Nations Unies

E/C.12/2010/SR.34

Conseil économique et social

Distr. générale

9 novembre 2010

Original: français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante - cin qu ième session

Compte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 34 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 3 novembre 2010, à 15 heures

Président: M. Marchán Romero

Sommaire

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Troisième rapport périodique de la République dominicaine

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Troisième rapport périodique de la République dominicaine ((E/C.12/DOM/3); liste des points à traiter (E/C.12/DOM/Q/3; réponses écrites du Gouvernement dominicain à la liste des points à traiter (E/C.12/DOM/Q/3/Add.1)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation dominicaine prend place à la table du Comité.

2.Le Président souhaite la bienvenue à la délégation dominicaine et l’invite à présenter le troisième rapport périodique de l’État partie.

3.M. Puig (République dominicaine) dit qu’une nouvelle Constitution est entrée en vigueur en janvier 2010. Intégrant les principes du Pacte, le catalogue des droits fondamentaux reconnus par la Constitution est considérablement enrichi − propriété intellectuelle, consommateurs, sécurité alimentaire, famille, protection des mineurs, des personnes âgées et des personnes handicapées. L’État dominicain y est par ailleurs défini comme un État de droit, social et démocratique. La Constitution prévoit également des mécanismes de participation populaire, tels le référendum et le plébiscite au niveau local ainsi que le référendum et l’initiative populaire au niveau national. Elle établit la Cour constitutionnelle et la fonction de défenseur du peuple, renforce les moyens de lutte contre la corruption et le népotisme et condamne la prévarication. Elle consacre le secret professionnel et la clause de conscience du journaliste et garantit le droit de réponse et le droit de rectification. Elle fait mention de l’utilisation des genres grammaticaux, signifiant son attachement sans ambigüité à l’égalité entre hommes et femmes. Tout ressortissant dominicain, homme ou femme, peut donner la nationalité dominicaine à son conjoint. Par ailleurs, la Cour suprême de justice a établi dès sa création en 2003, et réaffirmé dans une décision de 2005, que le bloc de constitutionalité dominicain était constitué par les dispositions de même niveau hiérarchique émanant de deux sources de droit: les sources internes, à savoir la Constitution et la jurisprudence constitutionnelle, et les sources internationales, à savoir les instruments internationaux, les avis consultatifs et les décisions de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Il convient de noter que le processus qui a conduit à la reconnaissance progressive des droits économiques, sociaux et culturels a commencé avec le renversement de la tyrannie qui a opprimé le peuple dominicain jusqu’en 1961. L’an prochain, la construction démocratique du pays fêtera son cinquantième anniversaire.

4.Cette construction s’est faite dans un contexte structurel marqué par la pauvreté et l’immigration. La République dominicaine partage l’île sur laquelle elle se trouve avec Haïti, les deux pays comptant ensemble 20 millions d’habitants. Or, 1 à 1,2 million de Haïtiens se sont déplacés vers la République dominicaine. Malgré les efforts du Gouvernement en faveur de la croissance économique, plus de 42 % de la population reste au-dessous du seuil de pauvreté, selon les statistiques de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC). Par ailleurs, des chiffres publiés cette année par la Banque centrale de la République dominicaine indiquent que 56 % de la population active travaille dans le secteur informel.

5.De nombreux Dominicains − 364 000 selon une étude réalisée en 2002 − n’ont pas de papiers. Pour remédier à une situation inacceptable dans un État de droit, la Commission électorale a pris des mesures à partir de 2005, instituant le Service central des déclarations tardives qui compte 10 unités itinérantes auprès desquelles, à ce jour, quelque 270 000 Dominicains, notamment parmi les plus modestes, ont pu obtenir des papiers et ainsi bénéficier de tous les droits inhérents au statut de citoyen. La Commission électorale a créé un registre des naissances des étrangers (Libro de extranjería) pour les enfants nés sur le territoire dominicain de parents étrangers sans papiers; ces enfants disposent ainsi d’un instrument légal certifiant leur naissance qui, en application des accords internationaux, peut par la suite être consignée sur les registres des naissances du pays d’origine des parents. Les enfants apatrides ne sont pas inscrits dans ce registre car si la nationalité de la mère n’est pas connue, l’enfant reçoit automatiquement la nationalité dominicaine en application de la Convention des Nations Unies sur la réduction des cas d’apatridie de 1961. La République dominicaine a également dû réorganiser tous ses registres d’état civil qui contenaient une multitude de dossiers incomplets, falsifiés, modifiés, etc.

6.La discrimination au motif de la race, de la nationalité, du sexe, des croyances, de l’âge, de la religion ou autre est dénoncée par la Constitution. Les seuls actes de ce type sont le fait d’individus isolés. La Constitution, dans ses articles 39 à 41, reconnaît l’égalité de tous devant la loi et condamne la discrimination sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, ce qui a conduit la Cour suprême de justice à prendre des dispositions rendant «inapplicables» des lois considérées comme un obstacle pour certaines catégories de population. La population compte une forte proportion d’immigrants − 10 % à 12 % environ − venant de Haïti. Il a été allégué que les autorités leur appliquaient un traitement discriminatoire. Or, en République dominicaine, les pauvres, qu’ils soient Dominicains ou étrangers, vivent dans la même précarité. Les procédures de rapatriement de citoyens haïtiens se sont toujours déroulées dans le cadre du protocole d’accord conclu en 1999 entre la République dominicaine et Haïti. Toutefois, à la suite de la terrible tragédie qui a frappé Haïti en janvier 2010, la République dominicaine a suspendu tout rapatriement vers son voisin. Le Gouvernement réalise des dépenses importantes en faveur des immigrés haïtiens qui absorbent 23 % du budget régulier du Ministère de la santé. Dans le domaine de l’éducation, il n’y a rigoureusement aucune discrimination.

7.En République dominicaine, les femmes jouissent des mêmes droits que les hommes. Il existe même une politique de discrimination positive qui réserve 33 % des fonctions électives municipales et parlementaires aux femmes et qui a abouti au doublement du pourcentage de femmes au Congrès − de 9,3 % dans la période 1990-1994 à 19 % dans la période 2010-2016. Le Ministère du travail et le Ministère de la femme ont signé une alliance stratégique pour garantir la reconnaissance des droits des femmes au travail. Le ministère public a créé un poste de procureur spécialement chargé des affaires concernant les droits des femmes. Face aux nombreux cas de violence sexiste, des services pluridisciplinaires de prévention et de prise en charge des victimes comptant des psychologues, des médecins, des juristes ainsi que des policiers spécialement formés ont été créés. La violence dans la famille est également fréquente; le Gouvernement a donc pris des mesures, législatives notamment, pour modifier les comportements.

8.La traite des êtres humains − femmes, mineurs − comme le trafic de personnes sans papiers sous toutes leurs formes sont interdits par la Constitution dominicaine. Le Gouvernement a créé en 2007 la Commission nationale contre la traite et le trafic de personnes qui a élaboré le Plan national d’action contre la traite des personnes et le trafic illicite des migrants (2009-2014). En 2004 déjà, le Bureau du Procureur général de la République, par l’intermédiaire de son Service de lutte contre la traite et le trafic de personnes, avait commencé un travail d’enquêtes et de poursuites systématiques dans les affaires de traite et de trafic. Des politiques spécifiques sont également en place pour combattre l’exploitation sexuelle des mineurs à des fins commerciales.

9.La population est composée à 50,2 % de femmes. Les femmes sont majoritaires dans les écoles secondaires et à l’université où elles représentent 55 % des effectifs. Cela entraîne des modifications sensibles dans la direction des entreprises et sur le marché de l’emploi.

10.Le Code du travail interdit l’emploi des enfants de moins de 14 ans, impose des restrictions strictes à l’emploi des jeunes de moins de 16 ans et protège tous les mineurs contre les pires formes de travail des enfants. Les infractions à ces dispositions font l’objet de poursuites sévères. Le Comité national de lutte contre le travail des enfants compte près de 35 comités locaux composés d’acteurs publics et privés qui sont engagés en faveur du Plan stratégique national pour l’élimination des pires formes de travail des enfants. La République dominicaine participe au programme régional pour l’élimination totale des pires formes de travail des enfants d’ici à 2015 et l’élimination du travail des enfants d’ici à 2020. Grâce à ce programme, quelque 27 000 mineurs ont pu être protégés contre l’exploitation au travail. Une étude sur le travail des enfants, en voie d’achèvement, montrera les progrès notables accomplis dans ce domaine. Convaincu que la place des enfants est à l’école, le Gouvernement a créé en 2008 un programme de subventions scolaires qui bénéficie à 208 000 familles.

11.La République dominicaine ayant adhéré aux conventions de l’OIT sur la liberté syndicale et le droit d’organisation et de négociation collective, le Code du travail protège la liberté d’organisation et l’exercice de la liberté syndicale. Le Ministère du travail compte 203 inspecteurs (taux le plus élevé de la région Amérique centrale-Caraïbes par rapport au nombre d’habitants). Il a établi un plan stratégique pour 2008-2012 centré sur quatre priorités: application des normes du travail; création d’emplois en plus grand nombre et assortis de meilleures conditions; non-discrimination et égalité des chances; et développement du système de sécurité sociale. Il a également mis en place des programmes spécialement destinés à garantir l’accès à l’emploi des groupes les plus défavorisés, notamment les personnes handicapées, par la formation professionnelle, ainsi qu’un programme qui vise à améliorer l’employabilité des jeunes âgés de 16 à 29 ans ayant quitté l’école prématurément et tentés par la délinquance. Ce programme a permis de former 45 000 jeunes dont 60 % ont à présent un emploi stable. Naturellement, les difficultés demeurent considérables (56 % de travailleurs dans l’économie informelle, faible niveau de formation, faible productivité et, partant, bas salaires), et constituent un cercle vicieux qu’il faut rompre.

12.La lutte contre la pauvreté et l’exclusion est une priorité du Gouvernement qui a instauré des programmes d’aides et d’allocations aux plus défavorisés: Comer es Primer (Manger d’abord), Solidaridad, qui distribue des cartes électroniques de débit avec lesquelles acheter un panier d’aliments et régler certaines prestations particulières et Bono Gas, qui permet aux familles pauvres de se procurer du gaz pour cuisiner et se déplacer. Le manque de logements fait aussi l’objet d’une politique énergique. Entre 2003 et 2008, l’Institut national du logement en a livré quelque 230 000 unités.

13.Au début des années 2000, les autorités dominicaines se sont attaquées à la question de la sécurité sociale qui a été créée par une loi de 2001. Le système qui se met en place peu à peu comporte trois volets: un régime contributif, un régime subventionné par l’État et un régime mixte fondé sur les cotisations des travailleurs et les subventions publiques. Les progrès sont remarquables. En 2007, 20 % seulement de la population (2 millions de personnes) étaient couverts par l’un ou l’autre des régimes; en juillet 2010, ce taux était passé à 40 %, soit 4 millions de personnes, le régime subventionné comptant le plus grand nombre d’assurés.

14.La Commission présidentielle de lutte contre le sida déploie des efforts considérables, et la stratégie qu’elle a adoptée pour contenir la progression de l’épidémie donne de bons résultats.

15.L’éducation élémentaire est obligatoire en République dominicaine. Dans l’enseignement primaire, la couverture a fortement progressé, passant de 92 % en 2000 à 95 % en 2010, et elle devrait être totale en 2019. Toutefois, la qualité de l’enseignement pose problème tout comme le redoublement et, malgré un certain recul, l’abandon scolaire.

16.La République dominicaine est un pays d’accueil et d’origine de migrants. En tant que pays d’accueil, elle entretient des relations très étroites avec son voisin Haïti. Elle envisage actuellement d’adhérer à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et à la Convention interaméricaine de sécurité sociale qui concerne les pays ibéro-américains.

Articles 1er à 5 du Pacte

17.M. Pillay note qu’une décision de la Cour suprême de la République dominicaine donne rang constitutionnel aux instruments internationaux auxquels l’État est partie et demande s’il existe une jurisprudence nationale relative aux droits économiques, sociaux et culturels. Il souhaiterait également connaître la place effective du Pacte dans l’ordre juridique interne car il semblerait que la Cour suprême se soit parfois rétractée. Par ailleurs, il semblerait que le Gouvernement n’alloue pas suffisamment de ressources au renforcement des droits économiques, sociaux et culturels (l’investissement social ne représenterait pas plus de 8 % du PIB contre 16 % dans les autres pays de la région); il serait intéressant d’en connaître les raisons et de savoir s’il est prévu d’y remédier.

18.M. Pillay relève l’insuffisance des mesures prises contre la corruption et le climat d’impunité qui règne parmi les fonctionnaires et les organes chargés de faire respecter la loi et demande s’il est envisagé de créer un comité qui serait chargé d’enquêter sur les cas de violations des droits de l’homme en vue de poursuivre et sanctionner les auteurs.

19.Rappelant que la loi portant création du poste de défenseur du peuple a été promulguée en 2000, M. Pillay voudrait savoir pourquoi ce poste n’a toujours pas été pourvu. Il demande également pourquoi le poste de médiateur pour les droits de l’enfant est aussi demeuré vacant.

20.M. Kedzia, s’associant aux questions de M. Pillay, souhaiterait savoir si l’État partie envisage de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte, si un délai a été fixé pour pourvoir le poste de défenseur du peuple et si le défenseur demandera une accréditation conformément aux Principes de Paris.

21.M. Kedzia demande s’il existe une loi contre la discrimination ou si la promulgation d’une telle loi est envisagée. Il serait bon de savoir par ailleurs si la disposition consacrant l’égalité des Dominicains et des étrangers en droits et libertés s’applique aux clandestins d’origine haïtienne, aux migrants et aux demandeurs d’asile, entre autres.

22.Concernant les questions de nationalité, M. Kedzia évoque la décision de la Cour suprême en vertu de laquelle les travailleurs haïtiens sont considérés comme des personnes en transit et ne peuvent, de ce fait, acquérir la nationalité, rappelle qu’en 2004, la loi relative à la migration a élargi la définition de «personnes en transit» qui englobe désormais les non-résidents (y compris les personnes dont le permis de séjour a expiré et les travailleurs sans papiers) et indique que, d’après les informations dont il dispose, cette loi serait appliquée rétroactivement. Il prie la délégation dominicaine de confirmer ces informations et de donner des précisions sur les dispositions pertinentes de la Constitution de 2010. Il souhaiterait en outre connaître le résultat des audiences organisées le 28 octobre 2010 par la Commission interaméricaine des droits de l’homme sur la nouvelle Constitution de la République dominicaine et ses incidences sur la situation des étrangers, en particulier les personnes d’origine haïtienne.

23.Tout en félicitant le Gouvernement dominicain pour les efforts déployés en la matière, M. Kedzia demande pourquoi le processus de délivrance des actes de naissance est si long − en 2002, 364 000 habitants n’en possédaient pas et, à ce jour, seulement 270 000 actes ont été délivrés − et si un délai est prévu pour remédier à la situation. Se référant ensuite au registre d’enregistrement des étrangers (Libro de extranjería) mentionné par le Ministre de l’emploi, M Kedzia souhaiterait savoir si les personnes sans papiers nées avant l’adoption de la loi de 2004 sont concernées.

24.M. Schrijver reconnaît les progrès réalisés par l’État partie mais relève plusieurs problèmes structurels qui entravent l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels en République dominicaine, y compris la discrimination, voire les mauvais traitements, que subissent les personnes d’origine haïtienne selon plusieurs sources d’information. Il demande des précisions concernant la suspension du rapatriement des Haïtiens depuis le séisme de janvier 2010 et s’enquiert des mesures prises pour remédier aux conséquences de cette tragédie.

25.M. Schrijver souhaiterait de plus amples renseignements sur la politique appliquée par l’État partie pour venir à bout des nombreux problèmes structurels – élargissement du secteur informel, qui entraîne une disparité considérable en termes de revenus et augmente le travail des enfants, exécutions extrajudiciaires, violence domestique et autres. Il s’enquiert également du type d’assistance internationale que le pays reçoit ou demande à cet effet et note, à ce propos, qu’il pourrait être opportun de demander une aide technique du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, de l’Organisation internationale du Travail, ou de la Banque mondiale par exemple, afin de renforcer les capacités institutionnelles et de promouvoir les droits économiques, sociaux et culturels en traitant les problèmes à la source.

26.M. Abashidze constate que onze années se sont écoulées entre la soumission des deuxième et troisième rapports de la République dominicaine et s’enquiert des raisons de ce retard. Il voudrait également savoir si, en établissant son troisième rapport, l’État partie a tenu compte des questions qui avaient été posées à la suite de l’examen du rapport précédent et qui étaient restées sans réponse. Il demande en outre quels mesures ou mécanismes permettent d’évaluer l’application des instruments internationaux par les tribunaux et de veiller à ce que le Pacte soit mis sur un pied d’égalité avec les lois nationales, voire qu’il ait la primauté en cas de divergence. Il voudrait savoir s’il existe dans l’État partie une institution chargée de la défense des droits de l’homme et, dans l’affirmative, dans quelle mesure elle respecte les Principes de Paris.

27.D’après certaines informations, la République dominicaine ne reconnaît pas l’existence de discrimination ou de racisme sur son territoire. Il conviendrait de préciser s’il existe un plan d’action national dans ce domaine et si l’État partie envisage de revoir la législation privant les Haïtiens sans papiers du droit électoral. Il serait également intéressant de savoir si le Gouvernement a une idée précise du nombre de clandestins vivant dans le pays. Faisant remarquer que le travail forcé, assimilable à l’esclavage au regard du droit international, serait pratiqué dans le secteur du bâtiment, des services et de l’agriculture, M. Abashidze demande pourquoi l’État partie n’a pas ratifié la Convention de 1926 sur l’esclavage et ne prend aucune mesure concernant le Protocole de 1953 qui s’y rapporte.

28.M. Atangana, s’associant à la question posée par les autres membres du Comité concernant la place du Pacte dans le droit interne, demande s’il a rang constitutionnel et peut de ce fait être invoqué devant les tribunaux. Pour ce qui est de la lutte contre la corruption, il fait remarquer que, malgré les mesures prises par le Gouvernement, l’État partie a été classé 99e sur 180 pays en 2009 par Amnesty International, et il demande si cette situation ne serait pas due à un manque de coordination entre les différentes structures établies pour combattre le phénomène. Il souligne à ce propos que la corruption affaiblit le système judiciaire dans la mesure où elle le décrédibilise aux yeux de la population. En vertu du nouveau Code de procédure pénale, les militaires peuvent être traduits devant les juridictions de droit commun. Il serait intéressant de savoir si ce nouveau code a influencé les jugements prononcés dans des affaires impliquant de hauts fonctionnaires, par exemple. Enfin, il serait bon de connaître les mesures prises pour améliorer l’organisation du système judiciaire et la répartition géographique des juges.

29.M me Barahona Riera souhaite savoir si les deux stratégies en faveur de l’égalité des sexes menées respectivement par le Ministère de la femme et le Ministère du travail sont reliées entre elles et quel est le budget alloué à chacune. Compte tenu de la faible participation des femmes à la vie politique dans l’État partie (30 %), elle demande si le projet de transformation du Ministère de la femme en Ministère de la famille vise à renforcer l’action menée en faveur de la parité ou à l’atténuer, et si dans son action le Gouvernement s’efforce bien d’atteindre les femmes les plus démunies, en milieu rural, qui sont les moins favorisées à cet égard. Elle s’interroge également sur l’existence d’un cadre législatif contre le harcèlement sexuel au travail.

30.M me Bras Gomes demande quelles mesures l’État partie compte prendre pour remédier aux répercussions néfastes (sur le droit à l’eau, notamment) des accords de libre-échange ou de partenariat économique ou commercial conclus avec les États-Unis d’Amérique, l’Union européenne ou encore la Communauté des Caraïbes, et quelles garanties il prévoit de mettre en place pour éviter à l’avenir de telles répercussions. Elle demande également si l’État partie a traduit les nombreuses lois et dispositions relatives à la discrimination énumérées aux pages 6 à 9 du rapport à l’examen en programmes et mesures concrètes, et quels en ont été les résultats. Elle souhaite à cet égard que l’État précise s’il envisage de regrouper tous les textes existants relatifs à la discrimination en une seule et même loi. Enfin, évoquant la marginalisation économique et sociale des travailleurs dans les bateyes (question no 7 de la liste des points à traiter), elle fait observer que le Comité s’inquiète non pas tant de la limitation des ressources économiques que de l’inégalité dans leur répartition.

31.M. Tirado Mejia dit que face au problème de la discrimination − envers la population haïtienne en particulier − qui persiste malgré les progrès enregistrés (adoption de lois, évolution des comportements), le Comité attend l’adoption de mesures gouvernementales fermes, notamment dans le domaine du travail et de la rémunération. De même, il escompte des mesures bien plus énergiques visant à remédier à la situation des personnes dépourvues de papiers d’identité, qui se trouvent de fait en situation de mort civile. Les enfants de parents étrangers sont, quant à eux, privés de tout un ensemble de possibilités et se retrouvent dans une situation très confuse, elle aussi hautement préoccupante. Enfin, il serait utile que la délégation communique le texte de l’article du nouveau Code pénal qualifiant d’infraction pénale la discrimination et l’atteinte à la personne, et qu’elle fasse part de cas concrets de sanctions pénales pour discrimination.

32.M. Sadi, relevant la faible part du budget que l’État partie alloue aux droits économiques, sociaux et culturels, demande quelle est sa vision du Pacte dans son ensemble, et s’il est favorable au Protocole facultatif s’y rapportant. Compte tenu de la place importante accordée à l’Église catholique dans l’État partie, il demande si les autres religions représentées bénéficient d’un traitement différent. Il souhaite également savoir si la société civile a été associée à l’élaboration du rapport à l’examen. En l’absence d’informations précises sur l’éducation aux droits de l’homme, il demande si cet enseignement est obligatoire et quelle est la place qui lui est faite. Enfin, il fait observer qu’il est bien plus urgent d’assurer aux enfants de parents étrangers ou apatrides l’exercice des droits sociaux consacrés par le Pacte (éducation, santé, logement) que de s’occuper de leur enregistrement civil.

33.M. Abdel-Moneim demande quelle a été l’évolution du montant de l’aide publique au développement au fil des dix années écoulées depuis la soumission du dernier rapport, quelle part de cette aide est allée à la mise en place d’une véritable infrastructure économique dans le pays et dans quelle mesure cette aide a favorisé la pleine réalisation des droits consacrés par le Pacte.

34.M. Puig (République dominicaine) indique tout d’abord que la société civile a bien été consultée lors de l’élaboration du rapport à l’examen mais que seule la position du Gouvernement est, comme il se doit, reflétée dans le rapport. Sur la question de la jurisprudence relative aux droits économiques et sociaux, l’adoption de la nouvelle Constitution est trop récente mais, par le passé, la Cour suprême de justice a invalidé certains articles du Code civil jugés discriminatoires à l’égard des plus pauvres (obligation de verser un acompte pour prétendre à certains droits). Le tribunal constitutionnel créé en vertu de la nouvelle Constitution − dont les membres doivent être désignés sous peu − aura toutes les compétences et l’expertise voulues pour se prononcer sur la constitutionnalité de certains textes. À propos du taux élevé de pauvreté et de l’absence d’investissements dans le domaine social, M. Puig fait observer que les grandes institutions financières internationales assortissent les prêts accordés de conditions qui, souvent, limitent la liberté de manœuvre du Gouvernement. En outre, les plus grandes facilités consenties par ces institutions à la suite de la crise mondiale de 2008 ont accru l’endettement du pays, et les obligations liées au service de la dette augmentant, le budget disponible diminue proportionnellement.

35.Pour lutter contre la corruption des fonctionnaires, le Gouvernement ne se contente pas de relever le niveau de leur rémunération: il accompagne cette mesure d’exigences plus grandes au moment du recrutement et dispense une formation continue au personnel. Très désireuses d’obtenir une aide extérieure dans leur combat contre la corruption, les autorités ont rencontré des représentants de l’ONU, de la Banque mondiale et de la Banque interaméricaine de développement, notamment, et les ont priés de réaliser une étude sur le niveau de corruption dans le secteur privé et dans le secteur public du pays. À la demande du Président de la République lui-même, ces organisations ont formulé une trentaine de recommandations qui viennent de lui être communiquées.

36.M. Puig dit que, contrairement aux allégations dont M. Pillay s’est fait l’écho, les auteurs présumés d’exécutions extrajudiciaires sont systématiquement poursuivis, y compris lorsqu’il s’agit de membres des forces de l’ordre qui ont manifestement fait un usage excessif de la force. Dans tous les cas, c’est aux tribunaux qu’il appartient d’établir si les actes peuvent être qualifiés ou non d’assassinat.

37.La fonction de défenseur du peuple a été instituée en 2000, mais le poste n’a toujours pas été pourvu faute de consensus au Congrès. Les législateurs ne se sont pas davantage accordés sur le choix du médiateur pour les droits de l’enfant ou du médiateur en charge des questions environnementales. L’activité législative étant intense depuis l’adoption de la nouvelle Constitution en janvier 2010, la nomination devrait avoir lieu sans tarder, au plus tard à la fin de l’année en cours. Le Congrès examine aussi la possibilité de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte, et l’adhésion à cet instrument pourrait intervenir prochainement.

38.Le Code du travail n’établit aucune distinction entre les travailleurs au motif de leur nationalité et le fait que les étrangers soient en situation régulière ou non n’a aucune incidence sur leurs conditions de travail. Dès lors qu’il existe un contrat de travail entre les parties, l’employé de nationalité étrangère qui voudrait faire valoir ses droits en cas de litige avec son employeur peut recourir à l’assistance judiciaire dispensée par le Ministère du travail, et ce, quel que soit son statut au regard de la loi sur l’immigration.

39.Étant donné que la législation dominicaine n’établit aucune distinction entre les travailleurs sur la base de leur nationalité ou de leur statut juridique, il n’existe pas de données statistiques relatives aux travailleurs étrangers en République dominicaine.

40.M. Marques (République dominicaine) dit que la loi no 08/1992 a confié à la Commission électorale la responsabilité d’enregistrer les naissances et les décès.

41.En 2002, une étude a été entreprise sur les personnes n’ayant pas de papiers d’identité dans les zones d’extrême pauvreté. Il en est ressorti qu’entre 400 000 et 500 000 habitants de ces zones n’étaient pas en mesure de produire ne serait-ce qu’un acte de naissance. Il ne s’agit pas de ressortissants étrangers en situation de précarité mais bien de Dominicains appartenant à des groupes de population particulièrement défavorisés et marginalisés. En coopération avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la Banque mondiale et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, un programme a permis d’identifier 364 000 d’entre eux et de leur délivrer des papiers d’identité. Ce programme reposait notamment sur le travail d’unités mobiles composées de travailleurs sociaux, de sociologues et autres avocats, chargées de se rendre dans les zones reculées pour recenser les personnes qui ne l’avaient pas encore été. Conscient de la nécessité de s’attaquer aux causes profondes de ce phénomène, le Gouvernement a instauré des bureaux de l’état civil au sein même des établissements hospitaliers afin de faciliter l’enregistrement des naissances, une étude menée par le Bureau national de la statistique ayant révélé que deux tiers des femmes accouchent à l’hôpital. Ainsi, de tels services ont été créés dans les 30 hôpitaux du pays où ont lieu 85 % des naissances, afin que les mères repartent avec un certificat de naissance portant un numéro qui permettra d’identifier leur enfant jusqu’à son décès.

42.Le Gouvernement dominicain a également pris des mesures contre la falsification des papiers d’identité, qui facilite la traite des êtres humains. Ainsi, aucune carte d’identité n’est délivrée en l’absence d’un certificat de naissance, et chaque carte porte les empreintes digitales de son titulaire. Quiconque est dans l’incapacité de produire un document d’identité fait l’objet d’une enquête, mais cette procédure ne traduit donc pas une politique discriminatoire à l’égard des étrangers, puisqu’elle s’applique indifféremment à toute personne dépourvue de papiers.

43.D’après une étude menée en 2008 par le PNUD, 90 % des migrants sont titulaires d’un acte de naissance, d’un acte de baptême, d’une carte d’identité ou d’un passeport, ce qui donne à penser que le problème des étrangers sans papiers n’est peut-être pas aussi aigu qu’on le dit.

44.En vertu de la loi dominicaine, seuls les ressortissants dominicains ont le droit de voter. Les étrangers qui souhaiteraient participer à la vie politique peuvent entreprendre des démarches en vue d’obtenir la nationalité dominicaine.

45.Les articles 18 et 25 de la nouvelle Constitution régissent le droit à la citoyenneté. Tout enfant né d’un parent étranger et d’un parent dominicain acquiert automatiquement la nationalité dominicaine à la naissance. Obtiennent également la nationalité dominicaine les enfants dont les deux parents étrangers résident sur le territoire dominicain de manière régulière.

46.Depuis le séisme qui a ébranlé Haïti en janvier 2010, entre 20 et 30 % des femmes qui accouchent dans les hôpitaux de la province de Santiago sont des Haïtiennes ayant traversé la frontière pour donner naissance à leur enfant dans un établissement médicalisé. Ces femmes ne cherchaient pas à ce que leur enfant obtienne ainsi la nationalité dominicaine, mais souhaitaient avant tout qu’il naisse dans de bonnes conditions de sécurité. C’est pourquoi les autorités leur délivrent non pas des papiers d’identité mais un certificat de naissance qui permettra à leur enfant d’être enregistré auprès de l’état civil de son propre pays, qui n’accepte d’ailleurs pas la double nationalité.

47.Les personnes ayant obtenu la nationalité dominicaine de manière frauduleuse avérée se voient retirer leurs papiers d’identité mais elles gardent la possibilité de l’acquérir par des moyens légaux. Cela vaut pour tous les étrangers titulaires de faux papiers quelle que soit leur origine et pas exclusivement les Haïtiens. S’ils ont connaissance de cas précis où la nationalité dominicaine a été retirée de manière injuste, les membres du Comité devraient fournir à la délégation la liste précise des personnes concernées afin qu’elle puisse procéder à des vérifications.

48.M. Puig (République dominicaine) dit que les tribunaux dominicains ont déjà prononcé des condamnations − y compris pénales − en application des lois antidiscriminatoires en vigueur dans le pays.

49.Il affirme ensuite avec fermeté qu’il n’existe en République dominicaine aucune forme de travail forcé ni d’esclavage, et que les étrangers employés sur le territoire national − qu’ils soient titulaires ou non d’un permis de travail − y sont tous entrés de leur plein gré.

La délégation dominicaine se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 h 50.