Nations Unies

E/C.12/GTM/CO/3

Conseil économique et social

Distr. générale

9 décembre 2014

Français

Original: espagnol

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le troisième rapport périodique du Guatemala *

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le troisième rapport périodique du Guatemala sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/GTM/3) à ses 52e et 53e séances, le 18 novembre 2014 (E/C.12/2014/SR.52 et 53), et a adopté à sa 70e séance, le 28 novembre 2014, les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique du Guatemala, le document de base (HRI/CORE/GTM/2012) et les réponses écrites à sa liste de points (E/C.12/GTM/Q.3/Add.1).

B.Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié en 2009 la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif.

Le Comité salue l’adoption des lois ci-après:

a)Loi relative au logement (2012);

b)Loi contre le féminicide et les autres formes de violence à l’égard des femmes (2008).

Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a réalisé d’importants progrès depuis le dernier dialogue qu’il a eu avec le Comité, en 2003, et note aussi avec satisfaction la volonté de l’État partie de faire des droits de l’homme et de l’inclusion sociale un élément central de ses politiques. Le Comité salue en particulier les mesures suivantes:

a)La création du plan national de développement K’atun: nuestra Guatemala 2032 (2014);

b)La création du Cabinet du développement rural (2013);

c)La création du Ministère du développement social (2012);

d)La création du plan «Faim zéro» (2012);

e)L’établissement de la politique nationale de promotion et d’émancipation des femmes, et du plan d’égalité des chances (2009);

f)La mise en place de la politique nationale de développement rural intégré (2009).

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Droit à la terre et aux ressources naturelles

Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas accordé la reconnaissance légale aux peuples autochtones dans sa Constitution. Le Comité note avec préoccupation que l’État partie ne dispose pas de mécanisme légal pour reconnaître le droit des peuples autochtones en tant que tels à obtenir des titres fonciers collectifs. Le Comité regrette l’absence de données actualisées qui rendent compte du nombre d’autochtones dans l’État partie (art. 1er, 2 et 15).

Le Comité recommande à l’État partie de reconnaître les peuples autochtones dans sa Constitution. Il lui recommande aussi de créer des mécanismes pour reconnaître les droits des peuples autochtones sur leurs terres traditionnelles et leurs ressources naturelles. Il engage l’État partie à procéder à un recensement actualisé de la population autochtone et à continuer de renforcer ses initiatives pour garantir à cette population la jouissance effective de ses droits économiques, sociaux et culturels.

Consultations des peuples autochtones

Le Comité prend note de l’intention de l’État partie d’établir un mécanisme légal pour organiser des consultations préalables, libres et éclairées auprès des peuples autochtones sur toutes les questions qui les concernent, conformément aux décisions récentes de la Cour constitutionnelle qui a réaffirmé l’obligation de l’État partie de consulter les peuples autochtones. Le Comité note en particulier avec inquiétude que l’État ne procède toujours pas à des consultations efficaces pour obtenir le consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones en ce qui concerne les décisions relatives à l’exploitation des ressources naturelles sur leurs territoires traditionnelles. Le Comité constate aussi avec préoccupation que les peuples autochtones n’ont pas participé au débat sur la réforme de la loi relative aux mines (art. 1er, 2 et 15).

Le Comité engage l’État partie à adopter rapidement, dans le cadre des activités d’exploration et d’exploitation des ressources minières et des hydrocarbures, des mesures pour mener des consultations qui permettent la libre expression du consentement à la réalisation d’un projet de cette nature, consacrent le temps et les espaces nécessaires à la réflexion et à la prise de décisions, et prévoient des mesures de sauvegarde de l’intégrité culturelle et de réparation, si nécessaire. À cet effet, le Comité recommande à l’État partie d’établir d’urgence un mécanisme juridique pour organiser des consultations conformément à la Convention n o  169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, et à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il lui recommande aussi de revoir le cadre législatif et institutionnel concernant les projets d’exploitation des ressources naturelles, en consultation avec les peuples autochtones et de se donner davantage de moyens pour contrôler les sociétés extractives et veiller à ce qu'elles n'aient pas d'effets néfastes sur les droits des peuples autochtones, leur territoire et leurs ressources naturelles.

Affectation de ressources publiques

Le Comité constate avec inquiétude que malgré l’adoption de la réforme fiscale en 2012, le recouvrement de l’impôt est encore insuffisant et limite gravement les ressources destinées aux droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité est aussi préoccupé par la persistance de mécanismes qui accordent des privilèges fiscaux à certains secteurs économiques, en particulier le secteur minier et la confection (maquila) (art. 2).

Le Comité encourage l’État partie à mettre en œuvre une politique fiscale suffisante, progressive et socialement juste qui améliore le recouvrement de l’impôt afin de garantir des ressources suffisantes pour mettre en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels. Il lui recommande aussi de veiller à ce que toute réforme de la fiscalité et tout projet de budget soient conçus de manière transparente et sur une base participative.

Non-discrimination

Le Comité prend note de la création du Bureau de défense de la diversité sexuelle (Defensoría de la diversidad sexual). Il regrette néanmoins que des personnes continuent d’être victimes de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle dans les domaines de l’emploi, du logement, de l’éducation et de la santé (art. 2).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures, en particulier de sensibilisation, pour veiller à ce que les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres (LGBT) ne fassent pas l’objet de discrimination en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre.

Violence sexiste

Le Comité prend note de la création de juridictions et tribunaux spécialisés en matière de féminicide et d’autres formes de violence à l'égard des femmes. Il regrette toutefois que le climat d’impunité perdure et que les femmes victimes de violence aient toujours peur de porter plainte. Le Comité se déclare à nouveau préoccupé par les taux élevés de cas de violence à l'égard des femmes, en particulier des cas de violence familiale (voir E/C.12/1/Add.93, par. 39) (art. 2, 3 et 10).

Le Comité recommande à l’État partie de continuer à sensibiliser la population au fait que la violence familiale constitue une infraction pénale, et de traduire en justice les auteurs d’actes de violence. Il lui recommande aussi de renforcer et développer les programmes de conseil juridique et d’allouer les ressources nécessaires aux juridictions et tribunaux spécialisés en matière de féminicide et d’autres formes de violence à l'égard des femmes.

Égalité de traitement entre les hommes et les femmes

Le Comité regrette qu’en dépit des modifications apportées à la loi pour assurer l’égalité des sexes, dans la pratique, des inégalités perdurent entre hommes et femmes, qui s’expliquent en partie par les stéréotypes solidement ancrés sur le rôle de la femme dans la société et la famille. Le Comité constate aussi avec inquiétude que les femmes autochtones sont défavorisées en ce qui concerne particulièrement leurs droits à l’éducation, à la santé, à l’emploi et à la propriété foncière (art. 3 et 7).

Le Comité rappelle son Observation générale n o  16 (2005) sur le droit égal de l'homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiq ues, sociaux et culturels (art.  3 du Pacte), et recommande à l’État partie:

a) De mener, en collaboration avec les organisations de la société civile et les médias, des campagnes de sensibilisation de l’opinion publique en vue d’éliminer les stéréotypes et les rôles traditionnels dans la famille et dans la société en général, qui constituent une discrimination à l’égard des femmes;

b) De renforcer l’application des mesures visant à combattre la discrimination à l’égard des femmes, comme la politique nationale de promotion et d’émancipation des femmes et le plan d’égalité des chances (2008-2023);

c) D’adopter des mesures concrètes pour éliminer les inégalités persistantes entre les hommes et les femmes, en particulier les femmes autochtones, et de favoriser le plein accès à l’éducation primaire, à la santé et à la terre.

Égalité entre les hommes et les femmes dans le domaine du travail

Le Comité est toujours préoccupé par la faible représentation des femmes dans les espaces publics à tous les niveaux (voir E/C.12/1/Add.93, par. 30). Il est aussi préoccupé de ce que, en dépit des efforts déployés en la matière, les inégalités de rémunération entre les hommes et les femmes restent considérables (art. 3, 6, 9 et 10).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour combattre les stéréotypes sexistes et promouvoir la représentation égale des hommes et des femmes dans la fonction publique. Il lui recommande de garantir l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes. Il lui recommande également de promouvoir la formation, de continuer à sensibiliser les hommes et les femmes à la question de l’égalité des chances professionnelles de façon à les encourager à poursuivre leurs études et à se former dans d’autres domaines que ceux qui sont traditionnellement réservés à chaque sexe, et de prendre des mesures spécifiques pour promouvoir la place de la femme sur le marché du travail.

Rémunération juste et équitable

Le Comité se déclare à nouveau préoccupé par les salaires minimums établis dans l’État partie, qui sont insuffisants pour garantir un niveau de vie décent aux travailleurs et aux membres de leur famille (voir E/C.12/1/Add.93, par. 32), et regrette qu’une grande partie des travailleurs gagnent bien moins que le salaire minimum légal. Le Comité observe avec inquiétude la tendance de l’agro-industrie à subordonner le salaire des travailleurs à la productivité, avec des objectifs souvent excessifs et sans garantie de salaire minimum. De même, il regrette les disparités qui existent entre les salaires minimums des différentes branches d’activité économique, en particulier dans les secteurs de l’exportation et de la confection (art. 6 et 7).

Le Comité engage l’État partie à niveler le salaire minimum de tous les secteurs d’emploi et à continuer à en augmenter progressivement le montant conformément à l’article 7 (par. a), al. ii)) du Pacte. Il recommande à l’État partie de veiller à ce que les salariés touchent un salaire au moins équivalent au salaire minimum national, y compris les prestations prévues par la loi.

Inspections du travail

Le Comité prend note des progrès réalisés pour renforcer l’action des inspections du travail, mais regrette toutefois que l’Inspection générale du travail n’a pas les ressources suffisantes pour s’acquitter de sa mission et que ses activités soient concentrées dans la capitale. Il regrette aussi les retards pris et les problèmes rencontrés dans l’imposition de sanctions envers ceux qui violent les normes du travail (art. 6 et 7).

Le Comité engage l’État partie à adopter des mesures urgentes pour renforcer les capacités de l’Inspection générale du travail, en particulier en lui allouant les ressources financières et humaines nécessaires pour qu’elle puisse s’acquitter de sa mission. Il recommande à l’État partie d’adopter les mesures nécessaires pour que toutes les violations du droit du travail commises par des employeurs fassent dûment l’objet d’enquêtes et, s'il y a lieu, de sanctions.

Travail informel et travail domestique

Le Comité constate avec inquiétude le grand nombre de travailleurs de l’État partie employés dans le secteur informel de l’économie. Il regrette l’existence d’un régime spécial pour les travailleurs domestiques, qui restreint toute une série de droits du travail reconnus aux autres travailleurs par la loi (art. 6 et 7).

Le Comité exhorte l’État partie à continuer de n’épargner aucun effort pour réduire le secteur informel de l’économie afin de promouvoir l’emploi dans le secteur formel et ainsi faire en sorte que tous les travailleurs puissent exercer pleinement leurs droits économiques et sociaux. Le Comité recommande de prendre des mesures pour garantir la pleine protection juridique des travailleurs, quel que soit le secteur dans lequel ils sont employés. Il recommande aussi à l’État partie de ratifier la Convention n o  189 et la Recommandation n o  201 de l’OIT concernant un travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques.

Droits syndicaux

Le Comité est préoccupé par les limites imposées dans l’exercice du droit de former des syndicats et d’exercer les droits syndicaux. Il est en particulier préoccupé par les nombreux cas de décès de syndicalistes, qui sont généralement impunis (art. 8).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures pour garantir le respect du droit de former des syndicats et d’exercer les droits syndicaux, tel que le prévoit l’article 8 du Pacte. Il recommande aussi à l’État partie d’adopter des mesures efficaces pour faire en sorte que les travailleurs soient protégés contre toute mesure de représailles en raison de leur participation à des syndicats. Le Comité engage l’État partie à enquêter sur tous les cas de décès de syndicalistes et à sanctionner les responsables.

Sécurité sociale

Malgré la précédente recommandation du Comité (E/C.12/1/Add.93, par. 17 et 35) et les mesures d’incitation prises par l’État partie pour accroître le nombre de personnes affiliées à l’Institut guatémaltèque de sécurité sociale, le Comité constate avec regret que seuls 22,1 % des travailleurs sont affiliés au système de sécurité sociale de l’État partie. Il regrette en particulier que les travailleurs agricoles et les domestiques n’aient pas de couverture sociale (art. 9).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir une vaste couverture sociale qui offre des prestations adéquates à tous les travailleurs, y compris les travailleurs agricoles et les domestiques, en tenant compte de l’Observation générale n o  19 (2008) du Comité sur le droit à la sécurité sociale (art. 9 du Pacte). Il lui recommande également d'envisager de mettre en place des socles de protection sociale (voir la Recommandation n o  202 (2012) de l’OIT) aux fins de la réalisation du droit à la sécurité sociale.

Exploitation économique des enfants

Le Comité prend note de la réduction du travail des enfants, mais se déclare toujours préoccupé par la persistance de l’exploitation économique des enfants dans l’État partie, en particulier dans les secteurs de l’agriculture et de la domesticité (E/C.12/1/Add.93, par. 20 et 38). Il constate avec inquiétude que la pauvreté des familles dans les zones rurales et l’accès restreint à l’enseignement secondaire augmentent le risque de travail des enfants (art. 10).

Le Comité encourage l’État partie à redoubler d’efforts au moyen d’un plan urgent de lutte contre le travail des enfants. Il engage l’État partie à mener systématiquement des inspections du travail et à mettre en place des politiques publiques qui visent à réduire la situation de vulnérabilité des enfants dans les zones rurales et urbaines et à favoriser leur plein accès à l’enseignement secondaire. Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur la répression des infractions relatives au travail des enfants.

Accès à un logement suffisant et expulsions forcées

Le Comité constate avec inquiétude qu'en dépit des mesures adoptées par l’État partie, le déficit de logements sociaux est important et le budget alloué au logement, en particulier au Fonds pour le logement (FOPAVI) est insuffisant. Il est également préoccupé par le grand nombre de familles vivant dans des zones d'habitat urbain non planifié, particulièrement exposées aux expulsions forcées, et par les informations faisant état d'expulsions forcées menées sans consultation préalable des personnes visées, sans indemnisation, sans logement de remplacement ni réinstallation (art. 11).

Le Comité recommande à l’État partie d’allouer suffisamment de ressources à la réalisation de programmes visant à garantir la sécurité de la propriété foncière, y compris l’accès au crédit et à des subventions pour les familles à faible revenu et pour les membres des groupes les plus défavorisés, en tenant compte de son Observation générale n o  4 (1991) sur le droit à un logement suffisant (art. 11 du Pacte, par. 1). Il lui recommande également d'adopter des lois pour établir les conditions et les garanties en vertu desquelles l'expulsion peut avoir lieu et pour garantir un logement de remplacement ou une solution de réinstallation et une indemnisation suffisante aux victimes, conformément à son Observation générale n o  7 (1997) sur les expulsions forcées.

Pauvreté en zone rurale

Le Comité regrette le niveau de pauvreté alarmant dans les zones rurales, malgré la création du Cabinet du développement rural et l’adoption d’un plan d’action pour la population rurale en situation de pauvreté. Il est préoccupé par la faiblesse des ressources budgétaires allouées au Ministère du développement social et par le nombre limité de familles bénéficiant du programme «Mi Bono Seguro» (art. 11).

Le Comité recommande à l’État partie d'adopter le projet de loi de développement rural afin de mettre en œuvre efficacement la politique nationale de développement rural intégré pour lutter contre la pauvreté et l’extrême pauvreté dans les zones rurales. Il lui recommande aussi d’intensifier les mesures pour combattre la pauvreté et l’extrême pauvreté des peuples autochtones et de maintenir ses efforts dans le cadre des engagements pris en rapport avec les objectifs du Millénaire pour le développement. Il recommande à l’État partie d’augmenter progressivement le budget alloué au Ministère du développement social et d'adopter une approche axée sur les droits de l'homme dans l'exécution de ses programmes.

Malnutrition et droit à l’alimentation

En dépit des mesures prises par l’État partie, le Comité regrette la persistance alarmante de cas de malnutrition aiguë chez les moins de 5 ans. Il est préoccupé par les informations selon lesquelles les effets du plan «Faim zéro» sont limités et par les plaintes de clientélisme politique dans la mise en œuvre des programmes d’aide alimentaire. Il est également préoccupé par l'expansion importante de la monoculture et par les obstacles qu'elle pose à l'accès des peuples autochtones à la terre pour cultiver leurs propres ressources alimentaires (art. 11).

Le Comité engage l’État partie à intensifier son action pour prévenir et combattre la malnutrition infantile, en particulier dans des zones rurales et reculées. Il recommande à l’État partie d’allouer des ressources financières et humaines suffisantes et de prendre les mesures nécessaires pour garantir la mise en œuvre efficace et la viabilité du plan «Faim zéro» en renforçant les composantes qui s'attaquent aux causes structurelles de la malnutrition. Il l'engage en particulier à établir, dans le cadre de la politique nationale de développement rural intégré, les mécanismes nécessaires pour éviter que l'expansion de la monoculture n'accentue l'insécurité alimentaire des communautés rurales.

Droit à la santé

Le Comité observe avec inquiétude les déséquilibres importants entre les différentes régions du pays en ce qui concerne l’accès à la santé et la qualité des services, en particulier la concentration des médecins dans les zones urbaines, situation qui a surtout des conséquences pour la population autochtone ou extrêmement pauvre. Le Comité constate avec regret que le budget alloué à la santé est insuffisant pour couvrir correctement toute la population, ce qui favorise le développement des services de santé privés (art. 12).

Le Comité recommande à l’État partie d’augmenter le budget alloué à la santé et de prendre les mesures nécessaires pour consolider un système national de santé accessible à tous, sans discrimination aucune, conformément à l’article 12 du Pacte et compte tenu de l’Observation générale n o  14 (2000) sur le droit de jouir du meilleur état de santé possible (art. 12 du Pacte). Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier les mesures pour assurer la couverture et l’accessibilité des services de santé dispensés par l'État dans les zones rurales et dans les zones habitées par des autochtones.

Santé sexuelle et génésique

Le Comité réaffirme sa préoccupation au sujet de l’insuffisance et de l’inadéquation des services de santé sexuelle et génésique, en particulier pour les jeunes filles et les femmes, ce qui explique le niveau élevé des taux de mortalité maternelle et des taux de grossesse chez les adolescentes (E/C.12/1/Add.93, par. 25). Le Comité constate avec inquiétude que l’État partie n’exonère de responsabilité l’auteur de l’avortement que si ce dernier avait pour finalité d’éviter de mettre en danger la vie ou la santé de la mère, et que les avortements non médicalisés ou illégaux continuent d’être l’une des principales causes de mortalité maternelle (art. 10 et 12).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour réduire le niveau élevé du taux de grossesse des adolescentes et de garantir l’accessibilité et la disponibilité des services de santé sexuelle et génésique, en particulier dans les zones rurales. Il lui recommande aussi d’inclure des cours complets sur la santé sexuelle et génésique dans les programmes scolaires de l’enseignement primaire et secondaire, en tenant compte de l'âge des enfants concernés, et de mettre en place des programmes d’information et de sensibilisation de l’opinion publique dans ces domaines. Le Comité engage l’État partie à réexaminer sa législation en matière d’avortement et d’étudier la possibilité de prévoir des exceptions à l’interdiction de l’avortement, notamment dans les cas de grossesse résultant d’un viol ou d’un inceste. Il recommande à l’État partie de garantir l’accès à des installations, du matériel et des services de santé pour réduire tout risque avant et après l’avortement.

Accès à l’éducation et budget

Le Comité observe avec inquiétude la modicité du budget alloué à l’éducation, l'État partie étant l’un des pays d’Amérique latine qui investit le moins dans l’éducation. Le Comité constate avec regret que le petit budget alloué à l’enseignement primaire est insuffisant pour couvrir les frais d’éducation, ce qui a conduit certaines écoles publiques à prélever des commissions informelles, sous forme de «dons» ou des «contributions volontaires». Les jeunes filles autochtones pâtissent particulièrement de cette situation. Le Comité est préoccupé par les inégalités entre les écoles des zones urbaines et celles des zones rurales pour ce qui est de la qualité de l’enseignement et des infrastructures, ainsi que par la faible rémunération et la formation insuffisante du personnel enseignant (art. 13).

Le Comité recommande à l’État partie d’éliminer tous les frais directs et indirects dans l’enseignement primaire, qui doit être obligatoire et accessible à tous gratuitement, comme le prévoit l’article 13 du Pacte. Il recommande à l’État partie d’allouer les ressources nécessaires pour garantir la qualité du système éducatif et des infrastructures satisfaisantes dans les zones rurales et urbaines. Le Comité encourage l’État partie à améliorer les conditions matérielles et salariales du corps enseignant, ainsi que sa formation.

Abandon scolaire

Le Comité prend note des efforts de l’État partie mais est préoccupé par les taux élevés d’abandon scolaire dans l’enseignement primaire, en particulier parmi les filles des zones rurales. Il prend note aussi avec inquiétude du taux élevé d’analphabétisme, principalement dans les zones rurales et parmi les peuples autochtones, en particulier chez les filles (art. 13 et 14).

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts dans le cadre du plan d’alphabétisation et de redoubler d’efforts dans les zones rurales et parmi les peuples autochtones. Il l’encourage à mettre en place des programmes spécifiques pour prévenir l’abandon scolaire et s’attaquer aux causes de ce phénomène.

Éducation bilingue interculturelle

Le Comité prend note des efforts de l’État partie mais constate à nouveau avec préoccupation que les peuples autochtones ne jouissent pas toujours du droit à un enseignement délivré en langue autochtone. Il est aussi préoccupé par les restrictions concernant l’accès à l’enseignement secondaire et supérieur et la poursuite de la scolarité dans ces cycles, en particulier pour les adolescents et les jeunes autochtones (art. 13 et 14).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour garantir l’accès des peuples autochtones à l’éducation interculturelle et dans leurs langues propres, et de faire en sorte que cette éducation soit adaptée aux besoins spécifiques des peuples. Il engage l’État partie à adopter des mesures urgentes pour préserver les langues autochtones et favoriser leur emploi.

Accès à Internet

Le Comité note avec inquiétude qu’en dépit des efforts de l’État partie, les peuples autochtones n’ont toujours qu’un accès limité à Internet et utilisent toujours peu cet outil.

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre son action afin d’élargir l’accès à Internet et de redoubler d’efforts dans la mise en place de centres d’information et d’éducation sur l’utilisation des nouvelles technologies et d’Internet, en particulier auprès des peuples autochtones.

D.Autres recommandations

Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, en particulier auprès des peuples autochtones (en les faisant traduire dans les principales langues autochtones parlées dans le pays), des fonctionnaires publics, des autorités judiciaires, des législateurs, des avocats, des entrepreneurs et des organisations de la société civile, et de l’informer, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu’il aura prises pour les mettre en œuvre. Il encourage aussi l’État partie à associer les organisations de la société civile aux discussions tenues au niveau national avant la présentation de son prochain rapport périodique.

Le Comité constate que l’État partie a signé le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et l’encourage à le ratifier.

Le Comité demande à l’État partie de présenter son quatrième rapport périodique conformément aux lignes directrices adoptées en 2008 (E/C.12/2008/2), au plus tard le 30 novembre 2019.