E/C.12/GC/21

Distr. générale

21 décembre 2009

Français

Original: anglais

C omité des droits économiques, sociaux et culturels Quarante ‑ trois ième sessionGenève, 2-20 novembre 2009

Observation générale no 21

Droit de chacun de participer à la vie culturelle (art. 15, par. 1 a),du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels)

I.Introduction et principes de base

1.Les droits culturels sont partie intégrante des droits de l’homme et, au même titre que les autres droits, sont universels, indissociables et interdépendants. La promotion et le respect pleins et entiers des droits culturels sont indispensables à la préservation de la dignité humaine et à une interaction sociale positive entre les individus et les communautés dans un monde divers et multiculturel.

2.Le droit de chacun de participer à la vie culturelle est étroitement lié aux autres droits culturels énoncés à l’article 15: droit de bénéficier du progrès scientifique et de ses applications (art. 15, par. 1 b)); droit de chacun de bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur (art. 15, par. 1 c)); et liberté indispensable à la recherche scientifique et aux activités créatrices (art. 15, par. 3). Le droit de chacun de participer à la vie culturelle est aussi intrinsèquement lié au droit à l’éducation (art. 13 et 14), qui permet aux individus et aux communautés de transmettre leurs valeurs, leur religion, leurs coutumes, leur langue et d’autres références culturelles, et qui contribue à promouvoir la compréhension et le respect des valeurs culturelles d’autrui. Il est aussi corrélé à d’autres droits consacrés par le Pacte, notamment le droit de tous les peuples de disposer d’eux‑mêmes (art. 1) et le droit à un niveau de vie suffisant (art. 11).

3.Le droit de chacun de prendre part à la vie culturelle est aussi reconnu au paragraphe 1 de l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui dispose que toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté. D’autres instruments internationaux évoquent le droit de prendre part, dans des conditions d’égalité, aux activités culturelles; le droit de participer à tous les aspects de la vie culturelle; le droit de participer pleinement à la vie culturelle et artistique; le droit à l’accès et à la participation à la vie culturelle; et le droit de participer à la vie culturelle, sur la base de l’égalité avec les autres. Les instruments relatifs aux droits civils et politiques, aux droits des personnes appartenant à des minorités de jouir de leur propre culture, de professer et de pratiquer leur propre religion et d’utiliser leur propre langue, en privé et en public et de participer pleinement à la vie culturelle, aux droits collectifs des peuples autochtones sur leurs institutions culturelles, leurs terres ancestrales, leurs ressources naturelles et leurs connaissances traditionnelles, et au droit au développement, contiennent aussi des dispositions importantes en la matière.

4.Dans la présente observation générale, le Comité aborde expressément le droit de chacun, énoncé au paragraphe 1 a) de l’article 15, de participer à la vie culturelle, en liaison avec les paragraphes 2, 3 et 4, ayant respectivement trait à la culture, aux activités créatrices et au développement de la coopération et des contacts internationaux dans le domaine de la culture. Le droit de chacun de bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur, énoncé au paragraphe 1 c) de l’article 15, fait déjà l’objet de l’Observation générale no 17 (2005).

5.Le Comité a acquis une longue expérience dans ce domaine en examinant les rapports périodiques et en dialoguant avec les États parties. En outre, il a organisé à deux reprises une journée de débat général, en 1992, puis en 2008, avec des représentants des organisations internationales et de la société civile dans le but d’établir la présente observation générale.

II.Contenu normatif du paragraphe 1 a) de l’article 15

6.Le droit de participer à la vie culturelle peut être assimilé à une liberté. Pour qu’il soit garanti, l’État partie doit à la fois s’abstenir (ne pas s’ingérer dans les pratiques culturelles et l’accès aux biens et services culturels) et agir de manière positive (assurer les conditions nécessaires à la participation à la vie culturelle, faciliter et promouvoir celle‑ci et assurer l’accès aux biens culturels ainsi que leur préservation).

7.Toute décision d’une personne d’exercer ou de ne pas exercer le droit de participer à la vie culturelle individuellement, ou en association avec d’autres, est un choix culturel qui, en tant que tel, devrait être reconnu, respecté et protégé au nom de l’égalité. Cela revêt une importance particulière pour tous les peuples autochtones, qui ont le droit de jouir pleinement, de manière collective ou individuelle, de l’ensemble des droits de l’homme et des libertés fondamentales consacrés par la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme et le droit international des droits de l’homme, ainsi que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

A.Éléments du paragraphe 1 a) de l’article 15

8.Le sens et la portée des termes employés au paragraphe 1 a) de l’article 15 du Pacte sur le droit de chacun «de participer à la vie culturelle» sont définis plus loin:

«Chacun»

9.Dans son Observation générale no17 sur le droit de bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur, le Comité considère que le terme «chacun», à la première ligne de l’article 15, peut s’appliquer à un individu ou à un groupe. En d’autres termes, les droits culturels peuvent être exercés par une personne a) en tant qu’individu, b) en association avec d’autres, ou c) au sein d’une communauté ou d’un groupe.

«La vie culturelle»

10.Plusieurs définitions de la «culture» ont été données par le passé et d’autres le seront peut‑être à l’avenir. Mais toutes évoquent les multiples éléments inhérents à la notion de culture.

11.De l’avis du Comité, la culture est une notion vaste qui englobe, sans exclusive, toutes les manifestations de l’existence humaine. En outre, l’expression «vie culturelle» est une référence explicite à la culture en tant que processus vivant, qui est historique, dynamique et évolutif et qui a un passé, un présent et un futur.

12.La notion de culture ne doit pas être considérée comme une série de manifestations isolées ou de compartiments hermétiques, mais comme un processus interactif par lequel les personnes et les communautés, tout en préservant leurs spécificités individuelles et leurs différences, expriment la culture de l’humanité. Elle prend en compte le caractère individuel et «autre» de la culture en tant que création et produit d’une société.

13.Le Comité considère que, aux fins de la mise en œuvre du paragraphe 1 a) de l’article 15, la culture comprend notamment le mode de vie, la langue, la littérature orale et écrite, la musique et la chanson, la communication non verbale, la religion ou les croyances, les rites et cérémonies, les sports et les jeux, les méthodes de production ou la technologie, l’environnement naturel et humain, l’alimentation, l’habillement et l’habitation, ainsi que les arts, les coutumes et les traditions, par lesquels des individus, des groupes d’individus et des communautés expriment leur humanité et le sens qu’ils donnent à leur existence, et construisent leur vision du monde représentant leurs rapports avec les forces extérieures qui influent sur leur vie. La culture façonne et reflète les valeurs de bien-être ainsi que la vie économique, sociale et politique d’individus, de groupes d’individus et de communautés.

«De participer» ou «de prendre part»

14.Les termes «participer» et «prendre part» ont la même signification et sont utilisés de manière indifférenciée dans les instruments internationaux et régionaux.

15.Il existe au moins trois composantes principales interdépendantes du droit de participer ou de prendre part à la vie culturelle: a) la participation, b) l’accès et c) la contribution à la vie culturelle.

a)La participation recouvre en particulier le droit de chacun − seul, en association avec d’autres ou au sein d’une communauté − d’agir librement, de choisir sa propre identité, de s’identifier ou non à une ou plusieurs communautés données ou de modifier ce choix, de prendre part à la vie politique, d’exercer ses propres pratiques culturelles et de s’exprimer dans la langue de son choix. Chacun a aussi le droit de rechercher et de développer des connaissances et des expressions culturelles et de les partager avec d’autres, ainsi que d’agir de manière créative et de prendre part à des activités créatrices;

b)L’accès recouvre en particulier le droit de chacun − seul, en association avec d’autres ou au sein d’une communauté − de connaître et de comprendre sa propre culture et celle des autres par l’éducation et l’information, et de recevoir un enseignement et une formation de qualité qui tiennent dûment compte de l’identité culturelle. Chacun a aussi le droit d’accéder à des formes d’expression et de diffusion grâce à n’importe quel moyen technique d’information ou de communication, de suivre un mode de vie impliquant l’utilisation de biens et de ressources culturels tels que la terre, l’eau, la biodiversité, la langue ou des institutions particulières, et de bénéficier du patrimoine culturel et de la création d’autres individus et communautés;

c)La contribution à la vie culturelle recouvre le droit de chacun de participer à la création des expressions spirituelles, matérielles, intellectuelles et émotionnelles de la communauté. Elle est étayée par le droit de prendre part au développement de la communauté à laquelle une personne appartient, ainsi qu’à la définition, à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques et de décisions qui influent sur l’exercice des droits culturels d’une personne.

B.Éléments du droit de participer à la vie culturelle

16.Les conditions ci‑après sont nécessaires à la pleine réalisation du droit de chacun de participer à la vie culturelle dans des conditions d’égalité et de non‑discrimination:

a)La disponibilités’entend de la présence de biens et services culturels dont chacun est libre de jouir et de bénéficier, notamment: les bibliothèques, musées, théâtres, cinémas et stades de sport; la littérature, y compris le folklore, et les arts sous toutes leurs formes; les espaces publics indispensables à l’interaction culturelle tels que les parcs, les places, les avenues et les rues; les bienfaits de la nature dont jouit un État tels que les mers, lacs, fleuves, montagnes, forêts et réserves naturelles, y compris la flore et la faune qui s’y trouvent, qui donnent aux différents pays leurs caractéristiques et leur biodiversité; les biens culturels incorporels tels que les langues, les coutumes, les traditions, les croyances, le savoir et l’histoire, ainsi que les valeurs qui en constituent l’identité et contribuent à la diversité culturelle des individus et des communautés. Parmi tous les biens culturels, la relation de parenté interculturelle productive qui s’établit lorsque différents groupes, minorités et communautés peuvent librement partager le même territoire revêt un intérêt particulier;

b)L’accessibilité s’entend des possibilités effectives et concrètes qui sont offertes aux individus et aux communautés de jouir pleinement de la culture, dans des conditions qui sont accessibles physiquement et financièrement à tous dans les zones urbaines et rurales, sans discrimination. À cet égard, il est essentiel que l’accès des personnes âgées et des personnes handicapées, ainsi que ceux qui vivent dans la pauvreté, soit assuré et facilité. L’accessibilité comprend aussi le droit de chacun de rechercher, de recevoir et de partager des informations sur toutes les manifestations culturelles dans la langue de son choix et l’accès des communautés aux moyens d’expression et de diffusion;

c)L’a cceptabilité implique que les lois, politiques, stratégies, programmes et mesures adoptés par l’État partie en matière de droits culturels devraient être élaborés et mis en œuvre d’une manière acceptable pour les individus et les communautés concernés. À cet égard, des consultations devraient être organisées avec les individus et les communautés concernés afin de veiller à ce que les mesures adoptées pour protéger la diversité culturelle soient acceptables aux yeux de tous;

d)L’adaptabilités’entend de la souplesse et de la pertinence des stratégies, politiques, programmes et mesures adoptés par l’État partie dans chaque domaine de la vie culturelle, qui doivent être respectueux de la diversité culturelle des individus et des communautés;

e)L’adéquation se réfère à la réalisation d’un droit particulier d’une manière qui soit pertinente et qui convienne à une modalité ou un contexte culturel donné, c’est-à-dire qui soit respectueuse de la culture et des droits culturels des individus et communautés, y compris des minorités et des peuples autochtones. Le Comité s’est référé à maintes reprises à la notion d’adéquation culturelle (ou d’acceptabilité culturelle) dans ses observations générales précédentes, en particulier celles relatives aux droits à l’alimentation, à la santé, à l’eau, au logement et à l’éducation. La manière dont les droits sont mis en œuvre peut avoir une incidence sur la vie culturelle et la diversité culturelle. Le Comité tient à souligner à cet égard la nécessité de prendre en compte, dans la mesure du possible, les valeurs culturelles attachées, entre autres, à l’alimentation et la consommation d’aliments, l’utilisation de l’eau, la façon dont les services d’éducation et de santé sont dispensés et la manière dont les logements sont conçus et construits.

C.Limitations du droit de participer à la vie culturelle

17.Le droit de chacun de participer à la vie culturelle est intimement lié à l’exercice des autres droits reconnus dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Par conséquent, les États parties ont le devoir de s’acquitter de leurs obligations découlant du paragraphe 1 a) de l’article 15, d’une part, et de celles découlant d’autres dispositions du Pacte et d’autres instruments internationaux, d’autre part, afin de promouvoir et de protéger l’ensemble des droits de l’homme garantis par le droit international.

18.Le Comité tient à rappeler que, s’il convient de tenir compte des particularismes nationaux et régionaux et de la diversité historique, culturelle et religieuse, il est du devoir des États, quel qu’en soit le système politique, économique et culturel, de promouvoir et de protéger tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales. Ainsi, nul ne peut invoquer la diversité culturelle pour porter atteinte aux droits de l’homme garantis par le droit international, ni pour en limiter la portée.

19.Dans certaines circonstances, en particulier dans le cas de pratiques néfastes − liées notamment à des coutumes et traditions − qui portent atteinte à d’autres droits de l’homme, il peut être nécessaire d’imposer des limitations au droit de chacun de participer à la vie culturelle. De telles limitations doivent répondre à un objectif légitime, être compatibles avec la nature de ce droit et être indispensables à la promotion du bien-être général dans une société démocratique, conformément à l’article 4 du Pacte. Elles doivent donc être proportionnées, ce qui signifie que c’est la mesure la moins restrictive qui doit être adoptée lorsque plusieurs types de limitations sont possibles. Le Comité tient également à souligner la nécessité de prendre en considération les normes internationales relatives aux droits de l’homme concernant les limitations qui peuvent ou non être légitimement imposées à des droits intrinsèquement liés au droit de participer à la vie culturelle comme le droit à la vie privée, la liberté de pensée, de conscience et de religion, la liberté d’opinion et d’expression, le droit de réunion pacifique et la liberté d’association.

20.Le paragraphe 1 a) de l’article 15 ne peut être interprété comme supposant pour un État, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant la destruction des droits et des libertés reconnus dans le Pacte ou à des limitations plus amples que celles prévues dans ledit Pacte.

D.Thèmes spéciaux de portée générale

Non-discrimination et égalité de traitement

21.Le paragraphe 2 de l’article 2 et l’article 3 du Pacte interdisent toute discrimination dans l’exercice du droit de chacun de participer à la vie culturelle, qu’elle soit fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

22.En particulier, nul ne doit souffrir de discrimination pour avoir choisi d’appartenir ou de ne pas appartenir à une communauté ou un groupe culturel donné, ou d’exercer ou de ne pas exercer une activité culturelle particulière. De même, nul ne doit être privé de l’accès aux pratiques, biens et services culturels.

23.Le Comité souligne que l’élimination de toutes les formes de discrimination visant à garantir l’exercice du droit de chacun de participer à la vie culturelle peut souvent s’obtenir avec des ressources limitées grâce à l’adoption, à la modification ou à l’abrogation de textes législatifs ou à la publicité et à la diffusion d’informations. En particulier, une première étape importante vers l’élimination de la discrimination, directe ou indirecte, est la reconnaissance par les États de la diversité des identités culturelles des individus et communautés présents sur leur territoire. Le Comité renvoie au paragraphe 12 de l’Observation générale no 3 (1990) sur la nature des obligations des États parties, selon lequel, même en temps de grave pénurie de ressources, les éléments vulnérables de la société peuvent et doivent être protégés grâce à la mise en œuvre de programmes spécifiques relativement peu coûteux.

24.L’adoption à titre temporaire de mesures spéciales, destinées uniquement à garantir l’égalité de fait, ne constitue pas une discrimination dès lors que ces mesures ne conduisent pas au maintien de l’application pour certains individus ou groupes d’individus de normes de protection inégale ou distincte, et à condition qu’elles ne soient pas maintenues une fois atteints les objectifs pour lesquels elles ont été adoptées.

E.Personnes et communautés ayant besoin d’une protection spéciale

1.Femmes

25.Le droit égal des hommes et des femmes à la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels est impératif et immédiatement applicable pour les États parties. Pour l’application de l’article 3 du Pacte, lu en liaison avec le paragraphe 1 a) de l’article 15, l’État partie doit notamment supprimer les obstacles institutionnels et juridiques ainsi que ceux reposant sur des pratiques néfastes − liées notamment à des coutumes et traditions − qui empêchent les femmes de participer pleinement à la vie culturelle, à l’enseignement des sciences et à la recherche scientifique.

2.Enfants

26.Les enfants jouent un rôle fondamental dans l’acquisition et la transmission des valeurs culturelles entre générations. Les États parties devraient prendre toutes les mesures nécessaires pour stimuler et développer le plein potentiel des enfants dans le domaine de la vie culturelle, en tenant dûment compte des droits et responsabilités de leurs parents ou tuteurs. En particulier, lorsqu’ils prennent en considération leurs obligations en vertu du Pacte et d’autres instruments internationaux en matière de droit à l’éducation, notamment pour ce qui a trait aux buts de l’éducation, les États devraient se rappeler que l’un des objectifs fondamentaux du développement de l’éducation est la transmission et l’enrichissement des valeurs culturelles et morales communes dans lesquelles l’individu et la société trouvent leur identité et leur valeur. Par conséquent, l’éducation doit être culturellement adéquate, y compris l’enseignement des droits de l’homme, et permettre aux enfants de développer leur personnalité et leur identité culturelle, et de connaître et comprendre les valeurs et pratiques culturelles de la communauté à laquelle ils appartiennent comme celles des autres communautés et sociétés.

27.Le Comité tient à rappeler à cet égard que les programmes éducatifs devraient répondre aux besoins particuliers des minorités nationales ou ethniques, linguistiques et religieuses, et des peuples autochtones, et intégrer leur histoire, leur savoir et leurs techniques, ainsi que leurs systèmes de valeurs et leurs autres aspirations sociales, économiques et culturelles. Ces éléments devraient figurer dans les programmes scolaires destinés à tous les enfants, et pas uniquement à ceux qui appartiennent à des minorités ou des peuples autochtones. Les États parties devraient prendre des mesures et n’épargner aucun effort pour que les programmes éducatifs destinés aux groupes minoritaires et autochtones leur soient dispensés dans leur propre langue, en prenant en considération les souhaits exprimés par les communautés et les normes internationales relatives aux droits de l’homme pertinentes en la matière. Les programmes éducatifs devraient aussi transmettre le savoir nécessaire pour que chacun puisse participer pleinement et sur un pied d’égalité dans sa propre communauté et dans la communauté nationale.

3.Personnes âgées

28.Le Comité est d’avis que les États parties au Pacte ont l’obligation d’accorder une attention particulière à la promotion et à la protection des droits culturels des personnes âgées. Il souligne le rôle important que les personnes âgées jouent encore dans beaucoup de sociétés du fait de leurs aptitudes créatives, artistiques et intellectuelles et en tant que vecteurs de la transmission de l’information, du savoir, des traditions et des valeurs culturelles. C’est pourquoi le Comité attache une importance particulière au contenu des recommandations 44 et 48 du Plan d’action international de Vienne sur le vieillissement, selon lesquelles il conviendrait de concevoir des programmes d’enseignement qui permettent aux personnes âgées de jouer leur rôle d’enseignants et de relais de la connaissance, de la culture et des valeurs spirituelles, et les gouvernements et les organisations internationales sont encouragés à soutenir les programmes qui visent à faciliter l’accès physique des personnes âgées aux installations culturelles (musées, théâtres, salles de concert, cinémas, etc.).

29.Par conséquent, le Comité engage les États parties à tenir compte des recommandations contenues dans les Principes des Nations Unies pour les personnes âgées et en particulier du Principe 7, selon lequel les personnes âgées devraient rester intégrées dans la société, participer activement à la définition et à l’application des politiques qui touchent directement leur bien‑être et partager leurs connaissances et leur savoir‑faire avec les jeunes générations, ainsi que du Principe 16, selon lequel les personnes âgées devraient avoir accès aux ressources de la société sur le plan éducatif, culturel, spirituel et en matière de loisirs.

4.Personnes handicapées

30.Le paragraphe 17 des Règles pour l’égalisation des chances des handicapés dispose que les États devraient faire en sorte que les handicapés aient la possibilité de mettre en valeur leur potentiel créatif, artistique et intellectuel, non seulement dans leur propre intérêt, mais aussi dans celui de la collectivité, que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural, et que les États devraient veiller à ce que les handicapés aient accès aux lieux d’activités et de services culturels.

31.Afin de faciliter l’accès des personnes handicapées à la vie culturelle, les États parties devraient notamment reconnaître le droit de ces personnes d’avoir accès aux produits culturels, aux émissions de télévision, aux films, aux pièces de théâtre et autres activités culturelles dans des formats accessibles; d’accéder aux lieux d’activités culturelles tels que les théâtres, les musées, les cinémas, les bibliothèques et les services touristiques, et, dans la mesure du possible, aux monuments et sites importants pour la culture nationale; d’obtenir la reconnaissance de leur identité culturelle et linguistique spécifique, y compris les langues des signes et la culture des sourds; et de bénéficier de mesures encourageant et promouvant leur participation, dans toute la mesure possible, aux activités récréatives, de loisirs et sportives.

5.Minorités

32.De l’avis du Comité, le paragraphe 1 a) de l’article 15 du Pacte porte aussi sur le droit des minorités et des personnes appartenant à des minorités de participer à la vie culturelle de la société et de préserver, promouvoir et développer leur propre culture. De ce droit découle l’obligation pour les États parties de reconnaître, de respecter et de protéger les cultures minoritaires en tant que composantes essentielles de l’identité des États eux‑mêmes. En conséquence, les minorités ont le droit de jouir de leur diversité culturelle, de leurs traditions, de leurs coutumes, de leur religion, de leurs formes d’éducation, de leurs langues, de leurs moyens de communication (presse, radio, télévision, Internet, etc.) et de toutes les manifestations particulières de leur identité et de leur appartenance culturelle.

33.Les minorités et les personnes appartenant à des minorités ont le droit non seulement de jouir de leur propre identité, mais aussi de se développer dans tous les domaines de la vie culturelle. Ainsi, tout programme visant à promouvoir l’intégration constructive des minorités et des personnes appartenant à des minorités dans la société d’un État partie devrait reposer sur l’intégration, la participation et la non‑discrimination, afin de préserver le caractère distinctif des cultures minoritaires.

6.Migrants

34.Les États parties devraient accorder une attention particulière à la protection de l’identité culturelle des migrants, de leur langue, leur religion et leur folklore, ainsi que de leur droit d’organiser des manifestations culturelles, artistiques et interculturelles. Ils ne devraient pas les empêcher de maintenir leurs liens culturels avec leur pays d’origine.

35. L’éducation étant intrinsèquement liée à la culture, le Comité recommande aux États parties de prendre des mesures appropriées pour aider les enfants de migrants à suivre, dans des conditions d’égalité, l’enseignement dispensé dans le cadre des établissements et des programmes éducatifs administrés par l’État.

7.Peuples autochtones

36.Les États parties devraient prendre des mesures visant à garantir que l’exercice du droit de participer à la vie culturelle tient dûment compte des valeurs associées à la vie culturelle, qui peuvent avoir une dimension collective marquée ou qui ne peuvent être exprimées et vécues qu’en tant que communauté par les peuples autochtones. La forte dimension collective des droits des peuples autochtones est indispensable à leur existence, à leur bien‑être et à leur développement intégral et comprend le droit aux terres, territoires et ressources qu’ils possèdent ou occupent traditionnellement ou qu’ils ont utilisés ou acquis. Les valeurs culturelles et les droits des peuples autochtones qui ont trait à leurs terres ancestrales et à leur relation avec la nature devraient être considérés avec respect et protégés, afin d’empêcher la dégradation de leur mode de vie particulier, notamment de leurs moyens de subsistance, la perte de leurs ressources naturelles et, en fin de compte, de leur identité culturelle. Les États parties doivent donc prendre des mesures visant à reconnaître et protéger les droits des peuples autochtones de posséder, de mettre en valeur, de contrôler et d’utiliser leurs terres, leurs ressources et leurs territoires communaux et, lorsque ceux-ci ont été habités ou utilisés sans leur consentement libre et informé, prendre des mesures pour que ces terres et ces territoires leur soient rendus.

37.Les peuples autochtones ont le droit d’agir collectivement pour faire respecter leur droit de conserver, de protéger et de développer leur patrimoine culturel, leur savoir traditionnel et leur expressions culturelles traditionnelles, ainsi que les manifestations de leurs sciences, techniques et cultures, y compris leurs ressources humaines et génétiques, leurs semences, leurs médecines, leur connaissance des propriétés de la faune et de la flore, leurs traditions orales, leur littérature, leurs dessins et modèles, leurs sports et leurs jeux traditionnels, ainsi que leurs arts visuels et leurs spectacles. Les États parties devraient respecter le principe du consentement préalable des peuples autochtones, librement donné et en connaissance de cause, pour toutes les questions visées par leurs droits spécifiques.

8.Personnes vivant dans la pauvreté

38.Le Comité estime que chaque personne ou groupe de personnes possède une richesse culturelle inhérente à son humanité et, par conséquent, apporte et continue d’apporter une contribution notable au développement de la culture. Néanmoins, il faut garder à l’esprit que dans la pratique, la pauvreté restreint sensiblement l’aptitude d’une personne ou d’un groupe de personnes à exercer son droit de participer, d’accéder et de contribuer sur un pied d’égalité à toutes les sphères de la vie culturelle et, ce qui est plus grave, amoindrit fortement ses perspectives d’avenir et ses capacités de jouir dans les faits de sa propre culture. Le point commun fondamental des personnes vivant dans la pauvreté est de ressentir un sentiment d’impuissance qui est souvent une conséquence de leur situation. La prise de conscience de leurs droits de l’homme, en particulier du droit de chacun de participer à la vie culturelle, peut grandement contribuer à la responsabilisation des personnes ou groupes vivant dans la pauvreté.

39.La culture, en tant que produit social, doit être mise à la portée de tous, dans des conditions d’égalité, de non‑discrimination et de participation. Par conséquent, en mettant en œuvre les obligations juridiques consacrées au paragraphe 1 a) de l’article 15 du Pacte, les États parties doivent adopter sans retard des mesures concrètes pour garantir une protection adéquate et le plein exercice du droit des personnes vivant dans la pauvreté et de leur communauté de participer à la vie culturelle. À cet égard, le Comité renvoie les États parties à sa déclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

F.Diversité culturelle et droit de participer à la vie culturelle

40. La défense de la diversité culturelle est un impératif éthique, inséparable du respect de la dignité de la personne humaine. Elle implique l’engagement de respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales, et exige la pleine réalisation des droits culturels, y compris du droit de participer à la vie culturelle.

41.Les cultures n’ont pas de frontières fixes. Les phénomènes de migration, d’intégration, d’assimilation et de mondialisation ont rapproché plus que jamais des cultures, groupes et individus différents, à un moment où chacun d’entre eux s’efforce de conserver sa propre identité.

42.Étant donné que la mondialisation a des effets positifs et négatifs, les États parties doivent prendre des mesures appropriées pour éviter qu’elle n’ait des conséquences néfastes pour le droit de participer à la vie culturelle, en particulier des individus et des groupes les plus défavorisés et marginalisés comme les personnes vivant dans la pauvreté. Loin d’avoir produit une culture mondiale unique, la mondialisation a en réalité fait la preuve que la notion de culture implique la coexistence de différentes cultures.

43.Les États parties devraient aussi garder à l’esprit que les activités, les biens et les services culturels ont une dimension économique et culturelle qui les rend porteurs d’identités, de valeurs et de sens, et ne doivent pas être traités comme ayant exclusivement une valeur commerciale. En particulier, gardant à l’esprit l’article 15 2) du Pacte, les États devraient adopter des mesures pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles, et permettre à toutes les cultures de s’exprimer et se faire connaître. À cet égard, il conviendrait de tenir dûment compte des normes relatives aux droits de l’homme, notamment au droit à l’information et à l’expression, et de la nécessité de protéger la libre circulation des idées par les mots et par l’image. Ces mesures devraient viser également à empêcher que les signes, symboles et expressions d’une culture particulière ne soient utilisés en dehors de leur contexte à des fins de commercialisation ou d’exploitation par les grands médias.

III.Obligations des États parties

A.Obligations juridiques générales

44.Le Pacte impose aux États parties l’obligation avec effet immédiat de garantir l’exercice, sans discrimination, du droit énoncé au paragraphe 1 a) de l’article 15, de reconnaître les pratiques culturelles et de ne pas entraver leur exercice et leur développement.

45.Même si le Pacte prévoit la réalisation «progressive» des droits qui y sont énoncés et prend en considération les contraintes dues à la limitation des ressources disponibles, il impose aux États parties l’obligation précise et constante d’adopter des mesures concrètes délibérées visant l’application intégrale du droit de chacun de participer à la vie culturelle.

46.Comme pour tous les autres droits énoncés dans le Pacte, celui-ci n’autorise aucune mesure régressive s’agissant du droit de chacun de participer à la vie culturelle. S’il prend une mesure délibérément régressive, l’État partie doit donc apporter la preuve qu’il l’a fait après avoir mûrement pesé toutes les autres solutions possibles et qu’elle est justifiée eu égard à l’ensemble des droits visés dans le Pacte.

47.Compte tenu de l’interdépendance des droits énoncés à l’article 15 du Pacte (voir le paragraphe 2 ci dessus), la pleine réalisation du droit de chacun de participer à la vie culturelle exige aussi l’adoption des mesures nécessaires pour assurer le maintien, le développement et la diffusion de la science et de la culture, ainsi que de mesures visant à garantir le respect de la liberté indispensable à la recherche scientifique et aux activités créatrices, conformément, respectivement, aux paragraphes 2 et 3 de l’article 15.

B.Obligations juridiques spécifiques

48.Le droit de chacun de participer à la vie culturelle impose, comme pour les autres droits consacrés par le Pacte, trois catégories ou niveaux d’obligation aux États parties: a) l’obligation de le respecter; b) l’obligation de le protéger; et c) l’obligation de le mettre en œuvre. L’obligation de respecter le droit de participer à la vie culturelle exige de l’État qu’il s’abstienne d’en entraver, directement ou indirectement, l’exercice. L’obligation de protéger requiert des États parties qu’ils prennent des mesures pour empêcher des tiers de s’immiscer dans l’exercice du droit de participer à la vie culturelle. Enfin, l’obligation de mettre en œuvre suppose que l’État partie prenne des mesures appropriées d’ordre législatif, administratif, judiciaire, budgétaire, incitatif ou autre pour assurer la pleine réalisation de ce droit, tel qu’il est énoncé au paragraphe 1 a) de l’article 15 du Pacte.

49.L’obligation de respecter suppose l’adoption de mesures spécifiques de nature à garantir le respect du droit de chacun, individuellement, en association avec d’autres, ou au sein d’une communauté ou d’un groupe:

a)De choisir librement sa propre identité culturelle, d’appartenir ou non à une communauté et de voir son choix respecté;

Cela inclut le droit de n’être soumis à aucune forme de discrimination fondée sur l’identité culturelle, l’exclusion ou l’assimilation forcée, et le droit de chacun d’exprimer librement son identité culturelle et d’exercer librement ses pratiques culturelles et son mode de vie. En conséquence, les États parties devraient veiller à ce que leurs législations n’entravent pas l’exercice de ces droits par une discrimination directe ou indirecte.

b)De jouir de la liberté d’opinion et d’expression dans la ou les langues de son choix, et le droit de rechercher, de recevoir et de transmettre des informations et des idées de toutes sortes sous toutes les formes, y compris artistiques, sans considération de frontières;

Cela suppose le droit de chacun d’accéder et de participer à des échanges d’informations variés et d’accéder aux biens et services culturels, considérés comme vecteurs d’identité, de valeurs et de sens.

c)De jouir de la liberté de créer, individuellement, en association avec d’autres, ou au sein d’une communauté ou d’un groupe, ce qui suppose que les États parties doivent abolir toute censure éventuelle à l’égard des activités culturelles dans les domaines de l’art et d’autres formes d’expression;

Cette obligation est étroitement liée au devoir qu’ont les États parties, en vertu du paragraphe 3 de l’article 15 du Pacte, «de respecter la liberté indispensable à la recherche scientifique et aux activités créatrices».

d)D’avoir accès à son propre patrimoine culturel et linguistique ainsi qu’aux patrimoines culturels et linguistiques d’autres cultures;

En particulier, les États doivent respecter le libre accès des minorités à leur culture, leur patrimoine et autres formes d’expression qui leur sont propres, ainsi que le libre exercice de leur identité et de leurs pratiques culturelles. Cela inclut le droit de recevoir un enseignement relatif à sa culture et aux autres cultures. Les États parties doivent également respecter le droit des peuples autochtones à leur culture et à leur patrimoine ainsi qu’au maintien et au renforcement du lien spirituel qui les unit à leurs terres ancestrales et aux autres ressources naturelles qu’ils possèdent, occupent ou utilisent depuis toujours et qui sont indispensables à leur vie culturelle.

e)De participer librement, activement, en connaissance de cause et sans discrimination, à tout processus important de prise de décisions susceptible d’avoir des effets sur son mode de vie et ses droits en vertu du paragraphe 1 a) de l’article 15.

50.Dans de nombreux cas, les obligations de respecter et de protéger les libertés, le patrimoine culturel et la diversité culturelle ne peuvent être énumérées séparément car elles sont liées les unes aux autres. En conséquence, l’obligation de protéger doit être comprise comme exigeant des États qu’ils prennent des mesures pour empêcher des tiers de s’immiscer dans l’exercice des droits mentionnés au paragraphe 49 ci-dessus. En outre, les États parties ont l’obligation:

a)De respecter et protéger le patrimoine culturel sous toutes ses formes, en temps de guerre comme en temps de paix, y compris en cas de catastrophe naturelle;

Le patrimoine culturel doit être préservé, mis en valeur, enrichi et transmis aux générations futures en tant que témoignage de l’expérience et des aspirations humaines, afin de nourrir la créativité dans toute sa diversité et d’instaurer un véritable dialogue entre les cultures. De telles obligations incluent la protection, la préservation et la restauration des sites historiques, monuments, œuvres d’art et œuvres littéraires, entre autres.

b)De respecter et protéger le patrimoine culturel de tous les groupes et communautés, en particulier les individus et les groupes les plus défavorisés et marginalisés, dans le cadre des politiques et programmes axés sur le développement économique et l’environnement;

Une attention particulière devrait être accordée aux conséquences néfastes de la mondialisation, de la privatisation excessive des biens et services et de la déréglementation pour le droit de participer à la vie culturelle.

c)De respecter et promouvoir les productions culturelles des peuples autochtones, y compris leur savoir traditionnel, leurs médecines naturelles, leur folklore, leurs rites et autres formes d’expression;

Cela inclut la protection contre l’exploitation illégale ou injuste de leurs terres, territoires et ressources par des entités publiques, des entreprises privées ou des sociétés transnationales.

d)De promulguer et faire respecter une législation interdisant la discrimination fondée sur l’identité culturelle ainsi que toute apologie de la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, l’hostilité ou la violence, en prenant en considération les articles 19 et 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’article 4 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

51.L’obligation de mettre en œuvre englobe l’obligation de faciliter, l’obligation de promouvoir et l’obligation de fournir.

52.Les États parties ont pour obligation de faciliter l’exercice du droit de chacun de participer à la vie culturelle en prenant des mesures financières et d’autres mesures positives de nature à contribuer à la réalisation de ce droit, et notamment:

a)D’adopter des politiques culturelles pour la protection et la promotion de la diversité culturelle, et de faciliter l’accès à un ensemble riche et diversifié d’expressions culturelles, grâce, notamment, à des mesures visant à établir et appuyer les institutions publiques et l’infrastructure culturelle nécessaires à la mise en œuvre des politiques culturelles; et des mesures visant à accroître la diversité grâce à la radiodiffusion publique dans les langues régionales et minoritaires;

b)D’adopter des politiques culturelles qui permettent aux personnes appartenant à diverses communautés culturelles d’exercer librement et sans discrimination leurs propres pratiques culturelles et celles d’autrui, et de choisir librement leur mode de vie;

c)De promouvoir l’exercice du droit d’association des minorités culturelles et linguistiques en vue de la réalisation de leurs droits culturels et linguistiques;

d)D’accorder une aide financière ou autre à des artistes, des organismes publics et privés, notamment des académies des sciences, des associations culturelles, des syndicats et d’autres personnes ou institutions engagées dans des activités scientifiques et créatrices;

e)D’encourager les scientifiques, artistes et autres personnes qui participent à des activités de recherche scientifique ou culturelle internationales, telles que colloques, conférences, séminaires ou ateliers;

f)De prendre des mesures ou de mettre en place des programmes appropriés pour aider les minorités ou les autres communautés, notamment les communautés des migrants, à préserver leur culture;

g)De prendre des mesures appropriées pour remédier à certaines formes structurelles de discrimination, de façon que la sous‑représentation des personnes appartenant à certaines communautés dans la vie publique ne porte pas atteinte à leur droit de participer à la vie culturelle;

h)De prendre des mesures appropriées pour créer les conditions propices à une relation interculturelle constructive entre les personnes et les groupes sur la base du respect, de la compréhension et de la tolérance mutuels;

i)De prendre des mesures appropriées pour mener des campagnes auprès du public par l’intermédiaire des médias, des établissements d’enseignement et d’autres moyens disponibles, en vue d’éliminer tout préjugé fondé sur l’identité culturelle à l’égard d’individus ou de communautés.

53.L’obligation de promouvoir suppose que les États parties prennent des mesures concrètes pour veiller à ce que le public soit correctement éduqué et sensibilisé au droit de participer à la vie culturelle, en particulier dans les zones rurales et les zones urbaines défavorisées ou eu égard à la situation spécifique des minorités culturelles et des peuples autochtones, notamment. Cela inclut l’éducation et la sensibilisation à la nécessité de respecter le patrimoine culturel et la diversité culturelle.

54.L’obligation de mettre en œuvre suppose que les États parties fassent le nécessaire pour que le droit de participer à la vie culturelle puisse être exercé par des personnes ou des communautés qui, pour des raisons échappant à leur contrôle, ne peuvent exercer ce droit par elles-mêmes avec les moyens à leur disposition. Elle inclut par exemple:

a)L’adoption d’une législation appropriée et la création de mécanismes efficaces qui permettent aux personnes, individuellement, en association avec d’autres, ou au sein d’une communauté ou d’un groupe, de prendre part effectivement à la prise de décisions, de revendiquer la protection de leur droit de participer à la vie culturelle, et de porter plainte et d’être indemnisés en cas de violation de leurs droits;

b)La mise en place de programmes visant à préserver et restaurer le patrimoine culturel;

c)L’intégration de l’enseignement culturel, y compris de l’histoire, de la littérature, de la musique et de l’histoire d’autres cultures, dans les programmes scolaires à tous les niveaux, en consultation avec toutes les parties prenantes;

d)L’accès garanti pour tous, sans discrimination fondée sur la situation financière ou toute autre considération de condition sociale, aux musées, bibliothèques, cinémas, théâtres et activités, services et manifestations à caractère culturel.

C.Obligations fondamentales

55.Dans son Observation générale no 3 (1990), le Comité a souligné que les États parties avaient l’obligation minimum fondamentale d’assurer, au moins, la satisfaction de l’essentiel de chacun des droits énoncés dans le Pacte. Ainsi, conformément au Pacte et à d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et à la protection de la diversité culturelle, il estime qu’en vertu du paragraphe 1 a) de l’article 15 du Pacte les États parties ont l’obligation minimum de mettre en place et de promouvoir des conditions dans lesquelles chacun, individuellement, en association avec d’autres, ou au sein d’une communauté ou d’un groupe, puisse participer à la culture de son choix, ce qui entraîne les obligations fondamentales ci-après, applicables avec effet immédiat:

a)Prendre des mesures législatives et autres mesures nécessaires pour garantir la non-discrimination et l’égalité des sexes dans l’exercice du droit de chacun de participer à la vie culturelle;

b)Respecter le droit de chacun de s’identifier à une ou plusieurs communautés et de modifier son choix;

c)Respecter et protéger le droit de chacun d’exercer ses propres pratiques culturelles, tout en respectant les droits de l’homme, en particulier la liberté de pensée, de croyance et de religion, la liberté d’opinion et d’expression, le droit de chacun d’utiliser la langue de son choix, la liberté d’association et de réunion pacifique et la liberté de choisir et de créer un établissement d’enseignement;

d)Éliminer toute barrière ou obstacle interdisant ou limitant l’accès d’une personne à sa propre culture ou à d’autres cultures, sans discrimination et sans considération de frontières;

e)Autoriser et encourager la participation de personnes appartenant à des communautés comme les groupes minoritaires ou les peuples autochtones à l’élaboration et à la mise en œuvre des lois et politiques les concernant. Les États parties doivent notamment obtenir leur consentement libre et éclairé lorsque la préservation de leurs ressources culturelles, notamment celles qui sont associées à leurs mode de vie et expression culturelle, est menacée.

D.Obligations internationales

56.Dans son Observation générale no 3 (1990), le Comité appelle l’attention sur l’obligation faite aux États parties d’agir, tant par leurs efforts propres que par l’assistance et la coopération internationales, en particulier la coopération économique et technique, en vue d’assurer le plein exercice des droits reconnus dans le Pacte. Dans l’esprit de l’Article 56 de la Charte des Nations Unies, ainsi que de dispositions spécifiques du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (art. 2, par. 1, et art. 15 et 23), les États parties devraient reconnaître le rôle essentiel de la coopération internationale dans la réalisation des droits reconnus dans le Pacte, y compris le droit de chacun de participer à la vie culturelle, et devraient honorer leur engagement de prendre conjointement et séparément des mesures à cet effet.

57.Les États parties devraient, par voie d’accords internationaux s’il y a lieu, faire en sorte que le droit de chacun de participer à la vie culturelle bénéficie de l’attention voulue.

58.Le Comité rappelle que la coopération internationale pour le développement et, partant, la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, y compris le droit de participer à la vie culturelle, est une obligation qui incombe aux États parties, en particulier à ceux qui sont en mesure d’aider les autres États à cet égard. Cette obligation découle des Articles 55 et 56 de la Charte des Nations Unies, ainsi que du paragraphe 1 de l’article 2 et des articles 15 et 23 du Pacte.

59.Dans les négociations avec les institutions financières internationales et lors de la conclusion d’accords bilatéraux, les États parties devraient veiller à ce qu’il ne soit pas porté atteinte à l’exercice du droit énoncé au paragraphe 1 a) de l’article 15 du Pacte. Ainsi, les stratégies, programmes et politiques adoptés par les États parties dans le cadre des programmes d’ajustement structurel ne devraient pas entraver leurs obligations fondamentales en ce qui concerne le droit de chacun, en particulier des individus et groupes les plus défavorisés et marginalisés, de participer à la vie culturelle.

IV.Violations

60.Pour prouver qu’ils s’acquittent de leurs obligations générales et spécifiques, les États parties doivent montrer qu’ils ont pris des mesures appropriées afin d’assurer le respect et la protection des libertés culturelles et qu’ils ont fait le nécessaire, en utilisant au maximum les ressources dont ils disposent, pour assurer la réalisation du droit de chacun de participer à la vie culturelle. Les États parties doivent aussi montrer qu’ils ont garanti que ce droit soit exercé par les hommes et les femmes dans des conditions d’égalité et sans discrimination.

61.Pour déterminer dans quelle mesure les États parties se sont acquittés de leur obligation d’agir, le Comité examine si la mise en œuvre est raisonnable ou proportionnée au but qui consiste à réaliser les droits pertinents, si elle est conforme aux droits de l’homme et aux principes démocratiques et si elle est encadrée par des mécanismes adéquats de suivi et de responsabilisation.

62.Les violations peuvent découler de l’action directe d’un État partie ou d’autres entités ou institutions insuffisamment contrôlées par l’État, en particulier celles du secteur privé. De nombreuses violations du droit de participer à la vie culturelle peuvent se produire lorsque les États parties entravent l’accès d’individus ou de communautés à la vie culturelle ou aux pratiques, biens et services culturels.

63.Des violations du paragraphe 1 a) de l’article 15 peuvent également survenir lorsqu’un État omet ou s’abstient de prendre les mesures nécessaires pour s’acquitter des obligations juridiques qui lui incombent en vertu de cette disposition. Les violations par omission comprennent le manquement à l’obligation de prendre les mesures voulues pour assurer la pleine réalisation du droit de chacun de participer à la vie culturelle et l’absence de mesures visant à faire respecter les lois applicables ou à fournir des recours administratifs, judiciaires ou autres recours appropriés permettant à toute personne d’exercer pleinement son droit de participer à la vie culturelle.

64.Une violation peut également survenir lorsqu’un État partie a omis de prendre les mesures nécessaires pour éliminer les pratiques portant atteinte au bien-être d’une personne ou d’un groupe de personnes. Ces pratiques néfastes, y compris celles liées à des coutumes et des traditions, comme les mutilations génitales féminines et les allégations de sorcellerie, font obstacle au plein exercice par les personnes touchées du droit consacré par le paragraphe 1 a) de l’article 15 du Pacte.

65.Toute mesure délibérément régressive concernant le droit de participer à la vie culturelle devrait être mûrement pesée et pleinement justifiée eu égard à l’ensemble des droits visés dans le Pacte, et ce en utilisant au maximum les ressources disponibles.

V.Mise en œuvre au niveau national

A.Législation, stratégies et politiques

66.Bien que les États parties aient une grande marge de manœuvre pour ce qui est de choisir les mesures qu’ils jugent les plus appropriées pour honorer leurs obligations, ils doivent sans délai prendre les mesures nécessaires pour garantir l’accès de chacun, sans discrimination, à la vie culturelle.

67.Les États parties doivent prendre les mesures nécessaires, sans délai, pour s’acquitter immédiatement au moins des obligations fondamentales minimum (voir par. 56 ci-dessus). Un grand nombre de ces mesures, telles que celles qui visent à garantir la non-discrimination de jure, ne nécessitent pas obligatoirement de ressources financières. D’autres peuvent nécessiter des ressources financières mais sont néanmoins essentielles pour assurer l’exécution des obligations minimum. Ces mesures ne sont pas statiques et les États parties ont l’obligation d’avancer progressivement sur la voie de la pleine réalisation des droits reconnus dans le Pacte et, pour ce qui concerne la présente Observation générale, du droit énoncé au paragraphe 1 a) de l’article 15.

68.Le Comité encourage les États parties à utiliser le plus possible les ressources culturelles de valeur que recèle toute société et à les mettre à la portée de tous, en accordant une attention particulière aux individus et groupes les plus défavorisés et marginalisés, afin de garantir que chacun puisse accéder effectivement à une vie culturelle.

69.Le Comité souligne que la responsabilisation culturelle de tous, qui découle du droit de chacun de participer à la vie culturelle, est un outil permettant de réduire les disparités entre riches et pauvres pour que chacun puisse jouir, dans des conditions d’égalité, des valeurs de sa propre culture au sein d’une société démocratique.

70.En appliquant le droit énoncé au paragraphe 1 a) de l’article 15 du Pacte, les États parties devraient aller au-delà des aspects matériels de la culture (musées, bibliothèques, théâtres, cinémas, monuments, sites patrimoniaux, etc.) et adopter des politiques, des programmes et des mesures dynamiques qui favorisent également l’accès effectif de tous à des biens culturels incorporels (langue, savoir, traditions, etc.).

B.Indicateurs et critères

71.Dans leurs stratégies et politiques nationales, les États parties devraient définir des indicateurs et des critères appropriés, y compris des statistiques ventilées et des calendriers leur permettant de procéder à un suivi efficace de la mise en œuvre du droit de chacun de participer à la vie culturelle et également d’évaluer les progrès accomplis sur la voie de la pleine réalisation de ce droit.

C.Recours et responsabilité

72.Les États parties devraient prévoir, dans le cadre de leurs stratégies et politiques, la création de mécanismes et d’institutions efficaces, s’il n’en existe pas déjà, pour enquêter sur les allégations de violation du paragraphe 1 a) de l’article 15, les examiner, définir les responsabilités, publier les résultats et mettre en place les recours administratifs, judiciaires ou autres nécessaires pour indemniser les victimes.

VI.Obligations des acteurs autres que les États parties

73.Bien que la mise en œuvre du Pacte incombe essentiellement aux États parties, tous les membres de la société civile − particuliers, groupes, communautés, minorités, peuples autochtones, groupes religieux, organismes privés, entreprises et société civile en général − ont également des responsabilités dans le domaine de la réalisation effective du droit de chacun de participer à la vie culturelle. Les États parties devraient réglementer les responsabilités incombant aux entreprises du secteur privé ainsi qu’à d’autres acteurs non étatiques quant au respect de ce droit.

74.Les communautés et les associations culturelles jouent un rôle fondamental dans la promotion du droit de chacun de participer à la vie culturelle aux niveaux local et national, en coopérant notamment avec les États parties à l’exécution des obligations qui leur incombent en vertu du paragraphe 1 a) de l’article 15.

75.Le Comité note que les États parties, en tant que membres d’organisations internationales telles que l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), l’Organisation internationale du Travail (OIT), l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ont l’obligation d’adopter toutes les mesures possibles pour garantir que les politiques et décisions de ces organisations dans le domaine de la culture et dans des secteurs connexes soient conformes aux obligations découlant du Pacte, en particulier celles énoncées à l’article 15, au paragraphe 1 de l’article 2, et aux articles 22 et 23, concernant l’assistance et la coopération internationales.

76.Les organes et les institutions spécialisées des Nations Unies devraient, dans leurs domaines de compétence respectifs et conformément aux articles 22 et 23 du Pacte, adopter des mesures internationales de nature à contribuer à la réalisation progressive du droit énoncé au paragraphe 1 a) de l’article 15 du Pacte. L’UNESCO, l’OMPI, l’OIT, la FAO, l’OMS, en particulier, ainsi que les autres institutions, fonds et programmes compétents des Nations Unies, sont invités à redoubler d’efforts pour prendre en compte les principes et obligations relatifs aux droits de l’homme dans leurs travaux ayant trait au droit de chacun de participer à la vie culturelle, en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.