Nations Unies

E/C.12/2011/SR.4

Conseil économique et social

Distr. générale

10 mai 2011

Original: français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante -sixième session

Compte rendu analytique de la 4 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 3 mai 2011, à 15 heures

Président: M. Pillay

Sommaire

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Rapport initial de la Turquie (suite)

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (point 7 de l ’ ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la Turquie ( E/C.12/TUR/1; document de base (HRI/CORE/TUR/2007); liste des points à traiter (E/C.12/TUR/Q/1); réponses écrites du Gouvernement turc à la liste des points à traiter (E/C.12/TUR/Q/1/Add.1) ) (suite)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation turque repr end place à la place du Comité.

Articles 6 à 9 du Pacte (suite)

2.M. Onaner (Turquie) indique que c’est la Direction générale de la condition féminine qui veille à la mise en œuvre du plan national d’action pour l’égalité des sexes et du plan national d’action pour la lutte contre la violence intrafamiliale élaborés dans le cadre de la stratégie pour la promotion de l’égalité des sexes. Il ne dispose pas encore de données permettant d’évaluer les résultats concrets de cette stratégie mais ne manquera pas de les communiquer au Comité dès que la Direction générale les lui aura fait parvenir. Pour combattre la violence au sein de la famille, le Gouvernement turc a pris des mesures administratives et juridiques et mené, avec l’aide des organisations non gouvernementales œuvrant dans ce domaine, des campagnes de sensibilisation ciblant tous les groupes sociaux. La stratégie globale de lutte contre ce fléau a instauré des procédures de plainte facilement accessibles aux femmes et a prévu des mesures de protection ainsi que la création de centres d’accueil pour les femmes victimes de violence conjugale.

3.Contrairement à la Convention européenne des droits de l’homme, le Pacte n’a pas encore été invoqué devant les tribunaux nationaux. M. Onaner compte suivre cette question de près et tenir le Comité informé de l’évolution de la jurisprudence. Il précise par ailleurs qu’il ne relie aucunement le faible taux de participation des femmes au marché de l’emploi au tout aussi faible taux de scolarisation des filles dans certaines régions du pays, et ajoute que le Gouvernement turc, pleinement conscient de ce problème, tente d’y remédier en menant, sur les chaînes de télévision privées et publiques, des campagnes de sensibilisation destinées à encourager la scolarisation des fillettes.

4.La Turquie ne s’est pas dotée d’une loi sur l’égalité, mais le projet de loi portant création des conseils pour l’égalité constituera de fait un texte de référence pour toutes les questions relatives à l’égalité et investira lesdits conseils d’un pouvoir décisionnel dans ce domaine. La Turquie ne s’est pas non plus dotée d’une loi instituant des quotas applicables à la participation des femmes à la vie politique, mais l’on peut toutefois se réjouir de ce que dans le cadre de la campagne en vue des élections législatives prochaines, les femmes sont bien plus nombreuses à présenter leur candidature que par le passé, et ce, tous partis confondus.

5.Contrairement à ce qui a été avancé par un membre du Comité, les détenus ne sont pas contraints de travailler. Ils ont la possibilité de le faire, mais s’ils le souhaitent seulement, et contre rémunération. Leurs conditions de travail peuvent sans doute être améliorées, mais elles ne sont en aucun cas assimilables à celles qui caractérisent le travail forcé. Il est également vrai que des journalistes sont actuellement détenus en Turquie. Cela dit, ils le sont non pas en raison de leur activité professionnelle mais de leur appartenance présumée à une organisation terroriste illicite. C’est à la justice qu’il appartiendra de statuer sur la culpabilité ou l’innocence des intéressés. Le Gouvernement turc est conscient que la justice turque pèche par sa lenteur, ce qui explique que la Turquie soit souvent critiquée pour la durée de la garde à vue et de la détention avant jugement.

6.Les chiffres du chômage ont effectivement augmenté régulièrement au cours des dernières années, la Turquie n’ayant pas davantage échappé à la crise que les autres pays du monde. Les statistiques provisoires pour 2010 indiqueraient toutefois que la situation est en voie d’amélioration. Le Gouvernement turc n’a pas mis en place de programme gouvernemental de lutte contre le chômage mais du fait que cette question est au centre des préoccupations des partis politiques de tous bords actuellement en campagne, tout porte à croire qu’elle recevra à l’avenir l’attention politique voulue.

7.Les seuls enfants de moins de 16 ans qui travaillent sont ceux qui occupent des postes de saisonniers, souvent au sein de l’entreprise agricole familiale, pendant les vacances scolaires. Étant donné qu’ils ne sont pas nécessairement soumis aux mêmes horaires de travail que ceux en vigueur sur le marché de l’emploi, il est logique que le salaire minimum ne soit pas le même pour les moins de 16 ans, scolarisés le reste de l’année, et les plus de 16 ans, qui peuvent occuper un emploi régulier dès lors qu’ils ont dépassé l’âge de la fin de la scolarité obligatoire.

8.Le salaire minimum est fixé à l’issue de consultations entre toutes les parties prenantes, et, rapporté au niveau de vie de la Turquie, il n’est pas moins bon que dans la moyenne des pays européens et peut être qualifié d’acceptable. En outre, il est revu à la hausse régulièrement pour que les salariés conservent leur pouvoir d’achat. Faisant suite à la remarque de M. Kedzia concernant le paragraphe 90 du rapport à l’examen, M. Onaner, qui perçoit mal le lien entre la mondialisation et le fait que les femmes sont contraintes de rejoindre l’économie informelle, compte se renseigner auprès des personnes qui ont rédigé le rapport, et fera part au Comité de la logique qui sous-tend cette affirmation.

9.La réforme constitutionnelle entreprise en septembre 2010 a visé, entre autres, les articles de la Constitution relatifs au droit d’organisation, au droit de négociation collective et au droit de grève (art. 51, 53 et 54 de la Constitution) ainsi que les dispositions relatives au droit des fonctionnaires à la négociation collective. En supprimant la disposition qui interdisait aux travailleurs de s’affilier concomitamment à plusieurs syndicats dans un même secteur d’activité, la réforme a notamment élargi le champ d’application de la liberté syndicale. Elle a également octroyé aux agents de l’État le droit à la négociation collective dans des conditions à définir dans le cadre d’accords spécifiques et a supprimé un certain nombre d’obstacles au droit de grève, comme l’interdiction des grèves générales, des grèves motivées par des considérations politiques, des grèves de solidarité, des grèves perlées ou encore l’occupation du lieu de travail. Pour cela, les auteurs de la réforme se sont inspirés des conventions pertinentes de l’Organisation internationale du Travail (OIT) ainsi que de la Charte sociale européenne. Un projet de loi portant modification entre autres de la loi sur les syndicats et de la loi sur les conventions collectives est en cours d’examen par le Parlement, qui est chargé d’aligner ces textes sur les normes pertinentes de l’OIT et de l’Union européenne.

10.La stagnation, voire la diminution, du taux d’emploi s’explique par le vieillissement de la population et par le fait que le nombre de personnes en âge de travailler s’accroît au même rythme, voire plus vite, que le nombre de personnes qui travaillent. Quoi qu’il en soit, la méthodologie utilisée pour calculer ce taux n’a pas changé au cours de la période considérée, et les personnes employées dans le secteur informel n’ont jamais été comptabilisées dans les chiffres officiels de l’emploi. À ce propos, M. Onaner indique que le Gouvernement turc s’est donné comme objectif de combattre le travail informel et de prendre les mesures qui s’imposent contre les employeurs qui embauchent de la main-d’œuvre sans la déclarer et, partant, sans lui offrir de protection sociale.

11.En Turquie, le harcèlement sexuel au travail est sanctionné par le Code pénal comme par le Code du travail. Dans les nombreux cas dont ils ont été saisis, les tribunaux examinent actuellement si les accusations sont fondées ou non. En ce qui concerne la mobilisation générale ou partielle − qui ne peut être qu’exceptionnelle − dans le pays, les limitations imposées aux droits individuels restent dans les limites acceptables au niveau international. S’il est vrai que la croissance et la création d’emplois n’atteignent pas les niveaux requis, le Gouvernement − bien conscient des conséquences que cela génère non seulement pour les individus mais aussi pour le pays en général − ne ménage pas ses efforts pour améliorer la situation et assurer la stabilité économique de la Turquie.

12.M. Onaner dit qu’il n’y a pas si longtemps, il fallait effectivement six mois aux travailleurs étrangers pour obtenir un permis de travail en Turquie; désormais, les démarches pouvant se faire en ligne, ce délai n’est plus que d’un mois. En ce qui concerne la fuite des cerveaux, la délégation ne dispose pas d’informations précises sur les politiques gouvernementales visant à freiner ce phénomène, mais peut affirmer que les décideurs en sont conscients. Depuis quelques temps, on assiste d’ailleurs au retour de la deuxième ou troisième génération de Turcs partis travailler en Europe de l’Ouest, qui se réinstallent pour jouir de meilleures conditions de vie que celles de leurs proches à l’étranger, ce que la Turquie peut désormais leur offrir. Il est donc clair que meilleures seront les conditions de vie dans le pays, moins le phénomène de la fuite des cerveaux aura d’ampleur.

13.M. Texier rappelle qu’en 2009 et 2010, un expert indépendant de l’OIT, s’appuyant sur la Convention no 111 concernant la discrimination (emploi et profession), avait demandé au Gouvernement turc de lui communiquer des informations sur les mesures prises pour s’assurer que les journalistes, les écrivains et les éditeurs n’étaient pas limités dans l’exercice de leurs fonctions en raison d’opinions politiques qu’ils avaient pu exprimer. Il souhaiterait donc savoir en quoi consistent ces mesures. Par ailleurs, d’après une déclaration de la Confédération des syndicats turcs, le salaire minimum ne permettrait à une famille de se nourrir correctement que pendant dix-neuf jours par mois et de bénéficier d’un niveau de vie décent six jours par mois seulement. La délégation pourrait éclairer le Comité à cet égard. En ce qui concerne l’article 8 du Pacte, M. Texier demande si la réforme constitutionnelle de 2010 instaure une liberté syndicale et un droit de grève correspondant aux critères énoncés par l’OIT. Il semblerait en effet que le droit des travailleurs à manifester le 1er mai, par exemple, ne soit pas toujours respecté par les forces de l’ordre et qu’en 2008, la manifestation ait donné lieu à de très nombreuses arrestations. Il conviendrait donc que les forces de l’ordre respectent le droit de grève et de manifestation inscrits non seulement dans le Pacte, mais aussi dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

14.M me Shin a bien noté que si la délégation n’était pas en mesure de communiquer les résultats de l’évaluation du Plan d’action national de lutte contre les violences familiales exercées sur les femmes 2007-2010 à la présente session du Comité, ceux-ci seraient intégrés dans le deuxième rapport périodique de l’État partie. Dans ce cas, il conviendrait que ces données soient ventilées par année et par objectif de façon à faciliter la tâche du Comité lorsqu’il aura à suivre l’évolution de la situation. Il serait également souhaitable qu’elles soient établies en concertation avec la société civile, notamment des associations de défense des droits de la femme. Dans le prochain rapport périodique devraient aussi figurer des informations sur les cas de harcèlement sexuel dont la justice aura été saisie, qu’il s’agisse des tribunaux pénaux ou des tribunaux du travail, ainsi que sur les peines prononcées. Mme Shin renouvelle sa question sur les quotas d’emplois pour les personnes handicapées, pour laquelle elle n’a toujours pas obtenu de réponse.

15.M me Cong a noté qu’à titre exceptionnel, la loi no4857 sur le travail autorisait l’emploi, à des travaux légers, des enfants de plus de 14 ans ayant terminé leurs études primaires. Elle demande comment, dans ces conditions, le droit des enfants à l’éducation peut être protégé.

16.M. Onaner (Turquie) indique, au sujet du travail des enfants de plus de 14 ans, que les dispositions de la loi ne concernent que des exceptions, à savoir des enfants ayant achevé tôt et avec succès leurs huit années d’enseignement obligatoire – un enseignement technique qui leur permet de travailler comme apprentis par exemple – et qu’on leur confie des tâches adaptées à leur âge, d’où le versement d’un salaire minimum inférieur à celui prévu pour les enfants de plus de 16 ans. L’employeur est tenu de respecter ces conditions, faute de quoi il s’expose à des sanctions. Par ailleurs, il est effectivement traditionnel pour les travailleurs de manifester le 1er mai, y compris en Turquie, notamment à Istanbul, place Taksim, lieu emblématique. S’il a pu y avoir, dans le passé, des interventions des forces de police, il semble que tout se soit déroulé sans heurts en 2011. M. Onaner s’engage à ce que les informations sur la lutte contre la violence familiale exercée contre les femmes, qui ont été demandées par le Comité, figurent dans le prochain rapport périodique de la Turquie. Il confirme l’existence de quotas d’emplois pour les personnes handicapées dans les administrations publiques comme dans les entreprises privées. Dans les premières, pour respecter la loi, des aménagements sont faits pour pouvoir accueillir des personnes handicapées. Dans les secondes, la situation est plus difficile car bien souvent les entreprises ne disposent pas des infrastructures adéquates; l’indemnité qu’elles doivent alors payer se veut dissuasive et supérieure aux coûts générés par un aménagement des locaux, l’objectif étant de les inciter à employer des personnes handicapées.

Articles 10 à 12 du Pacte

17.M. Tirado Mejia se dit tout à fait conscient de la difficulté que représente, pour un pays, le fait de mener à bien de grands projets de développement, comme la construction de barrages par exemple, tout en protégeant la population dans les domaines visés par les instruments internationaux auxquels il a adhéré. Toutefois, les réponses apportées par l’État partie sur ces sujets ayant été plutôt vagues, M. Tirado Mejia souhaiterait que la délégation donne des explications concrètes, par exemple sur les procédures de réinstallation des personnes déplacées, le nombre de personnes concernées, leur indemnisation ou encore les programmes à venir. On le sait, ces grands projets ne sont pas sans conséquence pour l’environnement; il serait donc utile de savoir comment les autorités turques traitent ce problème; de même, la délégation pourrait indiquer quelles mesures les autorités comptent prendre pour protéger les biens culturels, souvent de grande valeur, susceptibles d’être affectés par ces projets. M. Tirado Mejia rappelle à cet effet qu’il a été mis fin à la coopération mise en place avec les Gouvernements allemand, autrichien et suisse pour la construction du barrage d’Ilisu parce que les normes internationales de protection de la population n’étaient pas respectées. Il semble même que des tribunaux turcs aient rendu des décisions défavorables à la poursuite de certains projets mais qu’il n’en ait pas été tenu compte. La délégation est invitée à donner des informations sur ces sujets.

18.M. Riedl, faisant référence à l’Observation générale no 15 du Comité (2002) relative au droit à l’eau, invite la délégation à fournir des chiffres actualisés et ventilés sur l’assainissement, en particulier sur les installations sanitaires, pour lesquelles les données remontent à 2000 et 2003. Il fait observer que le rapport initial de l’État partie ne contient aucun détail sur l’action des autorités locales − qui semblent livrées à elles-mêmes − en ce qui concerne l’hygiène environnementale et industrielle, et demande si l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire López Ostra a entraîné des changements dans l’approche de cette question. Il souhaite en savoir davantage sur les programmes, plans d’action et stratégies mis en place pour informer les jeunes, les femmes et les hommes des questions de santé procréative et des droits en la matière. En ce qui concerne la santé mentale, M. Riedl demande des précisions sur le rapport numérique entre patients internés et patients qui suivent un traitement ambulatoire et sur les mesures prises contre les thérapies par électrochocs. S’agissant de la santé des réfugiés et des demandeurs d’asile, il aimerait savoir si les personnes sans papiers, et notamment les enfants, ont le même accès aux soins ou si, conformément à la politique suivie dans l’Union européenne (UE), ces soins se limitent aux soins d’urgence. Il voudrait également savoir si les soins de santé primaires en prison sont garantis et si du personnel médical est présent dans l’enceinte des établissements ou s’il faut faire appel à l’extérieur. Observant que les chiffres relatifs au VIH/sida datent de 2002, il demande quelle a été leur évolution depuis et si la contamination, d’abord principalement homosexuelle, est devenue hétérosexuelle. Enfin, il demande si les soins de santé à un coût abordable sont garantis pour tous dans l’État partie.

19.M. Schrijver voudrait savoir quelles mesures sont prises par l’État partie pour lutter contre le phénomène des mariages précoces, des mariages arrangés et des mariages forcés, qui sont de plus en plus nombreux dans les régions du sud et du sud-est du pays et qui se pratiquent également entre Turcs en dehors du pays. Des rapports font état de cas de travail des enfants dans certaines branches d’activité – fabrication de mobilier, par exemple – qui exposent les jeunes travailleurs aux accidents et aux maladies professionnels; il semble aussi qu’il y ait beaucoup d’enfants travaillant dans la rue. La délégation est invitée à fournir des chiffres et à indiquer les mesures prises pour éliminer les pires formes de travail des enfants, conformément aux obligations découlant du Pacte et des conventions pertinentes de l’OIT.

20.M me Barahona Riera demande si l’État partie a le projet de criminaliser la violence familiale, qui est différente de la violence sexuelle et s’exerce non seulement à l’égard des femmes mais aussi à l’égard des enfants et des personnes âgées. Elle souhaite connaître le pourcentage de mariages religieux qui ne sont pas légalisés par un mariage civil. La délégation est également invitée à fournir des informations supplémentaires sur les personnes âgées dont beaucoup, ayant travaillé dans le secteur informel, n’ont pas de pension de retraite et d’autres des pensions très faibles, ainsi que sur les programmes d’aide et de prise en charge en leur faveur. Même s’ils ont baissé, les taux de mortalité maternelle restent élevés, Mme Barahona Riera fait observer qu’une assurance médicale universelle serait très profitable aux femmes.

21.M. Kedzia, estimant que le pourcentage de femmes victimes d’actes de violence conjugale (39 %) est très élevé, demande des précisions sur les poursuites engagées contre les responsables. Ajoutant que la loi seule ne peut mettre fin à ces pratiques qui ont aussi des causes culturelles, il s’enquiert des mesures prises par l’État partie pour lutter contre le phénomène, ainsi que d’une éventuelle évaluation du Plan d’action national de lutte contre les violences familiales et des conclusions correspondantes. Il serait intéressant de disposer d’informations sur les effets des dispositions du nouveau Code pénal concernant la suppression des réductions de peine pour les auteurs de crimes d’honneur.

22.Abordant les problèmes liés aux grands chantiers hydroélectriques, M. Kedzia souhaite savoir de quelles garanties les habitants des régions concernées bénéficient, sachant que les lois sur l’expropriation et sur l’habitat prévoient la possibilité de recourir à des procédures accélérées. Il fait observer que le chantier d’Ilisu va entraîner l’appauvrissement de très nombreux habitants: selon la loi sur l’expropriation, par exemple, l’indemnisation qui leur sera versée pour la perte de leur propriété immobilière et foncière sera inférieure à la valeur d’un nouveau bien dans les villes environnantes où affluent les personnes expropriées. Du fait de la perte des terres, le droit à l’alimentation est également menacé. La délégation pourrait aussi fournir des informations sur la manière dont l’État partie compte faire face aux graves problèmes environnementaux que pose l’immense chantier d’Ilisu.

23.M. Dasgupta, appelant l’attention sur la concentration de la pauvreté dans certaines régions de l’État partie, en particulier le sud-est de l’Anatolie, souhaite en connaître les raisons et savoir quelles mesures sont prises pour y remédier. La délégation est invitée à expliquer ce que l’État partie compte faire pour améliorer le niveau de vie des personnes expropriées par le chantier hydroélectrique d’Ilisu, comme il est indiqué dans les réponses à la liste des points à traiter (E/C.12/TUR/Q/1/Add.1), alors que les indemnités sont calculées sur la base de la valeur vénale des biens et que, le plus souvent, les personnes s’endettent pour se reloger. La délégation est invitée à indiquer quelles activités de suivi ont été menées pour déterminer si le niveau de vie et les revenus des familles réinstallées ont effectivement progressé.

24.M. Abdel-Moneim fait observer que les calculs relatifs au niveau de vie ne doivent pas se baser exclusivement sur le salaire minimum mais prendre en compte également l’indice des prix à la consommation. Il estime nécessaire d’abroger la règle, discriminatoire, du Code civil qui interdit à une femme divorcée de contracter une nouvelle union avant l’écoulement d’un délai de trois cents jours et la présentation d’un certificat attestant qu’elle n’est pas enceinte; à cet égard, il aimerait savoir si le Code civil est influencé par la charia. Enfin, s’agissant des jeunes filles que se marient dans le cadre religieux à un âge précoce, M. Abdel-Moneim demande confirmation qu’elles ne peuvent bénéficier des droits conférés par le mariage civil.

25.M. Sadi (Rapporteur pour le pays) demande des précisions sur la jurisprudence en matière de crimes d’honneur, de violation des dispositions du Code civil relatives aux mariages précoces, de traite des êtres humains et de violence à l’égard des femmes. Il relève le sort réservé aux personnes handicapées dans l’État partie qui se considèrent laissés-pour-compte par les pouvoirs publics, ne serait-ce qu’en matière d’accessibilité, par exemple. Évoquant l’Observation générale no 15 du Comité relative au droit à l’eau et, plus particulièrement, la question de l’assainissement, M. Sadi invite la délégation à indiquer quelle place est faite au droit à l’eau dans la législation de l’État partie et ce qu’il en est précisément de l’assainissement dans les zones rurales. En ce qui concerne la santé physique et mentale, il note qu’entre 10 % et 20 % de la population n’est couverte par aucune assurance-santé et demande comment font ces personnes lorsqu’elles doivent se faire soigner. Le taux élevé de suicide chez les jeunes femmes interpelle M. Sadi, qui demande des précisions sur les mesures prises par l’État partie pour lutter contre ce phénomène et contre les mariages forcés, qui en sont une des causes. Enfin, étonné de lire dans un rapport publié par l’OMS qu’en 2009 23 % de la population turque vivait dans des zones impaludées, il demande confirmation de ce fait.

26.M. Atangana demande ce qui est ressorti de la première réunion du Comité de suivi des violences contre les femmes, tenue en mars 2007, et des éventuelles réunions ultérieures.

27.M. Ribeiro Leão souhaite savoir si les étrangers, qu’ils soient ou non en situation légale, sont couverts par le Programme élargi de vaccination.

28.M me Cong, se référant aux tableaux 26 à 28 du rapport initial de l’État partie, s’enquiert du nombre d’«hôpitaux des minorités non musulmanes» et des raisons pour lesquelles le nombre de centres de soins maternels et de planification de la fécondité a chuté (passant de 291 en 2000 à 280 en 2002). Elle s’interroge sur les conséquences de cette diminution pour les femmes.

29.Le Président, s’exprimant en sa qualité de membre du Comité,voudrait connaître le nombre de personnes vivant dans la pauvreté dans l’État partie (il s’établissait à 20 % en 2002), savoir si le plan de réduction de la pauvreté intègre les droits sociaux, économiques et culturels, conformément à la Déclaration du Comité sur la pauvreté (E/C.12/2001/10), et obtenir des précisions sur les mesures prises pour lutter contre la pauvreté des enfants et pour améliorer l’approvisionnement en eau des populations rurales.

30.Il demande s’il existe un plan national pour répondre aux besoins urgents en matière de logement (déficit de 3 millions d’unités) et invite l’État partie à indiquer dans son prochain rapport périodique le nombre de personnes sans abri ou mal logées.

31.Évoquant les problèmes liés à la construction de barrages, il prie l’État partie de fournir des éclaircissements sur le projet de rénovation urbaine d’Istanbul, qui prévoit l’expulsion de quelque 80 000 personnes, en violation des directives adoptées par le Comité dans son Observation générale no 7 (1997) sur le droit à un logement suffisant.

Articles 13 à 15 du Pacte

32.M. Kedzia se félicite que la Turquie ait pour objectif de faire en sorte que le taux de scolarisation atteigne 100 % pour les filles comme pour les garçons en 2010 au plus tard (par. 96 du rapport) et demande quels sont les résultats de la campagne «À l’école, les filles!» appuyée par l’UNICEF, en particulier dans les zones reculées et celles dont les populations (kurdes notamment) sont défavorisées.

33.Il rappelle que, en Turquie, les droits des minorités sont régis par le Traité de Lausanne, signé en 1923, et regrette que l’État partie n’ait pas ratifié la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales du Conseil de l’Europe. Se référant à l’Observation générale no 27 du Comité des droits de l’homme (1999) sur la liberté de circulation, il souligne que la protection de tous les citoyens, inscrite dans la Constitution turque, ne suffit pas à garantir les droits des minorités et invite la Turquie à fournir des précisions sur le cadre national de protection des mineurs.

34.M. Dasgupta souhaiterait savoir si, dans les écoles publiques, les minorités ethniques ont accès à un enseignement primaire dans leur langue maternelle (kurde, syriaque ou araméen, notamment). La durée de la scolarité obligatoire ayant été portée à huit ans, il demande s’il est envisagé de modifier ou d’abolir la loi autorisant l’emploi de mineurs de 15 ans ayant achevé six années d’études obligatoires.

35.M. Abashidze demande à l’État partie d’inscrire la protection des minorités dans un cadre juridique et d’élargir la notion de minorité aux minorités autres que non musulmanes.

36.M me Barahona Riera invite le Ministère de l’éducation de l’État partie à veiller au caractère non sexiste des manuels scolaires, dans l’enseignement public comme privé. Elle s’enquiert des mesures prises pour réduire le taux d’abandon scolaire des filles et les inégalités entre les sexes du primaire à l’enseignement supérieur. En matière de santé sexuelle et procréative, elle déclare que, outre l’accès aux services connexes, il faut prévoir des programmes d’éducation pour les jeunes et les adultes. S’agissant des programmes de formation initiale et en cours de service organisés à l’intention des membres des forces de sécurité, elle souhaite qu’ils soient étendus à l’ensemble de la population.

37.M. Kerdoun s’inquiète du cadre juridique prévu pour faire respecter la loi sur les établissements d’enseignement privés dans un contexte d’ouverture d’établissements «tous azimuts». Revenant sur le paragraphe 542 du rapport, il demande si la fin du cycle secondaire est sanctionnée par un diplôme, si les cursus en langue étrangère sont autorisés et, dans l’affirmative, si le russe fait partie des langues proposées.

38.M. Marchan Romero, évoquant l’Observation générale no 21 du Comité (2009) relative au droit de chacun de participer à la vie culturelle, déplore que l’État partie ne reconnaisse pas les droits des minorités et l’invite à aider ces populations à protéger, promouvoir et développer leurs propres cultures, composantes essentielles de l’identité nationale turque, sans nier leur identité ni les contraindre à l’assimilation. L’État partie est invité à adopter une attitude plus ouverte et à engager un dialogue constructif et continu avec le Comité sur les progrès accomplis dans ce domaine.

39.M. Sadi (Rapporteur pour le pays) s’enquiert des mesures prises pour mettre en place un système de transport scolaire pour les enfants des zones rurales. Il demande si, depuis l’abolition de la loi interdisant le port du foulard, on constate une discrimination à rebours à l’égard des élèves qui n’en portent pas. Il souhaite savoir pourquoi seules certaines minorités ont le droit d’ouvrir leurs propres établissements scolaires. Rappelant que de nombreux Roms ont été déplacés de force à cause de projets d’urbanisation, il demande si d’autres minorités sont touchées et s’il existe une politique de lutte contre la discrimination scolaire à l’égard des Roms et des autres minorités. Enfin, il prie l’État partie d’indiquer s’il a donné suite aux Observations générales du Comité et s’il maintient ses réserves concernant l’article 13 du Pacte.

La séance est levée à 18 heures.