Observations finales concernant le troisième rapport périodique de l’Irlande *

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le troisième rapport périodique de l’Irlande sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/IRL/3) à ses 32e et 33e séances, tenues les 8 et 9 juin 2015 (E/C.12/2015/SR.32 et 33), et a adopté à sa 50e séance, tenue le 19 juin 2015, les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité constate que l’État partie a soumis son troisième rapport périodique en retard, mais qu’il a communiqué en temps voulu ses réponses écrites à la liste de points (E/C.12/IRL/Q/3/Add.1). Le Comité se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie et accueille avec satisfaction les renseignements complémentaires que ce dernier lui a communiqués depuis lors.

B.Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction la signature par l’État partie du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (mars 2012).

Le Comité constate également avec satisfaction que l’État partie :

a)A adhéré au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications (septembre 2014), acceptant ainsi d’être soumis à la procédure d’enquête que prévoit ce Protocole;

b)A ratifié la Convention (no 189) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011 (août 2014), et la Convention du travail maritime, 2006 (juillet 2014);

c)A ratifié la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et le Protocole additionnel à cette Convention visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (juin 2010).

Le Comité note avec satisfaction aussi :

a)La légalisation par référendum du mariage entre personnes du même sexe, en 2015;

b)La création de la Commission des bas salaires, en 2015;

c)L’adoption de la loi portant modification de la loi relative aux permis de travail, en 2014;

d)L’adoption de la loi sur la Commission irlandaise des droits de l’homme et de l’égalité et la création de la Commission irlandaise des droits de l’homme et de l’égalité en application de celle-ci, en 2014;

e)L’adoption du Plan d’action national pour l’insertion sociale (2007-2016), en 2007;

f)L’adoption d’une politique nationale en matière de santé mentale, intitulée « Une Vision pour le changement », en 2006.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Collecte de données

Le Comité regrette que les données communiquées par l’État partie soient obsolètes et ne soient pas ventilées, et que les réponses écrites à la liste de points ne contiennent pas suffisamment d’informations, et il est ainsi difficile pour le Comité d’évaluer la situation actuelle des droits économiques, sociaux et culturels et les progrès accomplis sur la voie de la réalisation de ces droits dans l’État partie, notamment les effets qu’ont eus les mesures prises pendant et après la crise économique.

Le Comité recommande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés et à jour sur la situation actuelle des droits économiques, sociaux et culturels et sur les progrès accomplis sur la voie de la réalisation de ces droits, notamment des données statistiques annuelles ventilées selon le sexe, le handicap, l’ origine ethnique et d’ autres critères pertinents . Dans ce contexte, le Comité renvoie l’ É tat partie au cadre conceptuel et méthodologique pour élaborer des indicateurs des droits de l’homme, établi par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HRI/MC/2008/3).

Application du Pacte au niveau national

Le Comité regrette qu’en dépit de ses précédentes recommandations (voir E/C.12/1/Add.77, par. 23) l’État partie n’ait pris aucune mesure pour incorporer le Pacte dans la législation nationale et ne compte pas en prendre. En outre, il constate avec préoccupation que les juges, les avocats et les agents de l’État sont insuffisamment formés aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le Comité renouvelle s a recommandation tendant à ce que l’État partie prenne toutes les mesures voulues pour que les dispositions du Pacte soient directement applicables , notamment en incorporant le Pacte dans l’ordre juridique interne , et renforce la formation des juges, des avocats et des agents de l’État. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur son Observation générale n o  9 (1998) relative à l’application du Pacte au niveau national.

Aide juridictionnelle

Le Comité est préoccupé par l’absence de services d’aide juridictionnelle gratuits, qui empêche les individus et les groupes particulièrement défavorisés et marginalisés de faire valoir leurs droits et d’obtenir des mesures de réparation appropriées, en particulier dans les domaines de l’emploi, du logement et des expulsions forcées et de l’aide sociale.

Le Comité recommande à l’État partie d’assurer la fourniture de services d’aide juridictionnelle gratuits dans un large éventail de domaines , notamment en élargissant la portée du régime d ’aide juridictionnelle dans les affaires civiles.

Commission irlandaise des droits de l’homme et de l’égalité

Le Comité constate avec préoccupation que la définition restrictive des droits de l’homme figurant à l’article 29 de la loi sur la Commission irlandaise des droits de l’homme et de l’égalité, conjuguée à la non-reconnaissance des droits économiques, sociaux et culturels dans la législation nationale, est un facteur qui contribue fortement à priver la Commission irlandaise des droits de l’homme et de l’égalité de la possibilité, dans l’exercice de son mandat, de s’occuper de tous les droits consacrés par le Pacte et de veiller à leur respect.

Le Comité recommande à l’État partie de réviser la loi en question de façon que , dans l’exercice de ses fonctions, la Commission puisse s’occuper de tous les droits consacrés par le Pacte et veiller à leur respect .

Consultation de la société civile

Le Comité constate avec préoccupation que les acteurs de la société civile et les parties prenantes concernées ne sont pas véritablement consultés dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques et des lois, en particulier en ce qui concerne les personnes handicapées, les personnes vivant dans la pauvreté, les gens du voyage et les Roms, ce qui a souvent pour conséquence de rendre ces politiques et ces lois moins efficaces.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures voulues pour consulter régulièrement les acteurs de la société civile et les parties prenantes concernées dans le processus d’élaboration des politiques, notamment en mettant en place un mécanisme de consultation efficace .

Utilisation au maximum des ressources disponibles

Le Comité note la crise économique et financière sans précédent qui a frappé l’État partie, ainsi que la sortie de l’État partie du plan de sauvetage au cours de la période à l’examen, mais constate avec préoccupation qu’en dépit des transferts sociaux opérés pour atténuer les effets des mesures d’austérité :

a)L’État partie a trop misé, pour faire face à la crise, sur la réduction des dépenses publiques dans les domaines du logement, de la sécurité sociale, des soins de santé et de l’éducation, sans pour autant modifier le régime fiscal;

b)Un grand nombre de mesures d’austérité ont été adoptées pendant et après la crise sans que leur incidence sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels n’ait été dûment évaluée;

c)Les mesures d’austérité, qui continuent d’être appliquées ont porté fortement préjudice à l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels de l’ensemble de la population, et tout particulièrement des individus et groupes défavorisés et marginalisés;

d)Ces mesures n’ont fait l’objet d’aucun examen complet sous l’angle des droits de l’homme depuis que l’État partie est sorti du plan de sauvetage.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De procéder à un examen, en se fondant sur les indicateurs des droits de l’homme, de l’ensemble des mesures qui ont été prises pour faire face à la crise économique et financière et sont toujours en place, de façon à garantir l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur la lettre ouverte qu’ il a adressée le 16  mai 2012 aux États parties concernant les droits économiques, sociaux et culturels dans le contexte de la cri se économique et financière, en particulier sur les conditions que les politique s d’austérité doi ven t remplir. Les politiques d’austérité doivent être temporaires, restreintes à la période de crise , et être nécessaires et proportionnées. Elles ne doivent pas engendrer de discrimination ni creuser les inégalités. Elles doivent comprendre toutes les mesures possibles , notamment fiscales , permettant de ne pas peser de façon disproportionnée sur les droits des individus et groupe s défavorisés et marginalisés. Elles doivent également prévoir un minimum indispensable de droits fondamentaux reconnus dans le Pacte ou un socle de protection sociale, et en assurer la protection en toutes circonstances ;

b) De faire en sorte que les mesures d’austérité soient progressivement levées et que la protection effective des droits reconnus par le Pacte soit renforcée parallèlement aux progrès découlant de la reprise économique;

c) D’envisager de revoir de manière transparente et participative son régime fiscal en vue d’accroître les recettes pour ramener les services publics et les prestations sociales à leur niveau d’ avant la crise;

d) D’envisager d’instaurer , dans son processus d’élaboration des politiques , des évaluations de l’incidence de ces politiques sur les droits de l’homme, en particulier sur les droits que consacre le Pacte.

Non-discrimination

Le Comité prend note de l’existence de différentes lois, notamment de la loi de 2000, relative à l’égalité de statut, destinées à garantir l’égalité dans l’État partie mais relève avec préoccupation qu’elles ne couvrent pas l’ensemble des motifs de discrimination interdits par le Pacte (art. 2, par. 2).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une législation antidiscrimination complète qui couvre tous les motifs de discrimination énoncés au paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte. Le Comité renvoie à cet égard à son Observation générale n o  20 (2009) sur la non-discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

Personnes handicapées

Le Comité constate avec préoccupation que les personnes handicapées continuent d’être placées en institution, que les établissements qui les accueillent offrant de mauvaises conditions de vie et ne font pas l’objet d’inspections régulières. Il relève également avec préoccupation que, sur le plan de l’accessibilité, les personnes handicapées ont beaucoup pâti des coupes opérées dans les prestations sociales (art. 2, par. 2, et art. 9 et 11).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour proposer des solutions autres que le placement en institution, comme la prise en charge au sein de la communauté, et pour améliorer les conditions de vie dans les structures d’accueil, notamment en assurant des inspections régulières . Le Comité recommande également à l’État partie d’améliorer la situation des personnes handicapées en matière d’accessibilité , notamment en supprimant les coupes dans les programmes d’aide sociale.

Demandeurs d’asile

Le Comité regrette que le projet de loi relatif à la protection internationale n’ait pas encore été adopté. Il constate avec préoccupation que les conditions de vie offertes aux demandeurs d’asile dans les centres de prise en charge directe sont mauvaises et que les intéressés séjournent longtemps dans ces centres, qui sont destinés à l’origine à l’accueil temporaire et administrés par des opérateurs privés. Ces centres ont un effet délétère sur le droit à la vie de famille des demandeurs d’asile, sur leur santé mentale ainsi que sur la protection de l’intérêt supérieur de leurs enfants. Le Comité est également préoccupé par les restrictions auxquelles sont soumis les demandeurs d’asile pour accéder à l’emploi, aux prestations de sécurité sociale, aux services de santé et à l’éducation (art. 2, par. 2).

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accélérer l’adoption du projet de loi relatif à la protection internationale en vue, d’une part, de mettre en place une procédure unique pour évaluer et déterminer sans retard excessif tous les régimes de protection applicables aux demandeurs d’asile et, d’autre part, de renforcer la protection et la promotion des droits économiques, sociaux et culturels des demandeurs d’asile;

b) D’améliorer les conditions de vie dans les centres de prise en charge directe, notamment en y effectuant des inspections régulières et en faisant en sorte que les opérateurs privés soient comptables de leurs actes et de leurs omissions, et de traiter les problèmes relatifs à la santé mentale des demandeurs d’asile;

c) De prendre les mesures voulues pour améliorer l’accueil des demandeurs d’asile en vue de garantir leurs droits économiques, sociaux et culturels et de faciliter leur intégration dans la société.

Égalité des hommes et des femmes

Le Comité regrette que le paragraphe 2 de l’article 41 de la Constitution, qui porte sur le rôle et le statut de la femme dans la société irlandaise, n’ait pas été modifié. Il est également préoccupé par l’ampleur des inégalités entre les sexes dans l’État partie, en particulier par la sous-représentation des femmes aux postes de décision dans tous les domaines et l’écart de rémunération de plus en plus marqué entre les hommes et les femmes, ainsi que par les stéréotypes profondément ancrés au sein de la famille et de la société concernant les rôles dévolus à chaque sexe (art. 3).

Le Comité recommande à l’État partie de modifier le paragraphe 2 de l’article 41 de la Constitution de façon que les dispositions constitutionnelles consacrent l ’égalité entre les sexes. Il lui recommande également de prendre des mesures efficaces pour améliorer la représentation des femmes aux postes de décision dans tous les domaines, supprimer l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes et éliminer les stéréotypes tenaces concernant les rôles dévolus à chaque sexe.

Chômage

Le Comité est préoccupé par le taux de chômage particulièrement élevé des gens du voyage, des Roms, des jeunes et des personnes handicapées. Il regrette que, faute de données ventilées, la situation de ces groupes au regard du chômage ne puisse pas être évaluée régulièrement (art. 6).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour améliorer la situation des gens du voyage, des Roms, des jeunes et des personnes handicapées au regard de l’emploi, en prenant des mesures à leur intention, notamment en mettant en place un système de quotas ainsi que des formations professionnelles et des services d’aide à l’emploi ciblés. Le Comité recommande également à l’État partie d’améliorer la collecte de données sur le chômage .

Droit à des conditions de travail justes et favorables

Le Comité relève la publication du projet de loi de 2015 sur le salaire minimum national (Commission des bas salaires), mais est préoccupé :

a)Par le montant du salaire minimum, qui n’est pas suffisant pour assurer des conditions de vie décentes aux travailleurs et à leur famille;

b)Par les dérogations à l’obligation de payer le salaire minimum légal même lorsque la majorité des travailleurs, leurs représentants ou les syndicats concernés s’y opposent;

c)Par les conditions de travail inadéquates des travailleurs au bénéfice d’un contrat zéro heure (ou d’un nombre d’heures minime) et leur accès restreint à la protection du travail et aux prestations sociales, ainsi que par l’absence de données sur les contrats zéro heure;

d)Par l’absence, dans la loi de 1997 sur l’organisation du temps de travail, de dispositions garantissant le droit à un repos de compensateur en cas de travail dominical (art. 7 et 8).

Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer l’adoption du projet de loi de 2015 sur le salaire minimum national (Commission des bas salaires) et du projet de loi de 2015 portant modification de la législation sur les relations professionnelles , de revoir toutes les lois pertinentes de façon à assurer à tous les travailleurs des conditions de travail justes et favorables, notamment pour ce qui est du salaire minimum, des heures de travail et des jours de repos, et d’améliorer la collecte de données, en particulier sur les contrats zéro heure. Le Comité recommande également à l’État partie de prendre les mesures voulues pour que le salaire minimum s’applique à tous les salariés et garantisse aux travailleurs et à leur famille des conditions de vie décentes.

Travail forcé institutionnalisé – Laveries des sœurs de Marie-Madeleine

Le Comité note avec regret le travail forcé qui a été pratiqué de façon massive et systémique entre 1922 et 1996 dans les laveries des sœurs de Marie-Madeleine, avec la protection de l’État. Il prend note des excuses qu’ont présentées les autorités aux anciennes victimes et de la mise en place en 2013 d’un système ex gratia de justice réparatrice, mais reste préoccupé de ce que les plaintes dénonçant les pratiques des laveries des sœurs de Marie-Madeleine n’ont pas fait l’objet d’enquêtes diligentes, approfondies et indépendantes et que les victimes n’ont pas obtenu dûment réparation (art. 7).

Le Comité recomma nde à l’État partie de mener une enquête diligente, approfondie et indépendante sur les plaintes, de traduire les responsables en justice et d’offrir des recours utiles à toutes les victimes.

Droit de négociation collective

Le Comité réitère sa préoccupation concernant les obstacles que l’État partie oppose aux syndicats qui souhaitent exercer leur droit de négociation collective, en imposant l’obligation de disposer d’une licence pour pouvoir négocier. Il est en outre préoccupé par le fait que le projet de loi de 2015 modifiant la loi sur les relations professionnelles ne propose aucune modification sur le plan des licences autorisant à négocier.

Le Comité recommande à l’ État partie de renforcer, dans les nouvelles lois, les droits des syndicats en matière de négociation collec tive et de supprimer l’obligation d’obtenir une licence pour pouvoir négocier .

Sécurité sociale

Le Comité est préoccupé par le grand nombre de recours en matière de sécurité sociale qui s’explique par l’imprécision des critères à remplir et le manque de cohérence dans leur application. Il note en outre avec préoccupation que de très nombreuses décisions initiales concernant ces recours ont été rapportées (art. 9).

Étant donné que les prestations de sécurité sociale constituent un filet de sécurité sociale pour les personnes les plus dé favorisées et marginalisées, le Comité recommande à l’État partie d’indiquer plus précisément les critères à remplir pour pouvoir prétendre à des prestations de sécurité sociale ainsi que les modalités d’application de ces critères afin de réduire le nombre élevé de recours. Il recommande également que les décisions initiales concernant les recours soient rendues de manière cohérente et transparente et que les agents publics chargés de se prononcer soient dûment formés.

Condition de résidence habituelle

Le Comité est préoccupé par les effets discriminatoires de la condition de résidence habituelle sur l’accès aux prestations de sécurité sociale, des femmes victimes de violences familiales, des sans-abri, des migrants, des gens du voyage et des Roms. Il note également avec préoccupation que les fonctionnaires concernés ne comprennent pas quels sont les critères requis pour que soit remplie la condition de résidence habituelle et qu’ils ne disposent pas de directives claires en la matière (art. 9).

Le Comité recommande à l’État partie de réexaminer la condition de résidence habituelle afin d’en supprimer les effets discriminatoires sur l’accès aux prestations de sécurité sociale, en particulier des individus et des groupes dé favoris és et marginalisés, et de veiller à ce que les critères requis soient appliqués uniformément en donnant des directives claires et en mettant en place des formations à l’intention des fonctionnaires concernés .

Violences familiales

Le Comité est préoccupé par l’omniprésence de violences intrafamiliales dans l’État partie. Il est aussi préoccupé par l’absence de dispositions législatives prévoyant des enquêtes et des sanctions pour les autres de telles violences ainsi que des mesures de protection et d’assistance pour les victimes, par l’absence de collecte de données systématique et par l’insuffisance des services d’appui aux victimes du fait des coupes budgétaires (art. 10).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les m esures voulues pour combattre les violence s familiale s , en particulier en élaborant un projet de loi sur les violence s familiale s , en améliorant la collecte de données y relatives et en renforçant les services d’appui, comme les foyers d’accueil et l’aide juridictionnelle , destinés aux victimes de s violence s familiale s .

Prestations de maternité et services de garde d’enfants

Le Comité note avec préoccupation que les femmes qui travaillent ne bénéficient pas toutes de prestations de maternité et que le congé de paternité n’est pas prévu par la loi. Il est également préoccupé par le coût très élevé des services de garde d’enfants assurés par des agents du secteur privé et par l’absence de structures publiques offrant de tels services à un coût abordable dans l’État partie (art. 10).

Le Comité recommande à l’État partie de revoir le programme de prestations de maternité afin d’en faire profiter toutes les femmes qui travaillent et d’accélérer la promulgation du projet de loi sur le congé pour motif familial afin que tous les congés en lien avec des obligations familiales, dont le congé de paternité , soi en t reconnus par la loi. Il lui recommande également de prendre toutes les mesures voulues pour répondre aux besoins des familles en matière de garde d’enfants, notamment en élargissant l’offre de s services dans ce domaine à un prix abordable dans le secteur public.

Pauvreté

Le Comité est préoccupé par l’augmentation du nombre de personnes qui n’arrivent pas à sortir de la pauvreté ou sont exposées au risque de pauvreté, notamment parmi les enfants, les familles monoparentales, les personnes âgées, les personnes handicapées, les migrants, les gens du voyage et les Roms. Il note en outre avec préoccupation qu’il n’a pas été tenu compte des droits économiques, sociaux et culturels dans les politiques de réduction de la pauvreté et qu’aucune politique concrète ne cible les besoins spécifiques des groupes concernés (art. 11).

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour réduire la pauvreté, en accordant une attention particulière aux individus et aux groupes dé favoris és et marginalisés, notamment en adoptant des stratégies et des programmes de réduction de la pauvreté assortis d’objectifs concrets et d’un calendrier d’exécution. Il lui recommande également d’adopter une démarche axée sur les droits de l’homme dans tous ses programmes et stratégies de réduction de la pauvreté, en garantissant aux individus le droit à des prestations et en assurant l’obligation de rendre des comptes.

Malnutrition

Le Comité est préoccupé par le l’augmentation de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition parmi les familles défavorisées, notamment les familles monoparentales et les familles avec des enfants, et par le coût élevé de la nourriture saine dans l’État partie, qui expose ces familles au risque d’obésité (art. 11).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures concrètes pour pourvoir aux besoins alimentaires et nutritionnels essentiels des familles défavorisées et d’accélérer l’adoption d’un plan d’action national sur la sécurité alimentaire et la nutrition qui soit conforme aux Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale qui ont été adoptées en 2004.

Logement suffisant

Le Comité est préoccupé par les nombreuses difficultés rencontrées dans l’État partie en matière de logement, et notamment par :

a)L’écart persistant entre l’offre et la demande de logements sociaux, qui explique la longue liste d’attente pour un logement social;

b)L’augmentation du coût des logements locatifs et la baisse des revenus des familles;

c)L’inefficacité des programmes d’aide sociale, comme l’allocation-logement et les prestations d’aide au logement, qui ne tiennent pas compte de la hausse des loyers;

d)L’augmentation du nombre d’arriérés de paiement des crédits hypothécaires de longue durée;

e)Le nombre croissant de familles et d’enfants qui sont sans-abri ou qui risquent de le devenir en raison de la pénurie de logements sociaux ou du montant trop faible de l’allocation-logement;

f)L’absence de mécanisme de plainte efficace que les locataires des autorités locales pourraient saisir en cas de litige lié à une location.

Le Comité est également préoccupé par l’absence de logements adaptés à la culture des gens du voyage et des Roms et par l’insuffisance de la protection juridique offerte aux familles de gens du voyage qui risquent d’être expulsées (art. 11).

Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur ses Observations générales n o 4 (1991) sur le droit à un logement suffisant et n o 7 (1997) sur le droit à un logement suffisant : expulsions forcées et lui recommande :

a) De réexaminer ses politiques aux fins de les rendre mieux à même de répondre efficacement aux besoins réels de la population, en particulier des individus et des groupes défavorisés et marginalisés ;

b) D’intensifier ses efforts pour accroître le nombre de logement s sociaux de façon à satisfaire la forte demande et à réduire la longue liste d’attente ;

c) D’envisager de réglementer le secteur locatif privé et d’accroître les montants de l’allocation-logement;

d) D’envisager d’adopter une réglementation bancaire pour mieux protéger les titulaires d’emprunts hypothécaires en cas d’arriéré, y compris par la mise en place d’un système de recours indépendant susceptible d’assister les emprunteurs lors de la négociation, de leur offrir des conseils financiers et juridiques et de faciliter la conclusion d’arrangements équitables entre emprunteurs et créanciers pour le paiement des arriérés;

e) De prendre toutes les mesures voulues pour répondre aux besoins urgents des personnes qui sont sans-abri ou risquent de le devenir;

f) De mettre en place des mécanismes de plainte efficaces spécialisés dans les litiges relatifs au logement.

Le Comité renouvelle ses recommandations précédentes (v oir E/C.12/1/Add.77, par. 32 et 33), dans lesquelles il invitait l’État partie à mettre à la disposition des gens du voyage et des Roms un logement qui soit adapté à leur culture, en consultation avec eux, et à veiller à ce que l’intégralité des fonds alloués au logement des gens du voyage au niveau local soit bien affectée à ce secteur et que ces fonds soient dépensés à bon escient.

Services de soins de santé

Le Comité est préoccupé par la dégradation générale des services de santé due aux importantes restrictions budgétaires opérées dans le secteur de la santé publique au cours des dernières années, ainsi que par les effets de ces restrictions sur l’accès des personnes et des groupes défavorisés et marginalisés à des soins de santé adéquats, et notamment par :

a)Les inégalités de plus en plus marquées entre les personnes qui sont couvertes par une assurance maladie privée et celles qui ne le sont pas, pour ce qui est de l’accès aux services médicaux;

b)Le retard dans l’instauration d’un dispositif de couverture santé universelle et de services de santé communautaires;

c)L’absence de supervision des services de soins de santé;

d)Le mauvais état de santé des gens du voyage et des Roms, notamment l’espérance de vie des membres de ces communautés, qui est de 15 ans inférieure à celle du reste de la population, et leur taux de mortalité infantile, qui est plus de trois fois supérieur à celui du reste de la population (art. 12).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour améliorer ses services de santé publique tant qualitativement que quantitativement, notamment en augmentant les dépenses publiques consacrées à la santé, en établissant , pour les patients au bénéfice d’une assurance privée et ceux couverts par l’assurance publique, une liste d’attente commune pour l’accès aux soins dispensés par les hôpitaux publics et en accélérant la mise en place d’un dispositif de couverture santé universel le et de services de santé communautaires. Il recommande également à l’État partie de renforcer l’Autorité responsable de l’information et de la qualité des services en matière de santé pour garantir la qualité de ce s services et de prendre sans tarder des mesures efficaces pour réduire les inégalités qui existent entre les gens du voyage et les Roms, d’une part, et le reste de la population, d’autre part, en matière de santé et d’accès aux services de santé.

Santé mentale

Le Comité s’inquiète du manque important de moyens financiers et de l’inadéquation du cadre juridique dans le domaine de la santé mentale, ainsi que du retard dans la mise en œuvre de la politique nationale de santé publique intitulée « Une vision pour le changement ». Il note également avec préoccupation que les enfants souffrant de problèmes de santé mentale sont admis dans des établissements psychiatriques pour adultes (art. 12).

Le Comité recommande à l’État partie de réviser la loi de 2001 sur la santé mentale à la lumière des recommandat ions du Groupe d’experts chargé du ré examen de la loi de 2001 sur la santé mentale et d’accélérer la mise en œu vre de la politique intitulée « Une vision pour le changement » en lui allouant suffisamment de ressources. Il recommande aussi à l’État partie de prendre sans délai des mesures pour séparer les enfants des adultes dans les établissements psychiatriques.

Santé sexuelle et procréative

Le Comité constate avec préoccupation que la législation relative à l’avortement est très restrictive et que l’État partie en fait une interprétation stricte. Il est particulièrement préoccupé par l’incrimination de l’avortement, y compris en cas de viol, d’inceste et de risque pour la santé de la femme enceinte, par l’absence de clarté dans les dispositions législatives et les procédures concernant la définition de ce qui constitue un risque réel et sérieux pour la vie, par opposition à un risque pour la santé, de la femme enceinte, et par les effets discriminatoires de cette législation sur les femmes qui ne sont pas en mesure de se faire avorter à l’étranger ou qui n’ont pas accès aux informations voulues. Il est en outre préoccupé par l’accès limité aux informations relatives à la santé sexuelle et procréative (art. 12).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues, y compris d’organiser un réfé rendum sur l’avortement, pour modifier sa législation relative à l’avortement, dont la Constitution et la loi de 2013 sur la protection de la vie pendant la grossesse, dans le respect des normes internationales relatives aux droits de l’homme, d’adopter des directives p our préciser ce qui constitue un risque réel et sérieux pour la vie de la femme enceinte, de diffuser des informations, par des moyens de communication efficaces, sur les possibilités en cas de grossesse non désirée , et de veiller à rendre accessibles et disponibles les informations sur la santé sexuelle et procréative.

Droit à l’éducation

Le Comité est préoccupé par la discrimination à laquelle sont confrontés les enfants handicapés, les enfants migrants, les enfants appartenant à une minorité religieuse, les enfants des gens du voyage et les enfants roms, notamment par :

a)Les dispositions législatives, comme la section 7 de la loi de 2000 sur l’égalité de statut, qui permettent aux établissements scolaires, lors des inscriptions, de sélectionner les élèves en fonction de leur religion;

b)Les critères discriminatoires à l’égard des enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux qu’on retrouve dans de nombreuses politiques d’admission, et par l’absence de cadre réglementaire;

c)Les effets préjudiciables des mesures d’austérité sur le secteur de l’éducation, notamment par la réduction du nombre d’enseignants, la rationalisation des services d’appui aux enseignants/élèves, la suppression des subventions accordées aux établissements scolaires ainsi que par la hausse des frais de transport scolaire et la réduction du montant de l’aide financière destinée à couvrir l’achat de vêtements et de chaussures, qui constituent un obstacle supplémentaire à la scolarisation des enfants défavorisés (art. 13 et 14).

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre toutes les mesures voulues pour harmoniser toutes les lois pertinentes, notamment la loi de 2000 sur l’égalité de statut et le projet de loi sur l’éducation (Admission à l’école) de 2015, avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme, et pour accroître le nombre d’écoles laïques au niveau primaire et postprimaire;

b) De revoir les politiques d’admission de tous les établissements scolaires de façon à en supprimer tous les critères discriminatoires faisant obstacle aux admissions, et de mettre en place un dispositif réglementaire permettant de contrôler les politiques scolaires, en particulier les politiques d’admission;

c) D ’annuler les mesures d’austérité qui pèsent de façon disproportionnée sur les enfants défavorisés.

Le Comité note avec préoccupation que les enfants des gens du voyage et les enfants handicapés sont particulièrement nombreux à bénéficier du plan d’action intitulé « Accorder l’égalité des chances à l’école » et peu nombreux à être admis dans l’enseignement supérieur. Il est également préoccupé par le taux élevé d’enfants des gens du voyage qui abandonnent leur études avant l’âge de 15 ans.

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour promouvoir l’éducation inclusive pour tous, notamment en mettant en œuvre la loi de 2004 sur l’éducation des personnes ayant des besoins éducatifs spéciaux, afin que tous les enfants puissent bénéficier d’un enseignement de qualité dans des conditions d’égalité.

Gens du voyage

Le Comité note avec préoccupation que l’État partie a toujours omis de reconnaître les gens du voyage en tant que minorité ethnique. Il note aussi avec préoccupation que les gens du voyage ne sont pas mentionnés en tant que minorité ethnique dans la législation contre la discrimination (art. 2, par. 2, et art. 15).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre rapidement des mesures en vue de la reconnaissance juridique des gens du voyage en tant que minorité ethnique, et de les mentionner en tant que minorité ethnique dans la législation contre la discrimination.

Accès à Internet

Le Comité note avec préoccupation que les personnes vivant dans les zones rurales ont un accès limité à l’Internet à haut débit (art. 15).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour élargir l’accès à l’Internet à haut débit en milieu rural .

D.Autres recommandations

Le Comité encourag e l’État partie à s’assurer , avant de conclure un accord avec une organisation internationale ou de mettre en œuvre une politique de rééquilibrage budgétaire préconisée par une telle organisation, notamment avec des institution s financière s internationale s comme le Fonds monétaire international, que ledit accord ou ladite politique est conforme aux obligations découlant du Pacte. Il encourage aussi l’État partie, en tant que membre d’organisations internationales, notamment d’institutions financières internationales comme le Fonds monétaire international, à garantir que les politiques de ces organisations sont conformes aux obligations des États parties au titre du Pacte.

Le Comité encourage l’État partie à atteindre l’objectif qu’il s’est fixé d’allouer 0,7 % de son produit national brut à l’aide publique au développement, et à adopter une démarche fondée sur les droits de l’homme dans le cadre de sa politique de coopération pour le développement.

Le Comité encourage l’État partie à retirer sa réserve au paragraphe 2 a) de l’article 13 du Pacte , et à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales dans tous les secteurs de la société, en particulier auprès des agents de l’État , des parlementaires, des autorités judiciaires et des organisations de la société civile, et d’informer le Comité, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu’il aura prises pour donner suite aux présentes recommandations .

Le Comité prie l’État partie de soumettre son quatrième rapport périodique au plus tard le 30 juin 2020 et l’invite à mettre à jour, si nécessaire, son document de base commun conformément aux directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I) .