comité recommande à l ’ État partie de rechercher et de renforcer la coopération et l’ assistance internationales, notamment avec d ’ autres États membres de l ’ Union européenne, en ce qui concerne le respect de ses obligations au titre du Pacte en matière de protection et de promotion des droits humains des migrants, des demandeurs d ’ asile et des réfugiés. Il lui recommande également de réviser la loi n o 132 du 1 er décembre 2018 dans le but d ’ accroître la régularisation des migrants, et de garantir la clarté et la sécurité juridique des instruments et des campagnes de régularisation, tant au niveau des textes que de la communication à leur sujet.

Égalité de droits entre les hommes et les femmes

33.Le Comité demeure préoccupé par la persistance des stéréotypes de genre et par le manque de représentation des femmes dans le système judiciaire et à des postes haut placés dans l’administration publique. Il note en outre avec préoccupation que les femmes ont un taux d’activité bien inférieur à celui des hommes et qu’elles sont concentrées dans les professions traditionnellement féminines, ce qui vient creuser l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes (art. 3 et 7).

34. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses mesures de lutte contre les stéréotypes de genre, y compris en ayant davantage recours aux médias et aux campagnes de sensibilisation et en renforçant le nombre des femmes travaillant dans le système judiciaire et à des postes publics haut placés, notamment via des quotas. Il recommande également à l’État partie de redoubler d’efforts pour combler l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes, y compris en s’attaquant à la ségrégation entre hommes et femmes sur le marché du travail, en revoyant ses politiques sociales et fiscales et en s’attaquant aux facteurs qui dissuadent les femmes de poursuivre leur carrière ou d’occuper un emploi à temps plein. Il rappelle à ce propos son observation générale n o 16 (2005) sur le droit égal de l’homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que ses recommandations antérieures .

Chômage

35.Le Comité est particulièrement préoccupé par l’augmentation récente du taux de chômage des jeunes femmes et le manque d’évolution de la situation par rapport au rapport périodique précédent. Il reste préoccupé par la persistance dans l’État partie d’un fort taux de chômage des jeunes, des personnes handicapées et des personnes vivant dans le sud du pays et dans les îles (art. 6).

36. Le Comité rappelle ses recommandations antérieures et recommande à l’État partie d’intensifier ses mesures de lutte contre le chômage, notamment via des programmes d’emploi ciblés dans le secteur public visant particulièrement les jeunes, surtout les jeunes femmes, et les personnes handicapées, et en élargissant les programmes locaux d’accès à l’emploi dans les régions du sud et dans les îles.

Secteur informel, sécurité de l’emploi et protection sociale

37.Le Comité demeure préoccupé par le nombre considérable de travailleurs dans le secteur informel, par le fait qu’ils ne sont pas suffisamment protégés par les lois sur le travail et la protection sociale, et par l’approche punitive adoptée par l’État partie à leur égard (art. 7 et 9).

38.Le Comité rappelle ses recommandations antérieures tendant à ce que l’État partie adopte une approche globale du secteur informel et prenne toutes les mesures nécessaires pour réduire l’ampleur de celui-ci et accroître les possibilités d’emploi dans le secteur formel.

Conditions de travail

39.Le Comité se montre préoccupé par les violations des droits de l’homme, notamment les conditions de vie et de travail inhumaines, les risques pour la santé liés au travail, l’exposition à la pollution et les pratiques d’exploitation, commises par des entreprises, du secteur agricole, du bâtiment, de l’habillement et du textile et auxquelles les travailleurs migrants sont particulièrement vulnérables (art. 7).

40. Le Comité recommande à l’État partie d’effectuer un contrôle adéquat des conditions de travail dans le secteur agricole, le bâtiment, l ’ habillement et le textile , y compris en augmentant les amendes infligées aux employeurs et le nombre d’inspections inopinées menées par l’Inspection nationale du travail. À cet égard, le Comité rappelle son observation générale n o 23 (2016) sur le droit à des conditions de travail justes et favorables.

Pensions de retraite

41.Le Comité constate que le manque de mesures adéquates prises pour faire face au vieillissement rapide de la population menace la pérennité à moyen et long terme du système de pensions de retraite, ce qui peut compromettre l’exercice des droits économiques et sociaux des retraités. Il demeure également préoccupé par le manque de flexibilité des conditions minimales permettant aux travailleurs exerçant des activités particulièrement pénibles de prendre une retraite anticipée (art. 9).

42.Le Comité recommande à l’État partie de garantir la pérennité à moyen et à l ong terme du système de pensions de retraite, sans nuire à l’exercice des droits économiques et sociaux des retraités, par exemple de réduire le nombre d’exceptions à la hausse de l’âge de la retraite et de repousser progressivement celui-ci pour toute la population en suivant l’augmentation de l’espérance de vie. Il recommande également à l’État partie d’adapter en parallèle ses modalités de retraite anticipée pour permettre une plus grande flexibilité au cas par cas.

Pauvreté

43.Le Comité note avec inquiétude que le fort taux de pauvreté persiste et qu’il a augmenté ces dernières années dans certaines régions, notamment en raison de la pandémie de COVID-19. Il demeure préoccupé par le fort taux de pauvreté touchant les enfants, le taux particulièrement élevé de pauvreté absolue chez les non-ressortissants et les disparités régionales en ce qui concerne les taux de pauvreté (art. 11).

44.Le Comité exhorte l ’ État partie à tout mettre en œuvre pour lutter contre la pauvreté, notamment celle touchant les enfants, le sud du pays et les non-ressortissants qui ne peuvent pas bénéficier du programme de revenu de citoyenneté, en augmentant par exemple les transferts en espèces directement versés aux groupes les plus défavorisés et marginalisés. À cet égard, le Comité rappelle ses recommandations antérieures et appelle l’attention de l’État partie sur sa déclaration sur la pauvreté et le Pacte .

Droit à un logement convenable

45.Le Comité est préoccupé par l’effet néfaste de la hausse des prix sur la capacité des groupes les plus défavorisés et marginalisés de trouver un logement adéquat correspondant à leurs ressources financières. Il note en outre avec préoccupation que les populations roms continuent de vivre dans des campements où les services de base sont insuffisants ou font défaut, que la ségrégation résidentielle des communautés roms persiste dans la pratique et que les personnes roms à la recherche d’un logement font l’objet de discriminations sur le marché locatif privé (art. 11).

46.Le Comité recommande à l’État partie d’augmenter les allocations de logement en faveur de ceux qui n’ont pas les moyens de payer un logement et de garantir un accès durable aux services de base inhérents à un logement adéquat. Il recommande également à l’État partie de prendre des mesures ciblées de prévention de la discrimination directe ou indirecte envers les personnes roms en ce qui concerne le logement. À cet égard, le Comité rappelle son observation générale n o 4 (1991) sur le droit à un logement suffisant.

Sécurité alimentaire

47.Le Comité se montre préoccupé par l’effet de la hausse du coût des denrées alimentaires sur les groupes les plus défavorisés et marginalisés, y compris les migrants, les personnes et familles à faible revenu et les habitants du sud du pays (art. 11).

48. Le Comité exhorte l ’ État partie à agir immédiatement pour lutter contre la hausse du coût des denrées alimentaires, notamment par l ’ adoption de plans d ’ action d ’ urgence avec des objectifs précis visant à garantir un accès adéquat à l ’ alimentation pour tous les habitants de l ’ État partie, et à mettre en place ou à augmenter les fonds versés aux banques alimentaires et autres associations caritatives fournissant une aide alimentaire.

Politique agricole

49.Le Comité craint que la sévérité et la fréquence croissantes des épisodes de sécheresse des dernières années n’aient rendu les petits exploitants agricoles plus vulnérables aux tactiques agressives d’achat de terres des grands producteurs et des promoteurs. De plus, il constate avec préoccupation que la structure du pouvoir déséquilibrée de l’économie alimentaire pousse les producteurs à prendre des mesures drastiques pour augmenter la production, comme l’usage intensif de pesticides, ou pour réduire les coûts de production, comme la diminution des salaires des employés agricoles, le recours à des salaires bien inférieurs au salaire minimum ou le non-respect des normes de sécurité (art. 11).

50. Le Comité recommande à l ’ État partir de soutenir les revenus des petits exploitants agricoles afin de réduire leurs coûts de production, de continuer à renforcer le contrôle des pesticides interdits et de prendre des mesures d ’ incitation positive et de soutien à la production agricole biologique et biodynamique et à la production de vin naturel. À cet égard, le Comité rappelle les recommandations du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation .

Adaptation aux changements climatiques

51.Le Comité est préoccupé par les conséquences environnementales des changements climatiques et leurs répercussions considérables sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels dans l’État partie, notamment en ce qui concerne la fréquence et la sévérité croissantes des vagues de chaleur qui touchent particulièrement les personnes âgées et ont des effets disproportionnés sur l’élévation du niveau de la mer, la dégradation des terres arables, les épisodes de sécheresse, les tempêtes et la raréfaction des ressources en eau douce (art. 11).

52. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures d’adaptation nécessaires pour protéger l’environnement et lutter contre sa dégradation, compte tenu des effets de celle-ci sur les droits économiques, sociaux et culturels. L’État partie pourrait par exemple planifier des interventions d’urgence concrètes, détaillées et adaptées aux circonstances locales pour faire face aux vagues de chaleur, avec des plans d’action pour les foyers pour personnes âgées, un rationnement de l’eau, un recours accru à l’irrigation au goutte-à-goutte, la construction de digues et l’adaptation des bâtiments publics et privés pour mieux résister aux tempêtes.

Droit à la santé

53.Le Comité demeure préoccupé par le manque d’accès aux services de soins de santé de base et ses effets néfastes sur les populations du sud du pays. Il est également préoccupé par la pérennité du système de santé dans son ensemble en raison des retards pris dans les opérations, les procédures et les examens médicaux lors de la pandémie de COVID‑19 (art. 12).

54.Le Comité rappelle ses recommandations antérieures et recommande à l’État partie d’accroître le financement des services de soins de santé de base dans les régions les plus pauvres, avec pour but de réduire l’écart entre le nord et le sud du pays et de garantir un accès égal aux soins de santé . Il recommande également à l’État partie d’affecter des fonds supplémentaires à la réduction des retards accumulés dans le système de santé en raison de la pandémie de COVID-19. À cet égard, le Comité rappelle son observation générale n o 14 (2000) sur le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint.

Obésité

55.Le Comité est préoccupé par la persistance de hauts niveaux d’obésité infantile, notamment dans le sud du pays (art. 12).

56. Le Comité renouvelle sa recommandation antérieure tendant à ce que l’État partie taxe davantage la malbouffe et les boissons sucrées , et lui recommande également de réduire la taxation des aliments sains, de rendre obligatoires les cours de sport dans les écoles primaires et de consacrer davantage de fonds aux programmes de lutte contre l’obésité infantile dans le sud du pays.

Droits en matière de sexualité et de procréation

57.Le Comité demeure préoccupé par l’accès limité aux services d’avortement, un problème exacerbé par les objections de conscience du personnel de santé concernant ces opérations, qui poussent les femmes enceintes à avoir recours à des avortements non sécurisés (art. 12).

58.Le Comité renouvelle sa recommandation antérieure tendant à ce que l’État partie garantisse l’accès aux services d’avortement et à des services adéquats d’orientation des patients et fasse en sorte que le recours à l’objection de conscience par le personnel de santé ne représente pas un obstacle pour les femmes souhaitant mettre fin à une grossesse. À cet égard, il rappelle son observation générale n o 22 (2016) sur le droit à la santé sexuelle et procréative.

Usage de drogues

59.Le Comité est préoccupé par l’approche punitive adoptée en matière de lutte contre l’usage de drogues et le nombre insuffisant de programmes de réduction des risques (art. 12).

60. Le Comité recommande à l’État partie de procéder à un examen de ses politiques et de sa législation sur les stupéfiants afin de les rendre conformes aux normes internationales relatives aux droits de l’homme et aux meilleures pratiques, et d’améliorer la disponibilité, l’accessibilité et la qualité des programmes de réduction des risques.

Droit à l’éducation

61.Le Comité est préoccupé par le fait que le taux de décrochage scolaire dans l’État partie reste l’un des plus élevés de l’Union européenne, notamment dans le sud du pays et parmi les enfants nés à l’étranger, et par les effets particulièrement néfastes de la pandémie de COVID-19 sur l’apprentissage parmi les enfants vivant dans le sud du pays, les enfants roms et les enfants nés à l’étranger (art. 13).

62.Le Comité renouvelle sa recommandation antérieure tendant à ce que l’État partie intensifie ses mesures de réduction du taux de décrochage scolaire, en portant une attention particulière aux données du sud du pays. Il lui recommande également d ’ intensifier ses mesures visant à garantir que les enfants roms et nés à l ’ étranger bénéficient d ’ un accès à un enseignement primaire de qualité dans des conditions d ’ égalité avec les autres enfants.

Droits culturels

63.Le Comité est préoccupé par le manque de diversité dans les médias grand public, y compris les médias étatiques, qui ne reflètent pas la diversité socioculturelle de l’État partie, alors que la politique intérieure se concentre de plus en plus sur le renforcement des valeurs culturelles traditionnelles au détriment de la diversité et des cultures des minorités (art. 15).

64.Le Comité recommande à l ’ État partie de fournir un soutien financier et administratif accru aux programmes visant à préserver, promouvoir et développer la culture, la langue, la religion et les traditions des minorités, y compris via les médias grand public et étatiques.

Droit à la science

65.Le Comité craint que les restrictions et limites déraisonnables imposées par la loi no 40/2004 ne freinent la recherche scientifique, car elles sont incompatibles avec le droit de bénéficier du progrès scientifique et l’obligation de l’État partie de respecter les libertés indispensables à la recherche scientifique (art. 15).

66. Le Comité recommande à l’État partie de réviser la loi n o 40/2004 pour éliminer les restrictions déraisonnables.

Fracture numérique

67.Le Comité est préoccupé par la fracture numérique persistante, qui est assez profonde et touche les personnes pauvres et âgées et les habitants des communautés rurales, insulaires et du sud du pays de façon disproportionnée (art. 15).

68.Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures appropriées de réduction de la fracture numérique en faveur des personnes vivant dans la pauvreté, des personnes âgées et des habitants des régions rurales, insulaires et du sud du pays, notamment en fournissant un financement aux autorités loca les pour l ’ installation de la fibre optique afin de fournir un accès à Internet dans ces régions.

D.Autres recommandations

69. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

70. Le Comité recommande à l’État partie de collaborer avec le Groupe de travail des communications pour répondre aux préoccupations concernant des plaintes pour violations du Pacte adressées au Comité par des particuliers.

71.Le Comité recommande à l’État partie de tenir pleinement compte des obligations que lui impose le Pacte et de garantir le plein exercice des droits qui y sont consacrés tant dans l’application du Programme de développement durable à l’horizon 2030 au niveau national que dans les mesures qu’il prend pour assurer son relèvement après la pandémie de COVID-19. La réalisation des objectifs de développement durable serait sensiblement facilitée si l’État partie établissait des mécanismes indépendants pour le suivi des progrès et considérait les bénéficiaires des programmes publics comme les titulaires de droits qu’ils peuvent faire valoir. Il lui recommande en outre de soutenir les engagements pris au niveau mondial dans le contexte de la décennie d’action en faveur des objectifs de développement durable. Appliquer les objectifs d’après les principes de participation, de responsabilité et de non-discrimination permettrait de faire en sorte que nul ne soit laissé de côté. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa déclaration relative à l’engagement de ne laisser personne de côté .

72.Le Comité prie l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, y compris aux échelons national et municipal, en particulier auprès des parlementaires, des fonctionnaires et des autorités judiciaires, et de l’informer dans son prochain rapport périodique des dispositions qu’il aura prises pour y donner suite. Il souligne le rôle crucial du Parlement dans l’application des présentes observations finales et encourage l ’ État partie à faire en sorte qu’il prenne part aux prochaines activités d’établissement de rapports et de suivi . Il l’encourage à associer les organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile au suivi des présentes observations finales et au processus de consultation nationale avant la soumission de son prochain rapport périodique.

73. Conformément à la procédure de suivi des observations finales adopt ées par le Comité, l’État partie est prié de fournir, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations formulées par le Comité aux paragraphes 14 (entreprises et droits de l’homme), 18 (changements climatiques) et 28 (discrimination).

74. Le Comité demande à l’État partie de soumettre son septième rapport périodique au titre de l’article 16 du Pacte avant le 31 octobre 2027, sauf notification contraire résultant d’une modification du cycle d’examen. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots.