Nations Unies

E/C.12/GC/23

Conseil économique et social

Distr. générale

27 avril 2016

Français

Original : anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Observation générale no 23 (2016) sur le droit à des conditions de travail justes et favorables (art. 7 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels)

I.Introduction

Le droit qu’a toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables est reconnu dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et d’autres instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme, ainsi que dans des instruments juridiques internationaux portant sur des sujets similaires, en particulier les conventions et les recommandations de l’Organisation internationale du Travail (OIT). C’est une composante importante des droits liés au travail consacrés par le Pacte, et c’est le corollaire du droit au travail en tant qu’il est librement choisi et accepté. Dans le même ordre d’idées, les droits syndicaux, la liberté syndicale et le droit de grève sont déterminants pour l’instauration, la préservation et la défense de conditions de travail justes et favorables. De même, les prestations de sécurité sociale compensent l’absence de revenus du travail et complètent les droits des travailleurs. L’exercice du droit à des conditions de travail justes et favorables est aussi un préalable à l’exercice d’autres droits prévus par le Pacte (et inversement), par exemple le droit au meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint par la prévention des accidents et des maladies professionnelles, et le droit à un niveau de vie suffisant grâce à une rémunération décente.

L’importance du droit à des conditions de travail justes et favorables n’est pas encore pleinement prise en compte. Près de cinquante ans après l’adoption du Pacte, le niveau des salaires reste faible dans de nombreuses régions du monde, et partout les écarts de rémunération entre les sexes subsistent. Le BIT estime que, chaque année, environ 330 millions de personnes sont victimes d’accidents du travail et 2 millions décèdent de causes liées au travail. Dans près de la moitié des pays, la durée légale du travail hebdomadaire reste supérieure à quarante heures, atteignant souvent quarante-huit heures ; dans certains d’entre eux, la durée moyenne du travail est excessivement élevée. En outre, les travailleurs des zones économiques spéciales, des zones franches et des zones franches industrielles sont souvent privés du droit de jouir de conditions de travail justes et favorables car la législation du travail n’est pas appliquée dans ces lieux.

La discrimination, les inégalités et l’absence de repos et de loisirs garantis sont le lot de beaucoup de travailleurs de par le monde. Les crises économiques, budgétaires et politiques ont conduit à des mesures d’austérité qui rognent sur les acquis. La complexité croissante des contrats de travail − contrats à court terme, contrats zéro heure et formes de travail atypiques − ainsi que l’érosion des normes nationales et internationales du travail, de la négociation collective et des conditions de travail se soldent par une protection insuffisante des conditions de travail justes et favorables. Même en période de croissance économique, nombreux sont les travailleurs qui ne jouissent pas de ces conditions.

Le Comité n’est pas sans savoir que la notion de travail et de travailleurs a évolué depuis la rédaction du Pacte et que de nouvelles catégories de travailleurs sont apparues telles que les travailleurs indépendants, les travailleurs de l’économie informelle, les travailleurs agricoles, les travailleurs réfugiés et les travailleurs non rémunérés. Donnant suite à l’observation générale no 18 sur le droit au travail et fort de l’expérience acquise dans le cadre de l’examen des rapports des États parties, le Comité a rédigé la présente observation générale afin de contribuer à l’application intégrale de l’article 7 du Pacte.

II.Contenu normatif

Le droit à des conditions de travail justes et favorables est un droit qui est conféré à toute personne, sans distinction aucune. L’indication « toute personne » souligne le fait que ce droit s’applique à tous les travailleurs indépendamment du contexte − aux hommes et aux femmes, aux travailleurs jeunes ou plus âgés, aux travailleurs handicapés, aux travailleurs de l’économie informelle, aux travailleurs migrants, aux travailleurs appartenant à des minorités ethniques et autres, aux travailleurs domestiques, aux travailleurs indépendants, aux travailleurs agricoles, aux travailleurs réfugiés et aux travailleurs non rémunérés. Cette indication renforce l’interdiction générale de la discrimination énoncée au paragraphe 2 de l’article 2 et la disposition sur l’égalité figurant à l’article 3 du Pacte, et elle est complétée, aux alinéas a) i) et c) de l’article 7, par d’autres dispositions sur l’égalité et le droit de ne faire l’objet d’aucune distinction.

L’article 7 définit une liste non exhaustive d’éléments fondamentaux propres à garantir des conditions de travail justes et favorables. L’emploi du terme « notamment » dénote que d’autres éléments, qui ne sont pas explicitement mentionnés, sont aussi importants. Dans ce contexte, le Comité a souligné systématiquement des facteurs comme l’interdiction du travail forcé et de l’exploitation sociale et économique des enfants et des jeunes, le droit de vivre à l’abri de la violence et du harcèlement, y compris le harcèlement sexuel, ainsi que le congé de maternité et de paternité rémunéré et le congé parental.

A.Article 7, alinéa a) : rémunération qui procure, au minimum,à tous les travailleurs

1.Une rémunération

La « rémunération » dépasse la seule notion de « salaire » pour inclure des prestations supplémentaires, directes ou indirectes, en espèces ou en nature, versées par l’employeur à l’employé, qui doivent être d’un montant juste et acceptable, telles que des dons, des contributions à l’assurance maladie, des prestations pour le logement et l’alimentation, et des services de crèche abordables sur place.

L’expression « au minimum », employée à l’alinéa a) de l’article 7, vise manifestement à garantir que l’article ne puisse en aucun cas limiter les efforts faits pour augmenter le niveau de rémunération au-delà de ces critères. Ce minimum s’applique à « tous les travailleurs », qui renvoie à la formule « toute personne » de la partie introductive.

Les critères minima en matière de rémunération sont un salaire équitable, une rémunération égale pour un travail de valeur égale sans distinction aucune ; en particulier, les femmes doivent avoir la garantie que les conditions de travail qui leur sont accordées ne sont pas inférieures à celles dont bénéficient les hommes, et recevoir la même rémunération qu’eux pour un même travail (al. a) i) de l’article 7) ; et une existence décente pour les travailleurs et leur famille (al. a) ii) de l’article 7).

2.Un salaire équitable

Tous les travailleurs ont droit à un salaire équitable. La notion de salaire équitable n’est pas statique car elle repose sur un ensemble de critères objectifs non exhaustifs, qui tiennent compte non seulement du travail produit mais aussi des responsabilités du travailleur, du niveau de qualification et d’éducation nécessaire pour exécuter le travail, de l’incidence du travail sur la santé et la sécurité du travailleur, des contraintes spécifiques liées au travail en question et des conséquences pour la vie personnelle et familiale du travailleur,. Toute appréciation du caractère équitable doit aussi tenir compte de la situation des travailleuses, notamment lorsque leur travail et leur rémunération ont toujours été sous-évalués. Quand les travailleurs ont des contrats précaires, des compléments au salaire, ainsi que d’autres mesures de protection contre l’arbitraire peuvent être nécessaires au nom de l’équité pour atténuer le manque de sécurité de l’emploi. Les travailleurs ne devraient pas avoir à restituer une partie de leur salaire pour du travail déjà accompli et devraient recevoir l’ensemble des salaires et des prestations qui leur sont dus légalement à l’expiration du contrat de travail ou en cas de faillite ou de liquidation judiciaire de l’employeur. Les employeurs ont l’interdiction de restreindre le droit des travailleurs de disposer librement de leur rémunération. Les détenus qui acceptent de travailler doivent recevoir un salaire équitable. La grande majorité de travailleurs considèrent qu’un salaire équitable est supérieur au salaire minimum. Le salaire doit être versé de façon régulière, ponctuelle et dans son intégralité.

3.Une rémunération égale pour un travail de valeur égale sans distinction aucune ; en particulier, les femmes doivent avoir la garantie que les conditions de travail qui leur sont accordées ne sont pas inférieures à celles dont bénéficient les hommes et recevoir la même rémunération qu’eux pour un même travail

Non seulement les travailleurs doivent bénéficier d’une rémunération égale lorsqu’ils exercent des emplois identiques ou analogues, mais leur rémunération doit aussi être égale, même lorsque leur travail est complètement différent, mais néanmoins de valeur égale s’il est mesuré selon des critères objectifs. Cette obligation dépasse le simple cadre du salaire ou de la rémunération pour inclure d’autres paiements ou prestations versés directement ou indirectement aux travailleurs. Si l’égalité entre les hommes et les femmes est particulièrement importante dans ce contexte, au point d’être mentionnée expressément à l’alinéa a) i) de l’article 7, le Comité réaffirme que l’égalité s’applique à tous les travailleurs sans distinction fondée sur la race, l’appartenance ethnique, la nationalité, le statut de migrant, l’état de santé, le handicap, l’âge, l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou tout autre motif.

Pour déterminer dans quelle mesure l’égalité est atteinte, il est nécessaire d’évaluer en permanence et de façon objective si le travail est de valeur égale et si la rémunération reçue est égale. L’évaluation doit couvrir une large gamme de critères. L’accent étant mis sur la « valeur » du travail, les facteurs d’évaluation doivent recouvrir les compétences, les responsabilités et l’effort que doit produire le travailleur, ainsi que les conditions de travail. L’évaluation pourrait être fondée sur une comparaison des taux de rémunération à l’échelle des organisations, des entreprises et des professions.

Une évaluation objective des emplois est importante pour éviter la discrimination indirecte au moment de déterminer les taux de rémunération et de comparer la valeur des emplois. À titre d’exemple, une distinction entre le travail à temps plein, et le travail à temps partiel − versement de primes aux seuls employés travaillant à temps plein notamment − peut être source de discrimination indirecte à l’égard des employées dès lors qu’un pourcentage plus élevé de femmes travaille à temps partiel. De même, l’évaluation objective du travail doit être exempte de préjugés fondés sur le sexe.

L’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale s’applique à tous les secteurs. Quand l’État peut influer directement sur les taux de rémunération, l’égalité doit être atteinte dans le secteur public aussi rapidement que possible en garantissant l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale dans la fonction publique aux échelons central, régional ou local, ainsi que pour tout travail sous contrat public ou au sein d’entreprises appartenant à l’État en tout ou partie.

La rémunération fixée au moyen de conventions collectives doit viser à garantir l’égalité pour un travail de valeur égale. Les États parties doivent adopter des lois et d’autres mesures appropriées pour promouvoir l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, y compris dans le secteur privé, notamment en incitant à la création d’une classification des emplois qui ne tienne pas compte du sexe ; en fixant des objectifs assortis de délais pour parvenir à l’égalité et des obligations déclaratives conçues pour déterminer si les objectifs ont été atteints ; et en imposant une réduction progressive des écarts entre les taux de rémunération applicables aux hommes et aux femmes pour un travail de valeur égale. Les États parties doivent étudier la possibilité d’adopter une large gamme de mesures de formation professionnelle et autre à l’intention des femmes, y compris dans des domaines d’étude et d’activité non conventionnels.

Les notions de « conditions de travail pour les femmes qui ne soient pas inférieures à celles dont bénéficient les hommes » et de « même rémunération pour un même travail », mentionnées dans la seconde partie de l’alinéa a) i) de l’article 7, sont plus restrictives que la notion d’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale. Premièrement, elles sont spécifiquement liées à la discrimination directe fondée sur le sexe, alors que la seconde notion n’établit aucune distinction. Deuxièmement, elles optent pour une comparaison plus étroite entre deux emplois ou postes identiques, normalement dans la même entreprise ou organisation, plutôt que pour une définition plus générale de la rémunération fondée sur la valeur du travail. Ainsi, dès lors qu’un homme et une femme exercent des fonctions identiques ou similaires, ils doivent tous deux recevoir la même rémunération ; cela n’affaiblit toutefois en rien l’obligation de prendre des mesures immédiates au titre de l’obligation plus générale de parvenir progressivement à l’égalité de rémunération entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale.

Les « conditions de travail » mentionnées à l’alinéa a) i) de l’article 7 recouvrent les « conditions » indiquées dans le contrat de travail qui peuvent influer sur le taux de rémunération, ainsi que les « conditions » visées aux autres alinéas de l’article 7. Ainsi, une femme qui accomplit un travail de même valeur que celui d’un homme ne doit pas disposer d’une moindre protection contractuelle ou de conditions contractuelles plus strictes que lui. Cette obligation n’empêche pas les femmes de bénéficier de conditions de travail spécifiques en rapport avec la grossesse et la protection de la maternité.

4.Rémunération procurant à tous les travailleurs une existence décente pour eux et leur famille

Étroitement liée aux notions d’équité et d’égalité, la « rémunération » doit aussi assurer une « existence décente » aux travailleurs et à leur famille. Si le salaire équitable et la même rémunération sont déterminés par rapport au travail effectué par un travailleur donné, ainsi que par comparaison avec d’autres travailleurs, la rémunération qui procure une existence décente doit être déterminée par rapport à des facteurs extérieurs tels que le coût de la vie et d’autres éléments de la situation économique et sociale. Ainsi, la rémunération doit être suffisante pour permettre aux travailleurs et à leur famille de jouir d’autres droits figurant dans le Pacte tels que la sécurité sociale, les soins de santé, l’éducation et un niveau de vie suffisant, y compris la nourriture, l’eau et l’assainissement, le logement et le vêtement, et des dépenses additionnelles, tels les frais de déplacement domicile-travail.

Le salaire minimum est « le montant minimum de rémunération qu’un employeur est tenu de payer aux salariés pour le travail accompli pendant une période donnée, et qui ne peut être réduit par une convention collective ou un contrat individuel ». Il offre un moyen de garantir aux travailleurs et à leur famille une rémunération permettant une existence décente.

Les États parties doivent faire de l’adoption d’un salaire minimum révisé périodiquement, et indexé au moins sur le coût de la vie, une de leurs priorités, et prévoir un mécanisme à cet effet. Les travailleurs, les employeurs et leurs organisations représentatives doivent participer directement au fonctionnement de ce mécanisme.

Le salaire minimum ne peut être efficace que s’il est à la hauteur des objectifs visés à l’article 7. Le salaire minimum doit être reconnu dans la législation, être fixé d’après les critères d’une existence décente, et être appliqué avec cohérence. Les éléments à prendre en considération pour fixer le salaire minimum sont souples, même s’ils doivent être rigoureux sur le plan technique, et peuvent inclure le niveau général des salaires dans le pays, le coût de la vie, les contributions et les prestations de sécurité sociale et les niveaux de vie relatifs. Le salaire minimum peut représenter un certain pourcentage du salaire moyen pour autant que ce pourcentage soit suffisant pour garantir aux travailleurs et à leur famille une existence décente.

Pour fixer le salaire minimum, il est utile de tenir compte du salaire payé pour un travail de valeur égale dans les secteurs soumis à des conventions collectives salariales, ainsi que du niveau général des salaires dans le pays ou la zone considérés. Les impératifs de développement économique et social et l’obtention d’un taux d’emploi élevé doivent aussi être pris en considération, mais le Comité souligne que ces facteurs ne doivent pas être utilisés pour justifier un salaire minimum qui ne garantisse pas une existence décente aux travailleurs et à leur famille. S’il est conscient qu’un gel du salaire minimum est fréquent en période de crise économique et financière, le Comité tient aussi à souligner qu’afin de respecter l’article 7 du Pacte, les États parties ne doivent prendre une telle mesure qu’en dernier recours et à titre temporaire, en tenant compte des besoins des travailleurs en situation de vulnérabilité, et doivent revenir aux procédures normales de révision périodique et d’accroissement du salaire minimum dans les meilleurs délais.

Le salaire minimum doit être appliqué systématiquement, en protégeant autant que possible l’ensemble des catégories de travailleurs, y compris les travailleurs en situation vulnérable. Le salaire minimum peut être d’application générale ou être différencié selon les secteurs, les régions, les zones et les catégories professionnelles pour autant qu’il s’applique sans discrimination directe ou indirecte et garantisse une existence décente. Pour fixer le salaire minimum au niveau d’un secteur ou d’une branche d’activité, le travail accompli dans des secteurs qui emploient majoritairement des femmes, des minorités ou des travailleurs étrangers ne doit pas être sous‑évalué par rapport au travail dans les secteurs qui emploient avant tout des hommes ou des ressortissants du pays. Il importe particulièrement de faire en sorte que les méthodes d’évaluation des emplois utilisées pour harmoniser ou adapter les programmes de salaire minimum par secteur ou profession ne soient pas elles-mêmes discriminatoires.

Le non-respect par les employeurs du salaire minimum doit être passible de sanctions pénales ou autres. Des mesures appropriées, notamment des inspections du travail efficaces, sont nécessaires pour garantir l’application des dispositions sur le salaire minimum dans la pratique. Les États parties doivent procurer une information suffisante sur le salaire minimum dans les langues et les dialectes pertinents, et sous des formes accessibles aux travailleurs handicapés ou illettrés.

B.Article 7, alinéa b) : sécurité et hygiène du travail

La prévention des accidents et des maladies du travail est un aspect fondamental du droit à des conditions de travail justes et favorables et est étroitement liée aux autres droits consacrés par le Pacte, en particulier le droit au meilleur état de santé physique et mental susceptible d’être atteint. Les États parties doivent adopter une politique nationale pour la prévention des accidents et des atteintes à la santé liés au travail en diminuant le plus possible les risques dans le milieu du travail, et garantir une large participation − des travailleurs, des employeurs et de leurs organisations représentatives − à la formulation, à l’application et à l’évaluation de cette politique. S’il n’est sans doute pas possible d’empêcher totalement les accidents et les maladies professionnels, les coûts humains et autres de l’inaction dépassent de loin la charge financière assumée par les États parties prenant des mesures de prévention immédiates qui seront amplifiées au fil du temps.

La politique nationale doit couvrir toutes les branches d’activité économique, y compris les secteurs formel et informel et toutes les catégories de travailleurs, y compris les travailleurs engagés dans des formes atypiques d’emploi, les apprentis et les stagiaires. Elle doit tenir compte des risques spécifiques pour la sécurité et la santé des travailleuses, en cas de grossesse, ainsi que des travailleurs handicapés, sans discrimination aucune. Les travailleurs doivent pouvoir contrôler les conditions de travail sans crainte de représailles.

La politique en question doit aborder au moins les domaines suivants : la conception, l’essai, le choix, le remplacement, l’installation, l’aménagement, l’utilisation et l’entretien des composantes matérielles du travail (lieu de travail, milieu de travail, procédés de travail, outils, machines et matériels, ainsi que substances et agents chimiques, physiques et biologiques) ; les liens qui existent entre les principales composantes du travail et les capacités physiques et mentales des travailleurs, y compris leurs besoins ergonomiques ; la formation du personnel concerné ; et la protection des travailleurs et de leurs organisations représentatives contre toute mesure disciplinaire lorsqu’ils ont agi conformément à la politique nationale, notamment face à un danger grave et imminent.

En particulier, la politique doit indiquer les mesures spécifiques exigées des employeurs dans des domaines comme la prévention des accidents et des maladies et les interventions en cas d’accident ou de maladie ainsi que l’enregistrement et la notification des données pertinentes, étant donné la responsabilité fondamentale qui incombe à l’employeur de protéger la santé et la sécurité des travailleurs. Elle doit aussi prévoir un mécanisme, qui pourra être un organisme central, pour assurer la coordination des politiques et des programmes adoptés à l’appui de ces politiques ; et habiliter ce mécanisme à effectuer des examens périodiques. Pour faciliter ces examens, la politique doit promouvoir la collecte et la diffusion de données fiables et valables sur une gamme aussi étendue que possible d’accidents et de maladies du travail, y compris les accidents survenant sur le trajet emprunté pour se rendre au travail et en revenir. La collecte de données doit respecter les principes des droits de l’homme, y compris la confidentialité des données personnelles et médicales, et la nécessité de disposer de données ventilées par sexe et autres critères pertinents.

La politique doit comporter des dispositions appropriées en matière de contrôle et de suivi de l’application, en vue notamment d’enquêtes efficaces, et prévoir les peines qui s’imposent en cas de violation, y compris le droit pour les autorités de suspendre l’activité d’entreprises présentant des risques. Les travailleurs victimes d’un accident ou d’une maladie professionnels évitables doivent disposer d’un droit de recours, y compris l’accès à des mécanismes de plainte appropriés, tels que des tribunaux, pour le règlement des litiges. En particulier, les États parties doivent faire en sorte que les travailleurs victimes d’un accident ou d’une maladie, et le cas échéant, les personnes à la charge de ces travailleurs, soient indemnisés comme il convient, notamment de leurs coûts de traitement, de la perte de leurs revenus et d’autres coûts, et puissent accéder à des services de réadaptation.

L’accès à l’eau potable, des installations sanitaires adéquates qui répondent aussi aux besoins spécifiques des femmes en matière d’hygiène, ainsi que des outils de promotion et des documents d’information sur les bonnes pratiques d’hygiène sont des éléments essentiels pour un environnement de travail sûr et salubre. Le congé maladie payé est indispensable pour que les travailleurs malades puissent recevoir un traitement en cas d’affection aiguë et chronique et pour réduire la transmission des maladies aux collègues.

C.Article 7, alinéa c) : même possibilité pour tous d’être promus, dans leur travail, à la catégorie supérieure appropriée, sans autre considération que la durée des services accomplis et les aptitudes

Tous les travailleurs ont droit aux mêmes possibilités de promotion par des procédures équitables, fondées sur le mérite et transparentes qui respectent les droits de l’homme. Les critères applicables de la durée des services accomplis et des aptitudes doivent aussi comporter une évaluation de la situation personnelle ainsi que des rôles et des expériences différents des hommes et des femmes afin de garantir à tous la même possibilité d’être promus. Il ne doit y avoir aucune place pour des critères inopportuns tels que la préférence personnelle ou les relations familiales, politiques et sociales. De même, les travailleurs doivent avoir la possibilité d’être promus, sans subir de représailles liées à leur activité syndicale ou politique. La « même possibilité pour tous d’être promus » impose que les recrutements, les promotions et les licenciements ne soient pas discriminatoires. Cela revêt une importance particulière dans le cas des femmes et d’autres travailleurs, notamment les travailleurs handicapés, les travailleurs issus de certaines minorités ethniques, nationales et autres, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées, les travailleurs plus âgés et les travailleurs autochtones.

L’égalité en matière de promotion passe par une analyse des obstacles directs et indirects à cette promotion ainsi que par l’adoption de mesures, dont la formation et les initiatives visant à aider les travailleurs à concilier responsabilités professionnelles et familiales, notamment des services abordables d’accueil de jour pour les enfants et les adultes dépendants. Afin d’accélérer l’égalité de fait, des mesures spéciales temporaires peuvent être nécessaires. Ces mesures doivent faire l’objet d’un examen périodique et des sanctions appropriées doivent être appliquées dans le cas où elles ne sont pas respectées.

Dans le secteur public, les États parties doivent instaurer des normes objectives en matière de recrutement, de promotion et de licenciement afin de parvenir à l’égalité, en particulier entre les hommes et les femmes. Les promotions dans le secteur public doivent être soumises à un contrôle impartial. Pour le secteur privé, les États parties doivent adopter la législation qui convient (législation antidiscriminatoire de portée générale, notamment) pour garantir l’égalité de traitement en ce qui concerne le recrutement, la promotion et le licenciement, et effectuer des enquêtes pour mesurer l’évolution de la situation dans le temps.

D.Article 6, alinéa d) : repos, loisirs, limitation raisonnable de la durée du travail et congés payés périodiques, ainsi que rémunération des jours fériés

Le repos et les loisirs, la limitation de la durée du travail et les congés payés périodiques aident les travailleurs à maintenir un équilibre approprié entre leurs responsabilités professionnelles, familiales et personnelles et à éviter les états de tension, les accidents et les maladies liés au travail. Ils contribuent aussi à la réalisation d’autres droits consacrés par le Pacte ; ainsi, même si les États parties ont toute latitude compte tenu du contexte national, ils sont tenus de fixer des normes minimales qui doivent être respectées et ne doivent pas être refusées ou atténuées pour des considérations économiques ou de productivité. Les États parties doivent adopter, maintenir et appliquer des lois, des politiques et des réglementations qui tiennent compte de plusieurs facteurs présentés ci‑après.

1.Limitation de la durée quotidienne du travail

La durée du travail doit être limitée dans toutes les activités, y compris le travail non rémunéré, à un nombre d’heures spécifié. Si la limite quotidienne générale (sans les heures supplémentaires) doit être de huit heures, la règle doit tenir compte des particularités de l’activité et permettre une certaine latitude pour répondre, par exemple, à différents types d’organisation du travail, comme le travail posté, les périodes de travail consécutives, le travail en situation d’urgence et les formules souples d’organisation du travail. Les exceptions doivent être strictement limitées et être subordonnées à des consultations avec les travailleurs et leurs organisations représentatives. Quand la législation permet d’allonger la durée quotidienne du travail, les employeurs doivent compenser les journées de travail plus longues par des journées plus courtes, de sorte que la durée moyenne du travail sur plusieurs semaines n’excède pas la norme générale de huit heures par jour. L’obligation pour les travailleurs d’être d’astreinte ou de permanence doit être prise en compte dans le calcul des heures de travail.

La législation doit définir la durée quotidienne maximum du travail, qui peut varier en fonction des exigences des différentes activités mais ne doit pas aller au-delà de ce qui est considéré comme une durée maximum acceptable. Les mesures visant à aider les travailleurs à concilier leurs responsabilités professionnelles et familiales ne doivent pas renforcer les stéréotypes selon lesquels les hommes sont les principaux soutiens de famille et les femmes doivent assumer la responsabilité principale du ménage. Si l’on veut parvenir à l’égalité fondamentale, les hommes aussi bien que les femmes ayant des responsabilités familiales doivent bénéficier de ces mesures sur un pied d’égalité.

2.Limitation de la durée hebdomadaire du travail

La durée hebdomadaire du travail doit aussi être limitée par la loi. Les mêmes critères que ceux indiqués pour la limitation de la durée quotidienne du travail s’appliquent. La limitation doit s’appliquer à tous les secteurs et pour tous les types de travail, y compris le travail non rémunéré. Des semaines de travail réduites peuvent s’appliquer, notamment en ce qui concerne les activités pénibles. Le Comité est conscient que beaucoup d’États parties ont opté pour une semaine de travail de quarante heures et recommande aux États qui ne l’ont pas encore fait de prendre des mesures progressives pour arriver à cet objectif. La législation doit accorder une certaine latitude permettant de dépasser la durée limite du travail hebdomadaire en fonction des différentes formules d’organisation du travail et des différents secteurs. Néanmoins, en règle générale, la durée moyenne hebdomadaire du travail sur une certaine période doit satisfaire à la norme réglementaire pour une semaine de travail. Les travailleurs doivent recevoir un complément de rémunération au titre des heures travaillées en sus de la durée supplémentaire maximum autorisée accomplie au cours d’une semaine donnée.

3.Périodes de repos journalières

Le repos pendant la journée est important pour la santé et la sécurité des travailleurs, et la législation doit donc aménager des périodes de repos pendant la journée de travail et les protéger. Dans les cas où les travailleurs utilisent des machines ou effectuent des tâches dangereuses pour leur vie ou leur santé ou celles d’autres personnes, la législation doit prévoir des périodes de repos obligatoires. La législation doit aussi prévoir une réglementation spécifique sur les périodes de repos à l’intention des travailleurs de nuit et reconnaître certaines situations, par exemple celle des femmes enceintes, des femmes allaitantes, qui peuvent avoir besoin de périodes de repos spécifiques pour allaiter, ou des travailleurs qui suivent un traitement médical. Les périodes de repos journalières doivent tenir compte des possibilités offertes par des formules souples d’organisation du travail qui permettent d’allonger la durée du travail en échange d’un jour de repos supplémentaire par période d’une ou de deux semaines.

4.Périodes de repos hebdomadaires

Tous les travailleurs doivent bénéficier de périodes de repos hebdomadaires dont la durée doit être en principe d’au moins vingt-quatre heures consécutives par période de sept jours, bien qu’une période de deux jours consécutifs de repos soit préférable en règle générale pour garantir la santé et la sécurité des travailleurs. Les journées de repos doivent correspondre aux us et coutumes du pays et des travailleurs en question et s’appliquer simultanément à l’ensemble du personnel de l’entreprise ou du lieu de travail.

Les exceptions temporaires doivent être autorisées dans certains cas tels que les accidents, les cas de force majeure, les impératifs de travail urgents et les contraintes d’activité exceptionnelles, pour éviter la perte de biens périssables et lorsque la nature du service fourni impose de travailler pendant les jours de repos généralement applicables (vente au détail durant le week-end, notamment). Dans ces cas, les travailleurs doivent bénéficier d’un repos de compensation accordé autant que possible pendant la période de travail hebdomadaire et pour une durée d’au moins vingt-quatre heures. Toutes les exceptions doivent être décidées par voie de consultation avec les travailleurs et les employeurs et leurs organisations représentatives.

5.Congés annuels payés

Tous les travailleurs, y compris les travailleurs à temps partiel et les travailleurs temporaires, doivent bénéficier de congés payés annuels. La législation doit prévoir un droit de trois semaines ouvrées de congés payés au minimum par année de travail à temps plein. Les travailleurs doivent recevoir au moins leur rémunération normale pour la période de congés correspondante. La législation doit aussi spécifier que la période d’emploi minimum pour avoir droit aux congés payés ne doit pas dépasser six mois. Les travailleurs concernés doivent cependant bénéficier de congés payés proportionnels à la période d’emploi. Les congés pour maladie ou autre raison justifiée ne doivent pas être déduits des congés annuels rémunérés.

Les travailleurs à temps partiel doivent bénéficier de congés annuels payés équivalents à ceux de travailleurs à temps plein exerçant un emploi comparable et proportionnel à la durée de travail accomplie. Ne pas inclure les travailleurs à temps partiel dans le champ d’application de la loi aboutit à des inégalités entre les hommes et les femmes dans la mesure où une proportion plus élevée de femmes a recours au travail à temps partiel, notamment lorsqu’elles reprennent le travail après un congé de maternité.

Le moment choisi pour prendre ses congés annuels payés doit être subordonné à une décision négociée entre l’employeur et le travailleur ; néanmoins, la législation doit fixer une période minimum de congés annuels payés ininterrompus, qui atteint idéalement deux semaines. Les travailleurs ne peuvent pas renoncer à ces congés, y compris en échange d’une indemnité. À la cessation de service, les travailleurs doivent recevoir le solde de leur période de congés annuels ou une indemnité de remplacement équivalente au même niveau de rémunération garanti ou au même crédit de jours de congés.

La législation doit prévoir d’autres formes de congés, en particulier le droit à des congés de maternité et de paternité et à des congés parentaux ainsi qu’à des congés pour raisons familiales et des congés maladie payés. Les travailleurs ne doivent pas être recrutés sous contrat temporaire dans le but de les exclure de leur droit aux congés.

6.Jours fériés officiels rémunérés

Les travailleurs doivent bénéficier d’un nombre fixe de jours fériés officiels avec rémunération équivalente à celle d’une journée de travail normale. Ceux qui doivent travailler les jours fériés officiels doivent recevoir au moins le même salaire que pour une journée de travail normale ainsi qu’un congé de compensation correspondant au temps travaillé. La loi doit interdire le fait de subordonner le droit aux jours fériés officiels rémunérés à une obligation de travail minimum. Les jours fériés rémunérés ne doivent pas être comptabilisés au titre des congés annuels.

7.Formules souples d’organisation du travail

Compte tenu de l’évolution contemporaine du droit du travail et des pratiques dans le domaine de l’emploi, l’élaboration d’une politique nationale sur l’organisation souple du travail peut être indiquée. Cette politique peut notamment prévoir des modalités souples de programmation de l’horaire de travail, notamment des horaires souples, une compression de la durée de travail hebdomadaire et des emplois partagés, ainsi que des formules souples de travail couvrant le travail à domicile, le travail à distance ou le travail depuis un site annexe. Ces mesures peuvent aussi contribuer à un meilleur équilibre entre responsabilités professionnelles et responsabilités familiales, pour autant qu’elles répondent aux besoins et aux problèmes différents des hommes et des femmes au travail. Les formules souples d’organisation du travail doivent répondre aux besoins aussi bien des travailleurs que des employeurs et, en aucun cas, n’être utilisées pour porter atteinte au droit à des conditions de travail justes et favorables.

E.Thèmes spéciaux de portée générale

Le droit de jouir de conditions de travail justes et favorables concernant des groupes spécifiques :

a)Main-d’œuvre féminine : Les progrès réalisés sur les trois indicateurs principaux et interdépendants de l’égalité entre les sexes dans le contexte des droits du travail − « plafond de verre », « écart de rémunération entre hommes et femmes » et « plancher collant » − sont encore loin d’être satisfaisants. En raison de la discrimination croisée et du fait que les besoins des femmes ne sont pas abordés dans une perspective axée sur l’ensemble du cycle de la vie, les désavantages qu’elles cumulent ont des incidences négatives sur le droit qu’elles ont de jouir de conditions de travail justes et favorables et sur d’autres droits. Il est nécessaire, en particulier, de remédier à la ségrégation professionnelle fondée sur le sexe et de parvenir à l’égalité de la rémunération pour un travail de valeur égale ainsi qu’à l’égalité des possibilités de promotion, y compris en adoptant des mesures temporaires spéciales. Toute évaluation de la « valeur » du travail doit se garder des stéréotypes sexistes susceptibles d’entraîner une sous-estimation des tâches principalement accomplies par des femmes. Les États parties doivent tenir compte des besoins différents des travailleurs et des travailleuses. Par exemple, il peut être nécessaire de prendre des dispositions particulières pour protéger la sécurité et la santé des travailleuses enceintes en cas de déplacements ou de travail de nuit. Les services de garderie sur le lieu de travail et des modalités de travail flexibles peuvent contribuer à promouvoir l’égalité effective des conditions de travail. Les travailleuses bénéficiant de mesures spécifiques dans certains domaines ne doivent pas être pénalisées dans d’autres. Les États parties doivent prendre des dispositions pour s’attaquer aux conceptions traditionnelles du rôle des hommes et des femmes ainsi qu’à d’autres obstacles structurels qui perpétuent les inégalités entre les sexes ;

b)Travailleurs jeunes et travailleurs âgés : Tous les travailleurs doivent être protégés contre la discrimination fondée sur l’âge. Les jeunes travailleurs ne doivent pas subir de discrimination salariale, par exemple en étant contraints d’accepter des salaires faibles qui ne correspondent pas à leurs compétences. Le recours excessif aux stages et aux programmes de formation non rémunérés ainsi qu’aux contrats à court terme ou à durée déterminée, qui portent atteinte à leur sécurité de l’emploi, à leurs perspectives de carrière et à leurs prestations de sécurité sociale, n’est pas conforme au droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables. Les lois et les règlements doivent comporter des dispositions spécifiques visant à protéger la sécurité et la santé des jeunes travailleurs, dont le relèvement de l’âge minimum d’admission à certains types d’emplois. Les travailleurs âgés doivent percevoir un salaire équitable et une rémunération égale pour un travail de valeur égale et bénéficier des mêmes possibilités que les autres travailleurs d’être promus sur la base de leur expérience et de leur savoir-faire. Il peut être nécessaire d’adopter des mesures particulières en matière de santé et de sécurité, et les travailleurs âgés doivent bénéficier de programmes de préparation à la retraite, s’ils le souhaitent. Pour faire face aux effets cumulés des discriminations à l’égard des travailleuses tout au long de la vie, il pourra être nécessaire de prendre des mesures ciblées afin de parvenir à l’égalité et de leur garantir un salaire équitable, la même possibilité d’être promues et les mêmes droits à pension que leurs collègues masculins ;

c)Travailleurs handicapés : Les travailleurs handicapés ont parfois besoin de bénéficier de mesures particulières pour pouvoir jouir de leur droit à des conditions de travail justes et favorables à égalité avec les autres travailleurs. Ils ne doivent pas être cantonnés dans des ateliers protégés. Ils doivent bénéficier d’un environnement de travail accessible et ne doivent pas se voir refuser un aménagement raisonnable, tels des aménagements du lieu de travail ou des formules de travail flexibles. Ils doivent aussi bénéficier d’une rémunération égale pour un travail de valeur égale et ne doivent pas subir de discrimination salariale au motif que leur capacité de travail est perçue comme étant inférieure à celle des autres travailleurs ;

d)Travailleurs de l’économie informelle : Bien que les travailleurs de l’économie informelle représentent un fort pourcentage de la main-d’œuvre mondiale, ils sont souvent exclus des statistiques nationales et ne sont protégés ni par la loi ni par les mécanismes nationaux de sauvegarde et de soutien, ce qui aggrave leur vulnérabilité. Si l’objectif général doit être de faire en sorte que tous les emplois intègrent l’économie formelle, les lois et les politiques doivent s’étendre explicitement aux travailleurs de l’économie informelle, et les États parties doivent faire le nécessaire pour collecter des données ventilées pertinentes afin que cette catégorie de travailleurs puisse progressivement jouir du droit à des conditions de travail justes et favorables. C’est pourquoi, l’économie informelle doit relever du mandat du mécanisme de contrôle et d’application des dispositions compétent. Les femmes sont souvent surreprésentées dans l’économie informelle, où elles travaillent, par exemple, comme travailleuses occasionnelles, travailleuses à domicile ou travailleuses indépendantes, ce qui accentue les inégalités dans des domaines tels que la rémunération, la santé et la sécurité, le repos, les loisirs et les congés payés ;

e)Travailleurs migrants : Les travailleurs migrants, en particulier lorsqu’ils n’ont pas de papiers, sont exposés à l’exploitation, à une durée du travail excessive, à des salaires inéquitables et à des conditions de travail dangereuses et insalubres. Cette vulnérabilité est aggravée par des pratiques abusives en matière d’emploi qui permettent à l’employeur d’exercer un contrôle sur la situation du travailleur migrant au regard de la législation sur la résidence ou qui le lient à un employeur donné. Si les travailleurs migrants ne parlent pas la ou les langues du pays, ils risquent d’être mal informés de leurs droits et d’être incapables d’accéder aux mécanismes de plainte. Les travailleurs sans papiers craignent souvent de subir des représailles de la part de leur employeur, voire, d’être expulsés s’ils cherchent à se plaindre de leurs conditions de travail. Les lois et les politiques doivent garantir que les travailleurs migrants bénéficient d’un traitement non moins favorable que celui dont bénéficient les travailleurs nationaux en matière de rémunération et de conditions de travail. Les travailleurs migrants internes sont aussi exposés à l’exploitation et ont besoin d’être protégés par des mesures législatives et autres afin que leur droit à des conditions de travail justes et favorables soit garanti ;

f)Travailleurs domestiques : L’immense majorité des travailleurs domestiques sont des femmes. Bon nombre de ces travailleurs appartiennent à des minorités ethniques ou nationales ou sont des migrants. Ils sont souvent isolés et peuvent être exploités, harcelés et, dans certains cas, en particulier ceux qui sont logés par leur employeur, soumis à des conditions assimilables à de l’esclavage. Souvent, ils n’ont pas le droit de se syndiquer ni la liberté de communiquer avec d’autres. À cause des stéréotypes, les compétences requises pour le travail domestique sont sous-évaluées ; en conséquence, ce type d’activité figure parmi les activités les moins bien rémunérées. Les travailleurs domestiques ont le droit de jouir de conditions de travail justes et favorables, y compris d’une protection contre les abus, le harcèlement et la violence, de conditions de travail décentes, d’un congé annuel payé, d’une durée normale de travail, de périodes de repos journalières et hebdomadaires, à égalité de traitement avec les autres travailleurs, du régime de salaire minimum là où un tel régime existe, d’une rémunération fixée sans discrimination fondée sur le sexe, et de la sécurité sociale. La législation doit reconnaître ces droits aux travailleurs domestiques et allouer les moyens nécessaires au contrôle du travail domestique, notamment par des services d’inspection du travail et la possibilité pour ces travailleurs de porter plainte et de demander réparation en cas d’atteintes à leurs droits ;

g)Travailleurs indépendants : Lorsqu’ils ne sont pas en mesure de dégager un revenu suffisant de leur activité, les travailleurs indépendants doivent avoir accès à des mécanismes de soutien appropriés. Les travailleuses indépendantes doivent bénéficier d’une assurance maternité au même titre que les autres travailleuses. La législation relative à la sécurité et à la santé au travail doit couvrir les travailleurs indépendants, les obligeant à suivre les programmes de formation pertinents, et viser à les sensibiliser à l’importance du repos, des loisirs et de la limitation de la durée du travail. Les petits agriculteurs, qui ont besoin du travail non rémunéré de membres de leur famille pour compenser les conditions difficiles dans lesquelles ils mènent leur activité, méritent une attention particulière ;

h)Travailleurs agricoles : Les travailleurs agricoles font souvent face à de graves difficultés socioéconomiques, au travail forcé, à des revenus précaires et à l’impossibilité d’accéder aux services essentiels. Il arrive qu’ils soient formellement exclus des relations entre partenaires sociaux et des systèmes de sécurité sociale. Souvent, les travailleuses agricoles, en particulier dans les exploitations familiales, n’ont pas le statut de travailleur et n’ont donc pas le droit de toucher un salaire et de bénéficier d’une protection sociale, de devenir membres d’une coopérative agricole et d’avoir accès aux prêts, au crédit et à d’autres mesures destinées à améliorer les conditions de travail. Les États parties doivent promulguer des lois et des politiques qui garantissent aux travailleurs agricoles un traitement non moins favorable que celui dont jouissent d’autres catégories de travailleurs ;

i)Travailleurs réfugiés :À cause de leur statut souvent précaire, les travailleurs réfugiés restent exposés à l’exploitation, à la discrimination et aux mauvais traitements sur le lieu de travail, ils risquent d’être moins bien rémunérés que les ressortissants du pays, sont astreints à des journées de travail plus longues et travaillent dans des conditions plus dangereuses. Les États parties doivent promulguer une législation qui permet aux réfugiés de travailler dans des conditions non moins favorables que celles qui sont accordées à leurs ressortissants ;

j)Travailleurs non rémunérés : Les femmes s’acquittent de tâches qui sont importantes pour leur famille et pour l’économie nationale et elles passent deux fois plus de temps que les hommes à effectuer du travail non rémunéré. Les travailleurs non rémunérés, tels les personnes travaillant à domicile ou dans une entreprise familiale, les travailleurs bénévoles et les stagiaires non rémunérés, sont exclus du champ d’application des conventions de l’OIT et de la législation nationale. Ils ont le droit de jouir de conditions de travail justes et favorables et doivent être protégés par les lois et les politiques relatives à la sécurité et à la santé au travail, au repos et aux loisirs, à la limitation raisonnable de la durée du travail, ainsi qu’à la sécurité sociale.

Le droit de ne pas être victime de harcèlement, y compris de harcèlement sexuel

Aucun travailleur ne doit être victime de harcèlement, y compris de harcèlement sexuel. Les textes législatifs, comme les lois contre la discrimination, le Code pénal et la législation du travail, doivent donner une définition large du harcèlement et mentionner explicitement le harcèlement sexuel et les autres formes de harcèlement tels que les actes de harcèlement fondés sur le sexe, le handicap, la race, l’orientation sexuelle, l’identité de genre et l’intersexualité. Il y a lieu d’établir une définition spécifique du harcèlement sexuel sur le lieu de travail, et la législation doit le criminaliser et le sanctionner comme il convient. Une politique nationale applicable sur le lieu de travail, dans le secteur public comme dans le secteur privé, doit comprendre au moins les éléments ci-après : a) s’appliquer explicitement aux actes de harcèlement commis et subis par tout travailleur quel qu’il soit ; b) interdire certains actes constitutifs de harcèlement, dont le harcèlement sexuel ; c) énumérer les devoirs spécifiques qui incombent aux employeurs, aux directeurs, aux superviseurs et aux travailleurs afin de prévenir et, s’il y a lieu, de régler les cas de harcèlement et d’accorder des réparations aux victimes ; d) prévoir l’accès à la justice pour les victimes, y compris par le biais de l’aide juridictionnelle gratuite ; e) imposer une formation obligatoire à tous les employés, y compris aux directeurs et aux superviseurs ; f) protéger les victimes, y compris en prévoyant la désignation de personnes chargées de les assister ainsi que des mécanismes de plainte et des voies de recours ; g) interdire expressément les représailles ; h) prévoir des procédures de notification et de communication des plaintes pour harcèlement sexuel à une autorité publique centrale et le traitement de ces plaintes ; i) mettre en place une politique destinée spécifiquement au lieu de travail qui soit clairement visible et qui soit élaborée en concertation avec les travailleurs, les employeurs et les organisations qui les représentent ainsi que d’autres partenaires concernés, telles les organisations de la société civile.

Les défenseurs des droits de l’homme doivent pouvoir contribuer à la pleine réalisation pour tous des droits visés par le Pacte, sans subir aucune forme de harcèlement. Les États parties doivent respecter, protéger et promouvoir l’action menée par les défenseurs des droits de l’homme et d’autres acteurs de la société civile en faveur de la réalisation du droit à des conditions de travail justes et favorables, notamment en facilitant leur accès à l’information et en leur permettant d’exercer leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion et leur droit de participer à la vie publique.

III.Obligations

A.Obligations générales

Les États parties doivent respecter leurs obligations fondamentales et prendre des dispositions délibérées et concrètes tendant à la réalisation progressive du droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables, en faisant usage de toutes les ressources disponibles. Outre la législation, qui est indispensable, les États doivent aussi garantir l’accès à des recours judiciaires et à d’autres recours utiles qui comprennent, sans s’y limiter, des mesures administratives, financières, éducatives et sociales.

Les États parties doivent œuvrer aussi rapidement et aussi efficacement que possible pour appliquer intégralement le droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables, mais disposent d’une certaine marge d’appréciation dans le choix des moyens appropriés pour le faire. Si l’instauration de conditions de travail justes et favorables relève aussi de la responsabilité d’acteurs non étatiques, telles les organisations d’employeurs et de travailleurs, en particulier à travers les conventions collectives, les États parties doivent prendre les dispositions réglementaires nécessaires pour faire effectivement respecter le droit considéré et sanctionner les employeurs publics et privés qui se soustraient à leurs obligations dans ce domaine.

Les États parties doivent éviter de prendre la moindre disposition délibérément régressive sans étude attentive préalable et sans justification sérieuse. Dès lors qu’un État partie cherche à adopter des dispositions régressives, par exemple, en cas de crise économique, il doit faire la démonstration qu’une telle disposition est temporaire, nécessaire, non discriminatoire et qu’elle respecte au moins les obligations fondamentales qui lui incombent. Un État partie ne peut en aucun cas justifier l’adoption de mesures régressives concernant des aspects du droit de jouir de conditions de travail justes et favorables qui relèvent d’obligations fondamentales ou d’obligations ayant un effet immédiat. Les États parties qui, faute de ressources suffisantes, ont des difficultés à assurer la réalisation progressive de ce droit sont tenus de faire appel à l’aide et à la coopération internationales.

Les États parties doivent garantir que le droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables est exercé sans discrimination aucune. Ils ont notamment l’obligation de garantir que les femmes jouissent de conditions de travail qui ne sont pas inférieures à celles dont bénéficient les hommes et qu’elles reçoivent une rémunération égale pour un travail de valeur égale, ce qui exige l’élimination immédiate de la discrimination formelle et de la discrimination concrète. Les États parties doivent aussi combattre toutes les formes d’inégalité de traitement résultant de la précarité des relations de travail.

Pour s’assurer que chacun respecte ses obligations, les États parties doivent créer un système d’inspection du travail, avec la participation des partenaires sociaux, capable de contrôler que tous les travailleurs jouissent de tous les éléments du droit à des conditions de travail justes et favorables, y compris les travailleurs de l’économie informelle, les travailleurs domestiques et les travailleurs agricoles ; de fournir des conseils aux travailleurs et aux employeurs ; et de dénoncer toute pratique abusive auprès des autorités compétentes. Les services d’inspection du travail doivent être indépendants et dotés de ressources suffisantes et de professionnels qualifiés ; ils doivent aussi pouvoir s’appuyer sur des spécialistes et des experts médicaux et être habilités à se rendre sur les lieux de travail librement et sans notification préalable, à formuler des recommandations en vue de prévenir ou de pallier les problèmes et à faciliter l’accès des victimes à la justice. Des sanctions doivent être appliquées dans le cas où leurs recommandations ne sont pas suivies. Les services d’inspection du travail doivent concentrer leurs efforts sur le suivi des droits des travailleurs et n’avoir aucune autre mission, par exemple le contrôle de la situation de ces personnes au regard de la législation relative à l’immigration.

Les États parties doivent définir des indicateurs et des critères qui permettent de surveiller l’exercice du droit de jouir de conditions de travail justes et favorables. Ces indicateurs et ces critères doivent porter sur les différents aspects du droit considéré, être ventilés par sexe et selon d’autres catégories pertinentes tels que l’âge, le handicap, la nationalité et la zone de résidence (rurale ou urbaine), et couvrir toutes les personnes résidant sur le territoire de l’État partie ou placées sous son contrôle. Les États parties doivent définir les indicateurs les plus utiles en ce qui concerne l’application du droit au niveau national, tels que l’incidence des accidents du travail, le ratio des salaires hommes/femmes, la proportion de femmes et d’autres catégories sous-représentées aux postes de haut niveau, la proportion de travailleurs bénéficiant d’une formation professionnelle continue, le nombre de plaintes pour harcèlement reçues et réglées, les normes minimales en matière de repos, de loisirs, de durée du travail et de congés annuels payés, et les dispositions prises par les hommes et par les femmes pour concilier vie professionnelle et vie familiale. Lors du choix des indicateurs, les États parties sont invités à prendre en considération les documents d’orientation disponibles, notamment les listes d’exemples d’indicateurs relatifs aux articles 6 et 7 du Pacte élaborés par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) et les indicateurs de l’OIT.

Le Comité souligne l’importance de la concertation concernant l’élaboration, l’application, l’examen et le suivi des lois et des politiques liées au droit de jouir de conditions de travail justes et favorables, non seulement avec les partenaires sociaux traditionnels, à savoir les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives, mais aussi avec d’autres organisations concernées, telles les organisations représentant les personnes handicapées, les jeunes et les personnes âgées, les femmes, les travailleurs de l’économie informelle, les migrants et les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées, ainsi qu’avec les représentants des groupes ethniques et des communautés autochtones.

Toute personne dont le droit de jouir de conditions de travail justes et favorables n’a pas été respecté doit avoir accès à des recours effectifs, judiciaires ou autres, notamment à une réparation adéquate, sous forme de restitution, d’indemnisation, de satisfaction ou de garantie de non‑répétition. L’accès à des voies de recours ne doit pas être refusé au motif que la personne lésée est un migrant en situation irrégulière. Les tribunaux mais aussi les institutions nationales des droits de l’homme, les services d’inspection du travail et d’autres mécanismes compétents doivent être saisis en cas d’atteinte au droit considéré. Les États parties doivent revoir et, au besoin, réformer leur législation et leurs codes de procédure afin de garantir l’accès aux voies de recours ainsi que l’équité procédurale. Une aide juridique doit être fournie pour assurer l’obtention d’une réparation et doit être gratuite pour ceux qui sont dans l’incapacité d’en assumer le coût.

B.Obligations juridiques spécifiques

Le droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables impose aux États parties des obligations comportant trois aspects. Premièrement, les États parties ont l’obligation de respecter le droit considéré en s’abstenant d’entraver directement ou indirectement son exercice. Cet aspect est particulièrement important lorsque l’État est l’employeur − entreprises d’État ou contrôlées par l’État. Par exemple, les États parties ne doivent pas adopter des barèmes de traitement qui exercent une discrimination directe ou indirecte à l’égard des travailleuses ni conserver un système de promotion dans le secteur public qui favorise directement ou indirectement le sexe surreprésenté aux postes les plus élevés. Les États parties doivent prendre des dispositions pour prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles résultant de leurs actes ou omissions et y remédier. Ils doivent aussi respecter les conventions collectives visant à introduire et à maintenir des conditions de travail justes et favorables et passer en revue la législation, y compris les lois et les règlements applicables aux entreprises, pour s’assurer qu’elle ne restreint pas le droit considéré.

Dans le cadre de l’obligation qui leur incombe de protéger le droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables, les États parties doivent prendre des dispositions pour empêcher des tiers, tels des employeurs ou des entreprises du secteur privé, de s’immiscer dans l’exercice du droit considéré et sont tenus à d’autres obligations, notamment celle d’adopter des mesures pour prévenir les pratiques abusives et, lorsqu’elles se produisent, enquêter à leur sujet, en punir les auteurs et obtenir réparation pour les victimes grâce à des lois et des politiques efficaces et à des procédures judiciaires. Par exemple, les États parties doivent veiller à ce que les lois, les politiques et les règlements régissant le droit de jouir de conditions de travail justes et favorables, telles la politique nationale sur la santé et la sécurité au travail ou la législation sur le salaire minimum et les normes minimales relatives aux conditions de travail, sont adaptés et effectivement appliqués. Les États parties doivent imposer des sanctions et des peines appropriées aux tiers qui portent atteinte à l’un quelconque des éléments du droit considéré, y compris des réparations adéquates, des sanctions pénales et des mesures pécuniaires, telles des indemnisations, ou des mesures administratives. Ils doivent aussi s’abstenir de passer des marchés de biens et de services avec des particuliers et des entreprises qui portent atteinte au droit considéré. Ils doivent veiller à ce que les mandats des services d’inspection du travail et d’autres mécanismes d’enquête et de protection s’étendent aux conditions de travail dans le secteur privé et à l’orientation des employeurs et des entreprises. Les mesures de protection doivent aussi englober le secteur informel. Certaines catégories de travailleurs, tels que les travailleurs domestiques, peuvent avoir besoin de mesures spécifiques.

L’obligation de mise en œuvre requiert des États parties qu’ils adoptent les mesures nécessaires à la pleine réalisation du droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables. Les États parties sont notamment tenus d’adopter des mesures visant à faciliter et promouvoir le droit considéré et à en assurer l’exercice, notamment par le biais de la négociation collective et du dialogue social.

Pour faciliter l’exercice du droit de jouir de conditions de travail justes et favorables, les États parties doivent prendre des mesures positives en faveur des travailleurs, en faisant une place suffisante à ce droit à travers des lois, des politiques et des règlements, par exemple, sur la non-discrimination, le salaire minimum non susceptible de dérogation, la sécurité et la santé au travail, l’assurance obligatoire, les normes minimales en matière de repos, de loisirs, de limitation de la durée du travail, de congés payés annuels et autres ainsi que de jours fériés. Les États parties doivent aussi introduire des quotas et d’autres mesures temporaires spéciales pour permettre aux femmes et à d’autres membres de groupes victimes de discrimination d’accéder à des postes de haut niveau, et fournir des mesures d’incitation au secteur privé à cette fin.

Pour contribuer à l’évaluation de l’exercice du droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables, les États parties doivent établir des programmes de notification obligatoire des accidents du travail et des maladies professionnelles ainsi que des mécanismes permettant d’évaluer systématiquement le niveau du salaire minimum, l’équité des salaires et l’écart de rémunération entre hommes et femmes au sein des organisations du secteur public et du secteur privé, y compris aux postes de haut niveau. Les États parties doivent aussi examiner régulièrement les effets des lois et des politiques, en concertation avec les travailleurs et les employeurs, afin d’actualiser les normes à la lumière de la pratique. Par exemple, la politique nationale relative à la sécurité et la santé au travail doit comporter un mécanisme d’examen périodique intégré. Les États parties doivent promouvoir l’élargissement des régimes de protection aux secteurs à risque ; adopter des programmes qui permettent la prise en compte des travailleurs de l’économie informelle, associés à des mesures visant à régulariser le secteur ; créer des mécanismes de dialogue permettant d’examiner les problèmes qui se posent ; et adopter des mesures d’incitation afin de combler l’écart de rémunération entre hommes et femmes, en particulier des initiatives qui soulagent les femmes de la charge liée aux enfants, par exemple, en encourageant l’accès à des biens et services, tels que les services de garderie et le congé de paternité non transférable.

Pour promouvoir le droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables, les États parties doivent prendre des dispositions afin de veiller à ce qu’il fasse l’objet d’une formation, d’une information et d’une sensibilisation du public appropriées. Pour que tous les travailleurs bénéficient de la même possibilité d’être promus dans le secteur privé comme dans le secteur public, les États parties doivent mettre en place des programmes de formation et des campagnes d’information qui visent aussi les employeurs, dans les langues voulues et dans des formats accessibles aux personnes handicapées et aux travailleurs illettrés. Il faudrait prêter attention à la nécessité d’offrir aux travailleurs une formation sur la sécurité et la santé au travail qui tienne compte du genre.

Les États parties sont aussi tenus de veiller à l’application de certains éléments du droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables lorsque ceux‑ci ne sont pas en mesure de le réaliser eux-mêmes. Ils ont un rôle à jouer dans la mise en place d’un marché du travail propice et doivent par exemple adapter les lieux et les outils de travail des personnes handicapées employées dans le secteur public et prendre des mesures qui incitent le secteur privé à faire de même. Les États doivent établir des programmes de sécurité sociale non contributifs au bénéfice de certains travailleurs, tels les travailleurs de l’économie informelle, pour qu’ils puissent bénéficier de prestations sociales et d’une protection contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.

C.Obligations fondamentales

Les États parties ont l’obligation fondamentale d’assurer, au minimum, la satisfaction de l’essentiel du droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables. Cette obligation impose en particulier aux États parties de :

a)Garantir par voie de législation l’exercice du droit considéré sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance, le handicap, l’âge, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’intersexualité, l’état de santé, la nationalité, ou toute autre situation ;

b)Mettre en place un système très complet de lutte contre la discrimination sexuelle au travail, notamment en ce qui concerne la rémunération ;

c)Établir par voie de législation et en concertation avec les travailleurs et les employeurs, les organisations qui les représentent et d’autres partenaires concernés un salaire minimum non discriminatoire et non susceptible de dérogation, fixé en tenant compte des facteurs économiques pertinents et indexé sur le coût de la vie afin de garantir un niveau de vie décent aux travailleurs et à leur famille ;

d)Adopter et appliquer une politique nationale globale en matière de sécurité et de santé au travail ;

e)Définir et interdire par voie de législation le harcèlement au travail, y compris le harcèlement sexuel, mettre en place des procédures et des mécanismes de dépôt et de traitement des plaintes, et prévoir des sanctions pénales pour harcèlement sexuel ;

f)Adopter et appliquer des normes minimales en matière de repos, de loisirs, de limitation raisonnable de la durée du travail, de congés payés et de jours fériés.

D.Assistance et coopération internationales

Tous les États doivent agir tant par leur effort propre que par l’assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, en vue d’assurer progressivement la pleine réalisation du droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables. Cette tâche incombe tout particulièrement aux États qui sont en mesure d’aider les autres dans ce domaine. L’assistance et la coopération internationales sont un moyen de transmettre des connaissances et de transférer des technologies et constituent un outil qui permet aux États d’exploiter au mieux les ressources disponibles en faveur de la pleine réalisation des droits prévus par le Pacte.

Lorsqu’un État partie n’est pas en mesure de s’acquitter de ses obligations en matière de réalisation du droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables, il doit faire appel à l’assistance internationale. En fonction des ressources dont ils disposent, les États parties doivent répondre à ces demandes, notamment en fournissant une assistance économique et technique, en procédant à des transferts de technologie et en encourageant le dialogue international entre organisations d’employeurs et de travailleurs. Cette assistance doit être durable, adaptée sur le plan culturel et fournie d’une manière compatible avec les normes relatives aux droits de l’homme. Il est en particulier de la responsabilité et de l’intérêt des États parties économiquement développés d’aider les États en développement dans ce domaine.

Les États parties doivent également tirer avantage de l’assistance et de la coopération techniques des organisations internationales, en particulier de l’OIT. Lorsqu’ils préparent leurs rapports, ils doivent exploiter les informations exhaustives et les services consultatifs fournis par l’OIT aux fins de la collecte et de la ventilation des données.

Les États parties doivent s’abstenir des actes ou omissions qui entravent directement ou indirectement la réalisation du droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables dans d’autres pays. Cela vaut particulièrement dans le cas où un État partie détient ou contrôle une entreprise ou fournit un soutien et des services substantiels à une entreprise active sur le territoire d’un autre État partie. Dans ce cas, l’État partie doit observer la législation pertinente du pays d’accueil qui respecte les dispositions du Pacte. Dans le cas où le pays d’origine est un État partie disposant d’une législation plus avancée, cet État partie s’efforcera, dans toute la mesure possible, d’appliquer des normes minimales similaires dans le pays d’accueil. Les États parties doivent également exiger des personnes et des entreprises installées hors de leur territoire avec lesquelles ils effectuent des transactions commerciales qu’elles respectent le droit considéré.

Les États parties doivent prendre des dispositions, y compris des dispositions législatives, précisant que leurs ressortissants et les entreprises domiciliés sur leur territoire et/ou placés sous leur juridiction sont tenus de respecter le droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables dans toutes les activités qu’ils mènent en dehors du territoire. Cette responsabilité est particulièrement importante lorsque les États sont dotés d’une législation du travail avancée, étant donné que les entreprises du pays d’origine peuvent contribuer à améliorer les normes relatives aux conditions de travail dans les pays d’accueil. De même, dans les situations de conflit et d’après conflit, les États parties peuvent, grâce à leurs activités, jouer un rôle important en matière de réglementation et d’application de cette réglementation et aider les individus et les entreprises à déterminer, prévenir et atténuer les risques d’atteintes au droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables. Les États parties doivent adopter des mesures appropriées pour faire en sorte que les acteurs non étatiques domiciliés sur leur territoire soient tenus responsables des atteintes au droit considéré commises en dehors du territoire, et que les victimes aient accès à des voies de recours. Ils doivent également fournir des orientations aux employeurs et aux entreprises sur les moyens de respecter le droit considéré en dehors de leur territoire.

Les États parties agissant en leur qualité de membres d’organisations internationales concernées doivent aussi respecter le droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables. Les États parties qui sont membres d’institutions financières internationales, notamment du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale et de banques régionales de développement, doivent prendre des dispositions pour s’assurer que ces institutions tiennent compte du droit considéré dans leurs politiques de prêt, accords de crédit et autres initiatives internationales. Ils doivent aussi veiller à ce que les politiques et les pratiques des institutions financières internationales et régionales, en particulier celles qui concernent l’ajustement structurel et/ou budgétaire, tendent à promouvoir ledit droit et non à y faire obstacle.

Les États parties doivent veiller à ce que le droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables soit dûment pris en considération dans la conclusion et l’application des accords internationaux, notamment des accords commerciaux et des accords d’investissement multilatéraux, régionaux et bilatéraux. Ils doivent également veiller à ce que d’autres accords internationaux n’aient pas d’incidences négatives sur le droit considéré, par exemple, en restreignant les dispositions que d’autres États parties pourraient prendre pour le faire appliquer. Les États parties qui ne l’ont pas fait doivent envisager de ratifier les principaux instruments relatifs aux droits de l’homme et les conventions pertinentes de l’OIT.

Les États parties doivent coopérer pour protéger le droit de leurs ressortissants travaillant dans d’autres États parties, notamment au moyen d’accords bilatéraux avec les pays d’accueil et d’échanges sur les pratiques d’embauche. Une telle démarche revêt une importance particulière pour éviter que les travailleurs migrants, notamment les travailleurs domestiques, soient victimes de pratiques abusives et pour lutter contre la traite des êtres humains. De même, les États parties doivent faire appel à la coopération internationale pour protéger les droits des travailleurs migrants qui sont employés par des entreprises immatriculées dans d’autres États parties et faire en sorte qu’ils puissent jouir de conditions de travail justes et favorables.

E.Obligations des acteurs non étatiques

Si seuls des États sont parties au Pacte, les entreprises, les syndicats et tous les membres de la société ont des responsabilités à assumer en ce qui concerne la réalisation du droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables. Ces responsabilités sont particulièrement importantes dans le cas de la sécurité et de la santé au travail, étant donné que la responsabilité de l’employeur dans ce domaine est un principe fondamental du droit du travail, intrinsèquement lié au contrat de travail, mais elles s’appliquent également à d’autres éléments du droit considéré.

Quels que soient leur taille, leur secteur d’activité, leur régime de propriété et leur structure, les entreprises doivent observer les lois qui sont conformes au Pacte et ont la responsabilité de respecter le droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables, en évitant toute atteinte au droit considéré et en prenant des mesures dans le cas où une atteinte résultant de leurs actions se produit. Une entreprise qui a eu des incidences négatives ou qui y a contribué doit prendre des mesures de réparation ou collaborer à la mise en œuvre de telles mesures selon des procédures légitimes conformes aux normes reconnues de procédure régulière.

Le rôle imparti aux institutions et aux programmes des Nations Unies, en particulier à l’OIT, est également important. Conformément aux articles 22 et 23 du Pacte, l’OIT et d’autres institutions spécialisées des Nations Unies, la Banque mondiale, les banques régionales de développement, le Fonds monétaire international, l’Organisation mondiale du commerce et d’autres organes compétents, ainsi que le Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies, dont le HCDH, sont tenus de coopérer efficacement avec les États parties pour faire appliquer le droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables. Quand il examine le rapport des États parties, le Comité évaluera les effets de toute assistance demandée par l’État partie considéré sur l’exercice du droit, ainsi que la réponse apportée.

IV.Violations et voies de recours

Les États parties doivent démontrer qu’ils ont pris toutes les mesures nécessaires en vue d’assurer la réalisation du droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables au maximum de leurs ressources disponibles, que le droit est exercé sans discrimination, et que les femmes jouissent de conditions de travail qui ne sont pas inférieures à celles dont bénéficient les hommes et d’une rémunération égale pour un même travail et pour un travail de valeur égale. Un manquement à l’obligation de prendre ces mesures constitue une violation du Pacte. Pour déterminer si les États parties se sont acquittés de cette obligation, le Comité examine le point de savoir si les mesures prises sont raisonnables et proportionnées et si elles sont conformes aux normes relatives aux droits de l’homme et aux principes démocratiques.

La violation du droit des travailleurs de jouir de conditions de travail justes et favorables peut être le fait d’une action directe − commission d’actes − des États parties. L’adoption de politiques relatives aux migrations aux fins d’emploi qui aggravent l’exposition des travailleurs migrants à l’exploitation, le non-respect de l’obligation d’empêcher le licenciement abusif de travailleuses enceintes dans le service public, et l’adoption de mesures délibérément régressives qui sont incompatibles avec des obligations fondamentales sont autant d’exemples de la violation du droit considéré.

Les violations peuvent aussi résulter d’omissions, c’est-à-dire le non-respect par un État partie de l’obligation qui lui est faite de prendre des mesures raisonnables en vue de la pleine réalisation du droit conféré à toute personne, par exemple en omettant de faire appliquer les lois pertinentes et les politiques appropriées, ou de réglementer les activités des individus et des groupes de manière à les empêcher de porter atteinte au droit, ou de tenir compte des obligations résultant du Pacte lorsqu’ils concluent des accords bilatéraux ou multilatéraux avec d’autres États, des organisations internationales ou des entreprises multinationales.

Les États parties doivent mettre en place un dispositif adéquat de suivi et de responsabilisation en garantissant l’accès à la justice ou à d’autres recours utiles.