Nations Unies

E/C.12/2011/SR.42

Conseil économique et social

Distr. générale

11 février 2013

Français

Original: anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante-septième session

Compte rendu analytique de la 42 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 22 novembre 2011, à 10 heures

Président:M. Pillay

Sommaire

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques du Cameroun (suite)

La séance est ouverte à 10 h 5 .

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17du Pacte (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques du Cameroun ((E/C.12/CMR/2-3); liste des points à traiter (E/C.12/CMR/Q/2-3); réponses écrites du Gouvernement camerounais à la liste des points à t raiter (E/C.12/CMR/Q/2-3/Add.1)) (suite)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation camerounaise reprend place à la table du Comité.

Articles 6 à 9 (suite)

2.M me Galega (Cameroun), répondant aux questions posées par le Comité, dit qu’il n’y a pas de travail forcé dans les prisons. Cependant, étant donné que le budget alloué par l’État aux repas des détenus ne suffit pas à couvrir leurs besoins alimentaires, les détenus sont encouragés à cultiver des parcelles de terre et à élever de la volaille et des porcs pour compléter leurs rations.

3.Passant à la question de l’emploi, Mme Galega dit que la création d’emplois est une priorité non seulement dans la fonction publique mais aussi dans le secteur privé, y compris les petites et moyennes entreprises. En octobre 2011, 25 000 jeunes, dont près de 46 % de femmes, ont été recrutés dans la fonction publique. Cinquante-deux personnes handicapées ont aussi été recrutées. Le comité technique chargé du recrutement a tenu compte des qualifications des candidats et des types de postes disponibles. En outre, en 2010, près de 7 500 enseignants contractuels à temps partiel ont été embauchés et le Fonds National de l’Emploi, en collaboration avec des entreprises publiques et privées, a facilité la création de 28 322 emplois dans les secteurs public et privé. Le Projet intégré d’appui aux acteurs du secteur informel (PIAASI) a fourni une assistance à plus de 1 300 projets qui ont abouti à la création de près de 3 400 emplois.

4.Les projets de développement créeront également de nombreux emplois: 15 000 pour le barrage hydroélectrique de Memvelé, 11 000 pour la centrale à gaz de Kribi, 280 pour la centrale thermique et plus de 7 000 emplois indirects, 47 000 dans le secteur minier et 26 000 pour le développement des ports du pays, notamment un port en eau profonde à Kribi. Le Gouvernement, par l’intermédiaire des ministères concernés, en particulier le Ministère de la sécurité sociale et le Ministère des petites et moyennes entreprises, de l’économie sociale et de l’artisanat, s’emploie à faire passer des entreprises et des emplois du secteur informel à l’économie formelle.

5.En ce qui concerne la perte d’emplois informels qui résulterait de la destruction de marchés, par exemple à Yaoundé, Mme Galega dit que les propriétaires d’étals ont été informés que le gouvernement local avait l’intention de supprimer les boutiques et constructions de fortune, afin de leur donner le temps d’évacuer leurs marchandises et effets personnels. Ces structures de fortune ont cependant été remplacées par des structures permanentes que ces mêmes commerçants et marchands peuvent actuellement louer pour exercer leurs activités dans de meilleures conditions. Aucun emploi n’a donc en réalité été perdu.

6.Mme Galega souligne que le paragraphe 1 de l’article 2 du Code du travail garantit à chaque citoyen le droit au travail et qu’il est donc illégal pour un mari d’empêcher son épouse de travailler. Quant aux employés de maison, qui sont environ 65 500, en majorité des femmes et des enfants, ils jouissent en principe des mêmes droits que les autres travailleurs, par exemple en ce qui concerne les congés payés, les périodes de repos, etc., mais leurs droits ne sont souvent pas respectés dans la pratique. Le Gouvernement, en coopération avec des partenaires internationaux, mène des programmes de sensibilisation pour faire mieux connaître ces droits aux employés de maison et à leurs employeurs. Ainsi, en novembre 2009, le Ministère de la sécurité sociale et le Ministère des affaires sociales, en coopération avec l’Organisation internationale du Travail (OIT), ont organisé à l’intention des agents publics, des juges, des procureurs, des organisations non gouvernementales (ONG) et des représentants de la société civile un atelier sur la protection des droits des employés de maison et la prévention de la traite des personnes au Cameroun à la lumière de la loi no 2005/015 du 29 décembre 2005 sur la traite et le trafic d’enfants, du Code du travail et des Conventions de l’OIT ratifiées par le Cameroun.

7.Le droit de s’organiser et le droit de grève sont reconnus par la Constitution et le Code du travail. Les tentatives de porter atteinte à ces droits peuvent être poursuivies devant les tribunaux. En 2008, 2009 et 2010, 23, 23 et 24 syndicats, respectivement, ont été créés. La seule restriction au droit de grève concerne les services essentiels, par exemple les transports en commun.

8.Il y a peu de cas de lèpre au Cameroun; cette maladie touche principalement le nord-ouest du pays, où un traitement est disponible dans certains hôpitaux. Afin de lutter, dans le sud du pays, contre l’exploitation forestière illégale ou irresponsable qui contribue à la déforestation et la désertification, le Gouvernement et ses partenaires internationaux encouragent la plantation d’arbres. En octobre 2010, le Cameroun a conclu avec l’Union européenne (UE) un accord visant à éliminer les coupes d’arbres illégales et à améliorer la traçabilité des bois. Le Ministère de l’environnement et de la protection de la nature et l’Agence nationale d’appui au développement forestier mènent des campagnes de plantation d’arbres dans tout le pays.

9.Mme Galega ignore quand le projet de code des personnes et de la famille sera adopté, car il s’agit d’un projet de loi très volumineux qui s’efforce de concilier la common law britannique et le Code civil français. Elle souligne toutefois que la lutte contre la violence à l’égard des femmes fait partie des priorités du Gouvernement, qui a décidé de supprimer du projet de code des personnes et de la famille les dispositions relatives aux infractions et à la discrimination visant les femmes, notamment les agressions, le harcèlement sexuel, le viol, la violence psychologique et les mutilations génitales féminines, pour les intégrer dans le projet de code pénal, qui est actuellement au stade de l’examen final. Les nouvelles dispositions supprimeront par exemple la possibilité qu’à un violeur d’échapper à toute sanction en épousant sa victime et introduisent la notion de circonstances aggravantes en cas de viol.

10.Le travail des enfants reste un problème même si son incidence a baissé récemment. Mme Galega souligne que le Code du travail fixe à 14 ans l’âge minimum d’admission au travail. Elle note que la loi no 2005/015 du 29 décembre 2005 sur la traite et le trafic d’enfants incrimine l’exploitation des enfants.

11.M. Texier (Rapporteur pour le Cameroun) rappelle que c’est l’OIT qui l’a informé que les détenus sont obligés de travailler contre leur gré pour des entreprises privées, pratique qui devrait être interdite, et que des prisonniers politiques ou des personnes détenues en raison de leurs opinions sont soumis au travail forcé. Il note également avec préoccupation que, conformément à l’article 223 du Code civil, un mari peut empêcher son épouse d’exercer certains types d’activités. Il demande si l’État partie envisage d’adopter les réformes juridiques concrètes qui sont nécessaires pour assurer une véritable égalité des chances pour les femmes et les hommes.

12.M. Texier demande également si l’État partie envisage de ratifier la Convention (no 189) de l’OIT de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques, récemment adoptée. La délégation devrait aussi commenter les informations indiquant que le Gouvernement intervient parfois dans les activités syndicales, fait preuve de favoritisme à l’égard de certains syndicats ou refuse d’en reconnaître d’autres, entrave les efforts de syndicalisation dans la fonction publique et a même fait arrêter certains dirigeants syndicaux.

13.M. Sadi demande si les efforts faits par l’État partie en vue d’éliminer le travail des enfants sont vraiment efficaces, compte tenu du grand nombre d’enfants qui travaillent encore dans des restaurants et bars ou comme domestiques, ou vivent dans la rue, où certains se prostituent.

14.M. Nkou (Cameroun) dit qu’aucun détenu n’est obligé de travailler pour des entreprises privées. Le seul travail effectué par les prisonniers est la culture de parcelles dans le but de compléter leurs rations alimentaires. En outre, le Cameroun entretient une relation très positive avec l’OIT; il a en effet présidé la centième session de la Conférence internationale du Travail en juin 2011 et ne néglige rien pour mettre en œuvre les recommandations qui lui sont faites par l’OIT. En ce qui concerne la possibilité qu’a un mari d’empêcher son épouse d’accepter certains types d’activités, une telle chose est inconcevable dans un pays en développement où chaque source de revenu revêt une importance vitale.

15.M me Galega (Cameroun) dit que l’article 223 du Code civil sera modifié dans le cadre du nouveau Code des personnes et de la famille. En tout état de cause, ce sont les dispositions du Code du travail, qui est plus récent et garantit l’égalité des chances des hommes et des femmes dans le domaine de l’emploi, qui sont appliquées dans la pratique – en témoigne l’exemple des femmes membres de la délégation, qui sont toutes mariées et exercent également une activité. En ce qui concerne les droits syndicaux et le droit de grève, ces droits sont protégés par la législation et les infractions peuvent être poursuivies devant les tribunaux. Mme Galega ajoute que le Gouvernement envisagera certainement de ratifier la Convention no 189 de l’OIT.

Articles 10 à 12 du Pacte

16.M. Dasgupta, prenant note de divergences dans les chiffres sur le travail des enfants fournis dans les réponses à la liste de questions (E/C.12/CMR/Q/2-3/Add.1) et relevant que la conspiration du silence à ce sujet est reconnue, demande quelle est la source des données et à quel point celles-ci sont fiables. Il souhaite avoir des renseignements sur les poursuites engagées pour esclavage d’enfants et sur leurs résultats.

17.M me Barahona Riera prie instamment l’État partie d’adopter le projet de loi relatif à la protection des femmes. Craignant que le budget alloué par l’État aux soins de santé ne soit insuffisant et qu’une grande partie de la population ne soit pas en mesure de payer une assurance volontaire, elle demande si une couverture minimale pour tous est prévue. Elle souhaite aussi savoir quelles mesures ont été prises pour améliorer la santé sexuelle et génésique et quel est le statut juridique de l’interruption volontaire de grossesse.

18.M. Texier demande si toutes les dispositions de l’observation générale no 7 du Comité sur les expulsions forcées sont respectées, en particulier celles relatives à l’indemnisation des personnes déplacées.

19.M. Sadi demande à quel stade du processus législatif en est le projet de code des personnes et de la famille et si les violeurs sont, dans la pratique, traités avec indulgence lorsqu’ils épousent leur victime.

20.M. Riedel demande des informations complémentaires sur les génériques de médicaments de haute qualité dont les brevets ont expiré, en particulier les médicaments contre le VIH/sida. Il demande quelles mesures concrètes sont prises pour donner suite au rapport de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés, qui a indiqué que l’incidence du choléra, la vente dans la rue de médicaments de qualité douteuse et l’augmentation de la mortalité maternelle constituent des préoccupations majeures, et si l’État partie envisagera la décentralisation comme un des moyens de parvenir à une solution. Il demande aussi quel est le statut du décret visant à mettre en œuvre les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) concernant la fabrication, le stockage et la distribution des médicaments et s’il a donné des résultats depuis 2006. Il souhaite en outre savoir pourquoi l’État partie n’a pas ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées ou le Protocole facultatif s’y rapportant.

21.M. Abdel-Moneim demande si l’État partie estime qu’il reçoit un soutien suffisant de la communauté internationale pour garantir le droit à l’alimentation.

22.M. Nkou (Cameroun) dit que le Cameroun est autosuffisant en ce qui concerne l’approvisionnement alimentaire – même s’il n’hésite pas à demander de l’aide lorsque c’est nécessaire – et qu’une banque spécialisée a été créée pour soutenir les agriculteurs. Les mesures relatives à la sécurité sociale qui sont en instance ont été approuvées par l’OMS et l’OIT et garantiront une assurance maladie universelle en fonction des moyens de chacun. La plupart des expulsions sont effectuées dans des zones insalubres qui étaient occupées illégalement, mais des mesures sont prises pour reloger les personnes touchées.

23.M me Nama (Cameroun) dit qu’il y a une pénurie considérable d’eau potable due en grande partie à une infrastructure vieillissante qui n’a pas suivi le rythme du développement urbain. Selon la Cameroon Water Utilities Corporation (CAMWATER), en 2007-2008, moins d’un tiers de la population était raccordé au réseau d’eau. La CAMWATER a lancé un vaste programme d’investissement d’une durée de dix ans pour un coût de 4 milliards de francs CFA. En réaction à l’épidémie de choléra, un comité interministériel a été mis en place pour surveiller l’approvisionnement en eau. Un plan national d’action pour l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement dans les zones rurales a été élaboré et doté d’un budget de 100 milliards de francs CFA. Le Cameroun a entrepris de maintenir la consommation des services publics sous contrôle, de réparer les fuites et de sensibiliser la population à la gestion des ressources. Un rapport de l’auditeur indépendant a révélé que le coût de l’eau est élevé par rapport à d’autres pays d’Afrique subsaharienne ayant des niveaux de vie comparables.

24.L’approvisionnement en produits alimentaires de base – sucre, farine de blé, huile de palme et poulet – a été examiné à la lumière de la crise économique et de la sécheresse. Un programme spécial d’importation de sucre a été mis en place en 2008 et les importateurs ont été priés instamment de mettre fin à leurs pratiques spéculatives qui ont conduit à gonfler artificiellement les prix. Le programme d’approvisionnement des marchés a été relancé en 2008; 15 nouveaux marchés ont été créés dans tout le pays et le Ministère du commerce a organisé des caravanes de vente à bas prix pour fournir à la population de la nourriture à un prix moins élevé.

25.M me Galega (Cameroun) dit que le projet de code pénal abroge la disposition accordant un traitement préférentiel aux violeurs qui épousent leur victime. Une fois que le code pénal sera entré en vigueur, tous les violeurs seront poursuivis en justice, quelle que soit leur relation avec la victime.

26.Il y a eu ces dernières années quelques cas d’expulsion forcée de terres et de maisons parce qu’il était nécessaire d’effectuer des travaux d’aménagement et de rénovation dans les villes afin de maintenir des conditions saines pour la population, comme indiqué aux paragraphes 216 à 220 du rapport périodique. Conformément à la loi, les personnes expulsées des terres dont elles sont propriétaires ont droit à une indemnisation de l’État. En outre, en 2008, le Premier Ministre a décrété que même les personnes qui ne détenaient pas de titre foncier avaient le droit à une indemnisation. En 2010, une cinquantaine de familles qui avaient été expulsées de leur logement à Olembé pour faciliter la construction de nouveaux logements sociaux ont reçu 197 millions de francs CFA à titre d’indemnisation.

27.Le budget du Ministère de la santé pour 2010 se montait à 123 701 milliards de francs CFA, soit plus de 10 milliards de plus qu’en 2009. Tous les patients atteints du VIH reçoivent des antirétroviraux gratuits. Ils doivent payer le test de dépistage du sida mais celui-ci est subventionné et ne coûte que 3 000 francs CFA. En 2010, le Centre national pour la fourniture de médicaments essentiels et de fournitures médicales a enregistré 669 nouveaux produits pharmaceutiques, dont la plupart sont des médicaments génériques. Le Centre a pris plusieurs mesures pour veiller à ce que la population ait réellement accès aux médicaments génériques, notamment en convenant avec les entreprises pharmaceutiques des réductions de prix pour 350 de ces médicaments. Il a retiré 21 médicaments du marché à la suite d’informations indiquant que ces produits risquaient d’être nocifs et a approuvé trois nouvelles entreprises pharmaceutiques de gros. Le Ministère de la santé a également pris des mesures pour empêcher le commerce de rue des médicaments, notamment en saisissant et en détruisant ces médicaments.

28.Alors que 10 441 cas de choléra ont été détectés au cours de l’épidémie de 2010, le Gouvernement a réagi rapidement avec ses partenaires de développement et a limité le nombre de décès à 651. Il a mis en œuvre une série d’actions multisectorielles pour enrayer l’épidémie, notamment en créant un comité de lutte contre le choléra et un centre de lutte contre le choléra et de coordination à Maroua, où l’épidémie a été la plus grave. En outre, les comités locaux existants de lutte contre le choléra ont été réactivés.

29.Bien que le Cameroun n’ait pas encore ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées, une législation complète a été adoptée dans ce domaine.

30.M me Nama (Cameroun) dit qu’en octobre 2011, le Gouvernement, dans le cadre de sa campagne de lutte contre le tabagisme, a imposé une taxe de 5 francs CFA sur chaque paquet de cigarettes vendu dans le pays. Chaque année, à l’occasion de la Journée mondiale sans tabac, des campagnes de sensibilisation sont menées et visent en particulier les jeunes dans les écoles et les universités.

31.Avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), les représentants de 20 communautés et de 15 stations de radio régionales ont reçu une formation sur la prévention de la violence sexiste et la promotion de la santé génésique. En conséquence, 200 programmes ont été diffusés en français et dans les langues locales. Le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme a organisé quatre campagnes de sensibilisation concernant les mutilations génitales féminines. Plusieurs milliers d’affiches et de brochures sur le problème de la violence sexiste ont été distribuées et un nombre croissant de femmes et de filles se manifestent pour dénoncer des cas de violence familiale. Nombre d’entre elles ont reçu des soins dans des centres spécialisés et ont entrepris des projets avec l’aide de petites subventions de l’État.

32.M me Galega (Cameroun) dit que l’interruption volontaire de grossesse est illégale au Cameroun sauf si la vie de la femme est en danger ou que la grossesse résulte d’un viol. Dans les écoles, on enseigne aux filles que l’avortement est infâme. Afin d’éviter que les élèves enceintes abandonnent leurs études, les écoles sont tenues par la loi de leur dispenser des cours et de veiller à ce qu’elles puissent reprendre leurs études après avoir accouché.

33.Mme Galega assure au Comité que, bien que le Code pénal n’incrimine pas expressément des actes ne visant que les femmes, tels que les mutilations génitales féminines, certaines de ses dispositions peuvent être invoquées pour réprimer et poursuivre ces infractions. Le Ministère de la promotion de la femme et de la famille a élaboré le projet de code des personnes et de la famille. Ce projet a été examiné à plusieurs reprises au Ministère de la justice, notamment dans ses moindres détails en 2011, et a été transmis au Premier Ministre. Si l’on ignore encore quand le projet sera adopté définitivement, Mme Galega assure au Comité que le Gouvernement a conscience qu’il est nécessaire de l’adopter pour promouvoir et protéger les droits des femmes, conformément aux dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

34.M me Nama (Cameroun) ajoute que le Gouvernement a conscience de la nécessité d’éliminer le travail des enfants. Cependant, de nombreux parents demandent à leurs enfants de travailler à leurs côtés, notamment pour vendre des produits sur les marchés, afin de lutter contre la pauvreté.

35.M. Sadi demande si le Gouvernement connaît bien l’observation générale no 7 du Comité sur les expulsions forcées, en particulier le paragraphe 16 qui précise qu’il ne faut pas que, suite à une expulsion, une personne se retrouve sans toit ou puisse être victime d’une violation d’autres droits de l’homme.

36.M. Texier demande si les 5 000 personnes qui ont été expulsées de leur logement de fortune dans le bidonville de Ntaba-Nlongkak à Yaoundé ont été relogées ou ont reçu une indemnisation de l’État. Même si la construction de ces logements avait indéniablement été illégale, plus de 250 familles vivaient dans ce bidonville depuis quarante ans. Le Comité a reçu des informations indiquant qu’elles ont été laissées sans toit, en violation du Pacte et de l’observation générale no 7.

37.M. Abdel-Moneim relève que, entre 2000 et 2008, le revenu national brut a augmenté dans l’État partie, passant de 620 à 1 150 dollars des États-Unis, et que l’inflation a baissé, passant de 2,8 % à 1,7 %. Ces chiffres prennent tout leur sens au regard des dispositions de l’article 11 du Pacte.

38.M. Abdel-Moneim note que l’État partie a entrepris d’importants projets de construction de barrages, ce qui est louable compte tenu de la nécessité de garantir le droit à l’alimentation dans le contexte des changements climatiques et de la demande actuelle de céréales. Toutes les expulsions nécessaires pour que ces projets aillent de l’avant doivent être précédées par l’obtention du consentement des personnes concernées, qui doivent recevoir une indemnisation appropriée.

39.M me Barahona Riera demande si le Gouvernement envisage de modifier sa législation sur l’avortement afin de le rendre légal dans un grand nombre de circonstances. L’État partie ayant signalé un nombre élevé d’avortements clandestins, il serait utile de savoir si des données fiables existent sur la mortalité maternelle résultant de ces avortements. Mme Barahona Riera souhaite savoir quels types de services de santé sexuelle et génésique sont disponibles pour la population, notamment les jeunes. Elle souhaite aussi savoir si les services de santé sexuelle et génésique sont inclus dans le Paquet sanitaire minimum.

40.Le Président, s’exprimant en sa qualité de membre du Comité, demande quelles mesures l’État partie a prises pour remédier à la pénurie de logements, estimée à un million d’unités. D’après un rapport de 2010 du Programme des Nations Unies pour les établissements humains, dans les zones urbaines quelque 67 % des familles vivent dans des bidonvilles.

41.M. Nkou (Cameroun) dit que le chiffre de 67 % semble assez exagéré. Les matériaux de construction locaux ne coûtent pas cher dans le pays et on peut construire une maison pour l’équivalent de 2 000 dollars des États-Unis. À cause des installations illégales, Ntaba-Nlongkak était devenu un quartier de non-droit. Les habitants ont refusé de se déplacer, si bien que le Gouvernement a été contraint de les expulser de force. Les projets de construction de barrages ont commencé et une indemnisation a été versée aux résidents des zones condamnées à disparaître.

42.M. Ngantcha (Cameroun) dit que, depuis les années 1980, le Crédit foncier accorde des prêts pour la construction de logements à faible coût. Il existe aussi une commission qui favorise l’utilisation de matériaux de construction locaux bon marché.

43.Dans le cadre du Paquet sanitaire minimum, les femmes enceintes ont droit à des consultations gratuites dans les hôpitaux publics. Les médicaments sur ordonnance et les consultations sont gratuits pour les enfants de moins de 5 ans.

44.M. Bidima (Cameroun) dit que plusieurs projets de logements sociaux sont en cours, dont l’un prévoit la construction de 10 000 unités de logement. Le Gouvernement encourage les partenariats public-privé pour le logement social et le logement des étudiants.

45.M me Galega (Cameroun) dit que plusieurs projets sont en cours en vue de construire des logements sociaux à faible coût au Cameroun pour atténuer la pénurie de logements, en particulier à Yaoundé et dans d’autres zones urbaines. Ces projets sont exécutés par des entreprises publiques, en collaboration avec les autorités locales et régionales, et des entreprises privées désignées par le Gouvernement. L’objectif est de construire 10 000 logements à faible coût et de rendre constructibles 50 000 terrains que l’État vendra à bas prix entre 2010 et 2013.

46.Les expulsions forcées et les démolitions de biens n’ont pas lieu du jour au lendemain. Conformément à la procédure normale, le conseil municipal appose sur les propriétés construites illégalement un «X» rouge et la date limite, ce qui lui permet d’aviser les propriétaires et de leur donner suffisamment de temps pour prendre les dispositions nécessaires. Il y a eu un problème d’expulsions forcées à Yaoundé et à Douala en 2008 et, à la suite d’un appel urgent de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur le droit au logement convenable, le décret no 2008/0738/PM a été pris pour s’assurer que personne ne se retrouverait sans toit à cause d’un ordre d’expulsion forcée. Le décret a tenu compte des dispositions des observations générales du Comité no 4 et 7 sur le droit à un logement convenable et sur les expulsions forcées, ainsi que des principes de base et des directives concernant les expulsions et les déplacements définis par la Rapporteuse spéciale. Une indemnisation est versée aux personnes visées par une mesure d’expulsion et de démolition qui sont propriétaires de leur bien et même à celles qui ne détiennent pas de titre foncier.

47.M me Nama (Cameroun) dit que les réseaux régionaux d’écoles médicales ont un programme d’éducation sexuelle destiné aux jeunes mais qu’il reste des progrès à faire dans ce domaine, car l’incidence des grossesses précoces et des infections sexuellement transmissibles (IST) demeure élevée.

48.Le Paquet sanitaire minimum prévoit un appui à l’enseignement gratuit et comprend un ensemble de fournitures destiné à aider les étudiants issus de familles pauvres qui ne peuvent pas acheter les manuels, le papier et autres fournitures scolaires nécessaires. Il prévoit également des repas scolaires gratuits pour répondre aux besoins alimentaires généraux des élèves.

49.M me Galega (Cameroun) dit que 10 à 15 % des adolescents sont touchés par les grossesses précoces et les IST. Le programme scolaire de sensibilisation à la santé sexuelle, aux grossesses précoces et aux IST comprend trois films, des documents et du matériel didactique mis au point en collaboration avec l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la culture et la science (UNESCO). Mme Galega ignore si le Cameroun a l’intention de modifier sa législation sur l’avortement, mais la loi en vigueur est suffisante pour le moment.

50.M me Nama (Cameroun) dit que la question des expulsions pose un dilemme. Le Cameroun a toujours suivi la procédure requise, même si, en tant que pays en développement, il souffre d’un manque de ressources. Sa principale préoccupation est de protéger la vie des personnes vivant dans des conditions précaires. Souvent, les gens construisent des maisons illégalement dans des zones marécageuses exposées aux inondations et aux coulées de boue, de sorte qu’il faut parfois prendre des mesures d’urgence.

51.M. Sadi demande si le décret no 2008/0738/PM prévoit une procédure d’appel dans le cas d’une ordonnance d’expulsion. Il souhaite avoir des détails précis sur la façon dont ce décret tient compte des observations générales nos 4 et 7 du Comité.

52.M. Texier demande si la totalité des 5 000 personnes expulsées dans le quartier de Ntaba-Nlongkak ont été relogées ou si certaines d’entre elles restent sans abri.

53.Le Président demande comment ceux qui gagnent moins d’un dollar des États-Unis par jour, soit 40 % de la population camerounaise, peuvent s’offrir le logement à 2 000 dollars des États-Unis mentionné par la délégation.

54.M. Nkou (Cameroun) dit que la famille camerounaise moyenne compte six personnes – les parents et quatre enfants – ce qui signifie qu’elle dispose en moyenne de six dollars des États-Unis par jour pour vivre. Une maison modeste est donc abordable pour une famille moyenne.

55.M me Nama (Cameroun) dit que certaines des 5 000 personnes expulsées du quartier de Ntaba-Nlongkak ont trouvé un nouveau logement dans la région tandis que d’autres sont rentrées dans leur village, comme c’est la coutume au Cameroun. Dans le cadre de la procédure d’expulsion, une lettre est envoyée à la communauté locale pour avertir les habitants de la date limite prévue pour la démolition. Dans ces cas, la communauté constitue en général un collectif dont le président négocie les conditions de départ. Il y a eu des frictions à Ntaba-Nlongkak parce qu’exceptionnellement, la police était présente pour faciliter l’expulsion, mais en principe les parties coopèrent entre elles et l’ensemble du processus est pacifique. Si le collectif refuse de partir ou n’a pas les moyens de trouver de nouveaux logements, cela pose un dilemme parce que, comme Mme Nama l’a dit précédemment, des vies peuvent être menacées et des mesures urgentes doivent être prises.

56.M. Texier dit qu’il connaît bien le quartier de Ntaba-Nlongkak et qu’il s’interroge sur les informations données par l’État partie.

57.M. Dasgupta demande si, en indiquant que le revenu familial moyen se monte à 6 dollars des États-Unis par jour, l’État partie part du principe, ou admet, que l’incidence du travail des enfants s’élève à un taux record de 100 %. Selon les statistiques démographiques concernant le Cameroun, plusieurs des quatre enfants de la famille moyenne de six personnes ont moins de 14 ans.

58.M. Nkou (Cameroun) dit que le chiffre correct du travail rémunéré des enfants s’élève à 41 %. Étant donné que le taux de scolarisation est de 91 %, il est à l’évidence impossible que 100 % des enfants travaillent. Lorsque les enfants rentrent chez eux après l’école, ils doivent laver et ranger leur verre et leur assiette après le repas et effectuer d’autres tâches, par exemple faire leur lit. Cela ne saurait être considéré comme un travail mais fait partie de l’éducation à la maison.

59.M. Dasgupta, relevant que les statistiques figurant dans les réponses de l’État partie à la liste des questions à traiter sont contradictoires, souhaite avoir des précisions. Les chiffres figurant au paragraphe 8, qui sont tirés d’une étude réalisée par l’OIT en collaboration avec le Gouvernement camerounais, diffèrent de ceux donnés au paragraphe 69, dont l’origine n’est pas indiquée. D’où proviennent ces derniers chiffres et dans quelle mesure sont-ils fiables? En outre, il est indiqué au paragraphe 73 qu’il n’existe pas de statistiques fiables sur le travail des enfants et l’esclavage des enfants du fait d’une conspiration du silence qui entoure le sujet.

Articles 13 à 15

60.M. Ribeiro Leão demande ce qu’il faut entendre par l’indication, au paragraphe 619 du rapport de l’État partie, que la crise économique et la libéralisation de l’activité économique ont amené l’État à accorder une large place à l’intervention du secteur privé dans le financement de la culture.

61.M. Marchán Romero demande des éclaircissements au sujet des informations indiquant que l’État partie se soucie davantage d’intégrer les groupes autochtones dans la société camerounaise que de promouvoir leur insertion dans le respect de leurs spécificités culturelles. Il demande quelles mesures ont été adoptées pour reconnaître le droit des peuples autochtones à leurs terres ancestrales, car de nombreux groupes, notamment les Pygmées baka, ont été expulsés à cause des activités de déboisement, au mépris de l’importance matérielle et spirituelle qu’ont ces terres et forêts pour ces peuples. En ce qui concerne le paragraphe 1 b) de l’article 15 sur le droit de bénéficier du progrès scientifique et de ses applications, il demande si l’État partie s’est doté d’un régime de propriété intellectuelle spécifique qui reconnaît les connaissances traditionnelles des communautés autochtones.

62.M. Kerdoun souhaite avoir des statistiques spécifiques montrant que le nombre de filles scolarisées a augmenté. Il souhaiterait également avoir des chiffres plus récents sur le nombre d’étudiants handicapés scolarisés, montrant qu’il est donné effet aux mesures adoptées pour accroître leur scolarisation. Il demande ce qu’il en est de l’efficacité du système éducatif et pourquoi il y a une différence entre les systèmes de langue française et de langue anglaise. Ces systèmes sont-ils compatibles et pourraient-ils être harmonisés? M. Kerdoun souhaite aussi savoir quels problèmes il a fallu régler pour mettre en œuvre le système «LMD» (licence-master-doctorat) adopté par le Cameroun en 2008 et qui semble devenir la norme mondiale. Ce système fonctionne bien dans les pays développés, mais dans les pays en développement comme le Cameroun, le manque de ressources pourrait poser des problèmes.

La séance est levée à 13 heures .