Nations Unies

E/C.12/BHR/CO/1

Conseil économique et social

Distr. générale

3 août 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le rapport initial de Bahreïn *

1.Le Comité a examiné le rapport initial de Bahreïn à ses 18e, 19e et 20e séances, les 24 et 25 février 2022, et a adopté les présentes observations finales à sa 30e séance, le 4 mars 2022.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie, mais regrette que celui-ci ait été soumis avec dix ans de retard. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite des mesures législatives, institutionnelles et stratégiques, mentionnées dans les présentes observations finales, que l’État partie a prises pour améliorer l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels sur son territoire. Il se félicite en particulier de la création d’une institution nationale des droits de l’homme et de l’adoption de diverses lois et réglementations relatives au travail. Il se félicite également de la ratification, le 22 septembre 2011, de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Application du Pacte au niveau national

4.Le Comité note que le Pacte fait partie intégrante du système juridique interne de l’État partie, mais regrette de ne pas disposer d’informations sur le règlement des potentiels conflits entre les lois nationales et le Pacte. Il regrette également de ne pas disposer d’informations sur les affaires dans lesquelles les dispositions du Pacte ont été invoquées devant les tribunaux nationaux ou appliquées par eux (art. 2, par. 1).

5.Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les droits consacrés par le Pacte soient pleinement incorporés dans sa législation nationale et à ce que les dispositions du Pacte l’emportent en cas de conflit avec la législation nationale . Il lui recommande également de mieux faire connaître le Pacte aux membres de l’appareil judiciaire et à la population en général et de les sensibiliser à l’opposabilité des droits économiques, sociaux et culturels . Il appelle aussi l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 9 (1998) sur l’application du Pacte au niveau national .

Institution nationale pour la promotion et la protection des droits de l’homme

6.Le Comité prend note des mesures législatives que l’État partie a prises pour renforcer l’Institution nationale des droits de l’homme, mais constate avec préoccupation que l’Institution ne jouit pas encore de l’indépendance nécessaire à l’exercice de ses fonctions. Il regrette de ne pas disposer d’informations sur les plaintes pour violation des droits économiques, sociaux et culturels que l’Institution a reçues et sur les enquêtes qu’elle a menées comme suite à ces plaintes (art. 2, par. 1).

7. Le Comité recommande à l’État partie de continuer à renforcer l’indépendance de l’Institution nationale des droits de l’homme afin que celle-ci soit pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) et qu’elle puisse s’acquitter de son mandat pleinement, efficacement et en toute indépendance . Il lui demande en outre d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur les plaintes pour violation des droits économiques, sociaux et culturels que l’Institution nationale des droits de l’homme a reçues et examinées .

Défenseurs des droits de l’homme

8.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les défenseurs des droits de l’homme, notamment ceux qui œuvrent en faveur des droits économiques, sociaux et culturels et de la justice sociale, font l’objet d’actes de harcèlement, d’intimidation et de représailles. Ils seraient victimes de mesures de représailles, telles que la déchéance de nationalité, la suspension et le déclassement professionnel dans les secteurs public et privé, ainsi que d’actes de harcèlement policier et judiciaire, y compris le placement en détention arbitraire. Le Comité est particulièrement préoccupé par le manque d’informations concernant la situation de plusieurs défenseurs des droits de l’homme, notamment Adbulhadi al-Khawaja, dont la détention a été déclarée arbitraire par le Groupe de travail sur la détention arbitraire, et Abduljalil al-Singace et Naji Ali Fateel, dont la libération immédiate a été demandée par la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains.

9.Le Comité recommande à l’État partie de protéger les défenseurs des droits de l’homme contre le harcèlement, l’intimidation et les représailles, et de permettre aux organisations de la société civile engagées dans la promotion et la protection des droits de l’homme, y compris les droits économiques, sociaux et culturels, de mener leurs activités dans un contexte qui leur est favorable, notamment en menant des campagnes d’information et de sensibilisation qui mettent l’accent sur l’importance de leur travail . Il renvoie l’État partie à sa déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme et les droits économiques, sociaux et culturels . En outre, il lui demande instamment de prendre, dans les meilleurs délais, des mesures pour protéger efficacement tous les défenseurs des droits de l’homme, notamment Adbulhadi al- Khawaja , Abduljalil al ‑ Singace et Naji Ali Fateel , et de coopérer pleinement avec la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains sur cette question .

Changements climatiques et protection de l’environnement

10.Le Comité se félicite des mesures que l’État partie a prises pour établir un dispositif chargé des questions liées aux changements climatiques dans le pays, ce dispositif se composant notamment du Conseil suprême de l’environnement et du Comité national conjoint sur les changements climatiques. Il note toutefois avec préoccupation que la désertification, la dégradation des terres arables, les sécheresses, les tempêtes de poussière, l’érosion du littoral due aux marées noires et le manque de ressources en eau douce ont des répercussions considérables sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels dans l’État partie. Il constate en outre que l’État partie n’est pas en voie d’honorer sa contribution déterminée au niveau national au titre de l’Accord de Paris, ni d’atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, à cause notamment des secteurs pétrolier et gazier (art. 2, par. 1).

11.Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger l’environnement et lutter contre sa dégradation, compte tenu des effets de celle-ci sur les droits économiques, sociaux et culturels . Il lui recommande également de redoubler d’efforts pour honorer ses contributions déterminées au niveau national au titre de l’Accord de Paris et réduire ses émissions de gaz à effet de serre, en particulier de promouvoir les énergies de substitution et les énergies renouvelables et de respecter, dans ses politiques d’exploitation et d’exportation des ressources naturelles, ses obligations en matière de droits de l’homme . Il renvoie l’État partie à sa déclaration sur les changements climatiques et le Pacte .

Entreprises et droits de l’homme

12.Le Comité note avec préoccupation que rien dans la législation de l’État partie n’oblige les entreprises relevant de sa juridiction à faire preuve de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme. Il est particulièrement préoccupé par les résultats des études d’impact sur les droits de l’homme des activités commerciales des industries pétrolières et gazières (art. 2, par. 1).

13.Le Comité recommande à l’État partie d’adopter un plan national d’action et de se doter d’un cadre juridique exigeant des entreprises qu’elles fassent preuve de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme dans le cadre de leurs activités dans le pays et à l’étranger . Il lui recommande également de veiller à ce que les entreprises qui opèrent sur son territoire ou qui sont domiciliées sur son territoire et opèrent à l’étranger, qu’elles soient privées ou publiques, soient tenues de rendre des comptes pour les violations des droits économiques, sociaux et culturels dont elles sont responsables, et à ce que les victimes de ces violations aient accès à des recours utiles . Il renvoie l’État partie à son observation générale n o 24 (2017) sur les obligations des États en vertu du Pacte dans le contexte des activités des entreprises .

Non-discrimination

14.Le Comité constate avec préoccupation que :

a)Bien que le cadre constitutionnel et législatif de l’État partie contienne des dispositions contre la discrimination, le pays n’a ni loi, ni de cadre stratégique global en la matière, et que, dans la pratique, la discrimination généralisée, la stigmatisation et les stéréotypes négatifs empêchent certains individus et groupes, tels que les personnes handicapées et les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes, de jouir de leurs droits économiques, sociaux et culturels (art. 2, par. 2) ;

b)Malgré les efforts que l’État partie a déployés ces dernières années pour améliorer leurs conditions de vie, de nombreux travailleurs migrants sont victimes de discrimination en matière d’emploi et n’ont qu’un accès limité à un logement convenable, à l’éducation et aux soins et services de santé ;

c)Bien que la Constitution interdise la discrimination fondée sur l’appartenance religieuse, les membres de la communauté chiite et les apatrides, notamment les Bidouns apatrides et ceux qui ont été déchus de leur citoyenneté, seraient victimes de discrimination en matière d’éducation, d’emploi et d’exercice de leurs droits culturels.

15. Tout en notant qu’aucune disposition du droit interne n’est directement discriminatoire, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter une législation et un cadre stratégique complets de lutte contre la discrimination visant à garantir l’égalité et à combattre les formes directes, indirectes, multiples et croisées de discrimination, fondées sur quelque motif que ce soit ;

b) De redoubler d’efforts pour que les travailleurs migrants puissent jouir, sans discrimination, de leurs droits économiques, sociaux et culturels, notamment en les protégeant contre la discrimination en matière d’emploi et en supprimant les obstacles auxquels ils sont confrontés pour ce qui est de l’accès à un logement convenable, à l’éducation et aux soins et services de santé ;

c) De prendre des mesures efficaces pour éliminer la discrimination fondée sur l’appartenance religieuse dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, notamment en redoublant d’efforts pour lutter contre la discrimination dont les membres de la communauté chiite font l’objet dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et de l’exercice de leurs droits culturels ;

d) De prendre les mesures voulues pour prévenir et réduire l’apatridie afin que les personnes apatrides puissent exercer sans discrimination leurs droits économiques, sociaux et culturels, et d’envisager de ratifier la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d’apatridie ;

e) De prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer les stéréotypes négatifs et la stigmatisation dont font l’objet les membres des groupes marginalisés, tels que les personnes handicapées, les personnes vivant avec le VIH/sida, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes et les réfugiés, notamment de mener des campagnes de sensibilisation auprès du public, des prestataires de soins de santé, des enseignants, des travailleurs sociaux, des membres des forces de l’ordre et des autres agents de l’État ;

f) De mettre en place des mécanismes permettant aux victimes de discrimination d’avoir accès à des recours utiles ;

g) De tenir compte de son observation générale n o 20 (2009) sur la non ‑ discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels .

Égalité entre hommes et femmes

16.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que certaines dispositions légales, telles que celles relatives à la nationalité et à l’héritage, sont discriminatoires ;

b)Que les attitudes patriarcales sont bien ancrées et que les femmes ne sont vues que comme des mères et des épouses, ce qui est susceptible de les empêcher de jouir des droits consacrés par le Pacte sur la base de l’égalité avec les hommes ;

c)Qu’en dépit des mesures que l’État partie a prises pour accroître la part de femmes dans la population active, le taux d’emploi des femmes serait faible ;

d)Que les femmes sont toujours sous-représentées aux postes de direction et de décision, tant dans le secteur privé que dans le secteur public ;

e)Qu’en dépit des efforts de l’État partie, l’écart de rémunération entre les sexes persiste (art. 3).

17. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De revoir toutes les dispositions légales et réglementaires afin d’abroger ou de modifier celles qui sont discriminatoires ou ont un effet discriminatoire sur les femmes, y compris les lois sur la nationalité et l’héritage ;

b) De redoubler d’efforts, notamment en menant des campagnes de sensibilisation, pour lutter contre les attitudes patriarcales et faire évoluer l’image stéréotypée des femmes dans la famille et la société, et de reconnaître que les femmes ont les mêmes droits que les hommes ;

c) De recenser et d’éliminer les obstacles qui empêchent les femmes de participer au marché du travail sur un pied d’égalité avec les hommes, notamment en luttant contre la conception traditionnelle des rôles dévolus aux hommes et aux femmes dans la famille et dans la société, et de promouvoir la présence de femmes aux postes de décision et aux fonctions de direction dans le secteur privé ;

d) De prendre des mesures efficaces pour combler l’écart salarial entre hommes et femmes, notamment en s’attaquant aux causes structurelles qui font que les femmes occupent des emplois moins bien rémunérés et se heurtent à des obstacles qui les empêchent d’avoir les mêmes perspectives de carrière que les hommes ;

e) De prendre en compte et d’appliquer les orientations formulées dans son observation générale n o 16 (2005) sur le droit égal de l’homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels .

Chômage

18.Le Comité prend note des différentes mesures que l’État partie a prises pour lutter contre le chômage, notamment celles qui visent à soutenir les petites et moyennes entreprises. Il reste toutefois préoccupé par les taux de chômage dans l’État partie, en particulier chez les personnes handicapées, les jeunes et les femmes, y compris celles et ceux qui possèdent un diplôme universitaire. Il constate en outre avec inquiétude que les politiques publiques et programmes ciblés de l’État partie n’ont pas permis de réduire efficacement le chômage (art. 6).

19. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De s’attaquer aux causes structurelles du chômage, notamment à la croissance économique sans emploi ;

b) De revoir les cursus professionnels et universitaires afin qu’ils répondent aux demandes actuelles du marché du travail et de faire en sorte que le haut niveau d’éducation se traduise par des possibilités d’emploi ;

c) D’évaluer les résultats du programme « Premier emploi pour les jeunes » et d’adopter des mesures en faveur de l’emploi qui ciblent les femmes et les personnes handicapées ;

d) De mettre en place des services d’assistance aux chômeurs, qui cibleraient en particulier les personnes handicapées et les femmes ;

e) De prendre en compte, dans l’exécution des stratégies et politiques publiques relatives au travail, son observation générale n o 18 (2005) sur le droit au travail .

Salaire minimum

20.Le Comité constate que l’article 15 de la loi no 48 de 2010 sur la fonction publique prévoit un salaire minimum pour les fonctionnaires, mais regrette que l’État partie n’ait pas fixé de salaire minimum légal pour les travailleurs du secteur privé (art. 7).

21. Le Comité recommande à l’État partie d’établir, en collaboration avec les partenaires sociaux, un salaire minimum national adéquat et régulièrement révisé pour tous les travailleurs, quels que soient le type de contrats, l’aménagement du temps de travail et les secteurs d’activité, afin de leur garantir, à eux et aux membres de leur famille, des conditions de vie décentes . Il appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 23 (2016) sur le droit à des conditions de travail justes et favorables .

Droit à des conditions de travail justes et favorables

22.Le Comité note avec satisfaction que les travailleurs migrants employés dans certains secteurs bénéficient de la protection de la loi no 36 de 2012 portant Code du travail dans le secteur privé, qu’une autorité de règlement des conflits au travail a été créée, que les travailleurs n’ont pas à payer les frais de justice dans les litiges relatifs au travail, qu’il est interdit de faire travailler des personnes en plein soleil pendant les mois de juillet et d’août, et que des modifications ont été apportées aux règlements concernant les périodes de repos et de loisirs. Le Comité constate néanmoins avec préoccupation que :

a)Les domestiques et les travailleurs de l’économie informelle ne sont pas suffisamment protégés par les lois du travail existantes, car seul un nombre limité de dispositions du Code du travail dans le secteur privé leur sont applicables, et que dans certains cas, leur salaire ne leur a pas été versé et leurs conditions de travail étaient précaires ;

b)Certains travailleurs migrants sont hébergés dans des conditions inadéquates dans des installations non enregistrées et surpeuplées (art. 7).

23. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures législatives pour que les travailleurs de tous les secteurs, y compris les domestiques et les travailleurs de l’économie informelle, soient protégés par la législation et la réglementation du travail, l’objectif étant de garantir leur droit à des conditions de travail justes et favorables, notamment en ce qui concerne la rémunération, le repos et les loisirs, la limitation de la durée du travail et la protection contre les licenciements abusifs ;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires à l’application effective des lois et règlements relatifs au travail et de protéger les travailleurs de tous les secteurs contre l’exploitation et les abus, notamment en améliorant encore les mécanismes de plainte afin de les rendre facilement accessibles et en protégeant tous les travailleurs contre les représailles en veillant à ce que l’inspection du travail contrôle effectivement les conditions de travail, notamment dans les secteurs de la construction et des services ;

c) De continuer à améliorer la situation des travailleurs migrants sur le lieu de travail et dans les installations dans lesquelles ils sont hébergés, et de veiller à ce que ces installations fassent l’objet d’un contrôle par l’inspection du travail ;

d) De se référer à son observation générale n o 23 (2016) sur le droit à des conditions de travail justes et favorables ;

e) D’envisager de ratifier la Convention ( n o 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, adoptée en 2011 par l’Organisation internationale du Travail (OIT) .

Droits syndicaux

24.Le Comité note que la loi sur les syndicats de l’État partie reconnaît le droit de former des syndicats et d’y adhérer, ainsi que le droit de grève. Tout en tenant compte de la déclaration faite par l’État partie lors de son adhésion au Pacte concernant l’article 8 (par. 1 d)), il constate avec préoccupation que :

a)Bien que les travailleurs migrants aient le droit d’adhérer à des syndicats, seuls les citoyens peuvent occuper des fonctions de direction syndicale ;

b)La loi ne prévoit pas le droit à la négociation collective ;

c)La loi interdit les grèves dans de nombreux secteurs de l’économie, notamment le pétrole, le gaz et l’éducation ;

d)La loi n’exige pas la réintégration des travailleurs qui ont été licenciés parce qu’ils avaient participé à des activités syndicales (art. 8).

25. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures législatives pour :

a) Faire en sorte que les travailleurs migrants puissent également occuper des postes de direction au sein de syndicat, et ce, sans discrimination ;

b) Garantir le droit à la négociation collective ;

c) Veiller à ce que les restrictions au droit de grève imposées dans certains secteurs soient interprétées de manière stricte, afin de garantir que tous les travailleurs dont les services ne peuvent raisonnablement pas être considérés comme essentiels puissent exercer leur droit de grève ;

d) Veiller à ce que les travailleurs qui prennent part à des activités syndicales soient effectivement protégés contre tout acte de harcèlement ou de représailles, y compris toute mesure de transfert ou de licenciement abusif ;

e) Envisager de ratifier la Convention ( n o 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et la Convention ( n o 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, respectivement adoptées par l’OIT en 1948 et 1949 .

Droit à la sécurité sociale

26.Le Comité note qu’en application de la loi no 18 de 2006 sur la sécurité sociale, l’État partie fournit une aide sociale sous la forme de prestations en espèces aux personnes ou aux familles qui ne disposent pas d’un revenu suffisant. Il note également que l’État partie a mis en place des régimes de sécurité sociale contributifs en vertu de la loi no 13 de 1975, du décret-loi no 11 de 1976 et du décret-loi no 24 de 1976. Il regrette toutefois de ne pas disposer de données statistiques sur le nombre de personnes, y compris de personnes et de familles défavorisées et marginalisées, qui sont couvertes par des régimes de sécurité sociale contributifs et non contributifs. Il regrette également de ne pas disposer des informations qui lui permettraient de savoir si le montant des prestations d’aide sociale est suffisant pour couvrir le coût réel de la vie, y compris pendant la pandémie de coronavirus (COVID-19) (art. 9).

27.Le Comité recommande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des données statistiques comparatives, ventilées par sexe, groupe d’âge, nationalité, handicap, taille de la famille, tranche de revenus et autres critères pertinents, sur les bénéficiaires de prestations de sécurité sociale, notamment pendant la pandémie de COVID-19, afin de lui permettre de mieux évaluer le système de sécurité sociale en place dans le pays . Il lui recommande également d’indiquer dans son prochain rapport périodique ce qui est fait pour aligner les prestations de sécurité sociale sur le coût de la vie, afin de garantir aux bénéficiaires et à leur famille un niveau de vie adéquat . En outre, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 19 (2007) sur le droit à la sécurité sociale .

Congé parental

28.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie concernant l’octroi d’un congé de maternité aux mères qui travaillent dans les secteurs privé et public, mais il est préoccupé par l’absence de congé parental et la brièveté du congé de paternité (art. 3 et 10).

29. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures législatives propres à garantir le droit à tous les congés liés aux obligations familiales, y compris le congé parental et le congé de paternité prolongé . Il lui recommande également de prendre toutes les mesures voulues pour répondre aux besoins des familles en matière de garde d’enfants .

Protection de la famille

30.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie sur les mesures qui ont été prises pour protéger les enfants et la famille, notamment la promulgation de la loi no 17 de 2015 définissant la violence familiale, mais il constate avec préoccupation que les dispositions des lois nationales relatives au statut personnel qui portent sur le mariage, l’âge du mariage, le divorce, la garde des enfants, la tutelle et l’héritage ne sont pas suffisamment harmonisées et introduisent une discrimination fondée sur le sexe, la nationalité, la religion et les convictions (art. 2, 3 et 10).

31. Le Comité recommande à l’État partie de modifier les dispositions des lois relatives au statut personnel qui ont trait au mariage, à l’âge du mariage, au divorce, à la garde des enfants, à la tutelle et à l’héritage en vue de les harmoniser et de les rendre conformes aux articles 2, 3 et 10 du Pacte .

Protection de l’enfance

32.Le Comité prend note de la promulgation, en 2021, de la loi sur la justice réparatrice pour les enfants, qui prévoit leur protection contre les mauvais traitements, mais il constate avec préoccupation que selon cette loi, les enfants peuvent comparaître devant les tribunaux militaires dans certains cas (art. 10).

33. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter rapidement les modifications à la loi sur la nationalité et d’autres mesures visant à harmoniser la législation nationale avec la Convention relative aux droits de l’enfant ;

b) De garantir aux enfants en conflit avec la loi l’assistance gratuite d’avocats qualifiés et indépendants, dès le début de l’enquête et tout au long de la procédure judiciaire, et de leur permettre de communiquer avec un avocat et leur famille immédiatement après leur arrestation .

Droit à l’eau et à l’assainissement

34.Le Comité prend acte des mesures que l’État partie a prises pour que sa population ait accès à l’eau et à l’assainissement, notamment la création d’usines de dessalement, mais il note avec préoccupation que le risque que le pays souffre d’une crise de l’eau dans les décennies à venir serait très élevé. Il est également préoccupé par les effets qu’ont l’extraction excessive, l’intrusion d’eau salée, les marées noires et les autres rejets industriels sur la quantité et la qualité des sources d’eau souterraine de l’État partie, et par l’accès inégal à des sources d’eau améliorées et à des installations sanitaires adéquates dans le pays (art. 11).

35.Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour exécuter sa Stratégie nationale de l’eau 2030 afin de garantir l’accès de tous, sans discrimination, à l’eau potable et à l’assainissement . Il lui recommande également de prendre des mesures efficaces pour mettre en place des solutions durables à long terme face aux risques et enjeux liés à la qualité et à la quantité des sources d’eau . En outre, il appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o 15 (2002) sur le droit à l’eau .

Pauvreté

36.Le Comité constate avec préoccupation qu’il ne dispose pas d’informations sur le nombre de personnes pauvres dans l’État partie. Il note en outre avec préoccupation que les ménages les plus défavorisés et marginalisés risquent de ne pas être en mesure de se conformer aux procédures administratives requises pour bénéficier des programmes de sécurité sociale qui visent à atténuer la pauvreté (art. 9 et 11).

37.Le Comité recommande à l’État partie d’adopter pour ses programmes de réduction de la pauvreté une approche fondée sur les droits qui soit axée en particulier sur les personnes les plus touchées par la pauvreté . Il lui recommande en outre, pour renforcer l’efficacité des mesures, de faire en sorte que les barrières procédurales n’entraînent pas le retrait, la réduction ou la suspension des prestations . Il appelle l’attention de l’État partie sur sa déclaration sur la pauvreté .

Droit à un logement convenable

38.Le Comité prend note des efforts que le Ministère du logement a déployés pour fournir des logements sociaux afin de lutter contre le sans-abrisme. Il constate toutefois avec préoccupation qu’un nombre relativement élevé de personnes, notamment issues de groupes défavorisés et marginalisés, vivent dans des logements inadéquats ou qui ne répondent pas aux normes. Il regrette de ne pas disposer d’informations sur les garanties de fond et de procédure prévues par le droit interne, notamment la loi no 27 de 2014 sur la location immobilière, en cas d’expulsion. En outre, il est préoccupé par les informations relatives aux mauvaises conditions de détention, notamment à la surpopulation (art. 11).

39. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De redoubler d’efforts pour assurer l’accès de tous à un logement convenable, notamment en facilitant l’accès des personnes et groupes défavorisés et marginalisés au logement social ;

b) De s’attaquer au problème de la surpopulation dans les centres de détention et d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur les garanties de fond et de procédure prévues par le droit interne en cas d’expulsion, y compris les dispositions légales relatives à la protection contre les expulsions forcées et à l’octroi d’une indemnisation ou la possibilité de disposer d’un logement de remplacement convenable en cas d’expulsion forcée ;

c) De se référer à ses observations générales n o 4 (1991) sur le droit à un logement suffisant et n o 7 (1997) sur les expulsions forcées .

Accès aux services et soins de santé

40.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie concernant l’exécution de sa stratégie 2015-2018 d’amélioration de la santé, mais il est néanmoins préoccupé par :

a)La capacité apparemment faible des hôpitaux et autres établissements de santé bahreïniens, le nombre limité d’infrastructures et d’équipements médicaux et le manque de médecins qualifiés et d’autres professionnels de santé, ce dernier problème étant notamment dû aux arrestations et au licenciement d’un grand nombre de professionnels de la santé après les manifestations de 2011 ;

b)L’accès limité des personnes et groupes défavorisés et marginalisés, en particulier des personnes privées de liberté, des apatrides et des travailleurs migrants, aux soins et aux services de santé, notamment au dépistage et au traitement de la COVID-19 et à la vaccination contre le virus qui est en responsable (art. 12).

41. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’affecter davantage de ressources humaines, techniques et financières au secteur de la santé afin que les services et soins de santé soient disponibles, abordables, et de qualité et accessibles à tous, sans discrimination, notamment en améliorant l’infrastructure du système de santé et en veillant à ce que les hôpitaux soient dotés de suffisamment de professionnels de santé adéquatement formés et d’infrastructures et d’équipements appropriés et en quantité suffisante ;

b) De prendre des mesures efficaces pour recenser et éliminer les différents obstacles que les personnes et groupes défavorisés et marginalisés, notamment les personnes handicapées, les personnes privées de liberté, les apatrides et les travailleurs migrants, doivent surmonter pour accéder aux soins et aux services de santé ;

c) D’appliquer les orientations formulées dans son observation générale n o 14 (2000) sur le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint, ainsi que dans ses déclarations portant respectivement sur la pandémie de COVID-19 et les droits économiques, sociaux et culturels et sur l’accès universel et équitable aux vaccins contre la COVID-19 .

Santé mentale

42.Le Comité regrette de ne pas disposer d’informations sur l’application par l’État partie de ses lois et politiques publiques en matière de santé mentale et sur l’accessibilité, la disponibilité, le caractère abordable et la qualité des soins et services de santé mentale (art. 12).

43. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur l’application de ses lois et politiques publiques en matière de santé mentale, conformément aux normes et règles internationales relatives aux droits de l’homme . Il recommande à l’État partie de prendre des mesures pour que les services et soins professionnels de santé mentale, y compris les services de proximité, soient disponibles, abordables, de qualité et accessibles à tous, et de l’informer de l’application de ces mesures dans son prochain rapport périodique .

Santé sexuelle et procréative

44.Le Comité note avec préoccupation que l’avortement est réprimé par le droit pénal, même dans les cas où la grossesse résulte d’un inceste ou d’un viol, et que les femmes auraient du mal à accéder aux soins et aux services de santé sexuelle et procréative, y compris à la contraception. Il regrette de ne pas disposer d’informations sur les programmes d’éducation à la santé sexuelle et procréative destinés aux femmes (art. 12).

45. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De modifier ses lois sur l’interruption de grossesse afin qu’elles respectent l’intégrité et l’autonomie des femmes, notamment en dépénalisant l’avortement en cas d’inceste et de viol et en élargissant la liste des circonstances dans lesquelles l’avortement est légal ;

b) De faire en sorte que les services et soins de santé sexuelle et procréative soient disponibles, abordables, de qualité et accessibles à tous, notamment de garantir l’accès à des contraceptifs et contraceptifs d’urgence abordables, sûrs et efficaces ;

c) De mettre en place des programmes d’éducation à la santé sexuelle et procréative adaptés à l’âge et d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur les mesures qu’il aura prises ;

d) De tenir compte de son observation générale n o 22 (2016) sur le droit à la santé sexuelle et procréative .

Droit à l’éducation

46.Tout en notant que l’enseignement primaire et secondaire public est gratuit pour les Bahreïniens, le Comité reste préoccupé par le fait que les lois et règlements de l’État partie en matière d’éducation ne permettent pas aux enfants qui n’ont pas la nationalité bahreïnienne, notamment aux enfants de travailleurs migrants et aux enfants apatrides, d’accéder à l’enseignement primaire et secondaire gratuitement. Il note en outre avec préoccupation que des enfants privés de liberté se voient refuser l’accès à l’éducation dans les centres de détention. Il regrette de ne pas disposer d’informations sur l’accès des enfants défavorisés et marginalisés, notamment les enfants de travailleurs migrants, les enfants apatrides et les enfants handicapés, à une éducation inclusive et de qualité (art. 13).

47. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir, en droit et en pratique, que tous les enfants sans discrimination, en particulier les enfants défavorisés et marginalisés, notamment, mais pas seulement, les enfants de travailleurs migrants, les enfants apatrides, les enfants privés de liberté et les enfants handicapés, aient gratuitement accès à l’enseignement primaire et secondaire obligatoire . Il demande en outre à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des données statistiques ventilées sur son système éducatif, notamment les taux de scolarisation, de fréquentation scolaire et d’achèvement de la scolarité, afin de lui permettre de mieux évaluer l’accès à l’éducation dans l’État partie .

Droits culturels

48.Bien que la discrimination fondée sur l’appartenance religieuse soit interdite par la Constitution, les membres de la communauté chiite feraient l’objet de discrimination dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et de l’exercice de leurs droits culturels. Le Comité note avec préoccupation que l’accès à plusieurs sites religieux et culturels de la communauté chiite serait restreint, et que certains sites religieux chiites auraient été démolis. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles des personnalités religieuses et culturelles seraient victimes de harcèlement, d’intimidation, d’arrestations et de détention (art. 15).

49. Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que toute personne puisse exercer son droit de prendre part à la vie culturelle et religieuse sans discrimination ni restriction indue, conformément aux dispositions de l’article 15 du Pacte, telles qu’il les a interprétées dans son observation générale n o 21 (2009) sur le droit de chacun de participer à la vie culturelle . Il lui recommande également de continuer à prendre, en consultation avec les communautés touchées, les mesures nécessaires pour restaurer les sites religieux endommagés .

Liberté de la recherche scientifique et de l’activité créatrice

50.Le Comité prend note des informations fournies par la délégation à propos de la liberté d’expression et du soutien apporté aux activités créatives, mais il constate avec préoccupation que certaines restrictions sont imposées à la recherche scientifique et aux activités créatives (art. 15).

51. Le Comité recommande à l’État partie de respecter la liberté indispensable à l’activité créatrice, notamment en veillant à ce que la censure ne la limite pas dûment . Il appelle l’attention de l’État partie sur les paragraphes 17 à 20 de son observation générale n o 21 (2009) sur le droit de chacun de participer à la vie culturelle .

D.Autres recommandations

52. Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels .

53. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention relative au statut des réfugiés .

54.Le Comité recommande à l’État partie de tenir pleinement compte des obligations que lui impose le Pacte et de garantir le plein exercice des droits qui y sont consacrés tant dans l’application du Programme de développement durable à l’horizon 2030 au niveau national que dans les mesures qu’il prend pour assurer son relèvement après la pandémie de COVID-19 . Il lui recommande en outre de soutenir les engagements pris au niveau mondial dans le contexte de la décennie d’action en faveur des objectifs de développement durable . Appliquer les objectifs d’après les principes de participation, de responsabilité et de non-discrimination permettrait de faire en sorte que nul ne soit laissé de côté . À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa déclaration relative à l’engagement de ne laisser personne de côté .

55. Le Comité prie l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, en particulier auprès des parlementaires, des fonctionnaires et des autorités judiciaires, et de l’informer dans son prochain rapport périodique des dispositions qu’il aura prises pour y donner suite . Il l’encourage à associer l’Institution nationale des droits de l’homme, les organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile au suivi des présentes observations finales et au processus de consultation nationale avant la soumission de son prochain rapport périodique .

56. Conformément à la procédure de suivi des observations finales adoptées par le Comité, l’État partie est prié de fournir, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations formulées par le Comité aux paragraphes 9 (défenseurs des droits de l’homme), 15 a) (non-discrimination) et 33 a) (protection de l’enfance) .

57. Le Comité prie l’État partie de lui soumettre son deuxième rapport périodique au titre de l’article 16 du Pacte d’ici au 31 mars 2027, sauf notification contraire résultant d’une modification du cycle d’examen . Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots .