Nations Unies

E/C.12/GNQ/CO/1

Conseil économique et social

Distr. générale

13 décembre 2012

Français

Original: espagnol

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations en l’absence du rapport initialde la Guinée équatoriale, adoptées par le Comitéà sa quarante-neuvième session (14-30 novembre 2012)

1.En l’absence du rapport initial de l’État partie, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné la situation en Guinée équatoriale en ce qui concerne l’application des droits visés dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels à ses 45e et 46e séances, le 22 novembre 2012 (E/C.12/2012/SR.45 et 46), et il a adopté, à sa 58e séance, le 30 novembre 2012, les observations ci-après.

2.Les présentes observations, jointes aux préoccupations exprimées par les membres du Comité au cours de l’échange de vues qui a eu lieu avec les représentants de l’État partie le 22 novembre 2012, peuvent aider ce dernier à élaborer son rapport initial. Le Comité tient à souligner cependant que ni les présentes observations ni les questions soulevées au cours de l’échange de vues ne sont exhaustives et ne sont censées limiter la teneur du rapport initial. Le Comité attend au contraire de l’État partie qu’il établisse un rapport initial complet, qui aborde la mise en œuvre de tous les droits visés par le Pacte, en se fondant sur les directives relatives à la présentation des rapports adoptées par le Comité en 2008 (E/C.12/2008/2).

A.Introduction

3.À sa quarante-septième session, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a décidé d’engager l’examen de la situation concernant l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans certains États parties qui, en dépit des nombreuses demandes qui leur ont été adressées à cet effet, ne se sont pas acquittés de leur obligation de présenter des rapports en vertu des articles 16 et 17 du Pacte.

4.Le système de présentation de rapports prévu par le Pacte a pour objet de faire en sorte que les États parties indiquent à l’organe conventionnel compétent, en l’occurrence le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, et par son intermédiaire au Conseil économique et social, les mesures qu’ils ont adoptées pour assurer le respect des droits reconnus dans le Pacte ainsi que les progrès accomplis et les difficultés rencontrées à cet égard. Le manquement d’un État partie à son obligation de présenter des rapports, outre qu’il constitue une atteinte au Pacte, crée un sérieux obstacle à l’exécution, par le Comité, des tâches qui lui sont confiées.

5.En conséquence, lorsqu’un pays ne lui a pas fourni d’indications sur la façon dont il s’est acquitté des obligations imposées par le Pacte, le Comité doit se fonder pour ses observations sur divers éléments provenant de sources intergouvernementales et non gouvernementales. Les premières fournissent avant tout des données statistiques ainsi que les principaux indicateurs économiques et sociaux, tandis que l’information provenant des travaux universitaires pertinents, des organisations non gouvernementales ou de la presse, de par sa nature même, est souvent plus critique à l’égard de la situation politique, économique et sociale des pays concernés. Dans des circonstances normales, le dialogue constructif entre un État partie présentant son rapport et le Comité doit être l’occasion, pour le pays concerné, d’exposer son point de vue propre et de tenter de réfuter les critiques éventuelles et de convaincre le Comité de la conformité de ses orientations avec les prescriptions du Pacte.

6.La Guinée équatoriale a adhéré au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels le 25 septembre 1987 et n’a toujours pas présenté son rapport initial. Le 13 décembre 2011, le Comité a informé l’État partie qu’il engagerait l’examen de la situation des droits économiques, sociaux et culturels en Guinée équatoriale à sa session de novembre 2012. En mai 2012, le Groupe de travail de présession a adopté une liste de points à traiter établie en l’absence du rapport initial (E/C.12/GNQ/Q/1) afin d’aider l’État partie à établir son rapport au Comité ou, à défaut, à communiquer au Comité les renseignements pertinents.

7.Le Comité note que l’État partie a répondu à la liste de points à traiter établie par le Comité (E/C.12/GNQ/Q/1/Add.1). Il regrette cependant que lesdites réponses ne soient pas exhaustives; ne comportent pas suffisamment de données statistiques à jour concernant l’exercice des droits reconnus dans le Pacte dans l’État partie; et ne lui aient été présentées que quelques jours avant l’échange de vues avec l’État partie. Par ailleurs, le Comité note qu’une délégation de l’État partie a assisté à deux séances du Comité, le 22 novembre 2012, et qu’elle a échangé des vues avec les membres du Comité.

8.Le Comité s’est appuyé, pour établir les présentes observations, sur les renseignements communiqués par l’État partie dans ses réponses à la liste de points à traiter; sur l’échange de vues qui a eu lieu avec la délégation de l’État partie le 22 novembre 2012; et sur différents éléments provenant de sources intergouvernementales et non gouvernementales. En l’absence regrettable d’un rapport initial complet de l’État partie, les présentes observations ne peuvent avoir qu’un caractère préliminaire.

B.Aspects positifs

9.Le Comité note que la Guinée équatoriale est partie à de nombreux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, à savoir le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et son premier Protocole facultatif; la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale; la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et son Protocole facultatif; la Convention relative aux droits de l’enfant et son Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants; la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; ainsi qu’à un nombre important de conventions de base relatives au droit du travail de l’Organisation internationale du Travail (OIT).

10.Par ailleurs, le Comité prend note de ce qui suit:

a)L’adoption de la loi générale sur l’éducation;

b)L’adoption du Plan national pour l’éducation pour tous et du Programme pour le développement éducatif en Guinée équatoriale;

c)L’adoption du Programme national pour l’éducation des femmes adultes, jeunes et adolescentes en situation d’analphabétisme ou d’échec scolaire;

d)Les différentes mesures adoptées concernant le VIH/sida, en particulier l’adoption de la loi relative à la prévention et au contrôle des maladies sexuellement transmissibles et du VIH/sida et à la défense des droits fondamentaux des personnes atteintes.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

11.Le Comité regrette l’absence de données complètes, actualisées et ventilées sur l’exercice des divers droits économiques, sociaux et culturels visés dans le Pacte, qui compromet l’élaboration et l’exécution par l’État partie de politiques concernant ces droits.

Le Comité exhorte l ’ État partie à renforcer son système de collecte de données et à réunir dans les meilleurs délais possibles des données et des analyses statistiques annuelles et comparatives à jour, respectant les normes d ’ exactitude admises au plan international, sur l ’ exercice des droits consacrés dans le Pacte, ventilées par âge, sexe, population urbaine/rurale et autres caractéristiques pertinentes, en prêtant une attention particulière à la situation des personnes et des groupes les plus défavorisés et marginalisés, notamment les personnes handicapées et les personnes atteintes du VIH/sida.

Le Comité demande à l ’ État partie de faire figurer dans son rapport initial les données recueillies et les analyses statistiques annuelles et comparatives effectuées concernant les droits visés dans le Pacte, en indiquant l ’ effet des mesures adoptées pour ce qui est de garantir le plein exercice de ces droits et les résultats obtenus.

12.Le Comité regrette que les renseignements qui lui ont été fournis ne lui aient pas permis de mieux comprendre le statut juridique du Pacte dans l’ordre interne ni de savoir si le Pacte est invoqué dans les décisions des tribunaux nationaux.

Le Comité demande à l ’ État partie de bien vouloir clarifier dans son rapport initial le statut juridique du Pacte dans l ’ ordre interne et d ’ y fournir des renseignements sur la jurisprudence nationale relative à l ’ application du Pacte. À cet égard, le Comité attire l ’ attention de l ’ État partie sur son Observation générale n o  9 (1998) sur l ’ application du Pacte au niveau national.

13. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que le maximum de ressources disponibles soit consacré à l ’ aide et aux services sociaux en vue d ’ assurer progressivement, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 2, le plein exercice des droits économiques, sociaux et culturels reconnu s dans le Pacte. À cet égard, il invite l ’ État partie à honorer son engagement d ’ augmenter la part de son budget affecté au secteur social à compter du prochain exercice.

Par ailleurs, le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour lutter contre la corruption et garantir une gestion publique transparente afin de prévenir le détournement de ressources publiques, ainsi que pour traduire les auteurs de tels faits devant la justice. Il recommande également à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour sensibiliser les agents de la fonction publique aux niveaux national et local au coût économique et social de la corruption, et les juges, les procureurs et les membres des forces de sécurité à la stricte application de la législation anticorruption.

Le Comité demande à l ’ État partie de lui communiquer, dans son rapport initial, la part annuelle du budget national affectée au domaine social. En outre, le Comité demande à l ’ État partie de fournir des renseignements sur la teneur et la portée du plan national «La Guinée équatoriale à l ’ horizon 2020» et du Fonds pour le développement social ainsi que sur l ’ état d ’ avancement de ces dispositifs et les résultats obtenus par leur mise en œuvre.

Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur sa déclaration concernant l ’ appréciation de l ’ obligation d ’ agir au maximum de ses ressources disponibles (E/C . 12/2007/1).

14.Le Comité est préoccupé par les informations indiquant que les militants des droits de l’homme font l’objet d’actes d’intimidation et de harcèlement.

Le Comité invite instamment l ’ État partie à prendre toutes les mesures voulues pour protéger les militants et défenseurs des droits de l ’ homme, en particulier ceux qui s ’ intéressent aux droits économiques, sociaux et culturels, contre toutes formes d ’ intimidation et de harcèlement, et pour veiller à ce que les auteurs de tels actes soient traduits devant la justice.

15.Le Comité constate que l’égalité entre l’homme et la femme est reconnue dans la Loi fondamentale de la Guinée équatoriale. Néanmoins, il prend note avec préoccupation des informations qui indiquent que persisteraient des stéréotypes sexistes tenaces et des coutumes et des pratiques traditionnelles qui compromettent l’égalité des hommes et des femmes dans l’exercice des droits visés par le Pacte, et face auxquels les efforts menés par l’État partie seraient limités. Le Comité note également avec préoccupation les difficultés posées par la coexistence du droit civil et du droit coutumier du point de vue de la promotion et de la protection de l’égalité de droits entre les hommes et les femmes pour ce qui concerne le mariage, les relations familiales et les successions (art. 2, par. 2, art. 3 et art. 10).

Le Comité invite instamment l ’ État partie à adopter les mesures nécessaires, d ’ ordre législatif ou autre, ainsi qu ’ à renforcer les mesures existantes, dont les activités de sensibilisation, et à veiller à ce qu ’ elles soient appliquées, afin de lutter contre les stéréotypes, les coutumes et les pratiques qui sont préjudiciables aux femmes et d ’ y mettre fin, de même qu ’ à la discrimination à l ’ égard des femmes en matière de mariage, de relations familiales et de succession, conformément aux dispositions du Pacte. Par ailleurs , il recommande à l ’ État partie d ’ assurer aux femmes le plein exercice de tous les droits économiques, sociaux et culturels consacrés dans le Pacte.

Le Comité demande à l ’ État partie de fournir dans son rapport initial des données actualisées sur les mesures prises et les résultats obtenus s ’ agissant de mettre fin à la discrimination directe et indirecte fondée sur le sexe concernant les droits consacrés dans le Pacte, et de garantir l ’ égalité entre les hommes et les femmes dans l ’ exercice de ces droits.

16.Le Comité prend note avec préoccupation des études indiquant que l’État partie, en dépit de ses revenus élevés, accuse un fort niveau de pauvreté, notamment en milieu rural et parmi les femmes (art. 11).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour lutter contre la pauvreté, en particulier en milieu rural et dans les régions défavorisées et marginalisées; de prévoir des fonds suffisants à cet effet; et de faire en sorte que les droits économiques, sociaux et culturels soient tous pleinement intégrés dans toute mesure adoptée pour lutter contre la pauvreté. Le Comité recommande également à l ’ État partie de prêter une attention particulière aux droits économiques, sociaux et culturels des personnes et des groupes les plus défavorisés et marginalisés, que sont notamment les personnes handicapées, les femmes rurales et les personnes vivant avec le VIH/sida.

Le Comité demande à l ’ État partie de faire figurer dans son rapport initial des données comparatives et ventilées par année, sexe et région urbaine/rurale, sur le nombre de personnes vivant dans une situation de pauvreté ou d ’ extrême pauvreté, et sur les progrès de son action en matière de lutte contre la pauvreté. Le Comité renvoie l ’ État partie à sa déclaration sur la pauvreté et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/2001/10).

17. Le Comité invite l ’ État partie à toujours tenir compte des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte au moment d ’ adopter des réformes législatives ou toute autre mesure, et à évaluer régulièrement l ’ incidence des réformes législatives ou des mesures adoptées sur l ’ exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

18. Le Comité invite l ’ État partie à étudier la possibilité de signer et de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

19. Le Comité invite également l ’ État partie à étudier la possibilité d ’ adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques; au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant , concernant l ’ implication d ’ enfants dans les conflits armés; à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille; à la Convention relative aux droits des personnes handicapées et à son Protocole facultatif; et à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

20. Le Comité demande à l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations à tous les niveaux de la société, en particulier auprès de la fonction publique, de l ’ appareil judiciaire et des organisations de la société civile.

21. Le Comité demande à l ’ État partie de présenter un rapport initial complet sur l ’ application du Pacte, en observant les directives concernant les rapports spécifiques que les États parties doivent soumettre conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (E/C.12/2008/2), et en accordant une attention particulière aux questions et préoccupations soulevées dans le cadre des présentes observations et lors du débat avec les membres du Comité, au plus tard dans les deux ans suivant l ’ établissement des présentes observations . L e Comité souligne l ’ engagement pris par les représentants de la Guinée équatoriale auprès des membres du Comité d ’ établir dans le délai indiqué un rapport initial complet qui tienne compte des observ ations et suggestions du Comité . En outre, l e Comité demande à l ’ État partie de veiller à ce que les organisations de la société civile soient associées au processus délibératif national devant avoir lieu avant la présentation du rapport initial.