Nations Unies

E/C.12/2006/SR.18

Conseil économique et social

Distr. générale

17 décembre 2009

Original: français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Trente-sixième session

Compte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 18 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 11 mai 2006, à 15 heures

Président e: Mme Bonoan-Dandan

Sommaire

Examen des rapports:

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Troisième rapport périodique du Maroc (suite)

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapports:

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Troisième rapport périodique du Maroc ((E/1994/104/Add.29), document de base (HRI/CORE/1/Add.23/Rev.1); Observations finales du Comité sur le deuxième rapport périodique (E/C.12/1/Add.5); liste des points à traiter (E/C.12//MAR/Q/2); réponses écrites du Gouvernement marocain à la liste des points à traiter (E/C.12/MAR/Q/2/Add.1 et E/C.12/MAR/Q/2/Add.2)) (suite)

1. À l ’ invitation de la Présidente, la délégation marocaine reprend place à la table du Comité.

2.M. A bouzaid (Maroc) dit qu’il existe un lien entre le développement des infrastructures telles que les routes et l’accès à l’eau potable et le développement de l’agriculture. Grâce aux projets mis en œuvre et aux investissements consentis, il est désormais possible au Maroc de cultiver les agrumes, les oliviers et de faire de l’élevage. Un accord a été passé entre la Banque islamique de développement et le Gouvernement marocain, qui porte sur le financement du projet d’approvisionnement en électricité des villages et l’aménagement des infrastructures.

3.M. E ljirahi (Maroc) dit que conformément aux prescriptions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) en la matière, la loi prévoit un congé de maternité de quatorze semaines. La mère a également la possibilité de prendre un congé supplémentaire pendant la grossesse et au cours des sept semaines qui suivent l’accouchement, ainsi que de demander un congé sans solde d’une année pour élever son enfant.

4.Le Gouvernement marocain veille également à faire respecter les droits syndicaux des employés et entend renforcer le dialogue pour que davantage de conventions collectives soient signées. Il a également fait en sorte que des programmes de formation et d’alphabétisation soient mis en place dans le secteur du textile, pour un budget de 50 millions d’euros.

5.En 2003, les autorités compétentes ont élaboré un programme de réformes visant à garantir l’équilibre financier du régime de pensions. Il existe trois régimes de base: le Fonds marocain des pensions, qui couvre les civils comme les militaires, le régime de sécurité sociale du secteur privé et un autre régime auxquels sont affiliés les fonctionnaires. Tous les autres régimes existants sont des régimes complémentaires.

6.Le Code du travail indique que les salaires sont fixés librement en vertu de conventions collectives ou d’accords passés entre les parties qui tiennent compte de l’indice du coût de la vie. Les inspecteurs du travail sont chargés de surveiller l’application de la loi, et notamment du Code du travail. Ils s’acquittent de leurs fonctions en toute indépendance. Le Maroc a ratifié la Convention n° 81 de l’OIT sur l’inspection du travail et la Convention n° 129 de l’OIT concernant l’inspection du travail dans l’agriculture.

7.M. L oulichki (Maroc) dit qu’il n’existe pas de camps dans les provinces subsahariennes. Par contre, il y en a à Tindouf, en Algérie voisine. Le Maroc a toujours plaidé en faveur du rapatriement le plus rapide possible des populations qui s’y trouvent, et qui y vivent dans des conditions humanitaires difficiles. À cette fin, le Maroc a mis en œuvre deux programmes, dont le premier, doté d’une enveloppe de 120 millions de dollars, a permis de construire 20 000 logements et le deuxième, en cours, devrait aboutir à la construction de 40 000 logements supplémentaires, pour un budget de 140 millions de dollars. Au total donc, plus du quart d’un milliard de dollars a été mobilisé pour créer un nombre de logements suffisant pour accueillir toutes les populations des camps de Tindouf. Il n’existe en revanche pas de camps à Lâayoune et depuis 1975, le Gouvernement marocain s’est attelé à mettre en œuvre une politique de mise à niveau entre les provinces du Nord et celles du Sud. Il faut savoir qu’au moment de la décolonisation, ces provinces dont a hérité le Maroc étaient totalement démunies d’infrastructures, notamment d’hôpitaux, d’écoles et d’universités, et celui-ci n’a ménagé aucun effort pour combler cet écart.

8.M me B ras G omes demande si le Maroc est disposé à ratifier la Convention n° 183 de l’OIT sur la protection de la maternité, et ce qui l’empêche de ratifier la Convention n° 87 de cette organisation concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical. Elle souhaiterait ensuite savoir si la privatisation des services de santé n’entrave pas l’accès aux services de santé, et notamment si les femmes rurales pauvres peuvent bénéficier de soins de santé gratuits.

9.M. P illay , déplorant que le taux de mortalité infantile soit bien plus élevé dans les régions rurales qu’urbaines, et que sur les 46 médecins pour 100 000 habitants que compte le pays, 44 soient établis dans deux villes seulement, voudrait savoir ce que fait l’État partie pour s’assurer que les populations rurales ont accès aux soins médicaux au même titre que les personnes vivant dans les villes.

10.M. Pillay voudrait savoir s’il est vrai que depuis la conclusion de l’Accord de libre‑échange avec les États-Unis d’Amérique, le Maroc n’a plus le droit d’utiliser de médicaments génériques, ce qui devrait pousser à la hausse le prix des médicaments. Le Gouvernement marocain a-t-il réalisé une étude d’impact de cet accord sur les droits consacrés par le Pacte avant de le signer, et a-t-il réfléchi aux conséquences que pourrait avoir un tel accord sur le droit à la santé des pauvres ainsi que des personnes défavorisées et marginalisées?

11.M. S adi demande si en matière d’éducation, le Maroc fait une distinction entre ressortissants et non-ressortissants, à savoir entre les élèves marocains et les enfants d’étrangers se trouvant dans le pays, et plus précisément, si tous ont accès à l’enseignement dans les mêmes conditions. La délégation marocaine pourrait indiquer si les droits de l’homme sont enseignés dans les écoles, et dans l’affirmative, à quel niveau, et si l’instruction religieuse des non-musulmans est dispensée dans des écoles privées. Elle pourrait en outre indiquer si l’État partie a mis en place une campagne de lutte contre l’abandon scolaire et s’il entend instaurer la gratuité de l’enseignement, y compris de l’enseignement supérieur, et ce, pour les ressortissants marocains au même titre que pour les étrangers.

12.M me G hose demande si une loi spécifique érige en infraction la violence familiale et le harcèlement sexuel, précisant que le harcèlement ne revêt pas seulement une composante sexuelle mais peut se traduire par un vaste éventail de mots, de gestes et de comportements déplacés, et n’intervient pas seulement dans la sphère familiale. Aussi apprécierait-elle de savoir s’il existe une infraction de harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

13.M. E ljirari (Maroc) dit que pour pallier les problèmes sociaux découlant de la libéralisation de l’industrie textile, l’État a signé un accord visant à moderniser et à préserver ce secteur qui emploie quelque 200 000 travailleurs, dont 75 % de femmes, et à offrir une formation à ses salariés. Il coopère à cette fin avec le Programme pour le travail décent (PPTD) de l’Organisation internationale du Travail qui cherche à renforcer les différents moyens de règlement des différends et à créer des associations destinées à venir en aide aux comités de sécurité et d’hygiène ainsi qu’aux syndicalistes.

14.Le Code du travail reprend les dispositions de la Convention n° 87 de l’OIT, qui protège notamment les représentants syndicaux. De ce fait, toute atteinte aux droits de ces personnes constitue une infraction au droit du travail, et les inspecteurs du travail tentent de repérer les établissements qui enfreindraient lesdites dispositions afin de le poursuivre en justice. De nombreuses peines ont d’ailleurs déjà été prononcées pour ce motif. Le Gouvernement marocain étudie actuellement la possibilité de signer la Convention n° 87 de l’OIT, et manifestement, les administrations et les entreprises privées ne devraient pas s’y opposer.

15.M. Z irari (Maroc) dit qu’au vu du manque de ressources dont souffre le Maroc, les résultats obtenus dans le domaine de la santé, et notamment de la réduction de la mortalité infanto-juvénile, peuvent être qualifiés de spectaculaires. Pour tenter de combler les disparités entre les régions urbaines et les régions rurales, le Gouvernement marocain alloue des ressources financières destinées à aider à élargir la couverture sanitaire dont bénéficient les zones rurales, et tente d’attirer des médecins dans les zones rurales et reculées du pays.

16.La question des décès maternels dans les pays en développement a pris toute sa signification lors de la Conférence de Nairobi tenue en 1987 sur ce thème. Le Maroc a depuis lors élaboré et mis en œuvre une stratégie qui vise à réduire les décès maternels et néonatals. Un état des lieux de la question a été fait, qui a permis de connaître le nombre de ces décès tant au sein qu’en dehors des formations sanitaires, ainsi que leur cause. Il en est ressorti que c’est en général un problème de compétences et de qualité des soins dispensés qui en est à l’origine, et il devrait donc être possible d’en réduire le nombre de manière significative en faisant en sorte que toutes les grossesses soient suivies. De grands travaux sont actuellement entrepris pour agrandir et humaniser les maternités et les maisons d’accouchement. Le plateau technique a en outre été revu avec les médecins, et les personnels de santé ont été formés. Le Maroc fait figure de pionnier dans la région pour avoir adapté les directives cliniques Organisation mondiale de la santé (OMS)/Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) relatives à la réduction des décès maternels et néonatals. Un tel renforcement des compétences devrait permettre de réduire efficacement le nombre de décès maternels.

17.Un autre axe d’action a consisté à informer et à éduquer les femmes. La société civile joue à cet égard un rôle crucial, et les organisations œuvrant dans ce domaine doivent combattre certains tabous et habitudes culturelles: la grossesse étant perçue par tous comme un événement naturel, les femmes ne se rendent dans les formations sanitaires qu’en cas de complications, ce qui est un tort. Celles qui habitent dans une région reculée n’ont en outre pas immédiatement accès à un obstétricien, seul capable de pratiquer une césarienne pour lever l’urgence vitale. Dans ce cas, l’obstétricien consulté trop tardivement ne peut que constater le décès. Le taux de couverture de la surveillance prénatale a toutefois fait un bond spectaculaire, notamment en cas de complications obstétricales, tout comme la prise en charge post‑partum. En 1990, 1 % des femmes accouchaient par césarienne; elles sont 12 % aujourd’hui. L’impact des nouvelles mesures prises devrait se faire sentir dans sept ou huit ans, et une enquête exhaustive sera menée à cette fin.

18.Pour ce qui est de la protection sociale médicale, il faut savoir que 34 % de la population marocaine est prise en charge par le régime d’assurance maladie obligatoire (AMO), et que 50 % de la population devrait bientôt bénéficier du régime d’assistance médicale aux économiquement faibles (RAMED), ces deux composantes constituant la couverture médicale de base. Il restera le problème de la couverture des 10 % à 15 % de Marocains qui sont à la tête d’une petite entreprise ou d’un petit commerce, qui recourent beaucoup à des assurances privées.

19.Le Gouvernement marocain est conscient que les médicaments génériques coûtent de loin moins cher que les médicaments de marque, et c’est la raison pour laquelle ce sont les seuls médicaments remboursés par l’assurance maladie obligatoire.

20.M. N ajem (Maroc) dit que pour trouver une solution au problème du logement, il importe de limiter le phénomène du squat, de rénover le parc de logements sociaux et d’octroyer des permis de construire dans les zones rurales. Il conviendra également d’accorder des aides au logement et de permettre à davantage de Marocains d’accéder à la propriété. Les bidonvilles existants devront aussi être remplacés par de nouvelles zones d’habitation.

21.Le Roi Mohammed VI a demandé qu’une attention toute particulière soit accordée aux victimes du tremblement de terre d’Al Hoceima, dont bon nombre sont amazighs, et de nombreux efforts ont été mis en œuvre pour améliorer leurs conditions de vie, notamment grâce à une collaboration entre le Gouvernement marocain et des institutions étrangères, des organisations de la société civile et le Croissant-Rouge marocain. La région est en cours de reconstruction et les nouveaux bâtiments respectent les normes antisismiques.

22.La formation des professeurs est dispensée dans des établissements spécialisés d’enseignement supérieur, dans des classes préparatoires ou à l’université. Les modalités de la formation professionnelle et du recyclage sont quant à elles prévues dans des accords passés avec les entreprises, qui financent certains stages. D’autres formations encore sont destinées aux handicapés, notamment aux aveugles, et aux prisonniers.

23.M. A ghmani (Maroc) dit que le Code pénal érige en infraction le harcèlement sexuel, et punit d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans et d’une amende de 3 000 dirhams quiconque se rend coupable de harcèlement sexuel et utilise à cette fin des moyens de coercition, des menaces et toute autre voie d’autorité. Le Code pénal punit également toutes les formes de violences sexuelles. Les femmes mariées peuvent par exemple porter plainte pour agression physique ou psychique.

Articles 13 à 15 du Pacte

24.M me B ras G omes se demande ce que fait l’État partie pour préserver les traditions locales non écrites qui, d’après le rapport du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) concernant le Maroc datant de 2003, seraient marginalisées et en passe de disparaître.

25.M. K erdoun voudrait savoir si entre 1963 et 2000, l’école était obligatoire pour les enfants âgés de 6 à 15 ans ou ceux de 7 à 13 ans seulement, et quel type de structures prend en charge les enfants de 4 et 5 ans dans le cadre de l’enseignement préscolaire. Celles-ci sont-elles privées ou publiques, voire religieuses, comme des mosquées?

26.M. Kerdoun salue le développement de l’éducation informelle qui, depuis 1997, a vocation à intégrer les enfants âgés de 9 à 15 ans qui n’ont jamais fréquenté l’école ou l’ont quittée précocement. Rappelant que l’âge de la scolarité obligatoire est de 6 ans dans l’État partie, il se demande toutefois ce qui explique que certains enfants de 9 ans n’aient jamais été scolarisés, et apprécierait donc que la délégation marocaine donne des explications à ce sujet.

27.La délégation marocaine pourrait également préciser si la langue utilisée pour l’enseignement des sciences dans le primaire et le secondaire est bien l’arabe, car si tel est le cas, le fait que les matières scientifiques comme les mathématiques et la physique soient enseignées en français à l’université risque de poser des problèmes aux élèves ayant suivi tout leur cursus en arabe dans le cadre de l’arabisation de l’éducation, qui constitue l’un des quatre points stratégiques de la Charte nationale pour l’éducation et la formation. M. Kerdoun souhaiterait aussi savoir ce qu’il en est de la marocanisation, qui veut que tout le corps enseignant soit marocain, depuis le primaire jusqu’à l’enseignement supérieur, afin de ne plus avoir besoin de se tourner vers les coopérants pour assurer l’enseignement. Il souhaiterait enfin savoir s’il est désormais possible d’étudier au Maroc jusqu’au niveau du doctorat, ce qui éviterait que les étudiants marocains ne partent à l’étranger pour étudier.

28.M. M archán R omero craint que le fait de nier l’existence d’une culture amazighe en tant que telle et de ne pas reconnaître les Amazighs comme groupe culturel à part entière risque d’empêcher ces derniers de faire valoir leur identité culturelle propre et de jouir à ce titre des droits consacrés par l’article 15 du Pacte, notamment le droit de participer à la vie culturelle du pays.

29.M. R zepliński se demande si des chaînes de télévision et des stations de radio diffusent des programmes en langue amazighe ou dans l’un des dialectes amazighs ou si ces programmes sont uniquement en arabe, et si l’État partie permet la création de stations de radio diffusant des programmes dans des langues comme le français, l’espagnol ou l’anglais.

30.Se fondant sur des informations dignes de foi qui dénoncent le harcèlement exercé par les autorités publiques sur des journalistes qui font état dans leurs articles des difficultés que connaît le Maroc notamment dans les domaines économique, social et culturel, M. Rzepliński demande combien d’affaires de cette nature ont été portées devant les tribunaux au cours des trois dernières années, et dans quelle mesure les auteurs des actes de harcèlement ont été poursuivis et punis pour avoir entravé l’accès à l’information.

31.M. M alinverni , notant avec préoccupation que le taux de scolarisation passe de 88 % dans l’enseignement primaire à seulement 31 % dans le secondaire, se demande si pour le Gouvernement marocain, seul l’enseignement primaire serait obligatoire. La délégation marocaine pourrait-elle confirmer ou infirmer d’autres statistiques portées à la connaissance du Comité, selon lesquelles en mai 2004, 1,5 million d’enfants âgés de 10 à 15 ans ne fréquentaient pas l’école, et indiquer s’il est vrai que les autorités marocaines ont tendance à favoriser l’enseignement privé au détriment de l’enseignement public, ce qui serait défavorable aux enfants issus des groupes sociaux les plus défavorisés.

32.M. Malinverni se dit en outre préoccupé par le fait que seuls 10 % des jeunes en âge d’aller à l’université y suivent un cursus, d’autant plus que ce pourcentage est deux fois inférieur à celui de pays comparables, et que malgré cela, les diplômés ne trouvent pas de travail. La question se pose donc de savoir si les emplois de cadres sont occupés par des personnes venues de l’étranger, et si cette situation est due au fait que la plupart des étudiants font des études de droit ou de sciences économiques plutôt que de médecine ou d’ingénieur. M. Malinverni s’inquiète également de ce que les étudiants passent en moyenne près de dix ans à l’Université, plutôt que quatre, du fait qu’ils doivent travailler pour payer leurs études, et se demande donc si le système de bourses est performant ou pas.

33.M. T exier voudrait savoir si compte tenu du nombre de personnes qui parlent l’amazighe dans l’État partie, il serait envisageable qu’à moyen terme, cette langue devienne officielle, ce qui aurait pour conséquence de rendre son enseignement obligatoire dans le primaire et le secondaire, et permettrait aux membres de ce groupe de population d’utiliser leur langue maternelle lors de leurs démarches administratives ou de procédures judiciaires.

34.M. K olosov dit que la question des Arabes et des Amazighs va bien au-delà de l’aspect linguistique, et voudrait connaître les mesures prises par l’État partie pour préserver et promouvoir l’identité culturelle des Amazighs.

35.M. P illay fait remarquer que les observations finales formulées en 2000 par le Comité à l’issue de l’examen du deuxième rapport périodique de l’État partie insistaient déjà sur les sujets de préoccupation soulevés par les membres du Comité à la session en cours, à savoir la nécessité d’élargir la couverture médicale aux zones rurales, de prendre toutes les mesures voulues pour réduire le taux de mortalité maternelle et infantile et le taux élevé d’analphabétisme, notamment des femmes rurales, et pour faire en sorte que les Amazighs puissent participer à la vie culturelle et utiliser leur langue dans la vie publique.

36.M. B ouzoubaa (Maroc) dit que les membres du Comité donnent l’impression, par leurs commentaires, que le pays est divisé, ce qui n’est pas le cas. Le Maroc se situe au carrefour de plusieurs civilisations, et a été colonisé par l’Espagne, le Portugal, la France, qui ont tous laissé leur empreinte. La question des Amazighs n’est pas une question d’actualité au Maroc. Quiconque veut parler l’amazigh, l’arabe ou le français est libre de le faire. La langue amazighe est une langue orale, et l’Institut royal pour la culture amazighe travaille actuellement à sa codification écrite, de manière à ce qu’elle puisse être enseignée dans les écoles des régions où l’on parle amazighe. Du point de vue culturel donc, l’idée de donner à cette langue le statut de langue officielle est tout à fait envisageable; par contre, les autorités marocaines refusent d’établir une distinction entre les Marocains en fonction de leur origine, et ont d’ailleurs combattu toute tentative menée dans ce sens par la France lors de la période coloniale. M. Bouzoubaa met les membres du Comité en garde contre les organisations qui, à des fins politiques, tentent d’instaurer une telle distinction.

37.M. L oulichki (Maroc) dit que pour minimiser les répercussions sociales de l’Accord de libre‑échange entre les États‑Unis et le Maroc portant sur les médicaments génériques, le Gouvernement marocain a fait en sorte d’associer le plus grand nombre d’acteurs au processus de négociation − à savoir des parlementaires ainsi que des représentants du Gouvernement, du secteur privé, et des associations, y compris des associations de fabricants de produits pharmaceutiques − et a insisté sur la nécessité de garantir l’accès de tous les groupes sociaux aux médicaments. Compte tenu de l’importance que revêt l’agriculture au Maroc, les produits agricoles ont été exclus du champ d’application de cet accord. En outre, il a été décidé entre les parties que si les négociations menées par l’Organisation mondiale du commerce aboutissaient à des accords commerciaux plus intéressants, l’Accord de libre-échange avec les États-Unis d’Amérique serait modifié en conséquence.

38.Les droits de l’homme sont enseignés à tous les niveaux d’enseignement, y compris à l’université. Ils ont également été inscrits, tout comme le droit international humanitaire, au programme d’études des grandes écoles de police, de gendarmerie, ainsi que de l’Institut supérieur de la magistrature, entre autres.

39.Les non-ressortissants ont accès aux universités au même titre que les citoyens marocains, et le Gouvernement marocain continue d’octroyer des bourses malgré la charge financière que cela représente. En outre, 6 000 étudiants africains poursuivent leurs études au Maroc, dont les frais de scolarité sont pris en charge par une agence marocaine de coopération internationale, tandis que le Gouvernement marocain leur garantit un logement à un prix modique dans le cadre des relations avec les pays africains, et afin de promouvoir la coopération Sud-Sud.

40.Il n’est pas vrai que les étudiants s’éternisent à l’université, sauf s’ils changent de filière. Le problème que connaît le Maroc est propre aux pays en développement, et se caractérise par une inadéquation de la formation par rapport aux besoins du marché. Les étudiants sont beaucoup plus nombreux à s’inscrire en faculté de droit et d’économie car contrairement aux études de médecine, de pharmacie, d’ingénieur ou d’architecture, il n’y a pas de concours d’entrée pour accéder à ces filières. Le Gouvernement marocain travaille actuellement à la mise en place d’un nouveau système d’orientation des étudiants qui n’arrivent pas à achever leurs études universitaires, qui propose à ces derniers une formation leur permettant de trouver un emploi. Il est également très important de trouver une solution au problème de la fuite des cerveaux vers les pays du Nord.

41.Des stations de radio diffusent des émissions en langue amazighe depuis des dizaines d’années. En outre, le journal télévisé est d’abord diffusé en arabe, puis en français et dans les trois dialectes amazighs. Dans le cadre de la libéralisation du secteur audiovisuel, plusieurs projets conjoints ont été déposés par des sociétés marocaines, espagnoles, françaises et américaines en vue de la création de chaînes de télévision et de stations de radio.

42.M. Loulichki dit que sur le plan national, le droit à l’autodétermination est le droit qu’a la population de participer à la prise de décisions politiques et au gouvernement. Ce droit est garanti à tous les Marocains, quels que soient leur couleur, leur sexe et leur spécificité culturelle. Sur le plan international, ce droit a été établi par la Charte des Nations Unies, puis confirmé dans la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (résolution 1514 du Conseil de sécurité de l’ONU). M. Loulichki rappelle que la résolution 1541 du Conseil de sécurité adoptée 24 heures après la résolution 1514 dispose que l’autodétermination peut s’exprimer de trois manières: elle peut permettre à une population d’accéder à l’indépendance, d’exprimer son attachement à un État existant ou se traduire par une association. Depuis 1970, l’expression du droit à l’autodétermination peut également se manifester par «toute autre formule de libre expression de la volonté des populations». L’autonomie est donc une expression du droit à l’autodétermination en ce qu’elle permet à une population concernée de se prononcer sur un projet d’autonomie qui a été négocié entre toutes les parties concernées.

43.M. A ghmani (Maroc) dit que les lois relatives à la protection des droits d’auteur couvrent aussi le folklore et les traditions orales. Des festivals sont en outre organisés dans tout le pays, notamment à Essaouira et à Marrakech, pour célébrer ce patrimoine culturel, et des efforts déployés pour enregistrer les traditions orales et en garder une trace ainsi que pour les préserver et les protéger. Les différents dialectes du pays ont leur place au sein de l’espace audiovisuel, et l’autorité suprême de l’audiovisuel a signé des accords avec la première et la deuxième chaîne fixant un quota pour la diffusion d’émissions en français, arabe, tachelhit et tamazight notamment. De la même façon, tous les films et vidéos produits au niveau local doivent être traduits.

44.M. N ajem (Maroc) dit que dans les établissements du primaire et du secondaire, la langue d’enseignement est l’arabe, sauf dans les écoles privées où il se fait en français.

45.M. Z irari (Maroc) indique qu’il n’a jamais été question au Maroc de privatiser la santé. Les médecins marocains sont libres de s’installer dans le privé comme d’intégrer le secteur public. Certains établissements du secteur public sont gérés de manière autonome, auquel cas les personnes qui sont affiliées à un régime d’assurance maladie s’acquittent de leur facture, les personnes démunies présentent un papier attestant qu’elles le sont, tandis que celles qui ne sont pas couvertes paient directement quand elles en ont les moyens.

46.M. L araki (Maroc) dit que depuis la présentation du deuxième rapport périodique de son pays en 2000, Le Royaume du Maroc a fait des efforts considérables pour combattre l’analphabétisme, mais sans les résultats escomptés en raison de la forte croissance démographique que connaît le pays. En 2004, le pays comptait 43 % d’analphabètes, soit 10 millions de personnes. Il faut savoir que le nombre d’analphabètes est beaucoup plus élevé chez les femmes que chez les hommes, notamment dans les zones rurales, où elles sont 65 % à être touchées par ce fléau. Un million d’enfants ne sont pas scolarisés et 250 000 enfants − soit un enfant sur trois − abandonnent l’école chaque année, et ce, malgré la stratégie mise en place par le Gouvernement marocain pour tenter de les scolariser à nouveau ou de les orienter vers des cours de formation professionnelle. Grâce à une mobilisation générale au niveau national, au sein de laquelle la société civile prend une part active, et à des partenariats mis en place dans les districts, des résultats devraient être obtenus dans ce domaine, l’objectif étant d’éliminer l’analphabétisme d’ici à 2015. À cette fin, le Gouvernement marocain a alloué 150 milliards de dirhams à cette cause en 2006.

47.M. M alinverni dit qu’il est possible pour un pays d’avoir plusieurs langues officielles sans que son unité ne soit menacée. Il s’agit en effet d’une richesse propre aux sociétés multiculturelles composées de plusieurs ethnies ou groupes linguistiques. Il serait donc bon que la composition sociologique de la population soit reflétée dans la Constitution.

48.M. Malinverni est préoccupé par le fait que l’alphabétisation se fait aussi en arabe pour les personnes de langue amazighe. Il craint en effet que l’effort d’alphabétisation se traduise par un phénomène d’acculturation des locuteurs de cette langue alphabétisés dans une langue autre que leur langue maternelle.

49.M. A ghmani (Maroc) dit que les enfants qui quittent l’école sont généralement des enfants issus de milieux défavorisés qui doivent travailler pour aider la famille sur le plan économique. En 2003-2004, 23 821 enfants ont été éduqués dans le système informel et 15 447 d’entre eux ont bénéficié de programmes de lutte contre le travail des enfants et devraient rejoindre le système scolaire traditionnel. En collaboration avec la société civile, les enfants anciennement détenus dans les camps de Tindouf devraient eux aussi être réintégrés dans le système scolaire.

50.M. N ajem (Maroc) dit que le Gouvernement marocain a connaissance du taux élevé d’abandon scolaire des populations nomades qui migrent d’une région à l’autre, et qu’il a mis en place à cet effet un programme destiné aux nomades seuls ou en groupe ainsi qu’à ceux qui vivent dans des zones reculées. Le Gouvernement marocain travaille aussi à la mise en place de bourses pour les familles des zones rurales, et envisage de construire des écoles dans ces zones et éventuellement de mettre au point un système d’écoles itinérantes. Des repas sont en outre offerts dans les écoles.

51.M. E ljirari (Maroc) dit que des plaintes ont été déposées par la Fédération syndicale générale, qui invoquait le Code du travail pour demander à ce que soit créée une unité de santé gérée par un médecin à mi-temps sur chaque lieu de travail employant plus de 50 travailleurs ou salariés. Des négociations tripartites sont en cours pour modifier les dispositions pertinentes du Code du travail, mais les syndicats ne semblent pas disposés à accepter un accord dans ce sens. À l’heure actuelle, 60 % des entités qui doivent mettre en place une telle unité médicale l’ont fait.

52.M. G hemija (Maroc) dit qu’il n’y a pas eu de harcèlement de journalistes enquêtant sur les droits économiques, sociaux et culturels au Maroc, mais que ceux-ci ont été traduits en justice car des plaintes en diffamation avaient été déposées contre eux. M. Ghemija précise que ces journalistes sapent leur crédibilité lorsqu’ils tiennent des propos diffamatoires.

53.M. E ljirari (Maroc) dit que les syndicats doivent être enregistrés comme tels auprès des autorités compétentes − qui leur délivrent un récépissé − s’ils veulent que leurs activités soient légitimement reconnues par l’État. Cela dit, force est de constater que certains syndicats ne sont pas enregistrés car ils se trouvent dans une région trop éloignée desdites autorités compétentes, et la loi n’est donc pas toujours bien appliquée.

54.M. B ouzoubaa (Maroc) rappelle que le Maroc manque de ressources pour mettre en œuvre le Pacte, mais n’en est pas moins engagé en faveur des droits économiques, sociaux et culturels. Il peut se prévaloir d’être un pays uni malgré sa diversité culturelle, et considère que l’unité et la solidarité de tous est un gage de sécurité et de stabilité. Le Maroc a fait un pas en avant en défendant la liberté et la démocratie et est attaché aux valeurs et aux principes des droits de l’homme universellement reconnus. Il souhaite instaurer la paix et la liberté et œuvrer en faveur du développement. Il essaie en outre de relever le défi de la mondialisation, de la pauvreté et de l’analphabétisme, et d’améliorer le sort de tous les citoyens marocains, qu’ils vivent dans des zones urbaines ou rurales. Le Maroc accordera toute l’attention qu’elles méritent aux observations finales que le Comité formulera à l’issue de l’examen de son troisième rapport périodique et entend poursuivre la collaboration avec le Comité.

55.L a Présidente remercie la délégation marocaine pour le dialogue constructif qu’elle a permis d’instaurer avec le Comité et salue sa volonté de coopérer et sa sincérité. Elle annonce que le Comité a achevé l’examen du troisième rapport périodique du Maroc.

56 . La délégation marocaine se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 h 20.