NATIONS

UNIES

E

Conseil économique

et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/2005/SR.4222 novembre 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Trente‑cinquième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 42e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 15 novembre 2005, à 10 heures

Président: Mme BONOAN‑DANDAN

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS

RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (suite)

Rapport initial de la Bosnie‑Herzégovine (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports:

Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la Bosnie‑Herzégovine (E/1990/5/Add.65; document de base (HRI/CORE/1/Add.89/Rev.1) liste des points à traiter (E/C.12/Q/BIH/1); réponses écrites du Gouvernement de Bosnie‑Herzégovine (HR/CESCR/NONE/2005/7)); (suite)

1.Sur l’invitation de la Présidente, la délégation bosniaque reprend place à la table du Comité.

Articles 6 à 9 du Pacte (suite)

2.Mme BRAS GOMES constatant que le système d’assurance vieillesse ressortit à la compétence des Entités, ce qui entraîne probablement des différences d’une Entité à l’autre, et donc un traitement inégal en fonction du lieu de résidence, demande s’il ne serait pas préférable d’avoir une loi‑cadre au niveau de l’État central. Dans la mesure où les employeurs ne payent pas leurs contributions ou seulement une partie, et où l’état n’a pas les moyens de financer le déficit du système de retraite, des dispositions ne pourraient‑elles pas être prises − contrôles des services d’inspection du travail, par exemple − pour vérifier que les employeurs respectent leurs obligations contributives et sanctionner les contrevenants? Mme  Bras Gomes souhaite également savoir si des mesures ont été prises pour garantir que les pensions sont versées à temps.

3.Il est indiqué d’autre part dans le rapport initial de l’État partie que les prestations de chômage sont versées pour une période de 6 à 12 mois et qu’en 2002, seulement 3 320 personnes en avaient bénéficié. Mme Bras Gomes souhaite savoir si le bénéfice de ces prestations a été étendu depuis 2002, et ce qu’il advient au terme de la période de versement lorsqu’une personne n’a toujours pas trouvé d’emploi.

4.Concernant les victimes civiles de la guerre, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) indique que les allocations versées à ces personnes représentent 70 % du montant perçu par les invalides de guerre, dans le cadre d’un régime commun. Or, toujours selon l’OSCE, il est envisagé de découpler le régime alors même que les prestations allouées aux invalides de guerre viennent d’être augmentées de 300 %, ce qui désavantagerait fortement les victimes civiles, dont les conditions de vie sont déjà particulièrement précaires. Mme Bras Gomes demande si l’état partie pourrait envisager de reconsidérer cette mesure.

5.Mme Bras Gomes note que l’aide sociale est réglementée en Fédération de Bosnie‑Herzégovine à l’échelle des cantons et que la procédure diffère selon les cantons. Or, selon un rapport du Centre européen pour les droits des Roms, les demandes d’aide sociale doivent être présentées dans la municipalité du lieu de résidence, ou il faut avoir résidé pendant un an avant la date à laquelle la demande est soumise. Cela pose un problème majeur aux Roms qui ne peuvent pas déclarer d’adresse permanente, soit parce qu’ils n’ont pas de documents personnels, soit parce qu’ils n’ont pas d’adresse officielle. Bon nombre de Roms, de ce fait, ne disposent d’aucune aide sociale. De plus, les critères d’octroi varient selon les municipalités, beaucoup n’assurant pas un niveau d’aide sociale suffisant à ceux qui en auraient le plus besoin. Une loi‑cadre à l’échelon central serait nécessaire face à ce problème pour opérer des ajustements et des transferts entre les municipalités, du fait que certaines ne disposent pas de ressources suffisantes. Mme Bras Gomes demande si des mesures sont prises afin de donner à ces municipalités les moyens de garantir l’aide sociale.

6.M. MARTYNOV note que le Gouvernement de Bosnie‑Herzégovine a exprimé des intentions importantes dans sa réponse à la question no 9 de la liste des points à traiter concernant les mesures prises pour améliorer les droits des handicapés au travail, et souhaiterait que l’état partie précise davantage ce qui est fait dans ce domaine dans son prochain rapport périodique. Il souhaiterait également savoir si le projet de loi sur l’emploi des handicapés mentionné dans la même réponse aura le statut de loi à l’échelle de tout l’état, à quelle date il doit être adopté et quelles en seront les principales dispositions. Il aimerait aussi des éclaircissements sur le sens de la première phrase du paragraphe 237 du rapport initial, qui indique qu’un travailleur handicapé qui a acquis le droit à la formation ou à une formation supplémentaire ne peut pas bénéficier du droit à une pension d’invalidité si, par la suite, il est devenu trop vieux pour effectuer une autre formation.

7.Le manque de cohérence et d’harmonisation des lois et des politiques entre les entités de la Bosnie‑Herzégovine et, dans le cas de la Fédération, au sein même des cantons, pose des problèmes non seulement pour les pensions mais pour l’ensemble des domaines de la protection sociale. M. Martynov demande si des mesures sont prises ou envisagées à l’échelon central pour commencer un travail d’harmonisation, afin de protéger au moins les groupes les plus vulnérables, et de garantir l’exercice par tous les citoyens de leurs droits sociaux.

8.M. Martynov souhaiterait que l’état partie fournisse si possible des statistiques sur plusieurs années concernant la part des dépenses sociales en pourcentage du PNB, ainsi que des données comparatives sur les dépenses allouées à l’appareil d’état, notamment à la bureaucratie et aux anciens combattants. Se référant au paragraphe 224 du rapport initial de l’état partie, M. Martynov observe que l’absence de comptabilité officielle des dépenses et des recettes à l’échelon central permet difficilement de garantir le bon fonctionnement du système de santé. à cet égard, il souhaiterait savoir si les activités entreprises en 2002 pour rapprocher les méthodes comptables utilisées par l’une et l’autre Entités ont permis quelque progrès, et notamment ont abouti à des lois et à des décisions visant à instaurer une comptabilité au niveau de l’état central pour le système de santé.

9.M. NAGRADIĆ (Bosnie‑Herzégovine) dit qu’il est très difficile d’établir des statistiques sur les femmes victimes de viol en raison des réticences de ces femmes à se déclarer et de la manière dont elles sont considérées dans la société. D’autre part, le nombre de femmes violées est une donnée volontiers utilisée pour manipuler cette population, particulièrement en période préélectorale, par des partis des trois groupes constitutifs. Du fait de la grande valeur attachée en Bosnie‑Herzégovine à la paix et à la sécurité, et de l’absence de consensus politique sur ce problème, il se peut que la question de l’octroi d’un statut légal et de réparations à cette catégorie de victimes civiles de la guerre n’ait pas retenu toute l’attention des autorités, ni celle des organisations non gouvernementales (ONG) actives dans ce domaine, même si celles‑ci font pression sur les autorités de façon constructive afin que l’on commence à parler différemment de ce sujet.

10.Si chaque entité possède sa propre législation, il existe un principe commun voulant que l’on recherche des mécanismes et des ressources financières permettant d’indemniser les victimes civiles de la guerre, y compris la catégorie particulière des femmes victimes de viol. Un service du Ministère des droits de l’homme et des réfugiés réunit actuellement des éléments d’information et des initiatives du secteur non gouvernemental en vue de soumettre en 2006 aux autorités compétentes une proposition concernant l’adoption d’une loi‑cadre pour l’ensemble de la Bosnie‑Herzégovine. Les anciens combattants bénéficient comparativement d’une plus grande attention dans la société que les victimes civiles, pour des raisons tenant à l’histoire.

11.En ce qui concerne les enfants des femmes victimes de viol, si l’on n’en connaît pas le nombre exact, il existe une prise en charge sociale pour ces enfants, assurée par plusieurs institutions, et des efforts particuliers sont faits pour qu’ils ne ressentent aucune discrimination que ce soit. Le pays n’a pas assez de spécialistes pour s’occuper de ces enfants et manque de moyens pour investir dans leur formation.

12.Mme HADŽIBEGIĆ (Bosnie‑Herzégovine), répondant aux questions posées au sujet du rapport de l’OSCE, indique que les questions sociales sont régies par les Entités et que cette décentralisation entraîne quelques divergences. Par exemple, dans la Fédération, les victimes civiles de la guerre relèvent de la législation sur la protection sociale et leurs affaires sont réglées au niveau des cantons tandis qu’en Republika Srpska, elles relèvent des lois sur les anciens combattants et leurs affaires sont réglées par les municipalités. En 2004, la Fédération a adopté une stratégie de développement de la protection sociale qui inclut les victimes civiles de la guerre dans la catégorie des groupes les plus vulnérables. Un projet de loi actuellement examiné par le Parlement prévoit que des crédits leur seront alloués au titre du budget fédéral (à l’heure actuelle, ces personnes reçoivent 70 % des montants alloués aux anciens combattants).

13.Il est vrai que la différence de traitement entre les anciens combattants et les victimes civiles de la guerre n’est pas justifiée. Les crédits alloués à la première catégorie par les deux Entités s’élèvent à un milliard de marks convertibles (environ 500 millions d’euros). Ils représentent 12 % du budget de la Republika Srpska et 30 % de celui de la Fédération. Au niveau fédéral, les décisions dans ce domaine incombent au Conseil des ministres. Dans un proche avenir, le Ministère des affaires civiles sera doté des ressources humaines nécessaires pour en assumer à son tour la responsabilité.

14.Le principe de la non‑discrimination est au cœur des instruments internationaux que la Bosnie‑Herzégovine a ratifiés et incorporés dans son ordre juridique interne. Ces sources sont consultées chaque fois qu’une loi est élaborée, et l’on peut dire que toutes les lois de l’État partie sont pleinement conformes aux normes internationales relatives aux droits de l’homme. Les Roms, notamment, ne font l’objet d’aucune forme de discrimination. Les particularités de leur situation tiennent en grande partie au fait qu’ils constituent un groupe minoritaire, en constant déplacement qui plus est, mais ils sont considérés comme des citoyens de Bosnie‑Herzégovine à part entière.

15.M. NAGRADIĆ (Bosnie‑Herzégovine) souligne que d’énormes progrès ont été accomplis en ce qui concerne la discrimination fondée sur l’appartenance ethnique dans le domaine de l’emploi. Les problèmes qui persistent concernent les trois peuples constitutifs et non les minorités nationales, mais ces problèmes sont également en voie d’amélioration. Conformément à la décision prise en 2000 par la Cour constitutionnelle de Bosnie‑Herzégovine, confirmant le caractère constitutif des trois peuples sur l’ensemble du territoire national, les Entités ont harmonisé en 2002 leurs lois et leurs constitutions avec celle de la Bosnie‑Herzégovine et permis à tous les peuples constitutifs et aux autres de participer à la vie publique. La police, d’abord, puis les secteurs de l’éducation et de la santé, suivis par les médias publics, ont alors commencé à employer une main‑d’œuvre multiethnique. Certes des difficultés persistent, mais les progrès sont constants.

16.Les Roms constituent la minorité nationale la plus importante en chiffres, de facto mais pas de jure. En effet, lors du dernier recensement, en 1991, seulement 8 800 personnes ont déclaré appartenir à cette minorité, alors qu’il y en a probablement quatre fois plus. Les Roms ont effectivement le taux de chômage le plus élevé, tout simplement parce qu’ils ne sont pas suffisamment qualifiés. Leur mode de vie nomade entrave la scolarisation de leurs enfants, mais certaines autorités locales ont renoncé à sévir dans ce domaine de crainte d’être accusées de discrimination. Malheureusement, elles n’ont fait qu’accroître le nombre d’enfants qui auront du mal à accéder à l’emploi. Cependant, les choses sont en train de changer. En 2002, le Conseil des ministres de Bosnie‑Herzégovine s’est doté d’un organe consultatif, le Comité des Roms, et en juillet 2005, il a adopté une stratégie en 14 points visant à améliorer la situation de cette minorité et à l’aider à s’autonomiser et à bénéficier des mêmes chances que les membres des peuples constitutifs et des autres minorités nationales. Toutes les autorités, à tous les échelons, devront prévoir dans leur budget une rubrique spéciale pour la mise en œuvre de cette stratégie. Il convient de souligner qu’il ne s’agit nullement d’une tentative d’assimilation mais, au contraire, d’un véritable effort d’intégration.

17.En une année d’existence, l’organisme pour l’égalité entre les sexes a déjà obtenu des résultats importants en parvenant à rapprocher et à coordonner les centres pour l’égalité des sexes des deux entités, qui entretiennent une coopération régulière et féconde avec les institutions de la région. L’organisme procède à des analyses rigoureuses des lois de Bosnie‑Herzégovine au regard du principe d’égalité.

18.M. KLIĆKOVIĆ (Bosnie‑Herzégovine) dit que des mesures sont prises en faveur de l’emploi des jeunes consistant par exemple à financer des stages en entreprise pour leur permettre d’acquérir l’expérience nécessaire. L’état central élabore actuellement un programme pour l’emploi des jeunes qui sera financé à parts équivalentes par des fonds publics et par des ressources provenant de dons ou de prêts. Le Gouvernement soutient également l’emploi de certaines catégories qui ont du mal à trouver un emploi, par exemple les personnes de plus de 45 ans inscrites au chômage depuis deux ans. Il a aussi pris une série de mesures visant à favoriser le retour à l’emploi des personnes qui ont eu un accident du travail en leur fournissant des services de réadaptation professionnelle adaptés.

19.Concernant l’économie clandestine, la seule méthode utilisée pour réduire ce phénomène a été d’utiliser pleinement les mécanismes d’inspection du travail à l’égard des employeurs et employés concernés, mais il n’existe pas de programme unique au niveau central qui permette d’adopter des politiques publiques à ce sujet. Les services de l’inspection du travail adoptent chaque année un programme très précis pour lutter contre l’économie souterraine et le travail clandestin. Des mesures sont prévues aussi bien contre les employeurs qui ne déclarent pas leur société ou leurs salariés que contre les travailleurs qui ne se déclarent pas. L’Inspection du travail peut délivrer des injonctions pour contraindre un employeur à se déclarer, à procéder à d’autres inspections si nécessaire, interdire les activités d’une société jusqu’à ce qu’un tribunal se soit prononcé sur l’affaire. Les sanctions prévues dans la législation contre ce type d’employeurs ont été harmonisées à l’échelle du pays. Un employeur dont l’activité n’est pas déclarée est passible d’une amende de 2 000 à 15 000 marks convertibles (soit 1 000 à 7 500 euros). Les travailleurs non déclarés ne peuvent plus être enregistrés au bureau de l’emploi pendant une période de 12 mois. Les employeurs qui ne paient pas leurs salariés ou réduisent les salaires prévus par une convention collective ou un contrat de travail encourent une amende de 1 000 à 10 000 marks convertibles (500 à 5 000 euros) par salarié.

20.Le droit de former des syndicats est garanti par la législation et par la Constitution. Le fait de porter atteinte à ce droit est un délit puni d’une amende allant de 500 à 5 000 euros. Il n’y a guère de problèmes dans le pays en ce qui concerne les syndicats, et très peu d’affaires liées aux syndicats ont été portées devant la justice. Il y a en Bosnie‑Herzégovine 36 syndicats de branche, deux associations de syndicats à l’échelon des Entités et une fédération syndicale à l’échelle du pays.

21.S’il n’y a pas de législation commune à l’échelle du pays en matière de droit de grève, il existe cependant quelques principes communs, comme le droit pour les travailleurs de décider de participer ou non à une grève, certaines conditions particulières d’exercice du droit de grève lorsque la protection des intérêts de la société le justifie, ou l’obligation dans certains cas d’assurer un service minimum. Il n’y a eu aucune affaire en justice concernant l’interdiction du droit de grève même si l’État est intervenu au sujet de grèves dans des professions qui assurent une mission d’intérêt social particulier.

22.La privatisation des entreprises publiques n’a pas donné les résultats escomptés sur le plan de l’emploi et a créé un nouveau groupe de chômeurs. Le programme de protection sociale assure à ces personnes le paiement des prestations de vieillesse, d’invalidité et de santé mais elles ne reçoivent pas d’allocations de chômage. Le système des listes d’attente pour les travailleurs renvoyés chez eux mais non licenciés n’existe plus dans la législation depuis 2000, mais le problème continue d’exister en pratique, et le Gouvernement a alloué des crédits budgétaires importants à l’aide à ces travailleurs.

23.En ce qui concerne le statut des chômeurs, il n’existe aucune discrimination à l’égard des femmes privées d’emploi, dont il a été affirmé que 37 % n’étaient pas enregistrées. L’obtention du statut de chômeur est soumise à certaines conditions (il faut être âgé de 15 ans au moins, rechercher activement un emploi; ne peuvent s’inscrire au bureau de l’emploi les étudiants à temps plein et les agriculteurs dont au moins 30 % des revenus proviennent de leur activité). Des mesures sont prises notamment à l’échelon local pour encourager les chômeurs à s’inscrire auprès des bureaux de l’emploi. Le montant des allocations‑chômage est fonction de la durée de l’activité professionnelle de l’intéressé, de son niveau d’expérience et des cotisations qui ont été versées durant les 9 derniers mois d’activité (18 si celle‑ci a été interrompue).

24.Mme BERA (Bosnie‑Herzégovine), revenant sur le système de santé, explique que certains éléments de la stratégie pour 2004‑2007 sont communs aux deux Entités, en particulier l’harmonisation de leur législation et divers objectifs de réforme. On s’efforce par ailleurs de regrouper les activités de recherche au niveau fédéral.

25.M. KLIĆKLOVIĆ (Bosnie‑Herzégovine) indique que les questions relatives aux pensions de retraite et d’invalidité sont du ressort des Entités. Celles‑ci ont largement harmonisé leurs lois sur la retraite, et les bénéficiaires ont droit, pour l’essentiel, aux mêmes prestations. Il reste toutefois une question à régler au niveau fédéral, celle des personnes qui ont pris leur retraite avant 1991. Par ailleurs, les allégations selon lesquelles les pensions seraient fréquemment versées en retard sont tout simplement fausses. Enfin, le projet qui vise à réformer entièrement le régime de retraite actuel répondra certainement à la plupart des préoccupations exprimées par le Comité.

26.Depuis 2005, chaque institution publique doit employer un handicapé pour 49 salariés, et d’ici à 2009, cette proportion devra atteindre au moins 1 pour 16, ce qui correspond à la norme moyenne des pays développés (6 % des effectifs). Quant aux pensions d’invalidité, leur montant est fonction de la capacité de travail restante.

27.Mme HADŽIBEGIĆ (Bosnie‑Herzégovine) ajoute que la Bosnie‑Herzégovine respecte pleinement les normes définies par l’Organisation des Nations Unies (ONU) en matière de protection des droits des handicapés. On constate dans les deux Entités une forte augmentation du nombre de personnes souffrant d’un handicap acquis au cours du conflit ou des évènements qui ont suivi. Les nouvelles dispositions législatives fédérales en faveur des handicapés, qui ont été élaborées en collaboration avec 11 organisations non gouvernementales concernées, entreront en vigueur le 1er janvier 2006. Assorties d’un budget de 35 millions de marks convertibles, elles prévoient des pensions équivalentes à celles versées aux victimes civiles de la guerre, ainsi qu’une aide financière aux familles et l’accès aux services de rééducation nécessaires. Par ailleurs, des mesures sont prises en vue d’améliorer l’accessibilité des établissements publics et privés et de répondre à certains besoins particuliers, notamment en fournissant des chiens‑guides aux aveugles ou malvoyants.

28.Conscientes des disparités qui existent entre les différents groupes de population pour ce qui est de l’exercice des droits sociaux, les autorités de Bosnie‑Herzégovine sont déterminées à harmoniser les lois pertinentes des deux Entités. La même tâche s’impose d’ailleurs à l’intérieur même de la Fédération, où certaines personnes qui avaient été déplacées vers le canton de Sarajevo ont ensuite refusé de retourner dans leur canton d’origine parce que les conditions y étaient nettement moins favorables.

29.M. SADI s’interroge sur les raisons pour lesquelles l’État partie n’a pas davantage cherché à déterminer le nombre total de femmes violées et victimes de grossesses forcées pendant la guerre, et plus généralement, sur le manque d’intérêt dont les autorités ont fait preuve à ce sujet. Il souhaiterait notamment savoir combien d’affaires portées devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie avaient trait à ces questions, et quelles peines ont été prononcées contre les auteurs de tels crimes.

30.M. Sadi souhaiterait en outre savoir ce que pense la délégation bosniaque d’une information diffusée par la BBC récemment selon laquelle la stabilité de la Bosnie-Herzégovine serait menacée si le Kosovo venait à acquérir son indépendance.

31.M. TEXIER, faisant référence au «marché gris», se félicite que l’inspection du travail prenne des sanctions à l’égard des chefs d’entreprise qui emploient des personnes sans les déclarer − sanctions qui peuvent aller jusqu’à la fermeture de l’établissement dans l’attente que la justice se prononce − mais regrette que les employés non déclarés, souvent contraints par leurs employeurs d’accepter ce type d’arrangement, soient radiés de la liste des demandeurs d’emploi pour une durée d’un an.

32.S’agissant du droit de grève, M. Texier estime trop long le préavis de 10 jours que les salariés sont tenus de donner à leur employeur par écrit, d’autant plus que dans la Republika Srpska, ils sont souvent tenus d’assurer un service minimum en vue du maintien de la production.

33.Mme BRAS GOMES demande à quel stade en est l’adoption de l’amendement à la législation pertinente qui vise à dissocier les prestations perçues par les victimes civiles de la guerre de celles des anciens combattants. Elle voudrait savoir si une retraite minimum est garantie dans chacune des entités dont se compose la Bosnie-Herzégovine, et si l’âge de la retraite a été harmonisé à l’échelle du pays.

34.M. RZEPLINSKI dit que les viols dont ont été victimes les femmes musulmanes constituent un crime contre l’humanité, et que le seul fait de chercher à favoriser la réconciliation nationale ne justifie pas d’occulter le problème ni de fermer les yeux sur la politique de nettoyage ethnique dont on connaît l’ampleur.

35.S’agissant de la traite des êtres humains, M. Rzeplinski estime qu’un crime d’une telle envergure ne peut se faire sans l’appui de fonctionnaires, de procureurs, de gardes frontière ou encore de policiers corrompus, et demande donc combien de personnes occupant des postes de responsabilité ont été poursuivies en justice et condamnées au cours des dernières années. Il souhaite en outre savoir combien d’étrangers, et notamment combien de ressortissants de pays occidentaux, ont été arrêtés dans l’État partie pour s’être livrés au tourisme sexuel.

36.Mme BARAHONA RIERA demande pourquoi les femmes victimes de viols pendant la guerre ne sont pas considérées comme des victimes de guerre et si l’État partie entend modifier la législation dans ce sens. Elle estime que l’État partie devrait mettre en place un plan d’assistance aux femmes qui ont des enfants nés de père inconnu, aux femmes chefs de famille ainsi qu’aux femmes qui ont été déplacées de village en village pour fuir les opérations massives de nettoyage ethnique et autres violations de leurs droits fondamentaux.

37.M. NAGRADIĆ (Bosnie-Herzégovine) dit qu’aucun membre de la délégation bosniaque n’a laissé sous-entendre que les femmes violées pendant la guerre n’étaient pas des victimes, et qu’il s’agit d’un problème très grave qui préoccupe grandement les autorités de son pays. Il ajoute que le seul moyen de mesurer l’ampleur de ce phénomène est d’inciter les femmes concernées à se faire connaître spontanément, car il n’est pas envisageable d’envoyer des délégations dans les villages pour dresser la liste de ces victimes. Il ajoute que les femmes musulmanes n’ont pas été les seules à subir ce traumatisme. Il est vrai qu’aucune loi n’a été adoptée dans ce domaine, mais ce n’est pas pour autant que les autorités de son pays sont satisfaites de la situation.

38.Répondant à M. Sadi au sujet des répercussions de l’éventuelle indépendance du Kosovo sur les liens entre les deux entités dont se compose la Bosnie-Herzégovine, M. Nagradić dit qu’il est difficile de se prononcer avec certitude. Il a toutefois conscience de la nécessité d’encourager la réconciliation nationale et de consolider les structures de l’État.

39.M. KLIĆKOVIĆ (Bosnie-Herzégovine) dit que le Gouvernement de son pays estime qu’il est tout aussi justifié de sanctionner les personnes qui acceptent de travailler dans le secteur informel − en ce sens qu’elles le font en toute connaissance de cause − que de leur supprimer leurs allocations‑chômage. Par contre, la mesure qui consiste à les radier de la liste des demandeurs d’emploi pendant un an est peut‑être un peu trop sévère et pourrait être modifiée.

40.La loi sur les grèves de Bosnie-Herzégovine dispose que les salariés des entreprises qui exercent des activités d’intérêt public sont tenus de notifier par écrit à leur employeur leur volonté de cesser le travail huit jours à l’avance, et seulement trois jours à l’avance en cas de simple grève d’avertissement. En revanche, les salariés des entreprises dont l’activité ne met pas en cause l’intérêt public peuvent faire part de cette volonté à leur employeur seulement cinq jours à l’avance, et 24 heures à l’avance en cas de grève d’avertissement. M. Klićković fait observer qu’aucun syndicat n’a demandé à ce que ces délais soient révisés, ce qui laisse à penser que les travailleurs ne voient pas d’entrave à l’exercice de leurs droits.

41.L’âge de la retraite a été fixé à 65 ans, pour les hommes comme pour les femmes, et ce, dans les deux entités de Bosnie-Herzégovine. Dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine, le montant minimum de la pension de retraite est égal à 60 % du montant moyen de la pension versée dans cette entité. Par contre, un certain nombre de personnes perçoivent une pension inférieure au minimum pour avoir cotisé tout au long de leur vie professionnelle dans un secteur où les prélèvements sociaux des actifs sont moins élevés. Le montant maximal de la pension de retraite ne peut pas être plus de deux fois supérieur à celui d’un salaire moyen dans la Fédération, ce qui n’est pas le cas dans la Republika Srpska, où les pensions de retraite ne sont pas plafonnées.

42.Mme HADŽIBEGIĆ (Bosnie-Herzégovine) dit que les victimes civiles de la guerre perçoivent des allocations égales à 70 % des montants alloués aux anciens combattants, mais que ces allocations diminuent à mesure qu’augmente le nombre d’anciens combattants.

43.M. ČEGAR (Bosnie-Herzégovine) dit que le Conseil des ministres de la Bosnie‑Herzégovine a adopté un plan national d’action contre la traite pour 2005-2007 et nommé en 2003 un coordonnateur de l’État pour la lutte contre la traite des êtres humains et les migrations illégales. L’État dispose actuellement de plusieurs bases de données sur cette question, dont celle du Ministère des affaires étrangères, mais il conviendrait, pour plus d’efficacité, de les regrouper en une base de données unique. Il semblerait que toutes ces mesures aient porté leurs fruits puisque le nombre de personnes victimes de la traite en Bosnie‑Herzégovine a considérablement diminué entre 2003 et 2004. Il faut dire qu’en 2003 a été adopté un nouveau Code pénal (auquel des modifications ont été apportées en 2004), qui criminalise la traite et les activités apparentées, en pleine conformité avec la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale et ses protocoles. Dans le même temps est entrée en vigueur la loi sur la procédure pénale, qui dote le ministère public et les forces de l’ordre des instruments nécessaires pour enquêter efficacement sur les affaires de traite en utilisant des techniques d’investigation spéciales. En outre, la loi sur la Cour de Bosnie‑Herzégovine et la loi sur le ministère public de la Bosnie-Herzégovine attribuent compétence exclusive à ces organes pour réprimer les actes constitutifs du crime de traite des êtres humains et la loi sur la protection des témoins menacés et vulnérables ainsi que la loi sur le programme de protection des témoins organisent la protection des témoins avant, pendant et après le procès pénal. L’adoption de la loi sur le service de police des frontières et de la loi sur les contrôles aux frontières a permis d’obtenir des résultats concrets dans ce domaine. Enfin, la Bosnie-Herzégovine est consciente que ce fléau ne pourra être éradiqué que par le biais d’une coopération internationale et apprécie l’assistance fournie à cet égard par la communauté internationale.

44.M. NAGRADIĆ (Bosnie‑Herzégovine) insiste sur le fait que la Cour de Bosnie‑Herzégovine a déjà statué dans plusieurs affaires de traite des êtres humains, et donc que les auteurs de tels crimes sont poursuivis en justice et condamnés.

Articles 10 à 15 du Pacte

45.Mme BARAHONA RIERA demande quels sont les effets de la diminution de l’aide internationale sur les programmes sociaux mis en œuvre par l’État partie et quelles mesures sont prises pour prévenir ou contrer ces effets. Elle se félicite de la franchise avec laquelle la Bosnie‑Herzégovine reconnaît que de nombreux ruraux, en particulier les femmes, vivent dans la pauvreté et demande quels sont les programmes de développement rural destinés à améliorer les conditions de vie de la population. Elle voudrait également savoir ce que fait l’État partie pour réduire les fortes disparités socioéconomiques entre les régions.

46.M. TIRADO MEJĺA dit que les indices de qualité de l’eau en Bosnie-Herzégovine sont alarmants et ne sont pas conformes aux normes européennes et demande si les projets de loi sur l’environnement et la protection de l’eau évoqués par l’État partie dans son rapport initial ont été adoptés et mis en œuvre.

47.Mme GHOSE demande si des ateliers de sensibilisation au problème de la traite et de l’exploitation sexuelle ont été organisés à l’intention du personnel des organes chargés de l’application de la loi. Elle se félicite de la création d’un organisme chargé de promouvoir l’égalité entre les sexes et souhaite obtenir des informations sur les premiers résultats de son action. Elle regrette que le rapport initial de l’État partie comprenne très peu d’informations sur la violence familiale et souhaite que la délégation bosniaque remédie à cette lacune en fournissant notamment des informations sur l’ampleur du problème, la nature de l’aide fournie aux victimes de violence, l’existence éventuelle de centres d’accueil pour les femmes battues. Elle note avec étonnement que selon l’État partie, il n’existe pas de vrai problème de drogues à l’échelon national en dehors de la consommation du cannabis. Elle demande quels sont alors les modes de transmission du VIH/sida, sachant que le nombre de séropositifs augmente dans le pays.

48.M. PILLAY note que 20 % des familles vivent en deçà du seuil de pauvreté et demande quels sont les effets des programmes de lutte contre la pauvreté récemment mis en œuvre par l’État partie. Il souhaite en particulier savoir si les programmes accordent une attention particulière aux groupes défavorisés et s’ils tiennent compte de tous les droits économiques, sociaux et culturels consacrés par le Pacte. Il constate par ailleurs qu’il n’existe aucune loi-cadre ni aucune stratégie en matière de logement et que le nombre de logements sociaux est minime. La situation des Roms est particulièrement préoccupante puisque environ 60 % d’entre eux vivent dans des baraquements sans eau potable ni chauffage. M. Pillay demande donc quelles sont les mesures prises pour remédier à cette situation et quel est le nombre de sans-abri en Bosnie-Herzégovine.

49.Mme BRAS GOMES souhaite obtenir davantage d’informations sur la prise en charge par l’État des 32 000 enfants «sans parents» évoqués dans le rapport initial. Elle note avec préoccupation que l’aide sociale relève de la compétence des cantons et que la répartition des ressources publiques ne semble pas toujours équitable. Les groupes les plus vulnérables de la société ne sauraient être laissés à l’abandon en dépit des difficultés économiques rencontrées par l’État partie.

50.M. RIEDEL, après avoir noté que de nombreux hôpitaux ne disposaient pas de service de psychiatrie, souhaite obtenir des statistiques ventilées par zone rurale et urbaine sur le nombre d’institutions pour malades et handicapés mentaux et demande comment ces derniers sont pris en charge en Bosnie-Herzégovine. Il évoque le problème du nombre croissant de médecins qui vont chercher un emploi mieux rémunéré à l’étranger et se demande comment les autorités parviennent dans ces conditions à garantir à tous l’accès à des soins de santé. Par ailleurs, il demande quel rôle jouent les collectivités locales dans les opérations de déminage.

51.M. RZEPLINSKI constate d’après le tableau 6 du rapport initial de l’État partie que le nombre de personnes atteintes de troubles mentaux a sensiblement diminué entre 2000 et 2001 et souhaite en connaître les raisons.

52.M. KOLOSOV relève aux paragraphes 369 et 629 du rapport initial que certaines lois de l’ex-République fédérative de Yougoslavie sont toujours en vigueur et demande en quoi elles consistent et pourquoi l’État partie a jugé bon de continuer à les appliquer. Il souhaite obtenir des informations sur le rôle joué par les médias dans la promotion de la diversité culturelle et de la tolérance. Il évoque des sources d’information selon lesquelles les médias feraient parfois l’objet de censure et demande des précisions à ce sujet à la délégation bosniaque.

53.M. MARCHÁN ROMERO note avec préoccupation au paragraphe 634 du rapport initial que depuis sa création, la Bosnie-Herzégovine n’a adopté aucune loi dans le domaine culturel et ne juge pas utile de le faire. Il souligne que la culture peut être un instrument de cohésion nationale et exhorte l’État partie à intervenir également dans ce domaine. Il demande si, conformément à ce que prévoit la Constitution de la Fédération, certains cantons ont déjà transféré à la Fédération ou aux municipalités leurs responsabilités dans le domaine de la culture.

54.M. MARTYNOV dit que la Fédération compte 13 ministères de l’éducation et que le système éducatif est très fragmenté. Il constate qu’il n’existe aucune loi fédérale concernant la maternelle et l’enseignement supérieur et demande si l’État partie envisage de remédier prochainement à cette situation.

55.M. KERDOUN demande si la Bosnie-Herzégovine a appliqué les mesures de réforme qu’elle envisageait dans son rapport initial afin de mieux intégrer les enfants ayant des besoins particuliers dans le système éducatif. Il voudrait en particulier connaître les grandes lignes et les résultats du plan adopté en 2004 pour améliorer la scolarisation des enfants roms. Enfin, il demande quelle est la part de l’aide internationale consacrée au secteur de l’éducation.

La séance est levée à 13 heures.

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