NATIONS

UNIES

E

Conseil Économique

et Social

Distr.

GÉNÉRALE

E/C.12/2000/SR.76

4 décembre 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Vingt-quatrième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 76ème SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 27 novembre 2000, à 10 heures

Présidente : Mme BONOAN‑DANDAN

SOMMAIRE

QUESTIONS DE FOND CONCERNANT LA MISE EN OEUVRE DU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS (suite)

Journée de débat général consacré au "Droit de chacun de bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur" (art. 15 1) c) du Pacte)

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 h 15.

QUESTIONS DE FOND CONCERNANT LA MISE EN OEUVRE DU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS (Point 3 de l'ordre du jour) (suite)

Journée de débat général consacré au "Droit de chacun de bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur" (art. 15 1) c) du Pacte)

1.La PRÉSIDENTE souhaite la bienvenue à tous les participants et indique que la journée de débat général est organisée en collaboration avec l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Elle rappelle que le paragraphe 1 de l'article 15 du Pacte se compose de trois alinéas : l'alinéa a), relatif au droit de participer à la vie culturelle; l'alinéa b), relatif au droit de bénéficier du progrès scientifique et de ses applications; et l'alinéa c), relatif au droit de chacun de bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur. Le Comité a estimé que ces trois éléments étaient trop vastes et trop importants pour être traités au cours d'un seul débat; il a décidé de commencer par débattre de l'alinéa c) car la dimension des droits de l'homme de la propriété intellectuelle est le sujet qui soulève les questions les plus urgentes, et de consacrer ultérieurement une journée de débat à l'alinéas a) et une à l'alinéa b). Le Comité élaborera une observation générale sur chacun de ces alinéas. En ce qui concerne le déroulement du débat, la Présidente annonce qu'elle donnera alternativement la parole aux intervenants qui présenteront un exposé et aux membres du Comité qui voudront poser des questions ou faire des observations.

2.Mme WENDLAND (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) se félicite que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels consacre une journée de débat général à la question de la propriété intellectuelle. Il rappelle que l'OMPI est une institution spécialisée des Nations Unies qui compte aujourd'hui 175 États membres. La mondialisation, les nouvelles technologies et la reconnaissance de la valeur des savoirs font que les droits de propriété intellectuelle suscitent un regain d'intérêt et revêtent une importance accrue.

3.Mme CHAPMAN (American Association for the Advancement of Science) présente le document de synthèse qu'elle a rédigé et qui est intitulé "La propriété intellectuelle en tant que droit de l'homme : obligations découlant de l'article 15 1) c)" (E/C.12/2000/12). Si la propriété intellectuelle est depuis longtemps analysée en termes juridiques et économiques, sont interprétation en tant que droit de l'homme est beaucoup plus récente. Selon cette interprétation, les produits intellectuels ou artistiques ont une valeur intrinsèque en tant qu'expression de la créativité et de la dignité humaine.

4.La création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1994 et l'entrée en vigueur de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) en 1995 ont renforcé le caractère mondial des régimes de propriété intellectuelle. À sa cinquante‑deuxième session, la Sous‑Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a adopté une résolution intitulée "Droits de propriété intellectuelle et droits de l'homme" (E/CN.4/Sub.2/2000/7) dans laquelle elle a rappelé à tous les gouvernements la primauté des obligations relatives aux droits de l'homme sur les politiques et les accords économiques, et a mis en évidence les conflits potentiels entre l'application de l'Accord sur les ADPIC et la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels.

5.Pour bien appréhender la propriété intellectuelle dans sa dimension des droits de l'homme, il est instructif de se pencher sur l'historique de la rédaction des dispositions relatives à la propriété intellectuelle contenues dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. On se rend compte que l'adoption de l'article 15 du Pacte n'est pas allée de soit et a été le résultat d'un long débat.

6.L'article 15 1) c) fait obligation aux États parties d'assurer la protection des intérêts moraux et matériels des auteurs et des inventeurs. Néanmoins, il laisse aux États une très grande latitude quant à la façon de le faire. Mme Chapman pense que pour être conforme aux normes relatives aux droits de l'homme, les régimes de propriété intellectuelle devraient répondre à certains critères. Entre autres, ils devraient être explicitement axés sur les droits de l'homme et l'éthique. Le droit de la propriété intellectuelle devrait comprendre des dispositions qui prévoient explicitement l'évaluation des demandes de brevets et d'enregistrement de marque en fonction de critères relatifs aux droits de l'homme et la mise en place de mécanismes institutionnels susceptibles de procéder à ces évaluations. Dans la plupart des cas aujourd'hui, les offices des brevets et des marques n'ont pas compétence pour procéder à ce type d'analyse et ont tendance à faire passer des considérations économiques avant les droits de l'homme.

7.En outre, les régimes de propriété intellectuelle devraient correspondre aux besoins des pays en matière de développement et aux orientations culturelles des principaux groupes de la société. Ils devraient aussi permettre la pratique et la revitalisation des traditions culturelles nationales. Cela suppose notamment l'adoption d'instruments juridiques sur la propriété intellectuelle garantissant les droits des peuples autochtones ainsi que la reconnaissance et la protection de leur patrimoine culturel et intellectuel. À l'heure actuelle, les connaissances et œuvres traditionnelles et autochtones réunissent rarement les conditions requises pour bénéficier d'une protection au titre de la propriété intellectuelle et risquent donc de faire l'objet d'expropriations ou d'utilisations indues par des personnes n'appartenant pas aux groupes concernés.

8.Par ailleurs, dans le domaine de la science, les régimes de propriété intellectuelle devraient promouvoir le progrès scientifique et un large accès aux avantages qui en découlent. Conformément aux dispositions de l'article 15 4) et compte tenu de la nature de plus en plus mondiale des régimes de propriété intellectuelle, les États parties devraient renforcer la coopération et les contacts internationaux dans les domaines scientifiques et culturels, et les gouvernements des pays industriels devraient tenir compte des besoins particuliers des pays moins développés.

9.Au vu des faits récents survenus en matière de propriété intellectuelle et qui sont incompatibles avec les principes des droits de l'homme, Mme Chapman énumère quelques‑unes des questions qui restent à résoudre : la protection inappropriée ou insuffisante des droits de l'homme, du créateur ou de l'inventeur; la protection insuffisante de l'intérêt général, des intérêts différents des pays développés et des pays en développement (à ce sujet, il faut savoir que la protection de la propriété intellectuelle augmente généralement le coût du développement et que les pays industriels détiennent 97 % de l'ensemble des brevets. Plus de 80 % des brevets délivrés dans les pays en développement sont détenus par des résidents de pays industriels, habituellement des sociétés multinationales originaires des économies les plus avancées); l'absence de contrôle démocratique et de participation (le rôle normatif joué par l'OMC inquiète bon nombre d'organisations non gouvernementales, et de militants des droits de l'homme, notamment à cause du manque de transparence qui caractérise ses travaux).

10.Les régimes actuels de propriété intellectuelle ont des conséquences délétères sur les droits de l'homme consacrés par le Pacte. Par exemple, ils ne sont pas applicables aux créations artistiques et aux savoirs des populations autochtones. Comme dit le PNUD dans son Rapport mondial sur la développement humain 1999, les nouvelles lois sur les brevets "ne prennent pas en considération la diversité culturelle au niveau de la création et du partage des innovations, ni la diversité des opinions quant à ce qui peut et devrait être possédé, des variétés végétales à la vie humaine. Conséquence : un savoir multiséculaire est silencieusement dérobé aux pays en développement". En outre, les systèmes actuels de propriété intellectuelle portent également atteinte à la réalisation du droit à la santé en ce qu'ils limitent l'accès aux produits pharmaceutiques. Parce qu'elle augmente les coûts, la protection de la propriété intellectuelle est susceptible d'entraver la recherche‑développement dans la mise au point de nouveaux médicaments et des nouvelles techniques adaptés aux petits marchés et répondant par exemple, aux besoins des pays en développement. La réalisation du droit à l'alimentation est également menacée, entre autres, parce que la délivrance de brevets à portée très large pour certaines variétés végétales signifie que quelques rares entreprises agroalimentaires bénéficient de quasi‑monopoles sur le génome de plantes importantes à l'échelle mondiale.

11.Même en l'absence de normes internationales relatives aux droits de l'homme dans le domaine de la propriété intellectuelle, Mme Chapman pense néanmoins que certains faits peuvent être qualifiés de violation. Elle mentionne à ce sujet l'incapacité à mettre au point des régimes de propriété intellectuelle tenant compte de considérations éthiques et des droits de l'homme, la spoliation des savoirs traditionnels et l'ingérence dans la politique d'autres pays.

12.En conclusion, Mme Chapman rappelle les recommandations formulées dans la résolution précitée, dans laquelle la Sous‑Commission a demandé aux gouvernements de protéger la fonction sociale de la propriété intellectuelle conformément aux obligations et aux principes internationaux relatifs aux droits de l'homme; a invité les organisations intergouvernementales à intégrer dans leurs politiques, pratiques et activités des dispositions conformes à ces obligations et à ces principes; a invité l'OMC à tenir pleinement compte des obligations qui incombent aux États en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme; et a encouragé le Comité des droits économiques, sociaux et culturels à clarifier la relation entre les droits de propriété intellectuelle et les droits de l'homme, notamment en rédigeant une observation générale sur ce sujet.

13.M. MARCHAN ROMERO remercie Mme Chapman de son exposé et de son document de synthèse, extrêmement intéressants et sources de réflexion pour le Comité. Il note que dans le domaine de la propriété intellectuelle il existe un certain nombre d'instruments internationaux, tels que la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques ou la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique. Cependant, ces instruments ne traitent pas tous de la même manière les droits de propriété intellectuelle. La Convention No 169 de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux n'accorde aucune protection particulière aux titulaires de droits de propriété intellectuelle. Le projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones pourrait être une réponse, à certains égards, au manque de protection de certains droits. Selon l'article 29 de ce projet de déclaration, les peuples autochtones ont droit à ce que la pleine propriété de leurs biens culturels et intellectuels leur soit reconnue ainsi que le droit d'en assurer le contrôle et la protection. On note qu'aucune distinction n'est faite entre les droits culturels et les droits intellectuels. Cela étant, il importe de se demander pourquoi le projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones, élaboré en 1994, est toujours en discussion et ne réussit pas à recueillir le soutien voulu pour être adopté. Les États doivent prendre des mesures concrètes pour protéger le droit de chacun à bénéficier des droits culturels.

14.M. RATTRAY a également pris connaissance avec intérêt du document de synthèse établi par Mme Chapman qui met bien en évidence la dimension droits de l'homme des droits de propriété intellectuelle. Ces derniers ne sont pas des droits absolus. Ils doivent s'inscrire dans un ensemble international de règles visant à réglementer le comportement des individus et celui des États. Sur cette toile de fond, et afin d'éviter les conflits, il convient de rechercher un équilibre entre les droits des particuliers et les droits des États ou les droits collectifs des particuliers. L'article 15 du Pacte énonce le droit de chacun de bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur (alinéa c)) mais aussi le droit de chacun de participer à la vie culturelle (alinéa a)). Il y a donc là une source de conflit possible. Cette opposition entre l'intérêt de la collectivité et l'intérêt des particuliers se retrouve aussi parmi les organismes chargés du respect des droits dans le domaine de la propriété intellectuelle, c'est‑à‑dire d'un côté l'OMPI et l'OMC, et de l'autre les organismes des Nations Unies chargés de veiller au respect des droits de l'homme, dont le Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Il semble donc indispensable de rechercher les moyens d'harmoniser et de concilier les points de vue en présence, sans oublier que le respect de la dignité de l'homme doit toujours rester l'élément primordial.

15.Comment concilier le droit à recevoir des informations et le droit des auteurs, le droit à l'alimentation et le monopole des multinationales sur les semences, le droit à la santé et l'exploitation commerciale de la diversité biologique ? Ce sont quelques‑unes des questions sur lesquelles le Comité devra réfléchir, et M. Rattray se félicite du dialogue qui va s'engager avec des organisations telles que l'OMPI et l'OMC, mais aussi les représentants des organisations non gouvernementales.

16.M. HUNT souhaite que le terme de "débat général" ne soit pas un vain mot et qu'il y ait bien débat. Le Comité, les autres organismes des Nations Unies et la société civile ont beaucoup à apprendre les uns des autres. Pour sa part, M. Hunt espère notamment que le débat permettra de répondre à la question de savoir si le système de propriété intellectuelle, tel qu'il existe, tend à accentuer ou au contraire à effacer les inégalités entre le Nord et le Sud et entre les riches et les pauvres. Dans le premier cas, une seconde question se poserait inévitablement, celle de savoir comment réformer ce système avec pragmatisme pour le rendre plus égalitaire.

17.M. SADI est frappé par le caractère essentiellement négatif des droits de propriété intellectuelle : ceux‑ci, en effet, ne font pas obligation à l'inventeur de mettre sa découverte à disposition, mais visent au contraire à éviter que d'autres que lui en disposent. Se pose alors la question de l'accessibilité des productions scientifiques et artistiques, et force est de constater que bon nombre de progrès ne sont diffusés que dans les parties du monde qui disposent des moyens financiers nécessaires. Il faudrait trouver un meilleur équilibre entre les droits du public à bénéficier des avancées et les droits de l'inventeur ou de l'auteur. Selon M. Sadi, cet équilibre n'est pas respecté dans le système actuel, qui est conçu comme si un inventeur créait ex nihilo, alors qu'il crée en s'inspirant de ce que le reste de l'humanité a déjà produit et de ce dont elle a encore besoin.

18.M. TEXIER considère, tout comme M. Hunt, qu'une question importante est de savoir comment améliorer le système de propriété intellectuelle pour qu'il ne renforce pas encore les inégalités. Une autre question essentielle est de savoir comment protéger les droits culturels collectifs, dans la mesure où les droits de propriété littéraire et artistique sont des droits individuels. M. Texier pense en particulier aux savoirs autochtones, qui ne relèvent pas de l'innovation, mais au contraire de la tradition, et qui ne bénéficient d'aucune protection.

19.M. GRISSA dit que l'article 15 du Pacte, en ses alinéas 1 b) et c), reconnaît non seulement le droit de l'auteur d'une production intellectuelle de bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels qui en découlent, mais également le droit de la communauté de bénéficier du progrès scientifique et de ses applications. Tout le problème est de concilier ces deux droits.

20.M. CEVILLE se félicite de la présence de nombreux spécialistes du droit de la propriété intellectuelle, qui pourront aider le Comité à définir sa position et à rédiger une observation générale sur le sujet. Il tient, quant à lui, à insister sur le fait que, pour être pleinement reconnu, le droit de propriété intellectuelle doit être lié aux autres droits et envisagé aussi bien sous l'angle de son application ou utilisation commerciale que de l'obligation pour les États de prendre les mesures législatives garantissant à tous l'accès aux bénéfices des productions intellectuelles. Il espère donc entre autres que cette journée de débat général éclairera le Comité sur les moyens que celui‑ci peut utiliser pour aider les États parties à lier les droits de propriété intellectuelle aux autres droits.

21.Mme CHAPMAN (American Association for the Advance of Science) comprend et partage le souci de ne pas accentuer les inégalités et de protéger les savoirs collectifs traditionnels. Elle se réserve la possibilité de revenir sur ce sujet plus avant dans le débat.

22.De l'avis de M. WENDLAND (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle), c'est une bonne chose que le droit de propriété intellectuelle soit examiné dans un cadre plus large. Toutefois, les débats auxquels il donne lieu ne contribuent pas toujours à en cerner les contours, car les différentes instances qui y participent ‑ celles qui traitent du droit de propriété intellectuelle, et celles qui traitent des droits de l'homme – sont peu ou mal informées du contenu des droits qui ne relèvent pas de leur domaine de compétence. Il faut espérer que le débat général en cours contribuera à lever certains malentendus et certaines incompréhensions. C'est d'ailleurs également dans cet esprit que l'OMPI a organisé en 1998, en coopération avec le Haut‑Commissariat des droits de l'homme, une table ronde sur la propriété intellectuelle et les droits de l'homme.

23.M. Wendland tient d'abord à rappeler que la notion de droit de propriété intellectuelle est vaste et souple, qu'elle englobe tous les droits résultant d'une activité intellectuelle, et que le système de protection de ce droit, dans la mesure où il a pour objectif premier de promouvoir les efforts de création et l'innovation, sert l'intérêt général.

24.D'aucuns pensent que ce système pourrait permettre de prévenir les avancées technologiques susceptibles d'avoir des conséquences néfastes. Or, la délivrance d'un brevet n'est pas une garantie que le produit ne sera pas utilisé à des fins contestables. C'est donc autour des autres instruments, en matière de santé ou d'environnement par exemple, que doivent s'articuler les efforts de prévention. En tout état de cause, le système est souple et évolue sans cesse. Ainsi, depuis quelques années, de nouvelles formes de "produits", tels que les variétés végétales, les circuits imprimés, les logiciels ou les bases de données sont protégées et on reconnaît que les besoins des détenteurs de savoirs traditionnels ne sont actuellement pas pris en compte. Les États membres de l'OMPI ont donc pris l'initiative en 1998 de mettre en place un programme d'étude des rapports entre la propriété intellectuelle et la protection des connaissances traditionnelles, la conservation de la diversité biologique et des questions connexes ayant trait à l'accès aux ressources génétiques. Dans ce cadre, des missions ont été réalisées en 1998 et 1999 dans 28 pays pour analyser les besoins des détenteurs de savoirs traditionnels. Les informations recueillies au cours de ces missions ont été publiées pour observations et peuvent être consultées sur le site Web de l'OMPI. Dans le même état d'esprit, l'OMPI a créé un comité intergouvernemental sur la propriété intellectuelle en rapport avec les ressources génétiques, les savoirs traditionnels et le folklore, qui se réunira pour la première fois à Genève en 2001, avec la participation d'ONG.

25.Enfin, M. Wendland se dit conscient du fait que l'article 15 du Pacte consacre aussi bien le droit des auteurs de bénéficier de la protection de leurs intérêts que le droit de chacun de bénéficier du progrès scientifique et de ses applications et que tous les droits sont interdépendants et indivisibles. L'équilibre entre ces deux droits, à la fois complémentaires et concurrents, est assuré par les limites et exceptions auxquelles sont soumis les droits de propriété intellectuelle et par les licences obligatoires. Il doit également être ajusté au cas par cas, car il n'y a pas une solution unique, mais une multitude de solutions, autant que de secteurs d'activités ou de pays, voire de régions. C'est pourquoi l'examen de la question des relations entre droits de propriété intellectuelle et droits de l'homme doit se faire sur la base d'études de cas concrets, et non sur un plan purement théorique ou idéologique.

26.La PRÉSIDENTE remercie M. Wendland et lui serait reconnaissante de transmettre régulièrement au Comité, à l'avenir, des informations sur les activités du Comité interministériel qu'il a mentionné.

27.M. GUERASSIMOV (Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture), faisant référence au document de synthèse présenté par Mme Chapman (E/C.12/2000/12), dit que la protection des droits des auteurs et des créateurs n'est pas une fin en soi mais doit être comprise comme une condition préalable essentielle à la liberté culturelle, à la participation du public à la culture et au progrès scientifique et que l'impératif de respect des droits de l'homme suppose de soumettre la façon dont les droits d'auteur sont protégés en vertu des régimes de propriété intellectuelle à certaines conditions. Le niveau de protection doit être en rapport avec la situation socioéconomique du pays et des objectifs que celui-ci s'est fixés dans le domaine de la culture. Il ne doit pas y avoir de déséquilibre entre les intérêts privés des auteurs et des autres titulaires de droits d'auteur et l'intérêt général. Pour défendre ce dernier, des restrictions peuvent être apportées à la protection des droits d'auteur, en autorisant par exemple l'utilisation à titre gratuit de certaines œuvres protégées ou encore en réduisant la durée de la protection de ces droits.

28.Au XIXème siècle et au début du XXème siècle, le niveau de protection des droits d'auteur était plutôt faible. En revanche, avec l'essor industriel, il s'est renforcé : diminution progressive des limitations et des exceptions susceptibles d'être apportées par les pays et extension de la durée de protection desdits droits. Cela s'explique en partie par le fait que le législateur entendait encourager la créativité nécessaire au développement technique, économique et culturel. Cette tendance à renforcer la protection des droits d'auteur s'est encore intensifiée dans les pays industriels depuis les années 80. Il y a lieu de s'en féliciter, pour autant qu'elle ne porte pas atteinte à l'intérêt général, ne transforme pas des produits intellectuels en une quelconque marchandise et n'entrave pas l'accès aux connaissances ou la mise en commun de celles-ci, au détriment du progrès scientifique qui pourrait profiter à l'ensemble de la société. Porter à 70 ans la durée de la protection d'une œuvre littéraire après la mort de l'auteur va aussi à l'encontre de l'intérêt général. Cette question est particulièrement importante pour les pays en développement, qui importent jusqu'à 80 % des produits intellectuels qu'ils utilisent. La Convention universelle de 1952 sur le droit d'auteur dispose que cette durée ne sera pas inférieure à 25 années après la mort de l'auteur de l'œuvre. Elle prévoit aussi pour tout État contractant considéré comme un pays en développement la possibilité de se prévaloir d'un certain nombre d'exceptions afin de permettre à cette catégorie de pays de faire face à un niveau élevé de protection.

29.En outre, bien souvent, ces pays pâtissent de l'absence de politique coordonnée dans le domaine de la protection des droits de propriété intellectuelle et des infrastructures et des spécialistes nécessaires pour que les lois adoptées soient appliquées. Or, en 1995, à l'initiative des pays industriels, l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) qui préconise un niveau de protection élevé a été adopté. Étant donné que tous les États souhaitent adhérer à l'OMC pour libéraliser leurs échanges commerciaux, ces normes de protection élevées sont désormais obligatoires également pour les pays en développement et la Convention universelle sur le droit d'auteur qui était favorable à ceux‑ci ne suscite plus aucune adhésion. L'ADPIC prévoit en outre des sanctions commerciales sévères contre les États qui n'honorent pas leurs engagements internationaux dans ce domaine. Or, la création d'un système efficace de protection des droits de propriété intellectuelle requiert du temps, même pour les pays industriels. Et le moment n'est pas encore venu pour les pays en développement d'harmoniser cette protection au niveau le plus élevé. L'expérience montre que cette tâche est loin d'être facile même pour les pays industriels. En outre, dans certains de ces pays, les lois relatives à la propriété intellectuelle ne garantissent pas expressément la protection des intérêts moraux, la paternité artistique ou encore l'intégrité de l'œuvre intellectuelle. Enfin, la Déclaration universelle des droits de l'homme et le Pacte, en énonçant le droit de chacun de bénéficier de la protection des intérêts qui découlent de toute production dont il est l'auteur, visent les personnes physiques. Or de plus en plus de personnes morales demandent à bénéficier de cette protection afin de garantir leurs investissements. Seules les personnes physiques devraient en bénéficier car leur œuvre est le fruit de leur propre activité créatrice. Adopter un critère autre que celui de l'originalité de l'œuvre reviendrait à porter atteinte au respect des droits et des intérêts des auteurs, et serait de ce fait contraire aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

30.M. ANTANOVICH attire l'attention sur le fossé qui se creuse entre le Nord et le Sud dans le domaine de la propriété intellectuelle. Il demande si l'OMPI envisage de créer un mécanisme d'information qui permettrait de faire connaître aux pays développés les avancées enregistrées par les pays en développement dans le domaine de la culture. M. Wendland a parlé de la relation entre les droits de propriété intellectuelle et les droits de l'homme. Qu'entend-il par là ? Un grand nombre de textes et de conventions, tels que la Déclaration universelle des droits de l'homme et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels mettent au même niveau le droit de propriété intellectuelle et les droits de l'homme, selon le principe de l'indivisibilité des droits de l'homme. En quoi le système de propriété intellectuelle n'est-il que partiellement compatible avec les droits de l'homme ?

31.M. RIEDLE demande des précisions sur les mécanismes d'octroi de licences non volontaires au sein du système de protection des droits de la propriété intellectuelle. Ces mécanismes font-ils l'objet d'un contrôle ?

32.M. MARCHAN ROMERO constate que, dans le domaine de la propriété intellectuelle, le législateur se heurte à un dilemme : faut-il protéger les droits et les intérêts des auteurs ou ceux de la communauté dans son ensemble ? Est-il indispensable de séparer aussi nettement les droits individuels des droits collectifs ? Les États ne pourraient-ils pas opter pour l'un ou l'autre de ces régimes de protection, en fonction de la situation particulière à leur pays ? De l'avis de l'OMPI, une telle atomisation serait-elle dangereuse en ce qu'elle engendrerait autant de régimes et d'exceptions que de contextes nationaux différents ?

33.M. WIMER ZAMBRANO, demande à propos de la question des conflits d'intérêts, ceux des particuliers et ceux de la collectivité si le droit des successions permet de mettre un terme à un litige entre héritiers qui a pour conséquence de retarder la publication d'une œuvre littéraire.

34.Mme CASSAM (Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture) souligne que le système occidental, qui repose sur des connaissances scientifiques n'est qu'un système de connaissances parmi d'autres, dont la réunion constitue le patrimoine intellectuel et culturel commun de l'humanité. Consciente des difficultés que pose la question de la protection du droit de la propriété intellectuelle, elle rappelle qu'à l'époque coloniale, lorsque l'Europe s'est lancée à "la découverte du monde", les colons n'ont pas cherché à connaître les nouveaux systèmes de pensée auxquels ils étaient confrontés mais se sont bornés à tirer profit au mieux des savoirs traditionnels pour faire avancer la science occidentale. Aussi peut-on dire que les progrès de la science à cette époque ont été le résultat d'une appropriation des savoirs traditionnels d'un autre système de connaissances, sans pour autant qu'une quelconque reconnaissance ait été accordée aux véritables découvreurs. La situation actuelle a‑t‑elle changé ? Dans le cadre de la mondialisation et de l'importance croissante portée aux échanges commerciaux, les colons modernes s'approprient les savoirs traditionnels à des fins commerciales. L'UNESCO estime qu'il est plus urgent que jamais de mettre en place des systèmes de protection propres aux savoirs traditionnels : en effet, les régimes de protection des droits d'auteur actuellement en vigueur garantissent uniquement les intérêts des personnes dont les inventions peuvent avoir une valeur mercantile. Les biens communs ou collectifs, qui résultent de la somme des savoirs propres aux cultures autochtones transmis de génération en génération, ne bénéficient d'aucune protection au titre des régimes de protection des droits d'auteur. Ces régimes peuvent, en outre, avoir des répercussions inattendues : en introduisant la notion de propriété au sein de ces cultures et en désignant des propriétaires, ils pourraient engendrer des dissensions au sein de la collectivité. Il faut donc repenser entièrement les systèmes de protection, et le Comité, fort de son expérience dans le domaine des droits de l'homme, pourrait à cet égard, jouer un rôle de tout premier plan.

35.M. WENDLAND (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) dit que le transfert de technologies est une question essentielle, qui est abordée dans l'ADPIC et à l'article 16 de la Convention sur la diversité biologique. La protection des connaissances liées à la diversité biologique et aux ressources génétiques peut donner aux pays en développement un avantage comparatif sur le plan commercial. C'est pourquoi l'OMPI étudie le rôle que les droits de propriété intellectuelle peuvent jouer à cet égard. Cependant, une démarche fondée uniquement sur les droits de propriété intellectuelle serait insuffisante, car le transfert de technologies dépend de nombreux autres facteurs, qui doivent tous être examinés dans leur contexte. On a soutenu que le système de droits de propriété intellectuelle n'était que partiellement compatible avec les droits de l'homme. En fait, de nombreux droits de l'homme peuvent entrer en conflit et il faut donc trouver un équilibre entre les uns et les autres et en particulier entre les droits de propriété intellectuelle et les autres droits de la personne humaine. Si l'OMPI n'a pas entrepris de mission d'information en Europe orientale, c'est parce que ses programmes ne le prévoyaient pas. Cependant, elle mènera des activités dans cette région en 2001. Les limitations et les exceptions prévues dans le cadre du système de protection des droits de propriété intellectuelle visent précisément à établir un équilibre. Les exceptions relatives notamment à la copie privée, à la recherche et à l'enseignement ne portent pas atteinte au principe fondamental de la protection. Elles sont bien délimitées dans les législations nationales, qui tendent à trouver un juste équilibre, compte tenu de la situation propre au pays considéré. La protection est aussi limitée dans le temps. Quant à l'obligation d'accorder des licences moyennant des redevances équitables, elle est imposée par la plupart des législations nationales pour les enregistrements sonores, par exemple. L'article 31 de l'ADPIC définit clairement les conditions dans lesquelles il est admissible de prescrire que l'objet d'un brevet peut être utilisé sans l'autorisation du titulaire de ce dernier. En ce qui concerne l'existence d'une séparation nette entre les intérêts des titulaires des droits et l'intérêt général, il n'y a pas de solution unique, car tout dépend du contexte local. Du point de vue des droits de l'homme, la meilleure solution pourrait consister à proposer une série d'options et non à imposer au législateur national une solution unique. Pour ce qui est des conflits qui peuvent surgir entre l'application du droit des successions et l'intérêt général, les normes internationales n'offrent qu'un cadre de règles minimales et il appartient au législateur national de le compléter, compte tenu des objectifs du pays en cause en vue de trouver des solutions de nature à résoudre ces conflits.

36.M. GUERASSIMOV (Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture) rappelle qu'aux termes de l'alinéa 1 de l'article IV bis de la Convention universelle de 1971 sur le droit d'auteur, l'auteur a le droit exclusif d'autoriser les reproductions par n'importe quel moyen, la reproduction et l'exécution publiques, et la radiodiffusion. Toutefois, l'alinéa 2 du même article stipule que chaque État contractant peut, par sa législation nationale, apporter des exceptions aux droits mentionnés à l'alinéa 1 pour favoriser le développement, l'éducation, la recherche scientifique, etc. C'était dans ce cadre que les pays en développement pouvaient apporter des exceptions, pour autant qu'il existe un équilibre équitable. Or, depuis l'adoption de l'ADPIC en 1995, le niveau de protection est celui qui est prévu par la Convention de Berne, qui est plus restrictive. En conséquence, les pays industriels et les organisations non gouvernementales internationales représentant les titulaires de droits exigent que les pays en développement paient des redevances en cas de copie par des bibliothèques et des établissements d'enseignement, notamment. Si la copie gratuite est illicite, il est très difficile, par exemple dans un pays comme le Burundi, qui n'a pas ratifié la Convention de Berne, d'enseigner le français et la littérature française. Dans les pays en développement, les conventions internationales relatives au droit d'auteur protègent essentiellement les écrivains étrangers, car le nombre d'auteurs de ces pays qui sont diffusés dans le monde développé est très limité. Pour établir un équilibre équitable entre les intérêts des titulaires de droits et l'intérêt général, il faudrait que les pays en développement puissent prévoir des exceptions leur permettant d'avoir librement accès aux œuvres protégées.

37.M. WAGER (Organisation mondiale du commerce) présente un exposé sur la façon dont l'ADPIC donne effet aux droits énoncés à l'article 7, par. 2, de la Déclaration universelle des droits de l'homme et à l'article 15, par. 1 c), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Les systèmes de protection de la propriété intellectuelle reposent depuis longtemps sur deux principes fondamentaux : les droits de l'homme et le traitement équitable des auteurs et des inventeurs, d'une part, l'intérêt général, d'autre part. C'est ainsi que la loi française de 1791 stipule que la propriété des œuvres de l'esprit est le plus sacré des droits de propriété, tandis que la Constitution des États-Unis de 1787 confère au Congrès des pouvoirs en matière de propriété intellectuelle au nom de l'intérêt général. Ces deux conceptions sont complémentaires.

38.En ce qui concerne l'ADPIC, il convient de rappeler que cet accord fait partie de l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, dont le préambule reconnaît que les rapports des Parties dans le domaine commercial et économique devraient être orientés vers le relèvement du niveau de vie. Aux termes de l'article 7 de l'ADPIC, "la protection et le respect des droits de propriété intellectuelle devraient contribuer à la promotion de l'innovation technologique et au transfert et à la diffusion de la technologie, à l'avantage mutuel de ceux qui génèrent et de ceux qui utilisent des connaissances techniques et d'une manière propice au bien‑être social et économique", ce qui est conforme à l'article 15, par. 1 a) et 1 b), du Pacte. Du reste, l'article 27, par. 2, de la Déclaration universelle des droits de l'homme et l'article 15, par. 1 c), du Pacte, soulignent la nécessité de protéger les intérêts des auteurs et inventeurs non seulement dans l'intérêt général mais aussi parce que ces intérêts sont jugés dignes d'être protégés en tant que tels. On peut soutenir que l'ADPIC vise à donner effet, au niveau multilatéral, à l'article 15, par. 1 c), du Pacte. En outre, il sert d'autres valeurs jugées essentielles pour la réalisation des droits de l'homme, telles que l'interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité. Les droits de propriété intellectuelle sont également des moteurs du développement économique, social et culturel. La protection de la propriété intellectuelle est avantageuse pour les titulaires des droits mais, comme sa durée est limitée, les œuvres et inventions finissent par tomber dans le domaine public, de sorte que l'action de promotion de la créativité et les mesures visant à maximiser l'accès aux productions de l'esprit sont complémentaires. Il peut y avoir des conflits entre les titulaires de droits et les utilisateurs mais c'est aux législateurs national et international qu'il appartient de trouver un équilibre optimal entre leurs intérêts parfois divergents. Pour cela, il faut bien définir l'objet de la protection, l'étendue des droits, les limitations admissibles et la durée de la protection. Par exemple, aux termes de l'ADPIC, la délivrance d'un brevet peut être refusé pour des raisons d'ordre public, de moralité, de santé publique, etc. À cet égard, l'ADPIC laisse aux États membres une marge de manœuvre suffisante, qui leur permet de limiter la protection et d'apporter des exceptions. Par ailleurs, l'un des objectifs fondamentaux du système de brevets est de faciliter la diffusion des connaissances techniques en encourageant les inventeurs à faire connaître les nouvelles technologies. À cet égard, l'article 29, alinéa 1, de l'ADPIC stipule que les États membres peuvent exiger du déposant d'une demande de brevet qu'il divulgue l'invention d'une manière suffisamment claire et complète pour qu'une personne du métier puisse l'exécuter. En matière de protection des droits intellectuels, il faut que les gouvernements prennent des mesures économiques et sociales pour que la société puisse bénéficier de ce système. C'est ainsi qu'aux termes de l'article 8 de l'ADPIC, les États membres peuvent adopter les mesures nécessaires pour protéger la santé publique et la nutrition. Il s'agit donc de trouver un équilibre entre les diverses considérations, comme l'illustre la question de la protection des brevets sur les produits pharmaceutiques. En effet, il faut à la fois favoriser la mise au point de nouveaux médicaments et veiller à ce que ceux‑ci soient aussi largement accessibles que possible. L'ADPIC est le résultats d'efforts pour trouver un équilibre judicieux entre ces deux objectifs, grâce aux exceptions limitées qu'il énonce. De plus, il n'empêche pas les titulaires des droits de moduler les prix en fonction des ressources économiques des acheteurs. Cela dit, il faudrait que le système de brevets soit complété par une aide de la communauté internationale en faveur de la recherche‑développement sur le traitement de maladies jusqu'ici négligées.

La séance est levée à 13 heures.

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