Nations Unies

E/C.12/66/D/37/2018

Conseil économique et social

Distr. générale

29 novembre 2019

Français

Original : espagnol

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Constatations adoptées par le Comité au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, concernant la communication no 37/2018*

Communication présentée par :

Maribel Viviana López Albán (représentée par un avocat)

Au nom de :

Maribel Viviana López Albán et ses enfants

État partie :

Espagne

Date de la communication :

20 juin 2018 (date de la lettre initiale)

Date des constatations :

11 octobre 2019

Objet :

Expulsion de l’auteure de son domicile

Question(s) de procédure :

Recevabilité ratione materiae

Question(s) de fond :

Droit à un logement convenable

Article(s) du Pacte :

11

Article(s) du Protocole facultatif :

2 et 5

1.1L’auteure de la communication est Maribel Viviana López Albán, de nationalité espagnole, née le 28 août 1979, à Quito (Équateur). Elle agit en son nom et au nom de cinq de six enfants, tous mineurs et de nationalité espagnole, nés en 2001, 2004, 2006 et pour deux d’entre eux, en 2011. L’auteure affirme qu’elle et ses enfants sont victimes d’une violation du paragraphe 1 de l’article 11 du Pacte par l’État partie. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 5 mai 2013. Les auteurs sont représentés par un avocat.

1.2Le 22 juin 2018, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son groupe de travail, a enregistré la communication et a demandé à l’État partie de surseoir à l’expulsion de l’auteure et de ses enfants tant que ladite communication était en cours d’examen ou de leur accorder un logement convenable, après avoir dûment consulté l’auteure, l’objectif étant d’éviter de leur infliger un préjudice irréparable.

1.3Dans les présentes constatations, le Comité fait d’abord la synthèse des informations et des arguments présentés par les parties, sans exprimer ses vues. Il examine ensuite les questions de recevabilité et de fond que la communication soulève. Enfin, il formule des conclusions et des recommandations.

A.Résumé des informations et des arguments présentés par les parties

Rappel des faits présentés par l’auteure

Faits antérieurs à l’enregistrement de la communication

2.1L’auteure affirme avoir conclu le 1er mars 2013 un bail pour la location d’un appartement qu’elle comptait occuper avec ses six enfants (dont l’un est maintenant majeur) contre le paiement d’un loyer mensuel de 850 euros. Après avoir payé ce loyer tous les mois pendant un an, elle a découvert que le bailleur n’était pas le propriétaire de l’appartement et ne possédait aucun titre attestant de son droit de propriété, si bien qu’elle a cessé de s’acquitter du loyer.

2.2Le 15 décembre 2014, la banque propriétaire de l’appartement a porté plainte contre l’auteure pour occupation illégale des lieux devant le tribunal pénal no 15 de Madrid.

2.3Le 2 décembre 2016, le tribunal pénal no 15 a déclaré l’auteure coupable de l’infraction mineure d’usurpation et l’a condamnée à payer une amende de 44 euros et à restituer le logement à son propriétaire. Le tribunal a estimé que le bail produit par l’auteure n’offrait pas toute certitude et crédibilité, d’autant que l’auteure ne l’avait pas accompagné d’une preuve du paiement du loyer présumé au bailleur. Ayant considéré que les faits établis constituaient une infraction mineure d’usurpation, le tribunal a décidé d’exonérer partiellement l’auteure de sa responsabilité en raison de son état de nécessité, qui pouvait justifier en partie ses agissements ; de fait, selon les documents produits, il était très difficile pour l’auteure de subvenir aux besoins du foyer avec ses faibles revenus. Dans sa décision, le tribunal a estimé que l’auteure se trouvait bien en état de grande nécessité, mais non d’indigence totale, et qu’elle avait la possibilité de mettre fin au litige par d’autres moyens, licites, si bien qu’il ne l’a pas exonérée de toute responsabilité pour cause d’état de nécessité.

2.4Le 19 janvier 2017, l’auteure a formé un recours contre la décision rendue le 2 décembre 2016, par lequel elle demandait à être disculpée puisqu’il existait un acte juridique attestant de la réception du bien immobilier (le bail) ou à être exonérée totalement, et non partiellement, de sa responsabilité en raison de son état de nécessité. Le 25 juillet 2017, l’Audiencia Provincial de Madrid a rejeté le recours, au motif que l’auteure avait continué d’occuper l’appartement même après avoir appris que celui-ci appartenait à la banque. Cette instance a considéré en outre que les circonstances familiales et économiques avaient été dûment appréciées en première instance, et a confirmé le jugement d’irresponsabilité partielle.

2.5En mars 2017, l’auteure a demandé à conclure un bail avec la banque propriétaire de l’appartement afin de régulariser sa situation.

2.6À une date indéterminée, le Service des attributions de la Sous-direction générale des attributions et de l’aide au citoyen de la Communauté de Madrid a rejeté la demande de logement que l’auteure avait présentée à l’Office du logement social de la Communauté de Madrid. Dans sa décision, le Service des attributions expliquait qu’il ressortait de l’examen des pièces présentées par l’auteure que celle-ci occupait son logement actuel en l’absence d’un titre valable, ce qui constituait un motif de rejet d’une demande, selon l’alinéa f) du paragraphe 1 de l’article 14 du décret no 52/2016, du 31 mai 2016, régissant la procédure d’attribution d’un logement social.

2.7Le 1er septembre 2017, la banque a demandé l’expulsion forcée (éviction) de l’auteure, en exécution de la décision rendue le 2 décembre 2016. Le 31 janvier 2018, le tribunal pénal no 28 de Madrid a sommé l’auteure de libérer l’appartement dans un délai d’un mois, sous peine d’en être expulsée si elle ne le quittait pas volontairement. Le 1er février 2018, l’auteure a demandé que le délai qui lui était accordé soit prorogé d’un mois, compte tenu de sa situation de vulnérabilité particulière. Cette demande a été rejetée par décision datée du 9 février 2018. L’auteure a formé un recours en révision, qui a été rejeté par décision datée du 1er mars 2018. Elle a fait appel de cette décision.

2.8Le 14 mars 2018, le tribunal a confirmé l’expulsion de l’auteure, qui devait avoir lieu à compter du 1er mars 2018. Le 20 avril 2018, la date de l’expulsion a été fixée au 16 mai 2018. Le 7 mai 2018, l’auteure a demandé le report de son expulsion en raison de sa situation de vulnérabilité particulière. Cette demande a été rejetée le 10 mai 2018. L’auteure a formé un recours en révision, qui a été rejeté par décision datée du 31 mai 2018. Elle a fait appel de cette décision.

2.9Le 8 mai 2018, les services sociaux de la ville de Madrid ont transmis au tribunal pénal no 28 de Madrid un rapport sur la situation socioéconomique de la famille, qui précisait que l’auteure ne disposait que de 655 euros par mois au titre du revenu minimum d’insertion et qu’elle n’avait pas pu prétendre à un logement social en raison du grand nombre de personnes dans le foyer. Le 9 mai 2018, l’auteure a demandé un logement social d’urgence à l’entreprise municipale du logement et du sol de Madrid.

2.10Le 16 mai 2018, une commission judiciaire s’est présentée au domicile de l’auteure pour procéder à l’expulsion. La procédure n’a pu être menée à bien, car des personnes se sont attroupées devant l’appartement en soutien à l’auteure. La date de l’expulsion a été reportée au 25 juin 2018 par la commission judiciaire elle-même et a été notifiée à l’auteure sans délai.

2.11Le 21 juin 2018, l’auteure a demandé un nouveau report de l’expulsion.

Faits postérieurs à l’enregistrement de la communication

2.12Le 25 juin 2018, à 7 heures, une trentaine au moins d’agents de l’unité anti‑émeutes de la police nationale se sont déployés pour former un cordon de sécurité autour du domicile de l’auteure. Selon celle-ci, cette opération a suscité beaucoup de tension et de stress parmi tous les membres de la famille, notamment les enfants. Les membres du service d’assistance du Conseil des services sociaux ont été les premiers à entrer dans l’immeuble ; ils ont dit à la famille qu’elle ne pourrait pas bénéficier d’un logement d’urgence, mais seulement de quelques nuitées dans un petit hôtel, située dans la zone industrielle de Vallecas. Ils ont précisé que cet établissement n’acceptait pas les animaux de compagnie. L’auteure a décidé d’ouvrir la porte et a quitté l’appartement avec les effets personnels qu’elle et les personnes venues la soutenir avaient pu récupérer, laissant la plupart de ses biens derrière elle. Un représentant de la société propriétaire du logement présent au moment de l’expulsion s’est engagé à autoriser un déménagement ultérieur. La société propriétaire a ensuite scellé la porte avec une plaque métallique. Après avoir passé deux nuits à l’hôtel, la famille a été conduite au foyer de Pinar de San José, où elle a partagé un dortoir avec une autre famille composée d’enfants, jusqu’en octobre 2018.

2.13Le 3 juillet 2018, le tribunal pénal no 28 de Madrid a rejeté l’appel formé par l’auteure contre la décision rendue le 31 mai 2018, celui-ci n’ayant plus de raison d’être puisque l’expulsion avait déjà eu lieu.

2.14Le 5 juillet 2018, le Comité a de nouveau prié l’État partie de prendre des mesures de protection solides, étant donné que l’expulsion avait déjà eu lieu, et d’attribuer, sans délai et en réelle concertation avec l’auteure, un logement de remplacement stable et convenable à celle-ci et à ses enfants pour leur épargner d’autres préjudices irréparables. Le même jour, les services sociaux de Madrid ont présenté un rapport dans lequel ils recommandaient d’attribuer à l’auteure et à sa famille l’un des logements destinés aux personnes en situation de grande nécessité gérés par la Communauté de Madrid. Le 1er août 2018, l’auteure a présenté une autre demande de logement public auprès de l’Office du logement social de la Communauté de Madrid ; cette demande a été acceptée et l’auteure a été inscrite sur une liste d’attente. Cependant, l’Office a conclu qu’en l’espèce, il n’y avait aucun motif d’engager une procédure d’urgence sociale.

2.15L’un des enfants ayant été agressé physiquement dans le foyer où la famille séjournait, celle-ci a été transférée dans un autre foyer. Grâce aux associations qui ont soutenu la famille dans sa demande de logement, 93 000 signatures ont été recueillies et une réunion a été organisée avec le Conseiller au logement de la Communauté de Madrid, qui s’est engagé à reloger rapidement la famille. En octobre 2018, la famille a été informée qu’elle devrait quitter le foyer ; un attroupement s’est formé devant l’établissement pour l’empêcher. Les membres de la famille ont ensuite été relogés dans un autre foyer, situé Puerta de Toledo, où ils partageaient deux chambres, étaient séparés par sexe, et était tenus de rentrer avant 22 heures. En novembre 2018, par l’intermédiaire d’une association, la famille a obtenu un appartement pour une période de six mois.

Teneur de la plainte

3.Dans sa lettre initiale, l’auteure affirmait que l’expulsion dont elle et ses enfants avaient fait l’objet constituait une violation de l’article 11 du Pacte, parce qu’elle ne disposait pas d’un logement de remplacement convenable. Elle expliquait que ses revenus ne lui permettaient pas de trouver un autre logement, puisqu’elle recevait seulement 735,90 euros par mois au titre du revenu minimum d’insertion. Elle ajoutait que les pouvoirs publics ne lui avaient proposé aucune solution de relogement à l’approche de son expulsion.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 27 février 2019, l’État partie a présenté des observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication. Il a d’abord mentionné diverses mesures qui ont été adoptées dans le but de protéger le droit à un logement convenable sur son territoire. Dans le cadre de ses compétences, l’État partie applique un moratoire aux procédures d’expulsion découlant de saisies immobilières et visant des personnes vulnérables jusqu’en 2020. De plus, le décret-loi royal no 21/2018 a été adopté en décembre 2018, avec un ensemble de mesures d’urgence destinées à améliorer l’accès au logement ; cependant, il a cessé d’avoir effet le 22 janvier 2019, faute de l’approbation du Congrès des députés. L’État partie signale que d’autres mesures sont en cours d’élaboration pour renforcer la sécurité juridique des locataires et favoriser la construction de logements sociaux.

4.2L’État partie met en avant d’autres instruments tels que la Stratégie nationale intégrale pour les sans-abri 2015-2020 et le Plan national de logement 2018-2021. Il ajoute que, dans le cadre de leurs compétences, les communautés autonomes ont adopté diverses lois sur le logement.

4.3L’État partie affirme que les organes conventionnels ne doivent pas agir comme des juridictions de troisième instance et que leur examen doit donc se fonder sur les faits établis et sur l’appréciation et la qualification de ces faits par les tribunaux nationaux. En l’espèce, selon la décision rendue par le tribunal pénal no 15 de Madrid, l’auteure est entrée en possession du logement par occupation illégale. En conséquence, la mesure d’expulsion est pleinement fondée. L’État partie fait observer que l’auteure n’a pas contesté la loyauté de la procédure, ni la régularité de l’exécution de la décision.

4.4L’auteure réside dans la Communauté de Madrid, où la gestion des logements sociaux est assurée par l’Institut du logement de Madrid, créé par le décret no 19/2006, du 9 février. Selon ce décret, le requérant doit satisfaire au critère suivant : ne pas occuper un logement ou un bien immobilier sans titre suffisant à cet effet. La Communauté de Madrid a en outre créé un parc de logements d’urgence sociale pour apporter une solution rapide aux personnes et aux familles qui, pour des raisons conjoncturelles, ont de grandes difficultés à trouver un logement. Dans la quasi-totalité des cas, les logements d’urgence sont attribués par ordre de priorité, en fonction des besoins des requérants. Sont considérées comme des situations de grande nécessité justifiant l’attribution d’un logement d’urgence : le risque d’expulsion à court terme ; le fait d’être victime de violences au motif de son sexe, de sa race, de son orientation ou identité sexuelle, de sa religion, de ses croyances ou de son handicap ; le fait d’être mal logé ou d’habiter dans un logement ne satisfaisant pas aux normes applicables ; le fait de résider dans un logement exigu ou dont le loyer représente plus de 30 % des revenus du ménage ; ou l’occupation précaire du logement, selon un droit de jouissance accordé par le propriétaire.

4.5À compter du 1er août 2018, une fois écarté l’obstacle juridique que représentait l’occupation d’un appartement sans titre valable, le dossier de demande de logement de l’auteure a été acceptée au titre de la procédure d’attribution pour cause de grande nécessité, comptabilisant 16 points selon le barème applicable et se plaçant à la 51e place sur la liste d’attente pour un logement de quatre chambres. En raison des principes de publicité, de transparence et d’équité qui régissent les attributions de logements publics, le nombre de points obtenus par la demande de l’auteure et sa place dans la liste d’attente ne peuvent pas être modifiés.

4.6En vue d’accroître les ressources disponibles, l’Office du logement social (anciennement, l’Institut du logement de Madrid) a cédé un total de 32 immeubles, représentant 2935logements, à un organisme qui s’est subrogé à l’Institut du logement dans l’ensemble de ses droits et de ses obligations. Depuis cette transaction, l’Institut du logement a augmenté ses actifs en menant à bonne fin au moins 6nouveaux projets immobiliers ; quelque 1 000 logements ainsi construits ont été mis à la disposition des citoyens.

4.7En l’espèce, la ville de Madrid est également compétente en matière d’aide sociale primaire, puisqu’il lui incombe de fournir un logement d’urgence temporaire, collectif ou partagé, aux personnes sans abri et en situation d’exclusion sociale. Elle s’est en outre dotée d’une entreprise municipale du logement et du sol, qui dispose d’un parc de 6 061 logements publics, et prévoit la construction de 4 200 autres logements. Un programme permet de reloger les personnes qui risquent de perdre leur logement, ou qui l’ont perdu récemment, par décision définitive pour non-paiement du loyer, ou les personnes mal logées ou occupant des logements inadaptés à leurs besoins. Dans le cas considéré, la ville de Madrid a toujours consulté l’auteure, de manière appropriée et efficace. Le Service de conseil aux occupants en situation d’urgence a pris ses fonctions le 5 février 2018, à la demande des services sociaux. Il a tenté de servir d’intermédiaire avec l’organisme financier propriétaire de l’immeuble et de régulariser la situation de l’auteure par la voie de la location sociale, mais il est seulement parvenu à reporter la procédure d’expulsion de deux mois. Les services sociaux ont proposé une solution d’hébergement collectif temporaire, assortie de mesures d’accompagnement social, dans le cadre des ressources municipales disponibles. L’auteure et sa famille se sont installés dans le logement en question le 27 juin 2018. Le 9 mai 2018, l’auteure a présenté une demande de logement à l’entreprise municipale du logement et du sol et a été inscrite sur le programme de prise en charge prioritaire, avec 76 points. Actuellement, l’accès à un logement nécessite un nombre de points plus élevé. L’État partie estime que l’auteure a bénéficié d’une solution de logement et d’une procédure d’intervention sociale.

4.8L’État partie affirme en outre que l’auteure n’a pas fait l’objet d’une expulsion forcée au sens des observations générales du Comité no 4 (1991) sur le droit à un logement suffisant et no7 (1997) sur les expulsions forcées, puisque celles-ci ne couvrent pas l’expulsion pour usurpation. La définition de l’infraction d’usurpation figure à l’article 245 du Code pénal et a été interprétée par la jurisprudence du Tribunal suprême. Le bien juridique protégé est la propriété immobilière, visée à l’article 17 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Cependant, le système juridique espagnol ne punit l’occupation de locaux non destinés à l’habitation qu’en cas de comportements présentant un risque ou un danger élevé pour le bien juridique protégé par le droit pénal ; il existe une abondante doctrine jurisprudentielle selon laquelle, par exemple, l’infraction pénale d’usurpation est disproportionnée s’il s’agit de propriétés abandonnées ou en mauvais état. De même, il est souvent question, dans la jurisprudence, de déterminer si l’auteur de l’infraction peut être exonéré de sa responsabilité pour cause d’état de nécessité et, par voie de conséquence, d’évaluer sa vulnérabilité sociale ; pour qu’il y ait exonération de responsabilité, il faut qu’au moment où les faits sont commis, leur auteur se trouve dans une situation économique précaire et rencontre, du fait de son indigence, de graves difficultés qui le contraignent à occuper le logement, que cette situation précaire soit durable et qu’aucune autre solution de logement ne soit possible pendant ce laps de temps. Il ressort également de la jurisprudence espagnole que l’état de nécessité peut justifier l’occupation temporaire du bien immobilier d’un tiers, mais pas le fait de l’occuper et d’y séjourner pendant une longue période.

4.9L’État partie affirme qu’en l’espèce, l’occupation du logement n’est pas protégée par l’article 11 du Pacte, si bien que la restitution du bien immobilier à son propriétaire ne constitue pas un cas d’expulsion forcée au sens de l’article 11 du Pacte et de la doctrine du Comité. Selon le paragraphe 3 de l’observation générale no 7, l’interdiction frappant les expulsions forcées ne s’applique toutefois pas à celles qui sont opérées par la force dans le respect de la loi et conformément aux dispositions des Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme. Dans ses principes de base et directives concernant les expulsions et les déplacements liés au développement, le Rapporteur spécial sur le logement convenable ne mentionne pas les cas d’occupation illégale. Enfin, la fiche d’information no 25 du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, intitulée « L’éviction forcée et les droits de l’homme », définit la pratique de l’éviction forcée comme l’expulsion de tout individu, famille ou communauté chassés de leur foyer, de leur terre ou de leur environnement, contre leur volonté ou d’une façon directement ou indirectement attribuable à l’État et mentionne les motifs possibles d’éviction forcée, parmi lesquels ne figure pas le cas de l’occupation illégale. De plus, au paragraphe 8 a) de son observation générale no 4, le Comité mentionne uniquement des formes d’occupation licites : il existe diverses formes d’occupation − la location (par le secteur public ou privé), la copropriété, le bail, la propriété, l’hébergement d’urgence et l’occupation précaire, qu’il s’agisse de terres ou de locaux. Enfin, le respect de la légalité est établi ou présumé dans l’observation générale no 7, dont le paragraphe 11 dispose que, si certaines expulsions peuvent être légitimes, par exemple en cas de non‑paiement persistant du loyer ou de dommages causés sans motif raisonnable à un bien loué, il incombe cependant aux autorités compétentes de veiller à ce qu’elles soient effectuées selon les modalités définies par une loi compatible avec le Pacte et à ce que toutes les voies de recours prévues par la loi soient accessibles aux personnes visées. Il en résulte que l’occupation du logement par l’auteure ne fait pas partie des formes d’occupation pacifiques protégées par l’article 11 du Pacte. Toute autre considération reviendrait à valider, au nom du droit au logement, un comportement contraire au droit pénal et une atteinte au droit à la propriété détenu par le propriétaire du logement.

4.10L’État partie conclut que la situation de l’auteure n’est pas un cas d’expulsion forcée, que la décision du tribunal pénal no 15 de Madrid protège le droit du titulaire du bien immobilier à la propriété et que l’auteure a bénéficié de l’attention constante des administrations publiques espagnoles dans la mesure des moyens à leur disposition, et attend actuellement de se voir attribuer un logement public.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Le 8 mai 2019, l’auteure a soumis ses commentaires sur les observations formulées par l’État partie. Elle affirme que les mesures adoptées au cours des années qui ont précédé les faits mentionnés dans la communication n’ont aucun rapport avec l’objet de celle-ci et qu’elles sont en outre insuffisantes, si l’on en juge par le nombre de cas où des personnes sont privées de protection. De plus, les mesures prévues par le décret-loi royal no 21/2018 concernent les contrats de bail à loyer, si bien qu’elles ne s’appliquent pas non plus à la situation de l’auteure.

5.2En ce qui concerne les lois sur le logement en vigueur dans les communautés autonomes qui ont été mentionnées par l’État partie, aucune ne concerne Madrid et leur efficacité est très limitée, puisqu’elles ont été suspendues par le Tribunal constitutionnel après le recours formé par le Gouvernement central. L’auteure affirme que le manque de coordination entre les différentes administrations, qui est évident dans son cas, constitue en soi une violation.

5.3L’auteure considère que, si l’État partie avait donné suite aux recommandations faites par le Comité dans l’affaire Ben Djazia et Bellili c. Espagne, cela aurait contribué à prévenir la violation survenue en l’espèce. Les constatations du Comité n’ont pas été publiées au Journal officiel (Boletín Oficial del Estado), mais dans le Bulletin du Ministère de la justice, sans être diffusées auprès des populations concernées et des groupes en situation de vulnérabilité en matière d’accès au logement. De plus, l’État partie ne s’est pas assuré de la tenue de consultations véritables et efficaces avant l’expulsion de personnes sans ressources. Les organes judiciaires délivrent des ordres d’expulsion sans même tenir compte du nombre de personnes qui occupent le logement et vont parfois jusqu’à ordonner l’éviction des « occupants inconnus », qui sont ainsi privés de tout type de protection. De surcroît, une proposition de loi vise actuellement à faciliter encore les expulsions pour occupation sans titre juridique, en empêcher les occupants d’intervenir dans la procédure. En 2018, les expulsions ont augmenté de 6,73 % dans la Communauté de Madrid et de 2,56 % sur l’ensemble du territoire espagnol, selon les données du Conseil général du pouvoir judiciaire.

5.4L’auteure souligne que, comme cela a été établi par la décision rendue le 2 décembre 2016, elle se trouvait en état de nécessité lorsqu’elle occupait son logement sans titre juridique. De plus, son logement appartenait à une banque qui avait reçu des fonds publics en 2012 et dont les actifs provenaient pour 60 % de fonds publics en 2017. En conséquence, son cas ne peut pas être traité de la même manière que si le propriétaire de l’appartement est une personne physique. Le logement que l’auteure occupait, en plus d’être vide et sans usage connu, faisait partie des domaines de l’État puisqu’il était la propriété d’une banque renflouée par des fonds publics. L’auteure ajoute que, selon la loi no 1/2013, ce logement, dans la mesure où il avait été acquis par une banque après le non‑paiement d’une dette hypothécaire, aurait pu être mis à la disposition de personnes sans ressources, comme elle. Or, bien que l’auteure ait présenté plusieurs demandes de logement social, la banque a refusé tout accord et a maintenu son action pénale. Enfin, la banque a vendu le logement à une société d’investissement spécialisée dans l’acquisition de biens immobiliers par voie de saisie ou d’expulsion, ce qui a abouti à l’éviction de l’auteure, le 25 juin 2018.

5.5En réaction aux explications de l’État partie sur les conditions d’attribution des logements sociaux ou d’urgence en vigueur dans la Communauté de Madrid, qui excluent les personnes occupant un logement sans titre juridique, l’auteure considère que de telles dispositions sont contraires au Pacte et empêchent les personnes qui se trouvent dans une situation comme la sienne de s’en sortir dans le respect des règles.

5.6L’auteure rappelle qu’elle a présenté plusieurs demandes de suspension de la procédure, qu’elle a invoqué la demande de mesures provisoires formulée par le Comité, qu’elle a présenté une demande de logement public d’urgence, qu’elle s’est adressée aux services sociaux de la ville de Madrid, lesquels ont mis en évidence sa situation d’exclusion sociale dans leurs rapports, et que, malgré tous ses efforts, le 25 juin 2018, à l’issue d’un déploiement policier complétement disproportionné, sa famille et elle ont été expulsées de leur logement et conduites dans un foyer.

5.7L’auteure affirme que ses enfants ont été très affectés par l’expulsion. Elle dit que l’absence de domicile fixe a eu des effets dommageables sur les résultats scolaires de ses enfants et que son fils de 18 ans, scolarisé au moment de l’expulsion, s’est inscrit au programme de garantie pour la jeunesse. Son fils de 14 ans a redoublé et a dû bénéficier d’une aide psychologique, en particulier parce qu’il avait honte de vivre dans un foyer. Sa fille de 12 ans a eu besoin d’être suivie par une assistante sociale et de suivre des cours de soutien scolaire de la Croix‑Rouge. Ses deux fils de 8 ans ont très mal vécu le séjour dans le foyer ; l’un d’eux a développé une peur panique de la police à la suite de l’expulsion par les agents de l’unité anti-émeutes et évite les fêtes ou les attroupements. Son autre fils de 8 ans souffre d’une dermatite atopique chronique, qui a été aggravée par les matelas en plastique du foyer. La séparation par sexe appliquée dans le foyer a également posé des problèmes. Alors âgé de 7 ans, son fils n’était pas prêt à être séparé de sa mère en pareilles circonstances. L’auteure indique que, selon le personnel du centre scolaire, les jumeaux ont été constamment lésés dans leur apprentissage par les distances qu’ils doivent parcourir pour se rendre en classe et ont fréquemment raté des heures de cours.

5.8L’auteure estime que son expulsion constitue une expulsion forcée et que l’État partie a manqué à ses obligations à l’égard d’une famille dans le besoin. De plus, l’expulsion a été menée contre la demande expresse du Comité, ce qui constitue une violation du Protocole facultatif. Les événements qui ont suivi l’expulsion ont causé un préjudice encore plus grand à l’auteure et à ses enfants. L’auteure considère que le parc locatif présente de graves insuffisances alors que le pays dispose de ressources considérables et qu’il a en outre déjà fait l’objet d’une décision du Comité sur le même sujet.

B.Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 9 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité prend note des arguments de l’État partie selon lesquels, en l’espèce, il n’est pas question d’une expulsion au sens des observations générales nos 4 et 7 du Comité, qui donnent une interprétation faisant autorité du Pacte, et que la présente communication ne relève donc pas de la compétence du Comité (voir supra, par. 4.10). Le Comité rappelle que, comme il l’a précisé au paragraphe 11 de son observation générale no 7, même lorsque certaines expulsions peuvent être légitimes, par exemple en cas de non-paiement persistant du loyer ou de dommages causés sans motif raisonnable à un bien loué, il incombe aux autorités compétentes de veiller à ce qu’elles soient effectuées selon les modalités définies par une loi compatible avec le Pacte et à ce que toutes les voies de recours prévues par la loi soient accessibles aux personnes visées. Ces considérations s’appliquent également à l’occupation sans titre juridique, puisque le résultat de cette occupation peut être, pour certaines personnes, une forme de logement, et pourrait donc entrer dans le champ de la protection du droit au logement. Par conséquent, si l’absence de titre juridique peut justifier une expulsion, les procédures qui conduisent à l’ordre d’expulsion ou à l’exécution de l’expulsion elle-même doivent être menées selon une procédure conforme au Pacte et sous réserve de garantir l’accès aux voies de recours prévues par la loi aux personnes visées. Le Comité prend note que l’État partie cite le paragraphe 3 de l’observation générale no 7, selon lequel l’interdiction frappant les expulsions forcées ne s’applique toutefois pas à celles qui sont opérées par la force dans le respect de la loi et conformément aux dispositions des Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme. Le Comité constate que l’auteure n’affirme pas que son expulsion était contraire au droit interne. Elle se plaint plutôt du fait que l’expulsion n’était pas conforme aux dispositions du Pacte, comme l’indique la fin de la phrase précitée de l’observation générale no 7. En conséquence, le Comité considère que la communication satisfait à l’obligation de se rapporter à une violation éventuelle d’un droit consacré par le Pacte, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif.

6.3Le Comité constate que la communication satisfait aux autres critères de recevabilité prévus aux articles 2 et 3 du Protocole facultatif et, par voie de conséquence, la déclare recevable et procède à son examen quant au fond.

C.Examen au fond

Faits et questions juridiques

7.1Le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui avaient été communiquées, conformément aux dispositions de l’article 8 du Protocole facultatif.

7.2Le Comité procède ensuite à l’examen de ce qu’il considère être les faits avérés. L’auteure affirme qu’elle a loué un appartement auprès d’une personne qui s’est révélée ne pas en être la propriétaire, en mars 2013. Toutefois, le Comité note que l’auteure ne fournit aucun document à l’appui de cette affirmation, qui a été examinée et rejetée par les autorités judiciaires nationales. En l’absence de tout élément indiquant que cette décision était arbitraire ou constituait en soi une violation d’un droit consacré par le Pacte, le Comité ne réévaluera pas ces faits, estimant qu’ils n’ont pas été suffisamment étayés, aux fins de cet examen. Il est établi que l’auteure et ses enfants vivaient dans une maison sans le consentement de son propriétaire légal en raison d’un état de nécessité. L’auteure a été condamnée pour usurpation d’identité, considérée comme une dispense partielle de nécessité, et sommée de quitter la maison qu’elle occupait. Pendant la période où l’auteure occupait la maison, elle a présenté une demande de logement social, qui a été rejetée parce qu’elle occupait un appartement sans titre juridique valable. Le 25 juin 2018, l’auteure et ses enfants ont été expulsés.

7.3Après l’expulsion, les services sociaux ont proposé à l’auteure et à sa famille une solution de logement dans un foyer temporaire et partagé (voir supra, par. 4.7). La famille a séjourné dans un premier foyer, jusqu’en octobre 2018, et dans un second, d’octobre à novembre de la même année. L’auteure soutient que dans le deuxième foyer, les membres de la famille étaient séparés par sexe et revient sur les conséquences de leur passage dans ces foyers (voir supra, par. 5.7). Toutefois, ces conséquences n’ont pas été documentées ni portées à l’attention des autorités nationales et ne peuvent donc pas avoir le poids de faits avérés.

7.4L’auteure affirme que cette expulsion constitue une violation de son droit et de celui de ses enfants à un logement convenable, car il n’a pas été tenu compte du fait qu’elle n’avait pas d’autre logement, ni des conséquences de l’ordre d’expulsion. Elle dit que les autorités ne lui ont pas proposé un logement public et les ont chassées de leur logis, elle et sa famille, parce qu’elle n’était pas en possession d’un titre juridique valable. Elle soutient que cette obligation de détenir un titre juridique place les personnes dans des situations comme la sienne dans un cercle vicieux et constitue en soi une violation du droit au logement (voir supra , par. 5.5). L’auteure affirme en outre que son expulsion constitue une violation de l’article 5 du Protocole facultatif (voir supra, par. 5.8). L’État partie allègue que, l’auteure ayant été déclarée coupable de l’infraction d’usurpation, l’expulsion était la mesure la plus appropriée (voir supra, par. 4.5 et 4.9). Il affirme aussi que l’auteure a présenté une demande de logement social et figure actuellement sur une liste d’attente (voir supra, par. 4.5) et que la solution d’hébergement dans un foyer constituait une alternative de logement dans les limites dans le cadre des ressources municipales disponibles.

7.5Compte tenu des faits pertinents tels qu’ils ont été déterminés par le Comité et des observations des parties, les questions soulevées par la présente communication sont les suivantes : premièrement, est-ce que l’expulsion de l’auteure et de ses enfants au motif qu’ils occupaient leur logement sans titre juridique valable et leur transfert dans un foyer constituent une violation du droit à un logement convenable reconnu au paragraphe 1 de l’article 11 du Pacte ? Deuxièmement, est-ce que le rejet de la première demande de logement au motif que l’auteure occupait un appartement sans titre juridique valable constitue une violation de ce même droit ? Enfin, le Comité examinera si, en l’espèce, il y a eu une violation de l’article 5 du Protocole facultatif, dans la mesure où l’État partie a procédé à l’expulsion de l’auteure alors que le Comité lui avait demandé d’adopter des mesures provisoires. Pour répondre à ces questions, le Comité commencera par rappeler sa doctrine sur la protection contre les expulsions forcées Il analysera ensuite le cas concret de l’expulsion de l’auteure et répondra aux questions soulevées par la présente communication.

La protection contre les expulsions forcées

8.1Le droit de chacun à un logement convenable est un droit fondamental duquel dépend la jouissance de tous les droits économiques, sociaux et culturels ; il est intégralement lié à d’autres droits de l’homme, y compris ceux consacrés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le droit au logement doit être assuré à tous sans distinction de revenus ou de toutes autres ressources économiques, et les États parties doivent prendre toutes les mesures nécessaires et agir au maximum de leurs ressources disponibles pour parvenir à la pleine réalisation de ce droit.

8.2Les expulsions forcées sont prima facie contraires aux dispositions du Pacte et ne peuvent être justifiées que dans les situations les plus exceptionnelles ; les autorités compétentes doivent veiller à ce que les expulsions soient conformes à une législation compatible avec le Pacte et aux principes généraux qui veulent que toutes mesures prises soient raisonnables et proportionnées au regard de l’objectif légitime de l’expulsion et des conséquences de l’expulsion sur les personnes visées.

8.3Pour que l’expulsion soit compatible avec les dispositions du Pacte, il faut qu’elle constitue une mesure prévue par la loi et appliquée en dernier recours, et que la personne visée ait préalablement eu accès à un recours utile, dans le cadre duquel il a pu être déterminé que l’expulsion était dûment justifiée, par exemple par l’absence de titre juridique d’occupation. De surcroît, il faut qu’il n’existe pas d’autres solutions ni de mesures qui portent moins atteinte au droit au logement, qu’il y ait une véritable consultation préalable entre les autorités et la personne touchée, et que celle-ci ne se retrouve pas dans une situation qui constitue une violation d’autres droits garantis par le Pacte ou d’autres droits de l’homme, ou qui l’expose à pareille violation.

L’obligation de l’État de fournir un logement de remplacement en cas de nécessité

9.1En particulier, il ne faudrait pas que, suite à une expulsion, une personne se retrouve sans toit ou puisse être victime d’une violation d’autres droits de l’homme. Lorsqu’une personne ne peut subvenir à ses besoins, l’État partie doit, par tous les moyens appropriés, au maximum de ses ressources disponibles, veiller à ce que d’autres possibilités de logement, de réinstallation ou d’accès à une terre productive, selon le cas, lui soient offertes. L’État partie est tenu de prendre des mesures raisonnables en vue de reloger les personnes qui se retrouvent sans abri par suite d’une expulsion, et ce, que cette mesure ait été prise à l’initiative des autorités publiques ou d’une entité privée, par exemple le propriétaire. Lorsqu’une personne est expulsée sans que les autorités ne lui octroient ou ne lui garantissent un autre logement, l’État partie doit démontrer qu’il a examiné les circonstances de l’affaire et que, bien qu’il ait pris toutes les mesures raisonnables et agi au maximum des ressources disponibles, il n’a pas pu garantir l’exercice du droit au logement de l’intéressé. Les informations fournies par l’État partie doivent permettre au Comité de déterminer si les mesures adoptées sont raisonnables, comme prévu au paragraphe 4 de l’article 8 du Protocole facultatif.

9.2L’obligation de reloger les personnes expulsées devenues sans-logis suppose que, conformément au paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte, les États parties prennent toutes les mesures nécessaires et agissent au maximum de leurs ressources disponibles pour garantir le droit au logement. À cette fin, ils peuvent opter pour des politiques très diverses. Cependant, toute mesure prise doit être délibérée et concrète et viser aussi clairement que possible à la réalisation du droit au logement, de la manière la plus rapide et la plus efficace possible. Les mesures de relogement après expulsion doivent être proportionnées à l’état de nécessité des personnes touchées et à l’urgence de la situation, et doivent respecter la dignité de la personne. De plus, les États parties doivent prendre des mesures cohérentes et coordonnées pour remédier aux défaillances institutionnelles et aux facteurs structurels à l’origine du manque de logements.

9.3Le logement de remplacement doit être convenable. L’adéquation aux besoins est en partie fonction de facteurs sociaux, économiques, culturels, climatiques, écologiques et autres, mais le Comité est d’avis qu’en tout état de cause, on peut identifier certains aspects du droit qui doivent être pris en considération à cette fin dans n’importe quel contexte. Ce sont notamment la sécurité légale de l’occupation ; l’existence de services, matériaux, équipements et infrastructures ; la capacité de paiement ; l’habitabilité ; la facilité d’accès ; l’emplacement, qui doit permettre l’accès aux services sociaux (éducation, emploi et services de santé) ; et le respect du milieu culturel, de manière à permettre l’expression de l’identité culturelle et de la diversité.Le droit des membres de la famille de ne pas être séparés doit également être pris en compte.

9.4Dans certaines circonstances, les États parties peuvent démontrer que, bien qu’ils aient fait tous les efforts possibles au maximum de leurs ressources disponibles, il a été impossible de fournir un logement de remplacement permanent à une personne expulsée. En pareilles circonstances, il est possible d’octroyer un hébergement d’urgence temporaire qui ne répond pas à toutes les exigences d’un logement convenable. Les États doivent toutefois veiller à ce que cet hébergement temporaire respecte la dignité des personnes expulsées, réponde à toutes les exigences de sécurité et ne devienne pas une solution permanente, mais constitue une étape vers un logement adéquat.

Les critères de relogement et les occupations sans titre

10.1Le Comité estime que, pour rationaliser l’utilisation des ressources mises à la disposition des services sociaux, les États parties peuvent subordonner l’octroi de prestations sociales, par exemple l’attribution d’un logement de remplacement, au respect de certaines exigences ou conditions. De même, les États peuvent prendre des mesures pour protéger la propriété privée et empêcher les occupations illégales et de mauvaise foi. Cependant, les conditions d’accès aux services sociaux doivent être raisonnables et définies avec la plus grande précaution, non seulement pour éviter la stigmatisation, mais aussi parce que lorsqu’une personne demande à être relogée, son comportement ne saurait en soi justifier que l’État partie ne lui octroie pas un logement social. De plus, les tribunaux et les autorités administratives doivent faire preuve de prudence dans leur interprétation et leur application de lois relatives à l’accès au logement social ou au logement de remplacement, afin de ne pas perpétuer la discrimination et la stigmatisation généralisées dont font l’objet les personnes qui vivent dans la pauvreté et qui occupent des lieux, par nécessité ou de bonne foi, sans titre juridique valable.

10.2En outre, dans la mesure où le manque de logements disponibles et accessibles résulte de l’accroissement des inégalités et de la spéculation sur les marchés du logement, les États parties doivent s’attaquer à ces causes structurelles en prenant des mesures adéquates, opportunes et coordonnées auxquelles il consacre le maximum de ses ressources disponibles.

L’examen de la proportionnalité dans le cas de l’expulsion de l’auteure

11.1Le Comité va maintenant analyser si l’expulsion de l’auteure constitue une violation du droit de celle-ci à un logement convenable ou si la mesure pouvait être justifiée comme une limitation du droit au logement au sens de l’article4 du Pacte. L’auteure a emménagé dans l’appartement le 1er mars 2013. Le 2 décembre 2016, suite à la plainte déposée par la banque propriétaire de l’appartement, le tribunal pénal no 15 l’a déclarée coupable de l’infraction mineure d’usurpation, mais l’a exonérée partiellement de sa responsabilité pour cause d’état de nécessité. Le tribunal a ordonné à l’auteure de restituer l’appartement à la banque. Cette décision a ensuite été confirmée par l’Audiencia Provincial de Madrid, le 25 juillet 2017.

11.2Le Comité constate que l’auteure n’a pas obéi à l’ordre de restitution et est demeurée dans l’appartement, et qu’elle a été expulsée de force, le 25 juin 2018.

11.3L’auteure, dans ses demandes de suspension de la procédure, a mentionné qu’elle se trouvait dans une situation de grande vulnérabilité économique et qu’elle n’avait aucun endroit où loger en cas d’expulsion. De plus, le 8 mai 2018, les services sociaux de la ville de Madrid ont communiqué au tribunal pénal no 28 de Madrid un rapport dans lequel ils expliquaient ne pas avoir pu attribuer un logement social à l’auteure et à sa famille. Le Comité prend note des allégations de l’auteure selon lesquelles son droit au logement n’a pas été pris en considération par les autorités judiciaires. À cet égard, il constate que, bien que les demandes de suspension de la procédure aient été rejetées, le 9 février 2018 et le 10 mai 2018, la mesure d’expulsion n’a été appliquée que le 25 juin 2018, soit un an et demi après la décision rendue en première instance.

11.4Le Comité constate que l’auteure a pu faire appel des décisions rendues en première instance et a bénéficié de l’assistance d’un avocat. Il prend note que, comme l’État partie le signale, l’auteure n’a pas contesté la loyauté de la procédure, ni la régularité de l’exécution de la décision.

11.5Le Comité constate également que, pour l’État partie, le fait d’autoriser l’auteure à rester dans l’appartement reviendrait à valider, au nom du droit au logement, un comportement contraire au droit pénal et une atteinte au droit à la propriété reconnu par la législation nationale au propriétaire du logement. Il précise que le droit à la propriété n’est pas un droit énoncé dans le Pacte, mais reconnaît l’intérêt légitime qu’a l’État partie de garantir la protection de tous les droits existants dans son système juridique, pour autant que ce ne soit pas contraire aux droits consacrés par le Pacte. L’auteure ayant été déclarée coupable de l’infraction mineure d’usurpation, le Comité estime qu’il existait un motif pouvant justifier la mesure d’expulsion décidée à son égard. Il relève toutefois que, selon les informations figurant dans la décision rendue par le tribunal pénal no 28 de Madrid, le 31 janvier 2018, ledit tribunal n’a pas examiné la proportionnalité entre l’objectif de l’expulsion et les conséquences de l’expulsion pour les personnes visées. En effet, entre autres choses, le tribunal n’a pas évalué le bénéfice de la mesure, à savoir la protection du droit à la propriété détenu par l’entité propriétaire du bien immobilier, par rapport aux effets que cette mesure pourrait avoir sur les droits des personnes visées. L’examen de la proportionnalité d’une expulsion ne consiste donc pas seulement à déterminer les conséquences de la mesure pour les personnes expulsées, mais aussi la nécessité pour le propriétaire de reprendre possession de son bien. Il est indispensable de faire la distinction entre les biens dont des particuliers ont besoin pour se loger ou se procurer un revenu de subsistance, et les biens des institutions financières, comme dans la présente affaire. Le fait de conclure qu’une expulsion n’est pas une mesure raisonnable à un moment donné ne signifie pas nécessairement que les occupants ne pourront pas faire l’objet d’un ordre d’expulsion. Toutefois, en application des principes de raisonnabilité et de proportionnalité, il est possible de suspendre ou de reporter l’ordre d’expulsion pour ne pas exposer les personnes visées à des situations de dénuement ou à des violations d’autres droits énoncés dans le Pacte. Un ordre d’expulsion peut également être subordonné à d’autres facteurs tels que l’obligation pour les autorités administratives d’intervenir pour aider les occupants à faire face aux conséquences de l’expulsion.

11.6En l’espèce, bien que l’auteure ait affirmé que la mesure porterait atteinte à son droit à un logement convenable, ce grief n’a pas amené le tribunal pénal no 28 ou toute autre autorité judiciaire à examiner la proportionnalité de cette mesure, comme l’exige l’article 4 du Pacte. Le tribunal pénal no 15 de Madrid a bien examiné la proportionnalité entre le dommage que l’auteure a causé en se rendant coupable d’usurpation et les difficultés dont elle a tenté de se libérer en commettant un tel acte, ce qui a valu à celle-ci d’être partiellement exonérée de responsabilité pour cause d’état de nécessité. Cependant, aucun examen de la proportionnalité n’a précédé la décision par laquelle ce même tribunal a ordonné à l’auteure de restituer l’appartement à son propriétaire. La législation de l’État partie n’a pas non plus prévu pour l’auteure d’autre mécanisme judiciaire permettant de contester l’ordre d’expulsion, qui devait être exécuté presque immédiatement, de sorte qu’une autre autorité judiciaire aurait pu évaluer la proportionnalité de l’expulsion ou les conditions dans lesquelles elle devait être effectuée.

11.7Le Comité estime que l’État partie devrait élaborer un cadre normatif régissant les expulsions de personnes qui occupent des biens sans titre juridique, lorsque ces biens leur servent de logement. Ce cadre devrait énoncer les critères que les autorités judiciaires devraient prendre en considération lors de l’évaluation des demandes d’expulsion en pareilles circonstances, par exemple, le fait que la personne a occupé le logement de bonne foi ou non, la situation personnelle des occupants et des personnes à leur charge, et le fait qu’ils ont coopéré avec les autorités pour trouver des solutions adaptées. Toutefois, l’État partie portera atteinte au droit à un logement convenable s’il ordonne qu’une personne occupant un logement sans titre juridique doit être expulsée immédiatement, quelles que soient les circonstances dans lesquelles l’ordre d’expulsion serait exécuté. En conséquence, le Comité estime que la mesure d’expulsion, en ce qu’elle n’a pas été précédée d’un examen de la proportionnalité entre le but poursuivi et les conséquences pour les personnes expulsées, contrairement aux conditions définies dans l’article 4, constitue une violation par l’État partie du droit au logement que l’auteure et ses enfants tiennent de l’article 11 du Pacte.

L’accès de l’auteure au logement public

12.1Le Comité constate que l’auteure a tenté de remédier à sa situation d’occupante sans titre juridique valable et de faire cesser l’infraction, en demandant un logement social pendant la période où elle se trouvait dans cet état de grande précarité, et que cette demande a été rejetée au motif que tout requérant est tenu de ne pas occuper un appartement ou un bien immobilier sans titre valable ou sans le consentement de son propriétaire, selon les dispositions applicables. Le Comité constate que l’État partie ne conteste pas le fait que la famille de l’auteure a besoin d’un logement social et qu’il se contente d’affirmer qu’avant son expulsion, l’auteure ne pouvait pas déposer une demande de logement auprès des organismes de logement public de la Communauté de Madrid. Le Comité comprend que le critère susmentionné puisse avoir pour objectif de réduire les cas d’occupation illégale de logements, mais il prend note du fait que l’État partie n’avance aucun argument susceptible de justifier le critère en vertu duquel l’auteure a été exclue de la liste des requérants de logements. L’État partie n’a pas non plus établi qu’il existait d’autres mesures, moins préjudiciables pour les personnes, pour lutter contre les occupations illégales, par exemple la réduction du nombre de logements inhabités.

12.2Le Comité estime que le critère auquel l’auteure doit satisfaire pour figurer sur la liste des requérants d’un logement public la place dans une impasse, en l’obligeant soit à séjourner temporairement avec ses enfants dans un foyer, soit à vivre dans l’indigence, avant de pouvoir prétendre à un logement social. En outre, il considère que cette restriction de l’accès au logement social peut avoir pour effet que les actes des parents se répercutent sur les enfants. Il convient de noter qu’en l’espèce, l’État partie n’a pas démontré ni affirmé qu’avant l’expulsion, il était dans l’incapacité de reloger l’auteure et sa famille par manque de ressources, mais a dit qu’il avait refusé l’inscription de l’auteure sur la liste d’attente au motif que celle-ci occupait un appartement sans titre valable, ce qui avait privé l’auteure de toute possibilité d’accès aux logements de remplacement disponibles. Le Comité estime que l’application du critère en cause est incompatible avec la nature du droit à un logement convenable. Au vu de ce qui précède, il conclut que l’exclusion de l’auteure du programme de logements sociaux, sans qu’il soit tenu compte de son état de nécessité, l’a maintenue en situation irrégulière et a conduit à son expulsion. En conséquence, le Comité estime que cette exclusion constitue une violation par l’État partie du droit au logement que l’auteure et ses enfants tiennent de l’article11 duPacte.

Les mesures provisoires et l’expulsion de l’auteure

13.1Selon l’auteure, l’expulsion dont elle a fait l’objet alors que le Comité avait demandé l’adoption de mesures provisoires constitue une violation de l’article 5 du Protocole facultatif. Le 22 juin 2018, le Comité a prié l’État partie de surseoir à l’expulsion de l’auteure et de ses enfants tant que la communication était en cours d’examen ou de leur accorder un logement convenable, après avoir dûment consulté l’auteure, l’objectif étant d’éviter de leur infliger un préjudice irréparable. Il constate que l’auteure a été expulsée le 25 juin 2018. Il relève que l’État partie considère qu’en relogeant l’auteure et ses enfants dans des foyers, il a fourni une solution d’hébergement collectif temporaire, assortie de mesures d’accompagnement social, dans le cadre des ressources municipales disponibles. Le Comité note toutefois que l’auteure ne considère pas les foyers comme des logements de remplacement et qu’elle affirme que ses enfants ont pâti d’y séjourner. Il prend note que l’auteure, selon ses affirmations, est restée dans le premier foyer jusqu’à ce qu’il lui soit demandé de partir, en octobre, et qu’elle n’a pu obtenir une place dans un second foyer, où elle est demeurée jusqu’en novembre, qu’à l’issue d’une manifestation citoyenne. L’auteure affirme également que, dans ce second foyer, les membres de la famille ont été séparés par sexe et que ses fils, âgés de 8 ans, ont donc dû dormir loin de leur mère.

13.2Le Comité rappelle que, pour qu’un logement soit convenable, il doit s’accompagner d’une sécurité de jouissance, ce que les foyers n’offraient pas. À cet égard, il relève que le plus long séjour de l’auteure et de ses enfants dans un foyer a duré trois mois, période à l’issue de laquelle il leur a été demandé de partir. La situation s’est améliorée par la suite, grâce à l’intervention d’un groupe de citoyens. En conséquence, les foyers constituaient, comme l’État partie l’a affirmé, une solution d’hébergement temporaire, mais non un logement convenable.

13.3Ayant conclu que la solution proposée à l’auteure ne constituait pas un logement convenable, et en l’absence d’autres raisons avancées par l’État partie pour expliquer pourquoi les mesures provisoires n’ont pas pu être respectées, le Comité, conformément à sa jurisprudence sur l’obligation des États parties de se conformer de bonne foi aux mesures provisoires, estime qu’en l’espèce, l’État partie a violé l’article 5 du Protocole facultatif.

D.Conclusion et recommandations

14.Compte tenu de toutes les informations communiquées et des circonstances particulières de l’affaire, le Comité considère que l’expulsion de l’auteure et de ses enfants sans que les autorités aient examiné la proportionnalité de cette mesure constitue une violation du droit de l’auteure à un logement convenable. De même, le Comité considère que le rejet de la demande de logement public présentée par l’auteure sans qu’il soit tenu compte de son état de nécessité et au seul motif qu’elle occupait son logement sans titre juridique constitue en soi une violation du droit de l’auteure à un logement convenable.

15.Le Comité, agissant en application du paragraphe 1 de l’article 9 du Protocole facultatif, estime que l’État partie a porté atteinte au droit que l’auteure et ses enfants tiennent du paragraphe 1 de l’article 11 du Pacte. Il estime également que l’État partie a violé l’article 5 du Protocole facultatif. À la lumière des constatations formulées dans la présente communication, le Comité adresse à l’État partie les recommandations qui suivent.

Recommandations concernant l’auteure et ses enfants

16.L’État partie est tenu d’accorder une réparation effective à l’auteure et à ses enfants, en particulier : a) s’ils ne disposent pas d’un logement convenable, de réévaluer leur état de nécessité et leur rang de priorité dans la liste d’attente pour un logement, compte tenu de la date de dépôt de la demande auprès des services de la Communauté de Madrid, afin de leur attribuer un logement public ou de les faire bénéficier de toute autre mesure qui leur permette de vivre dans un logement convenable, selon les critères établis dans la présente communication ; b) d’indemniser l’auteure et ses enfants pour les violations subies ; et c) de rembourser à l’auteure les frais de justice qui ont raisonnablement pu être engagés dans le cadre de la présente communication.

Recommandations générales

17.Le Comité estime que les réparations recommandées dans le contexte de communications émanant de particuliers peuvent être assorties de garanties de non‑répétition et rappelle que l’État partie est tenu de prévenir des violations analogues à l’avenir. L’État partie doit s’assurer que sa législation et son application des lois sont conformes aux obligations énoncées dans le Pacte. En particulier, l’État partie est tenu :

a)D’élaborer un cadre normatif régissant les expulsions de personnes de leur logement, en prévoyant l’obligation pour les autorités judiciaires d’examiner la proportionnalité entre le but poursuivi par la mesure et ses conséquences pour les personnes visées, ainsi que la compatibilité de la mesure avec le Pacte dans tous les cas, y compris ceux d’occupation sans titre juridique ;

b)De veiller à ce que les personnes sous le coup d’un ordre d’expulsion puissent s’opposer à la décision ou faire appel de celle-ci afin que les autorités judiciaires puissent examiner la proportionnalité entre le but légitime poursuivi par la mesure et ses conséquences pour les personnes expulsées, ainsi que sa compatibilité avec le Pacte dans tous les cas, y compris ceux d’occupation sans titre juridique ;

c)De prendre les mesures nécessaires pour que chacun puisse accéder, dans des conditions d’égalité, au parc de logements sociaux, en supprimant toute exigence déraisonnable susceptible d’exclure une personne exposée au risque d’indigence. En particulier, l’État partie doit faire en sorte que toutes les personnes qui occupent un logement sans titre juridique pour cause d’état de nécessité ne soient plus automatiquement exclues des listes de requérants ;

d)De prendre les mesures nécessaires pour que les procédures d’expulsion visant des personnes sans ressources suffisantes pour trouver un autre logement ne soient exécutées qu’une fois que ces personnes ont été véritablement consultées et que l’État partie a mis tout en œuvre et a agi au maximum de ses ressources disponibles pour que les personnes expulsées soient relogées, surtout lorsque l’expulsion concerne des familles, des personnes âgées, des enfants et d’autres personnes en situation de vulnérabilité ;

e)D’élaborer et de mettre en œuvre, en concertation avec les communautés autonomes et à l’aide de toutes les ressources disponibles, un programme global et détaillé visant à garantir le droit à un logement convenable aux personnes à faible revenu, conformément à l’observation générale no 4. Ce programme devra mentionner les ressources, les mesures, les délais et les critères d’évaluation qui permettront de garantir, de manière raisonnable et vérifiable, le droit au logement à ces personnes ;

f)D’établir un protocole pour l’accession aux demandes de mesures provisoires formulées par le Comité, en informant toutes les autorités concernées de la nécessité de se conformer auxdites demandes pour garantir l’intégrité de la procédure.

18.En vertu du paragraphe 2 de l’article 9 du Protocole facultatif et du paragraphe 1 de l’article 18 du Règlement intérieur provisoire relatif au Protocole facultatif, l’État partie doit soumettre au Comité, dans un délai de six mois, une réponse écrite contenant des informations sur les mesures qu’il a prises à la lumière des constatations et des recommandations du Comité. L’État partie est également prié de publier les constatations du Comité et de les diffuser largement, sous une forme accessible, afin qu’elles soient portées à la connaissance de tous les secteurs de la population.