NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/KEN/CO/11er décembre 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELSQuarante et unième sessionGenève, 3‑21 novembre 2008

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

KENYA

Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

1.Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le rapport initial du Kenya sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/KEN/1) à ses 34e, 35e et 36e séances, tenues les 6 et 7 novembre 2008 (E/C.12/2006/SR.34 à 36) et a adopté, à sa 51e séance tenue le 19 novembre 2008, les observations finales ci-après.

A. I ntroduction

2.Le Comité se félicite de la présentation, quoique tardive, du rapport initial du Kenya et de l’occasion qui lui a ainsi été donnée de nouer un dialogue constructif avec l’État partie. Il note également avec satisfaction les réponses écrites à sa liste des points à traiter ainsi que les réponses, en général franches et détaillées, que la délégation de l’État partie a apportées aux questions orales des membres du Comité.

3.Le Comité regrette que le rapport ne contienne pas de données statistiques ventilées qui lui permettraient d’évaluer l’application du Pacte dans l’État partie.

B. A spects positifs

4.Le Comité prend note avec satisfaction de la création, en 2002, de la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya conformément aux Principes de Paris relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (résolution 48/13 de l’Assemblée générale en date du 20 décembre 1993, annexe).

5.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a adopté une législation visant à éliminer la discrimination à l’égard des personnes et des groupes défavorisés et marginalisés, notamment la loi sur les réfugiés (2006), qui proscrit la discrimination à l’égard des réfugiés et des demandeurs d’asile, et la loi sur les personnes handicapées (2003) portant création du Fonds national de développement pour les personnes handicapées.

6.Le Comité se félicite de la législation adoptée récemment par l’État partie en vue de renforcer les normes du travail et la liberté syndicale, et en particulier des lois ci‑après:

a)La loi sur l’emploi (2007), qui améliore les conditions minimales d’emploi, interdit le travail forcé, le travail des enfants, le harcèlement sexuel et la discrimination et instaure 21 jours de congé annuel et trois mois de congé de maternité;

b)La loi sur les institutions du travail (2007), qui établit des institutions chargées de l’administration et de la gestion des relations professionnelles ou renforce les institutions existantes, dont le Comité national de l’emploi et le Tribunal national du travail;

c)La loi sur les relations professionnelles (2007), qui garantit la liberté d’association et établit les modalités de la reconnaissance des syndicats, des conventions collectives et du règlement des litiges;

d)La loi sur l’indemnisation des accidents du travail (2007), qui élargit la couverture de l’assurance à toutes les catégories de travailleurs et leur assure une indemnisation adéquate en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, que l’employeur soit solvable ou non;

e)La loi sur l’hygiène et la sécurité du travail (2007), qui interdit d’employer des enfants dans des lieux qui créent un risque pour leur santé et encourage les chefs d’entreprise à se fixer des objectifs atteignables en matière de sécurité au travail.

7.Le Comité constate avec satisfaction que dans l’État partie, l’enseignement primaire est obligatoire et gratuit depuis 2003, et l’enseignement secondaire en externat gratuit depuis 2008.

C. F acteurs et difficul tés entravant l’application du P acte

8.Le Comité constate qu’aucun facteur important ou difficulté majeure n’entrave l’application effective du Pacte dans l’État partie.

D. P rincipaux sujets de préoccupation , suggestions et recommandations

9.Le Comité note avec préoccupation que les droits énoncés dans le Pacte n’ont pas été incorporés dans le droit interne et ne peuvent donc pas être directement invoqués devant les tribunaux de l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie d’inclure dans sa nouvelle constitution les droits éc onomiques, sociaux et culturels en vue d’incorporer les droits énoncés dans le  Pacte dans le droit interne de manière qu’ils puissent être directement invoqués devant les tribunaux.

10.Le Comité regrette que, malgré la politique de «tolérance zéro» adoptée par l’État partie, la corruption et le clientélisme continuent d’entraver la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels et que peu de poursuites aient été engagées pour corruption.

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour juger les affaires de corruption et de revoir les p e ines prévues pour les infractions liées à la corruption. Il lui recommande en outre de former les policiers et les autres agents de la force publique , les juges et les procureurs à la stricte application des lois contre la corruption, d’organiser des campagnes de sensibilisation et d’assurer la transparence du comportement des autorités publiques, dans la loi et dans les faits.

11.Le Comité est préoccupé par l’incidence négative que pourraient avoir l’accord de partenariat économique actuellement négocié avec l’Union européenne, l’accord d’investissement dans le cadre du Marché commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe (COMESA), ainsi que les accords bilatéraux de commerce et d’investissement, sur l’exécution des obligations qui incombent à l’État partie en vertu du Pacte et, en particulier, sur les moyens de subsistance des petits agriculteurs qui dépendent du maïs, du blé, du riz et des produits laitiers, sur l’emploi dans l’industrie alimentaire, l’industrie textile, l’industrie du papier et l’industrie de l’impression au Kenya, sur les droits du travail et sur le droit à l’alimentation (art. 2, par. 1).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour évaluer l’incidence négative que pourrait avoir tout engagement pris au titre de l’accord de partenariat économique avec l’Union européenne ou de l’accord d’investissement dans le cadre du COMESA, tous deux en cours de négociation, ou au titre d’accords bilatéraux de commerce ou d’investissement, sur les droits économiques, sociaux et culturels des K enyans, et de veiller à ce que le s droits énoncés dans le Pacte ne soient pas compromis.

12.Le Comité est préoccupé par le fait que les disparités dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, notamment du droit d’accéder à la terre, ont engendré des tensions interethniques et des violences postélectorales qui ont fait au moins 1 500 morts au début de 2008. Il est aussi préoccupé par le fait que les auteurs de ces violences n’ont pas été traduits en justice.

Le Comité recommande à l’État partie de remédier aux disparités dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, notamment du droit d’accéder à la terre, qui affectent particulièrement les pauvres des zones urbaines et les communautés minoritaires et autochtones des zones rurales, par exemple en adoptant le projet de loi sur la politique foncière nationale, en créant des organes d’inspection foncière chargés de vérifier s’il n’y a pas discrimination dans l’allocation de terres et en mettant en œuvre les recommandations de la Commission d’enquête Ndung’u sur l’attribution illégale ou irrégulière de terres du domaine public. Il recommande en outre à l’État partie d’établir un tribunal sur les violences postélectorales pour traduire les responsables en justice ainsi qu’une commission de la vérité, de la justice et de la réconciliation qui se pencherait sur les injustices historiques en général, et de favoriser le dialogue et une réconciliation globale entre les différents groupes ethniques du pays.

13.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les réfugiés seraient exclus de facto du secteur formel de l’emploi et percevraient souvent des salaires inférieurs au minimum légal dans le secteur informel. Il est aussi préoccupé par le fait que les réfugiés et les demandeurs d’asile sont confinés pendant des années dans des camps situés dans des régions isolées et semi-arides et doivent payer plus cher que les nationaux pour être soignés dans les hôpitaux publics (art. 2, par. 2).

Le Comité recommande à l’État partie de délivrer des permis de travail à tous les réfugiés, conformément à la loi sur les réfugiés (2006), et de surveiller les pratiques professionnelles injustes et l’exploitation des réf ugiés dans le secteur informel. Il lui recommande aussi d’assouplir sa politique qui contraindrait les réfugiés à vivre dans des camps pendant de longues périodes et de permettre aux réfugiés de bénéficier de services hospitaliers aux mêmes tarifs que les nationaux.

14.Le Comité note avec préoccupation que l’article 82.4 de la Constitution prévoit des exceptions au principe constitutionnel de l’interdiction de la discrimination pour ce qui est de certaines questions de statut personnel comme le mariage, le divorce et la transmission du patrimoine en cas de décès, ou de dispositions du droit coutumier applicables à certaines tribus, ce qui, d’une manière générale, aboutit à une discrimination à l’égard des femmes dans ces domaines du droit (art. 3).

Le Comité recommande à l’État partie d’abroger l’a rticle 82.4, de la Constitution et de veiller à ce que la nouvelle constitution garantisse aux femmes les mêmes droits que les hommes sur le patrimoine du couple dans le mariage et lors de sa dissolution . Il lui recommande en outre de mieux sensibiliser le public à la nécessité d’abolir les lois et coutumes discriminatoires à l’égard des femmes et d’adopter le projet de loi sur le mariage et le patrimoine matrimonial ainsi que le projet de loi sur l’égalité des sexes et les mesures positives.

15.Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes demeurent sous-représentées au Parlement, aux postes de haut niveau dans l’exécutif et aux postes de juges à la cour d’appel ou à la Cour suprême (art. 3).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures positives en vue d’accroître la représentation des femmes au Parlement, dans la magistrature et aux postes de haut niveau dans la fonction publique.

16.Le Comité constate avec inquiétude que seulement 1,8 million de travailleurs sont employés dans le secteur formel bien que 2,4 millions de nouveaux emplois aient été créés entre 2004 et 2007. Il constate en outre avec inquiétude que 6,4 millions de travailleurs du secteur informel ne sont pas correctement couverts par la réglementation du travail et les régimes de sécurité sociale, notamment pour ce qui est des droits à pension et de la protection de la maternité, et que de nombreuses personnes dans l’État partie sont au chômage, en particulier des femmes, des personnes handicapées, des réfugiés et des personnes déplacées dans le pays (art. 6).

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts, en particulier dans les zones rurales et les zones urbaines défavorisées, pour a)  atteindre des taux d’emploi plus élevés, par exemple en prenant des mesures relatives à la formation et aux infrastructures; b) régulariser la situation des travailleurs du secteur informel en améliorant progressivement leurs conditions de travail et en les intégrant dans les régimes de sécurité sociale; c) accroître les possibilités d’emploi pour les femmes, les personnes handicapées, les réfugiés, les déplacés et autres groupes défavorisés et marginalisés grâce à l’adoption de mesures spéciales en leur faveur; d) veiller à ce que les inspecteurs du travail agissent dans l’indépendance et l’efficacité pour combattre les violations des droits fondamentaux du travail; e) mettre en place un système de collecte de données pour surveiller la situation du chômage et celle de l’emploi dans le secteur informel.

17.Le Comité est préoccupé par le fait que la loi sur l’emploi et la loi sur l’hygiène et la sécurité du travail ne sont pas applicables dans les zones franches industrielles, ce qui est à l’origine de mauvaises conditions de travail, notamment la faiblesse des salaires, le nombre excessif et imprévisible d’heures de travail, l’absence de possibilités de formation et de promotion, l’instabilité des contrats, le harcèlement sexuel, les atteintes au droit de s’affilier à un syndicat et au droit à la négociation collective et la discrimination raciale exercée par les employeurs étrangers à l’égard des travailleurs kényans (art. 7).

Le Comité recommande à l’État partie de revoir les régimes d’avantages en vigueur dans les zones franches industrielles, de supprimer les exemptions à la législation du travail kényane accordées dans ces zones, notamment pour ce qui est de la loi sur l’emploi, de la loi sur l’hygiène et la sécurité du travail et de la réglementation relative au salaire minimum, de faire appliquer strictement les normes du travail et d’augmenter encore le nombre d’inspections du travail, d’augmenter les possibilités de formation et de promotion offertes aux travailleurs, d’assurer la liberté syndicale et de combattre le harcèlement sexuel et la discrimination raciale dans les zones franches industrielles.

18.Le Comité constate avec préoccupation que le salaire minimum légal ne permet pas d’assurer un niveau de vie suffisant aux travailleurs et à leur famille. Il constate en outre avec préoccupation que les femmes occupent le plus souvent des emplois mal rémunérés et peu qualifiés, en particulier dans les zones rurales et les zones urbaines défavorisées (art. 7).

Le Comité recommande à l’État partie d’augmenter le salaire minimum, de l’ajuster chaque année et de veiller à ce qu’il soit appliqué en vue d’assurer un niveau de vie suffisant aux travailleurs et à leur famille, conformément aux dispositions de l’alinéa a ii) de l’article 7 du Pacte. Il recommande en outre à l’État partie d’adopter des mesures ciblées pour faire en sorte que les femmes, en particulier celles qui vivent dans les zones rurales et les zones urbaines défavorisées, aient accès au marché de l’emploi réglementé dans des conditions d’égalité avec les hommes et que le principe d’un salaire égal pour un travail de valeur égale soit traduit dans les faits.

19.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de retards dans l’enregistrement de syndicats, de suppression de l’enregistrement pour des motifs vagues, d’ingérences dans la gestion et le fonctionnement des syndicats de la part de fonctionnaires du Bureau du registre des syndicats et du Ministère du travail et de restrictions excessives imposées à l’exercice du droit de grève, en particulier dans les zones franches industrielles (art. 8).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre d’urgence des mesures visant à garantir la liberté de former des syndicats et de s’y affilier, d’empêcher toute ingérence dans la gestion et le fonctionnement des syndicats et de lever les restrictions excessives imposées à l’exercice du droit de grève dans la loi et dans les faits, y compris dans les zones franches industrielles. Tout en notant l’importance que l’État partie attache aux principes du tripartisme et du dialogue social, le Comité lui recommande d’envisager de ratifier la Convention n o  87 (1948) de l’Organisation internationale du Travail sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical.

20.Le Comité note avec préoccupation que le Fonds national d’assurance maladie (NHIF), qui permet le remboursement des frais hospitaliers non médicaux, ne couvre qu’un petit pourcentage de travailleurs du secteur informel et que le projet de loi nationale sur l’assurance maladie (2004), qui visait à introduire un régime d’assurance maladie obligatoire pour tous les citoyens, n’a pas reçu l’aval présidentiel (art. 9).

Le Comité recommande à l’État partie d’étendre progressivement la couverture du Fonds national d’assurance maladie de manière que tous les frais d’hospitalisation soient remboursés, en particulier les frais médicaux, et que toutes les catégories de travailleurs soient couverts, y compris les employés du secteur informel, les travailleurs occasionnels, les employés de maison, les employés à temps partiel et les travailleurs indépendants, ainsi que les personnes sans emploi. Dans un premier temps, il recommande à l’État partie d’envisager de supprimer les pénalités infligées aux personnes qui ne sont pas en mesure de verser leurs cotisations à temps. Il recommande en outre à l’État partie de prendre des mesures immédiates pour introduire un régime d’assurance maladie complet obligatoire pour tous les citoyens, y compris les chômeurs, les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées et les autres personnes et groupes défavorisés et marginalisés.

21.Le Comité constate avec préoccupation que de nombreux régimes de retraite sont sous‑financés et que le Fonds national de sécurité sociale, fonds contributif d’affiliation obligatoire qui permet de verser une pension aux travailleurs pendant la retraite, ne comprend aucun régime non contributif d’assistance sociale (art. 9).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à la viabilité financière des régimes de retraite en vigueur et d’étendre le champ d’application du Fonds national de sécurité sociale afin que celui-ci englobe les principales branches de la sécurité sociale , ainsi que l es régimes non contributifs d’assistance sociale pour ceux qui sont dans l’impossibilité de verser des cotisations de retraite ou d’autres cotisations de sécurité sociale. Il lui recommande aussi d’envisager de ratifier la Convention n o 102 (1952) de l’OIT concernant la sécurité sociale (norme minimum) .

22.Le Comité constate avec préoccupation l’incidence de la violence domestique dans l’État partie, le faible nombre de plaintes déposées par les victimes, notamment en cas de viol conjugal, l’absence de dispositions pénales criminalisant expressément ce type de violence, et l’absence de données statistiques relatives aux nombres de cas signalés. Il s’inquiète aussi de pratiques coutumières néfastes qui ont trait à la «transmission des veuves en héritage» et à la «purification» rituelle des veuves par des hommes qui sont des proches du mari décédé (art. 10).

Le Comité recommande à l’État partie a) d’adopter le projet de loi sur la violence domestique (protection de la famille) (2000) et d’autres textes de loi criminalisant expressément la violence domestique, notamment le viol conjugal, et les pratiques coutumières qui portent atteinte et nuisent aux femmes, notamment la «purification» rituelle et la transmission forcée des veuves en héritage; b) de former les policiers, juges et procureurs à la stricte application des dispositions du Code pénal; c) d’assouplir les sanctions prévues pour fausse allégation au chapitre 38 de la loi sur les infractions sexuelles (2006) et d’exclure l’application de ce dernier dans les affaires où l’acquittement n’est pas nécessairement fondé sur les fausses allégations du plaignant; d) de sensibiliser le public, en particulier au niveau communautaire, à la nature délictueuse de la violence domestique et des pratiques coutumières néfastes; et e) de fournir, dans son deuxième rapport périodique, des données actualisées sur le nombre et la teneur des cas signalés de violence domestique et sexuelle, sur les condamnations prononcées et sur les sanctions imposées aux auteurs de tels actes.

23.Le Comité constate avec préoccupation que les mutilations génitales féminines continuent d’être pratiquées dans l’État partie, en particulier dans les zones rurales telles que la province du nord-est (art. 10).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter un texte de loi criminalisant les mutilations génitales de femmes adultes; de former les policiers, juges et procureurs à l’application stricte des lois interdisant les mutilations génitales féminines; de continuer à promouvoir d’autres rites pour les cérémonies initiatiques; de sensibiliser les parents, en particulier les mères, les enfants et les chefs communautaires aux effets néfastes de ces mutilations; et de faire disparaître les croyances traditionnelles au sujet de l’importance de ces mutilations pour les chances futures de mariage des filles.

24.Le Comité note avec préoccupation l’absence de données statistiques sur le nombre de cas signalés de personnes, en particulier de femmes et d’enfants, victimes de la traite, en provenance de l’État partie et sur son territoire, à des fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé, ainsi que les informations selon lesquelles les dispositions criminalisant la traite de personnes à des fins d’exploitation sexuelle et d’enfants sont rarement appliquées et que, lorsqu’elles le sont, les peines infligées aux trafiquants sont souvent indulgentes (art. 10).

Le Comité recommande à l’État partie a) d’adopter le projet de loi contre la traite (2007); b) de former les fonctionnaires de police, les juges, les procureurs, le personnel de santé et les travailleurs sociaux à la stricte application des dispositions de la loi sur les infractions sexuelles (2006) et de la loi sur l’enfance (2001) criminalisant la traite de personnes à des fins d’exploitation sexuelle et d’enfants; c) de revoir les peines prévues pour les infractions liées à la traite; et d) de fournir, dans son deuxième rapport périodique, des données à jour sur le nombre et la teneur des cas signalés de traite, sur les condamnations prononcées et sur les sanctions imposées aux trafiquants.

25.Tout en notant les progrès accomplis par l’État partie dans la lutte contre le travail des enfants, le Comité reste préoccupé par le nombre encore très élevé d’enfants qui travaillent. Il est également préoccupé par le nombre élevé d’enfants que l’on oblige à se prostituer (art. 10).

Le Comité demande instamment à l’État partie a) de renforcer l’application de la loi sur l’enfance et de la loi sur les infractions sexuelles interdisant le travail des enfants et l’exploitation sexuelle des enfants, par exemple en dispensant une formation obligatoire aux fonctionnaires de police, aux juges, aux procureurs, aux enseignants, au personnel de santé et aux travailleurs sociaux, en faisant en sorte que les inspections du travail et les interventions sur le terrain des services sociaux soient plus efficaces, ainsi qu’en infligeant des peines plus lourdes à ceux qui profitent du travail illégal des enfants; b) d’adopter et d’appliquer dans les faits le projet de politique nationale sur le travail des enfants (2002); c) de mener des campagnes de sensibilisation des enfants et des parents aux moyens d’assurer leur subsistance, notamment à l’éducation; d) d’apporter une assistance aux enfants qui travaillent et à leur famille; et e) de réunir systématiquement des données sur l’ampleur du travail des enfants, y compris les formes occultes de travail, et sur la prostitution enfantine dans l’État partie.

26.Le Comité est préoccupé par le fait que des enfants et des orphelins touchés par le VIH/sida ne reçoivent pas une assistance suffisante de l’État partie et que l’entretien de ces enfants et la tâche de s’assurer qu’ils fréquentent l’école sont souvent délégués à leur famille élargie et à des organisations communautaires et d’inspiration religieuse, sans un soutien ni une surveillance suffisants de la part de l’État partie (art. 10).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour contrôler que les enfants et les orphelins atteints ou dont les parents sont atteints du VIH/sida fréquentent régulièrement l’école, de lutter contre la discrimination des responsables des établissements scolaires et de veiller à ce que ces enfants reçoivent constamment une assistance matérielle et psychologique dans le cadre de leur éducation. Il lui recommande aussi de donner la priorité au placement des orphelins en famille d’accueil ou dans tout autre dispositif de protection qui ne soit pas institutionnel et d’aider financièrement les familles élargies, ainsi que les organisations communautaires et d’inspiration religieuse qui s’occupent des enfants et des orphelins touchés par le VIH/sida.

27.Le Comité note avec préoccupation que plus de la moitié de la population de l’État partie vit dans l’extrême pauvreté, c’est‑à‑dire avec moins d’un dollar des États-Unis par jour, en particulier les habitants de zones rurales et de zones urbaines défavorisées, les personnes sans terre, les femmes et les enfants, les ménages dont le chef de famille est une femme, les familles touchées par le VIH/sida, les personnes handicapées, les réfugiés et les personnes déplacées à l’intérieur du pays (art. 11).

L e Comité recommande à l’État partie d’allouer des fonds suffisants à l’application concrète du Plan national d’élimination de la pauvreté et de la Stratégie de réduction de la pauvreté, de veiller à la pleine intégration des droits économiques, sociaux et culturels et de répondre expressément aux besoins des personnes vivant dans les zones rurales et dans les zones urbaines défavorisées, aux personnes sans terre, aux femmes et aux enfants, aux ménages dont le chef de famille est une femme, aux familles touchées par le VIH/sida, aux personnes handicapées, aux réfugiés, aux personnes déplacées à l’intérieur du territoire et aux autres groupes défavorisés et marginalisés dans le cadre de ces stratégies. À cet égard, l’État partie est prié de se reporter à la Déclaration du Comité sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/2001/10).

28.Le Comité est préoccupé par l’incidence élevée de la malnutrition aiguë dans la province du nord‑est et de la malnutrition chronique dans toutes les provinces de l’État partie, phénomène qui touche en particulier les enfants (art. 11).

Le Comité recommande à l’État partie de rendre opérationnel les programmes et fonds pertinents tels que la Stratégie de survie et de développement des enfants et le Fonds de développement des collectivités et de leur allouer des ressources suffisantes, de veiller à ce que tout un chacun, notamment les enfants des zones rurales et des zones urbaines défavorisées, puissent avoir matériellement et économiquement accès à un minimum de nourriture indispensable, qui soit suffisante, adéquate sur le plan nutritionnel et salubre, afin de les mettre à l’abri de la faim, conformément à l’Observation générale n o 12 du Comité sur le droit à une nourriture suffisante (1999) ainsi qu’à sa Déclaration sur la crise alimentaire mondiale (E/C.12/2008/1).

29.Tout en notant que parmi les centaines de milliers de personnes déplacées à l’intérieur du territoire en raison des violences qui ont suivi les élections au début de l’année 2008, un grand nombre ont été réinstallées ou sont retournées dans leurs foyers, le Comité s’inquiète de ce que l’assistance financière accordée aux personnes déplacées à l’intérieur du pays dans le cadre du Fonds national de réinstallation est insuffisante (art. 11).

Le Comité recommande à l’État partie d’accorder une assistance financière suffisante à la réinstallation des personnes déplacées à l’intérieur du pays et à leur réintégration dans la société, et de veiller à ce que celles qui n’ont pas été réinstallées ou qui ne sont pas retournées dans leurs foyers après les violences qui ont suivi les élections en 2008 aient accès à un logement et à un emploi convenables.

30.Le Comité constate avec préoccupation que les personnes vivant dans des implantations spontanées, ainsi que dans des zones rurales arides et semi-arides, n’ont pas souvent les moyens d’avoir accès à l’eau et à l’assainissement, et que les nouveaux logements construits dans le cadre de projets de rénovation des taudis tels que le Programme kényan de rénovation des taudis (KENSUP) pour Kibera/Nairobi ne sont pas d’un coût abordable pour les familles et les personnes défavorisées et marginalisées (art. 11).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures immédiates pour veiller à ce que les habitants des implantations spontanées et des zones rurales arides ou semi ‑arides bénéficient de l’accès, à un coût abordable, à l’eau et à l’assainissement, conformément à son Observation générale n o  15 sur le droit à l’eau (2002), notamment en réduisant le temps d’attente aux points de collecte de l’eau, en contrôlant de manière adéquate les tarifs des services privés et des bornes de distribution d’eau, et en reliant Kibera au système d’égoûts de la ville de Nairobi. Il lui recommande aussi de s’assurer que les projets de rénovation des taudis donnent la priorité à la construction de logements sociaux d’un coût abordable pour les personnes et les familles défavorisées et marginalisées et que les communautés touchées sont effectivement consultées et associées à la planification et à l’exécution de ces projets.

31.Le Comité est préoccupé par la destruction d’habitations et par l’expulsion forcée de communautés pastoralistes dans la vallée du Rift, d’habitants des forêts tels que les Ogieks de la forêt Mau, et de personnes vivant dans des implantations spontanées et sur les réserves de voirie, expulsions qui se dérouleraient sans préavis et sans offrir de possibilités de relogement ou d’indemnisation adéquates (art. 11).

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager d’insérer dans son nouveau projet de constitution une disposition veillant à ce qu’on ne recoure aux expulsions qu’en dernier ressort, d’adopter un texte de loi ou des directives définissant strictement les conditions dans lesquelles les expulsions doivent avoir lieu et les garanties à observer, conformément à l’Observation générale n o  7 du Comité sur les expulsions forcées (1997), et veiller à ce que chaque victime se voit offrir des possibilités de relogement ou une indemnisation adéquates et qu’elle puisse former un recours.

32.Le Comité est préoccupé par les taux élevés de mortalité maternelle, infantile et postinfantile, par l’absence d’installations de santé maternelle bien équipées et de personnel qualifié pour les accouchements, en particulier dans les provinces du nord‑est et de la côte, et par la discrimination de fait à l’égard des femmes pauvres, des femmes âgées et des femmes atteintes du VIH/sida en matière d’accès aux soins de santé maternelle (art. 12).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures immédiates afin de veiller à ce que a) toutes les femmes enceintes, notamment les femmes pauvres, les femmes âgées et les femmes atteintes du VIH/sida, aient accès , à un coût abordable , aux soins de personnel qualifié sans subir de mauvais traitements au cours de leur grossesse, de leur accouchement, après leur accouchement et après la naissance de leur enfant ainsi que pour les soins dispensés à leur nouveau ‑né, y compris dans les zones rurales reculées; b) le non ‑paiement des frais de maternité dans les hôpitaux et établissements de santé publics soit appliqué dans les faits sans que la qualité des services s’en ressente; c) des campagnes de vaccination des enfants soient menées à bien dans toutes les provinces; d) les femmes enceintes atteintes du VIH/sida ne fassent pas l’objet d’un refus de traitement, ne soient pas isolées dans des salles d’hôpital distinctes, ne soient pas obligées de subir un test du VIH/sida et ne soient pas victimes de discrimination ou de mauvais traitements par le personnel sanitaire, et qu’elles soient informées des traitements antirétroviraux et puissent en bénéficier au cours de leur grossesse, de leur accouchement et après la naissance de leur enfant, de même que ce dernier; et e) la date d’entrée en vigueur de la loi sur le contrôle et la prévention du VIH/sida (2006) soit fixée dès que possible.

33.Le Comité est préoccupé par l’accès restreint aux services de santé sexuelle et procréative et à la contraception, en particulier dans les zones rurales et dans les zones urbaines défavorisées, ainsi que par le nombre élevé d’avortements clandestins dangereux pratiqués dans l’État partie (art. 12).

Le Comité recommande à l’État partie de s’assurer que tout un chacun, notamment les adolescents, ait accès, à un coût abordable, à des services de planification familiale complets, à la contraception et à des services d’avortement sans risques, en particulier dans les zones rurales et dans les zones urbaines défavorisées, en mettant fin au paiement officiel et officieux des services publics et privés de planification familiale, en finançant de manière suffisante la distribution gratuite de contraceptifs, en menant des campagnes de sensibilisation et en renforçant l’éducation en matière de santé sexuelle et procréative à l’école, ainsi qu’en dépénalisant l’avortement dans certaines situations, notamment en cas de viol et d’inceste.

34.Le Comité note avec préoccupation que les enfants de familles pauvres, les filles enceintes, les enfants vivant dans des zones rurales reculées et dans des implantations spontanées, les enfants de nomades, les enfants handicapés et les enfants réfugiés ou déplacés à l’intérieur du pays ont souvent un accès restreint à l’éducation (art. 13).

Le Comité recommande à l’État partie a) d’accroître les fonds alloués aux boursiers et les subventions versées pour les manuels scolaires destinés aux enfants de familles pauvres, ainsi que le financement du transport scolaire et les repas de cantine dans les zones rurales reculées et les zones urbaines défavorisées; b) de faciliter la réadmission des filles qui ont quitté l’école en raison de leur grossesse en les aidant à trouver des solutions pour la prise en charge de leur nourrisson; c) de veiller à ce que les enfants de nomades puissent aller dans des écoles mobiles, notamment dans la province du nord ‑est; et d) de répondre aux besoins particuliers des enfants handicapés et intégrer les enfants réfugiés ou déplacés à l’intérieur du pays dans le système scolaire classique.

35.Le Comité note que les Nubiens et les Ogieks ne sont pas reconnus en tant que communautés ethniques distinctes et sont englobés dans la catégorie «autres groupes» par l’État partie (art. 15).

Le Comité recommande à l’État partie de reconnaître les Nubiens et les Ogieks comme des communautés ethniques distinctes, ainsi que leurs droits à la préservation, à la protection et au développement de leur patrimoine culturel.

36.Le Comité recommande à l’État partie de fournir, dans son deuxième rapport périodique, des données statistiques à jour sur l’exercice de chacun des droits énoncés dans le Pacte, ventilées par âge, sexe, origine ethnique, population rurale/urbaine et autre situation pertinente, sur une base comparative annuelle pour les cinq dernières années.

37.Le Comité recommande à l’État partie de renforcer les capacités de la Commission nationale des droits de l’homme et d’accroître les fonds qui lui sont alloués, afin d’assurer son indépendance financière et sa présence dans toutes les provinces de l’État partie.

38.Le Comité recommande à l’État partie d’indiquer dans son prochain rapport périodique les résultats concrets de l’application de la loi sur l’emploi (2007), la loi sur les institutions du travail (2007), la loi sur les relations professionnelles (2007), la loi sur l’indemnisation des accidents du travail (2007) et la loi sur l’hygiène et la sécurité du travail (2007).

39.Le Comité recommande à l’État partie de retirer sa réserve au paragraphe 2 de l’article 10 du Pacte et d’envisager de ratifier les conventions de l’OIT no 103 concernant la protection de la maternité (1952) et no 183 concernant la révision de la Convention (révisée en 1952) sur la protection de la maternité (2000).

40.Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier la Convention no 169 de l’OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants (1989).

41.Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

42.Le Comité invite l’État partie à présenter un document de base commun conforme aux directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme adoptées en 2006 (HRI/GEN/2/Rev.5).

43.Le Comité prie l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, en particulier auprès des fonctionnaires, des membres de l’appareil judiciaire et des organisations de la société civile, de les faire traduire en swahili et de l’informer, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu’il aura prises pour les mettre en œuvre. Il encourage aussi l’État partie à continuer d’associer des organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile au processus de discussion au niveau national avant la présentation de son prochain rapport périodique.

44.Le Comité demande à l’État partie de présenter ses deuxième à cinquième rapports périodiques avant le 30 juin 2013.

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