Nations Unies

E/C.12/ECU/CO/4

Conseil économique et social

Distr. générale

14 novembre 2019

Français

Original : espagnol

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de l’Équateur *

1.Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de l’Équateur (E/C.12/ECU/4) à ses 38e et 39e séances (voir E/C.12/2019/SR.38 et 39), les 3 et 4 octobre 2019, et a adopté les observations finales ci-après à sa 60e séance, le 18 octobre 2019.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique de l’État partie, ainsi que les réponses écrites à la liste de points (E/C.12/ECU/Q/4/Add.1). Il apprécie le dialogue constructif qu’il a engagé avec la délégation de l’État partie.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite de la décision de la Cour constitutionnelle de l’Équateur de reconnaître le mariage civil égalitaire.

4.Le Comité prend note avec satisfaction de l’indice élevé de développement humain de l’Équateur pour 2018 et de l’augmentation progressive des dépenses publiques dans les domaines de l’éducation et de la santé au cours des dix dernières années, jusqu’en 2018.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Mesures d’austérité

5.Le Comité est conscient des déséquilibres macroéconomiques, en particulier du déficit budgétaire et de l’endettement de l’État partie. Il est toutefois préoccupé par les effets des mesures d’austérité du Plan pour la prospérité 2018-2021 et de l’accord conclu avec le Fonds monétaire international au titre du mécanisme élargi de crédit sur l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels (art. 2, par. 1).

6. Le Comité recommande à l’État partie de réexaminer les mesures économiques qu’il aura adoptées ou envisagées et d’assurer la transparence et la concertation afin de garantir l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels. Il lui recommande en particulier :

a) D’évaluer au préalable les effets sur les droits économiques, sociaux et culturels de toute mesure visant à remédier à la crise économique, afin d’éviter qu’elle n’ait des conséquences disproportionnées pour les groupes défavorisés ;

b) De ne pas réduire les dépenses sociales dans les domaines de l’éducation et de la santé par rapport aux niveaux atteints en 2018 ;

c) De garantir les lignes budgétaires consacrées aux investissements sociaux en faveur des groupes les plus défavorisés et d’œuvrer à une mise en œuvre effective et durable des politiques publiques ;

d) De ne pas perdre de vue que les mesures régressives ne sont compatibles avec le Pacte que si elles sont nécessaires et proportionnées, c’est-à-dire s’il est établi que le fait d’adopter une autre politique ou de ne pas agir aurait des effets encore plus néfastes sur les droits économiques, sociaux et culturels, que ces mesures doivent avoir fait l’objet de consultations avec les populations concernées et être soumises à un examen indépendant ; doivent n’être appliquées que pour la durée nécessaire ; devraient ne pas entraîner de discrimination ; devraient permettre d’atténuer les inégalités, qui tendent à se creuser en temps de crise, et de faire en sorte que les droits des personnes et des groupes défavorisés et marginalisés ne soient pas touchés de façon disproportionnée ; et devraient ne pas porter atteinte aux aspects essentiels des droits protégés par le Pacte (lettre ouverte adressée le 16 mai 2012 aux États parties au sujet de la protection des droits économiques, sociaux et culturels dans le contexte de la crise économique et financière). Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa déclaration concernant la dette publique et les mesures d’austérité sous l’angle du Pacte (E/C.12/2016/1).

Mesures d’austérité, contestation sociale et état d’urgence

7.Le Comité est préoccupé par les modalités de mise en œuvre de l’état d’urgence proclamé le 3 octobre 2019 à la suite des manifestations contre l’adoption de mesures d’austérité, en ce qui concerne particulièrement la suspension de la liberté d’association. Il est également préoccupé par la violence liée aux manifestations sociales contre les mesures d’austérité, qui s’est dans certains cas accompagnée d’actes de vandalisme, et par le recours à la force, parfois disproportionnée, contre les manifestants et les défenseurs des droits de l’homme, notamment par l’armée (art. 2, par. 1).

8. Le Comité rappelle à l’État partie qu’il importe que les mesures d’austérité fassent l’objet de consultations avec les populations concernées et soient soumises à un examen indépendant, et lui recommande :

a) De garantir le droit d’association et de manifestation pacifique dans le cadre des politiques relatives aux droits économiques, sociaux et culturels ;

b) De veiller à ce que la proclamation de l’état d’urgence et sa mise en œuvre soient conformes aux principes de proportionnalité, de nécessité et aux autres principes établis par les normes internationales relatives aux droits de l’homme ;

c) De favoriser la concertation sur les mesures d’austérité, en particulier avec les populations en situation de vulnérabilité qui pourraient être particulièrement touchées par ces mesures.

Justiciabilité des droits consacrés par le Pacte

9.Le Comité prend note des normes constitutionnelles de l’État partie qui consacrent la pleine justiciabilité des droits énoncés dans le Pacte et le principe pro persona. Il note toutefois le manque d’informations sur les cas dans lesquels les droits énoncés dans le Pacte ont été appliqués par les plus hautes juridictions, en particulier la Cour constitutionnelle.

10.Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour promouvoir l’applicabilité de tous les droits énoncés dans le Pacte, notamment en dispensant une formation sur le contenu de ces droits, y compris les observations générales du Comité, et la possibilité de les invoquer devant les tribunaux, en particulier aux juges, aux avocats et aux membres des forces de l’ordre, ainsi qu’aux membres de l’Assemblée nationale et autres acteurs chargés de l’application du Pacte, et en menant des campagnes de sensibilisation auprès des titulaires des droits. Le Comité invite instamment l’État partie à mettre en place un mécanisme de suivi de l’application des recommandations spécifiques et générales figurant dans les constatations adoptées par le Comité au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Il appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o  9 (1998) relative à l’application du Pacte au niveau national et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les affaires dans lesquelles les juridictions nationales ont appliqué les droits consacrés par le Pacte.

Changements climatiques et obligations extraterritoriales

11.Le Comité prend note des mesures d’atténuation des changements climatiques et d’adaptation à leurs effets prévues dans la première contribution nationale déterminée de l’État partie. Toutefois, il note avec préoccupation que l’augmentation des activités extractives annoncée dans le Plan pour la prospérité va à l’encontre des engagements pris par l’État partie dans le cadre de l’Accord de Paris relevant de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques parce qu’elle a des effets négatifs sur le réchauffement planétaire et la jouissance des droits économiques et sociaux par la population mondiale et les générations futures (art. 1er, par. 1, et 2, par. 1).

12.Le Comité recommande à l’État partie de reconsidérer l’augmentation de l’exploitation pétrolière et de l’exploitation minière à grande échelle à la lumière des engagements de l’Accord de Paris. Il exhorte l’État partie à promouvoir les énergies de substitution et les énergies renouvelables, à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à se fixer des buts assortis d’indicateurs de référence et d’échéances. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa déclaration du 8 octobre 2018 sur les changements climatiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Défenseurs des droits de l’homme

13.Le Comité est préoccupé par les conditions de sécurité dans lesquelles les défenseurs des droits de l’homme exercent leurs activités, en particulier dans le domaine de la défense des droits économiques, sociaux et culturels, de l’environnement et du droit à la terre et aux ressources naturelles (art. 2, par. 1).

14. Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et d’adopter une politique globale de protection des défenseurs des droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux, y compris des mesures de prévention des violations et de protection des droits en faveur des peuples autochtones, des personnes d’ascendance africaine et des Montubios, en particulier dans le cadre des activités extractives . Il rappelle à l’État partie sa déclaration du 29 mars 2017 sur les défenseurs des droits de l’homme et les droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/2016/2).

Exploitation minière et peuples autochtones

15.Le Comité prend note avec inquiétude de l’augmentation du nombre de concessions minières dans les territoires autochtones et de l’absence de protection des terres et territoires des peuples autochtones. Il est également préoccupé par l’assouplissement des règles relatives aux activités extractives dans la zone tampon de la zone intangible du parc national Yasuní, où vivent les peuples Tagaeri et Taromenane en isolement volontaire (art. 1er, par. 2).

16. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures pour garantir aux peuples autochtones la sécurité juridique en ce qui concerne les terres et territoires qu’ils occupent et les ressources naturelles qu’ils utilisent traditionnellement, en particulier dans les cas de Mirador, de San Carlos Panantza, de Río Blanco et des blocs 79 et 83 ;

b) De veiller à ce que les peuples autochtones soient dûment consultés et donnent leur consentement préalable, libre et éclairé concernant la création et la gestion de zones protégées et d’autres formes de protection sur leurs terres et territoires ;

c) De prendre des mesures pour assurer l’intégrité des territoires des Tagaeri et des Taromenane ;

d) D’empêcher les activités liées aux hydrocarbures dans la zone intangible et dans la zone tampon du parc national Yasun í .

Droit à la consultation et au consentement préalable, libre et éclairé

17.Le Comité est très préoccupé par l’inapplication généralisée du droit des peuples autochtones et des communautés d’ascendance africaine à la consultation préalable dans le cadre des décisions qui peuvent les concerner. Il est également préoccupé par le maintien en vigueur du décret exécutif no 1247 d’août 2012 et par la non-reconnaissance du consentement préalable, libre et éclairé (art. 1er, par. 1 et 2).

18. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renouveler la législation en consultant les peuples autochtones sur l’élaboration d’un cadre juridique, administratif et de politique publique nécessaire à l’exercice du droit à la consultation et au consentement préalable, libre et éclairé, conformément aux normes internationales relatives aux droits de l’homme ;

b) De garantir la consultation préalable de la population d’ascendance africaine ;

c) D’exécuter sans délai les jugements des cours provinciales de justice de Sucumbíos (affaire n o  21333201800266) et de Pastaza (affaire n o  16171201900001) ;

d) De mettre en place, en consultation avec les peuples autochtones et avec leur consentement libre, préalable et éclairé, un mécanisme de suivi des recommandations que la Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones a adressées à l’État partie (voir A/HRC/42/37/Add.1).

Frontière septentrionale

19.Le Comité est préoccupé par les niveaux élevés de pauvreté et de violence à la frontière septentrionale, qui touchent de manière disproportionnée les communautés d’ascendance africaine, la population rurale et les peuples autochtones et, dans une plus large mesure encore, la population de La Merced de Buenos Aires (art. 1er, par. 1, et 2, par. 1).

20. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer la présence des institutions de l’État dans les provinces frontalières septentrionales, en particulier en ce qui concerne les services publics nécessaires pour garantir le bien-être des individus, leur sécurité et le plein exercice de leurs droits fondamentaux, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, une attention particulière devant être accordée aux secteurs les plus défavorisés.

Politique fiscale et inégalités

21.Le Comité note avec préoccupation que les inégalités restent marquées, que les recettes fiscales en pourcentage du produit intérieur brut sont plus faibles que dans les pays ayant des niveaux de développement similaires et que plus de la moitié des recettes fiscales proviennent des impôts indirects (art. 2, par. 1 et 2).

22. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une politique fiscale progressive afin de réduire les inégalités et d’assurer une meilleure jouissance des droits consacrés par le Pacte, en utilisant au maximum les ressources disponibles.

Corruption

23.Le Comité prend note de l’ensemble des mesures prises pour lutter contre la corruption, telles que le Plan national 2019-2023 pour l’intégrité publique et la lutte contre la corruption. Il prend acte des réformes législatives entreprises dans le cadre de la lutte contre la corruption et de la promotion de la transparence. Il regrette toutefois le manque de données sur l’ampleur de la corruption en Équateur, ainsi que sur les effets de la corruption sur les droits consacrés par le Pacte. Il se dit également particulièrement préoccupé par les formes de corruption que sont l’extorsion et les violences sexuelles (art. 2, par. 1).

24.Le Comité invite l’État partie à évaluer dans un délai raisonnable les effets de la corruption sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels. Il lui recommande de prendre des mesures législatives et administratives pour préciser le rôle des institutions chargées de lutter contre la corruption et préciser les modalités de la coordination de ces institutions, et pour donner suite aux recommandations du Mécanisme d’examen de l’application de la Convention des Nations Unies contre la corruption. Enfin, il l’encourage à adopter une approche fondée sur le genre, et en particulier à prendre des mesures visant à prévenir et réprimer la pratique de l’extorsion et des faveurs sexuelles, ainsi que des mesures de réparation pour les victimes.

Non-discrimination

25.Le Comité note avec préoccupation qu’il n’existe pas de loi générale établissant une liste exhaustive des motifs de discrimination prohibés. Il note également avec préoccupation que la classification des dépenses sociales ne permet pas de rendre correctement compte des inégalités. Enfin, il est préoccupé par la persistance dans les faits d’une discrimination systémique qui se manifeste violemment à l’égard de certains groupes de population, en particulier les femmes, les peuples autochtones, les personnes d’ascendance africaine, les Montubios, les ruraux, les personnes en déplacement et les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes, entre autres (art. 2, par. 2).

26.Le Comité recommande à l’État partie de promouvoir l’adoption d’une loi globale sur la non-discrimination qui couvre tous les motifs de discrimination. Il l’invite à prendre des mesures pour rendre compte de la discrimination formelle et concrète qui s’exerce sur son territoire et des effets des mesures qu’il prend. Enfin, il l’invite à prendre les mesures nécessaires pour donner effet à la décision de la Cour constitutionnelle de l’Équateur sur le mariage civil égalitaire. Il appelle l’attention de l’État partie sur son observation générale n o  20 (2009) sur la non-discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

Migrants

27.Le Comité salue les efforts que fait l’État partie pour accueillir un nombre important de migrants, mais note avec préoccupation que les conditions administratives à remplir pour obtenir un visa humanitaire, en particulier l’obligation de présenter un passeport, ont un effet d’exclusion qui touche de manière disproportionnée les migrants en situation de vulnérabilité. Il est également préoccupé par les obstacles qui empêchent les migrants d’exercer les droits consacrés par le Pacte. Enfin, il prend note avec préoccupation des manifestations de xénophobie et des actes de violence dont sont victimes les migrants (art. 2, par. 2).

28. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une procédure simplifiée qui facilite la régularisation des migrants et d’assouplir l’obligation de présenter un passeport pour les personnes en situation de vulnérabilité, en particulier les mineurs non accompagnés. Enfin, il lui recommande de prendre les mesures nécessaires pour que les migrants, y compris ceux en situation irrégulière, jouissent des droits consacrés par le Pacte.

Chômage

29.Le Comité prend note des mesures d’action positive visant à réduire le chômage dans certains secteurs, mais constate avec préoccupation que le taux de chômage n’a pas diminué depuis 2014 et que le chômage touche de manière disproportionnée les secteurs les plus défavorisés. Il note que l’écart entre hommes et femmes s’est réduit depuis 2014, mais il relève avec préoccupation qu’en 2018, le taux global de participation des femmes au marché du travail était très inférieur à celui des hommes. Au cours des dix dernières années, le taux national de pauvreté a diminué tandis que le salaire minimum a considérablement augmenté (art. 3) (art. 3, 6 et 7).

30. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures concrètes pour réduire le chômage, en protégeant les emplois existants, en accordant une attention particulière aux femmes, aux jeunes, aux personnes autochtones, aux personnes d’ascendance africaine, aux Montubios ou aux personnes en déplacement ;

b) De continuer à évaluer les effets des mesures d’ajustement structurel sur l’emploi, en mettant l’accent sur les groupes défavorisés ;

c) De renforcer les dispositions législatives et les politiques publiques visant à parvenir à l’égalité de droits entre les hommes et les femmes en ce qui concerne la participation au marché du travail en établissant des budgets spécifiques ;

d) De p oursuivre l’augmentation progressive du salaire minimum grâce à un système efficace et transparent d’indexation et d’ajustement.

Travail forcé

31.Le Comité se déclare gravement préoccupé par les cas de travail forcé constatés dans la société Furukawa, qui touchent en grande majorité des personnes d’ascendance africaine. Il est également préoccupé par l’absence de mesures adéquates visant à assurer la protection des victimes et à leur garantir une réparation complète (art. 6 et 7).

32. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter d’urgence des mesures de protection et de réparation complète, y compris en fournissant une assistance psychosociale aux victimes et en sanctionnant les responsables. Il lui recommande également de prendre des mesures pour garantir la non-répétition et assurer l’accès des personnes d’ascendance africaine au travail .

Liberté syndicale

33.Le Comité prend note avec préoccupation du manque de données sur l’exercice des libertés syndicales, ainsi que des informations concernant des actes d’intimidation et de persécution liés à l’exercice de droits syndicaux (art. 8).

34. Le Comité invite l’État partie à adopter des mesures pour prévenir et réprimer la discrimination et les licenciements en représailles des activités syndicales, à mettre en place un système de collecte de données sur les conflits et les garanties syndicales, et à garantir l’élection de représentants syndicaux au Conseil national du travail et des salaires.

Secteur informel de l’économie

35.Le Comité note avec préoccupation que la part du secteur informel est en augmentation, tant dans les zones urbaines que dans les zones rurales. Il est préoccupé par le manque d’informations sur l’efficacité des mesures prises pour combattre le travail des enfants, et par la forte représentation des personnes âgées dans le secteur informel (art. 7 et 8).

36.Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire baisser progressivement le nombre de personnes qui travaillent dans le secteur informel de l’économie et pour intégrer ces personnes dans le secteur formel. Il lui recommande de veiller à l’efficacité des mesures prises pour combattre le travail des enfants et d’adopter des mesures pour promouvoir une plus grande participation au secteur formel au moyen de projets d’investissement publics ou privés qui créent des emplois formels.

Sécurité sociale

37.Le Comité fait part de ses préoccupations concernant la viabilité du système de sécurité sociale, compte tenu de l’augmentation du nombre de personnes affiliées, les grandes disparités dans l’accès effectif à ce système pour les groupes les plus défavorisés, et la non‑application des recommandations formulées par le Comité dans sa décision concernant l’affaire Trujillo Calero c. Équateur (art. 9).

38. Le Comité invite l’État partie :

a) À appliquer les recommandations générales qu’il a formulées dans ses constatations concernant l’affaire Trujillo Calero c. Équateur (voir E/C.12/63/D/10/2015) ;

b) À mettre en œuvre des régimes de sécurité sociale visant à étendre progressivement la couverture sociale, en particulier pour les groupes non couverts ;

c) À adopter des mesures pour inclure les piliers non contributifs ;

d) À renforcer le système de sécurité sociale pour les travailleurs indépendants ;

e) À améliorer la couverture et les services pour les personnes exerçant exclusivement des tâches domestiques non rémunérées ;

f) À promouvoir une perception positive de la contribution des travailleurs migrants au système de sécurité sociale ;

g) À prendre les mesures législatives et/ou administratives nécessaires pour veiller à ce que tout affilié ait le droit de demander, de recueillir et de recevoir des informations concernant son droit à la sécurité sociale, y compris sa pension ou sa future pension de retraite.

Protection de la famille et de l’enfant

39.Le Comité prend note de la loi organique globale de 2018 visant à prévenir et éliminer la violence à l’égard des femmes, mais il est aussi très préoccupé par la violence à l’égard des femmes, des enfants et des adolescents et par le nombre élevé de féminicides. Il est également préoccupé par le manque de données sur la violence à l’égard des femmes. Enfin, il est préoccupé par la situation des enfants et des adolescents devenus orphelins à la suite d’un féminicide (art. 10).

40. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De garantir les ressources financières et humaines nécessaires à l’application effective de la loi organique globale de prévention et d’élimination de la violence à l’égard des femmes et à la collecte de données sur la violence à l’égard des femmes et les tendances sous-jacentes ;

b) De renforcer le Système national pour la prévention et l’élimination de la violence à l’égard des femmes, notamment en le dotant de ressources financières et humaines suffisantes et en adoptant des mesures de prévention ;

c) De renforcer les programmes des foyers d’accueil, des centres de soins et des services de premiers secours, notamment en mobilisant les ressources financières nécessaires ;

d) De garantir la création de l’Observatoire national sur la violence à l’égard des femmes et du Registre unique sur la violence à l’égard des femmes ;

e) De mettre en place des mesures de soutien psychosocial destinées aux membres de la famille qui ont élevé des enfants devenus orphelins à la suite d’un féminicide et d’étendre la couverture du régime d’allocations aux enfants et adolescents devenus orphelins à la suite d’un féminicide.

Pauvreté

41.Le Comité prend note de la réduction de la pauvreté et de l’extrême pauvreté dans l’État partie mais il est préoccupé par l’écart persistant entre les zones rurales et les zones urbaines et par le pourcentage important de membres de peuples autochtones, de personnes d’ascendance africaine et de Montubios vivant sous le seuil de pauvreté (art. 11).

42. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour réduire la pauvreté, notamment en adoptant une approche fondée sur les droits de l’homme ainsi que des politiques et des mesures particulières, afin d’améliorer en particulier la situation des populations rurales, des peuples autochtones, des personnes d’ascendance africaine et des Montubios.

Malnutrition et accès à la terre

43.Le Comité est préoccupé par les difficultés d’accès à la terre et la vente forcée de terres dans les zones rurales et autochtones, dans un contexte de manque d’accès à la propriété foncière, de forte concentration des terres et d’extension des activités d’extraction. Il est également préoccupé par le taux de malnutrition dans l’État partie, et note que la malnutrition touche de manière disproportionnée les enfants et les adolescents. Enfin, il est également préoccupé par les obstacles qui entravent l’accès d’une partie des paysans et des Montubios aux semences (art. 11).

44. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter des mesures, en ce qui concerne l’accès à la terre et son utilisation, pour prévenir les expulsions forcées et les actes de violence visant les paysans et les peuples autochtones et punir les responsables  ;

b) De prendre des mesures pour assurer la redistribution des terres en faveur des populations les plus défavorisées ;

c) De garantir la reconnaissance et la protection des différentes formes de propriété foncière, y compris des systèmes collectifs et/ou coutumiers, comme dans le cas de l’Association des Montubios autonomes de Colimes ;

d) De faire de la lutte contre la malnutrition une priorité nationale et d’adopter une politique globale de lutte contre la malnutrition qui soit dotée de ressources humaines et financières suffisantes ;

e) D’assurer la mise en œuvre de la politique des établissements de santé amis de la mère et de l’enfant sur l’ensemble du territoire ;

f) De veiller à ce que des crédits budgétaires suffisants soient alloués pour garantir la couverture vaccinale universelle et l’apport en nutriments et en minéraux pour les enfants et les adolescents, en particulier à l’école ;

g) D’adopter des mesures pour protéger les droits de propriété intellectuelle de la population paysanne et des peuples autochtones sur les semences indigènes et paysannes, y compris leur droit de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre leurs semences.

Disparités dans l’accès aux soins de santé

45.Le Comité prend note des investissements importants faits dans le système de prestations sanitaires. Il est toutefois préoccupé par les inégalités dans l’accès à la santé, qui sont liées à des critères socioéconomiques, et par la répartition inégale des ressources humaines sur le territoire (art. 12).

46. Le Comité demande instamment à l’État partie de garantir les ressources financières et humaines nécessaires à la préservation des niveaux d’accès aux services de santé et de remédier aux déséquilibres dont les groupes les plus défavorisés font les frais. Il invite également l’État partie à veiller à ce que le projet de code de la santé respecte les droits consacrés par le Pacte.

Lutte contre les stupéfiants et privations de liberté

47.Le Comité est préoccupé par la persistance d’une approche essentiellement répressive du problème de l’abus de substances psychoactives, qui a particulièrement touché les femmes et a contribué à l’augmentation démesurée du nombre de personnes privées de liberté dans des prisons surpeuplées et en mauvais état. Il est également préoccupé par l’insuffisance des politiques de prévention et de réduction des risques liés à l’abus de substances psychoactives (art. 12).

48. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer les politiques de prévention et de réduction des risques liés à l’abus de substances psychoactives ;

b) D’appliquer des mesures de substitution à l’emprisonnement pour les infractions mineures liées à la drogue ;

c) De ne ménager aucun effort pour mettre fin à la surpopulation carcérale et garantir aux personnes privées de liberté des conditions de vie adéquates ;

d) De veiller à ce que les organisations de la société civile surveillent l’exercice des droits consacrés par le Pacte dans les établissements pénitentiaires.

Santé mentale

49.Le Comité est préoccupé par les suicides d’enfants et d’adolescents, qui sont la principale cause de mortalité dans ce groupe de population, et par les taux élevés de suicide chez les peuples autochtones (art. 12).

50. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’améliorer la disponibilité et la qualité des données sur la santé mentale ;

b) De renforcer les services hospitaliers spécialisés dans la santé mentale ;

c) D’exécuter efficacement, en y consacrant les ressources appropriées, le Plan intersectoriel pour la prévention du suicide, en prévoyant des mesures spéciales pour les groupes les plus touchés ;

d) De renforcer les mesures relatives aux soins de santé mentale dans les situations d’urgence et dans le contexte de la mobilité humaine.

Santé sexuelle et procréative

51.Le Comité est préoccupé par la persistance des mariages de mineurs, des grossesses chez les mineures et des préjugés négatifs sur la contraception, ainsi que par la criminalisation de l’avortement même en cas de viol (art. 12).

52. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De garantir une coordination efficace et des ressources financières et humaines suffisantes pour l’application effective de la Politique intersectorielle de prévention des grossesses précoces (2018-2025) ;

b) D’adopter une stratégie globale visant à sensibiliser la société en général et les enfants en particulier au fait que l’âge minimum légal du mariage est fixé à 18 ans, et que la pratique des mariages précoces a des effets préjudiciables et comporte des risques tels que les grossesses précoces, les violences fondées sur le genre ou la pauvreté, entre autres ;

c) De maintenir la politique d’investissement dans les méthodes de contraception et de s’attaquer aux préjugés, en particulier parmi les prestataires de services de santé ;

d) De faire en sorte que les mineures enceintes puissent poursuivre leurs études ;

e) De continuer à renforcer les mesures de lutte contre le problème des grossesses chez les adolescentes en favorisant l’accès généralisé aux services de santé procréative, y compris à une éducation en matière de santé sexuelle et procréative, ainsi qu’à des services d’orientation et de soins de santé adaptés aux jeunes ;

f) De prendre toutes les mesures nécessaires pour que la réglementation relative à l’avortement respecte l’intégrité et l’autonomie de la femme, en particulier en dépénalisant l’avortement en cas de viol ;

g) De fournir aux enfants et adolescents de tous les établissements d’enseignement, des informations et une instruction en matière de santé sexuelle et procréative qui soient adaptées à l’âge, scientifiquement prouvées et fondées sur des données probantes, et d’informer la population en général à ce sujet ;

h) De tenir compte de l’observation générale n o 22 (2016) du Comité relative au droit à la santé sexuelle et procréative.

Exploitation minière et environnement

53.Le Comité prend note de la loi relative à l’exploitation minière et se déclare vivement préoccupé par l’incidence que l’exploitation minière à grande échelle et d’autres activités extractives ont sur l’environnement. Il est également préoccupé par l’absence d’informations sur les mesures visant à garantir le droit à l’eau, compte tenu en particulier des activités de fumigation et des activités extractives menées à la frontière nord (art. 11 et 12).

54. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures en faveur des communautés les plus touchées par la dégradation de l’environnement, telles que les communautés rurales, d’ascendance africaine et autochtones d’Esmeraldas, pour leur garantir la jouissance des droits consacrés par le Pacte.

Accès à l’éducation et qualité de l’enseignement

55.Le Comité prend note de l’amélioration de l’accès à l’éducation et de la qualité de l’enseignement grâce à l’augmentation progressive des investissements et à des politiques d’éducation pluriannuelles, mais il est préoccupé par la stagnation de la couverture de l’enseignement préscolaire, la persistance des écarts entre zones rurale et urbaine, et le taux d’abandon scolaire plus élevé parmi la population à faible revenu, les peuples autochtones, les personnes d’ascendance africaine et les Montubios (art. 14).

56. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accroître les dépenses sociales consacrées à l’éducation afin que tous aient accès, sur un pied d’égalité, à une éducation préscolaire, primaire et secondaire de qualité ;

b) De dispenser à l’école (à tous les niveaux) et à l’université des cours de formation aux droits de l’homme qui couvrent les droits économiques, sociaux et culturels ;

c) De renforcer les politiques visant à prévenir l’abandon scolaire, notamment les dispositifs tels que les programmes de bourses et les systèmes de suivi et d’accompagnement en ligne des élèves ;

d) De prévoir les ressources nécessaires pour garantir l’éducation des personnes qui n’ont pas terminé leur scolarité, en particulier afin d’assurer l’alphabétisation.

Accès des migrants et des peuples autochtones à l’éducation

57.Le Comité est préoccupé par la question de l’accès des migrants au système éducatif et relève avec inquiétude la persistance d’obstacles à l’accès à l’éducation interculturelle bilingue, tels que l’absence de services dans toutes les langues autochtones et le manque de moyens (art. 13 et 14).

58. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer la politique d’éducation inclusive, en y consacrant des ressources humaines et financières suffisantes ;

b) De faire en sorte que les enfants et les adolescents migrants, demandeurs d’asile et réfugiés aient accès à l’éducation, n’abandonnent pas l’école et achèvent leur scolarité ;

c) D’appuyer et d’appliquer, dans toutes les communautés autochtones, une politique d’éducation interculturelle bilingue et adaptée à la langue et à la culture des intéressés.

Langues autochtones

59.Le Comité est préoccupé par la question de la préservation des langues autochtones dans l’État partie, en particulier des langues sapara et shiwiar, qui sont menacées de disparition, ce qui a une incidence directe et irréversible sur l’exercice par les peuples autochtones de leurs droits culturels, ainsi que par l’utilisation limitée de la plupart des langues autochtones dans l’espace public (art. 15).

60. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer d’urgence les mesures de protection de la langue sapara, entre autres langues, par l’intermédiaire du Fonds de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, et de reprendre l’action menée avec le Pérou ;

b) De promouvoir l’emploi de toutes les langues autochtones dans l’espace public.

Territoires et identité culturelle

61.Le Comité est préoccupé par l’incidence des activités extractives sur l’accès des peuples autochtones et d’ascendance africaine à leur territoire, accès indispensable à des conditions de vie décentes et à la jouissance des droits culturels (art. 15).

62. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer la protection des territoires des peuples autochtones et d’ascendance africaine, en particulier les Sapara, les Shiwiar et les personnes d’ascendance africaine, en suspendant les activités extractives sur leurs territoires ;

b) D’appliquer la décision judiciaire interdisant l’exploitation du bloc 22 et des champs 83, 86 et 87 ;

c) D’adopter des mesures pour renforcer les initiatives économiques familiales fondées sur la connaissance traditionnelle et la production artisanale.

Fracture numérique

63.Le Comité prend note des progrès accomplis dans la réduction de la fracture numérique, mais il est préoccupé par la persistance de cette fracture, qui touche de manière disproportionnée les peuples autochtones, les personnes d’ascendance africaine et les Montubios (art. 15).

64. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De garantir l’application effective des mesures prévues dans le Plan national de développement des nouvelles technologies de la communication et le Plan d’action du Ministère des télécommunications Ecuador Digital (Équateur numérique) ;

b) De prendre les mesures appropriées pour réduire la fracture numérique en faveur de la population rurale, des peuples autochtones, des personnes d’ascendance africaine et des Montubios.

D.Autres recommandations

65.Le Comité recommande à l’État partie de tenir pleinement compte des obligations que lui impose le Pacte et de garantir le plein exercice des droits qui y sont énoncés dans la mise en œuvre au niveau national du Programme de développement durable à l’horizon 2030, avec l’aide et la coopération de la communauté internationale en cas de besoin. La réalisation des objectifs de développement durable serait grandement facilitée si l’État partie établissait des mécanismes indépendants pour suivre les progrès réalisés et s’il considérait que les bénéficiaires des programmes publics étaient détenteurs de droits qu’ils peuvent faire valoir. La mise en œuvre des objectifs dans le respect des principes de participation, de responsabilité et de non-discrimination permettrait de garantir que nul n’est laissé à l’écart. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa déclaration relative à l’engagement de ne laisser personne de côté (voir E/C.12/2019/1).

66. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour mettre au point et appliquer progressivement des indicateurs appropriés à la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels, et faciliter ainsi l’évaluation des progrès réalisés pour se conformer aux obligations que lui impose le Pacte pour diverses catégories de la population. À cet égard, il renvoie au cadre conceptuel et méthodologique concernant les indicateurs des droits de l’homme mis au point par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (voir HRI/MC/2008/3).

67. Le Comité prie l’État p artie de diffuser largement les présentes observations finales à tous les niveaux de la société, aux échelons national, provincial et municipal, en particulier auprès des parlementaires, des fonctionnaires et des autorités judiciaires, et de l’informer dans son prochain rapport périodique des mesures prises pour y donner suite. Il l’encourage à associer le Bureau du Défenseur du peuple, les organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile, au suivi des présentes observations finales et au processus de consultation nationale avant la soumission de son prochain rapport périodique.

68. Conformément à la procédure de suivi des observations finales adoptées par le Comité, l’État partie est prié de fournir, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de l’adoption des présentes observations finales, des informations sur la mise en œuvre des recommandations formulées par le Comité aux paragraphes 6 b) et d) (mesures d’austérité), 18  a) (droit à la consultation et au consentement préalable, libre et éclairé) et 40 a) (protection de la famille et de l’enfant).

69. L’État partie est invité à soumettre son cinquième rapport périodique d’ici le 31 octobre 2024. Le Comité invite aussi l’État partie à mettre à jour, si nécessaire, son document de base commun conformément aux directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (voir HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I).