Nations Unies

E/C.12/2010/SR.32*

Conseil économique et social

Distr. générale

8 novembre 2010

Original: français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante -cinquième session

Compte rendu analytique de la 32 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 2 novembre 2010, à 15 heures

Président: M. Marchán Romero

Sommaire

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques de l’Uruguay

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques de l’Uruguay (E/C.12/URY/3-4) ; document de base (HRI/CORE/1/Add.9/Rev.1) ; liste des points à traiter ( E/C.12/ URY /Q/3 -4 ); réponses écrites du Gouvernement uruguayen à la liste des points à traiter ( E/C.12/ URY / Q/3 -4 /Add.1 ) (suite)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation uruguayenne reprend place à la table du Comité.

Articles 6 à 9 du Pacte (suite)

2.M. Kedzia demande si le projet de loi sur la négociation collective dans le secteur privé mentionné au paragraphe 85 du rapport à l’examen et le projet de loi destiné à prévenir et sanctionner le harcèlement sexuel sur le lieu de travail ont été adoptés.

3.Déduisant du paragraphe 70 du rapport à l’examen que les plaintes pour harcèlement sexuel reçues par l’Inspection générale du travail et de la sécurité sociale ne sont pas systématiquement transmises à la justice et sont parfois traitées au sein même de l’entreprise, M. Kedzia se demande si une telle façon de procéder offre une protection suffisante aux victimes.

4.M. Kedzia voudrait par ailleurs connaître les résultats de la première enquête officielle, spécifique et exhaustive sur le travail des enfants menée par l’Institut national de la statistique, rappelant que l’UNICEF s’est déclarée préoccupée par l’âge minimum d’admission à l’emploi dans le pays, qui est de 15 ans.

5.Enfin, appuyé par M. Riedel, M. Kedzia voudrait savoir si le Gouvernement uruguayen reconnaît les carences dans la réglementation du travail signalées par les organisations de la société civile, qui dénoncent l’absence de normes relatives au congé pour maladie d’un enfant mineur et aux maladies dues aux tâches répétitives accomplies par des femmes ou encore l’insuffisance de la législation garantissant la rétention d’emploi, en particulier pour les femmes qui reprennent leur activité après avoir eu un enfant.

6.M. Roballo (Uruguay) reconnaît que, bien que son pays puisse se féliciter d’avoir atteint le taux de chômage le plus faible de son histoire (6,2 %), le secteur informel continue de drainer un grand nombre de travailleurs, qui ne bénéficient donc pas des prestations sociales et de prévoyance. Pour y remédier, une table ronde réunissant des représentants des divers ministères concernés, tels que le Ministère de l’industrie et des mines, le Ministère du travail, le Ministère de l’économie et des finances, le Ministère du développement social, ainsi que la Direction nationale des douanes ou encore la Direction générale des finances a été convoquée, qui a abouti à l’adoption d’un ensemble de mesures administratives, législatives et fiscales. Les participants ont notamment réfléchi aux moyens d’empêcher certaines entreprises qui ont pignon sur rue de s’abstenir de déclarer une partie de leurs effectifs − et de combattre ainsi le travail au noir et la précarité − et se sont également penchés sur la question de la fraude fiscale et des mesures à imposer aux entreprises qui la pratiquent.

7.Les données les plus récentes dont dispose l’Institut national de la statistique révèlent en effet que le taux de chômage des femmes est bien supérieur à celui des hommes. Celui des femmes de moins de 25 ans − groupe de population qui a le plus de difficultés à trouver un emploi et se tourne souvent vers le secteur informel pour survivre − a toutefois baissé, passant de 28,8 % en juillet 2010 à 24,2 % en août 2010.

8.Une loi destinée à rendre plus humain le système pénitentiaire a été adoptée, qui permet désormais aux détenus d’effectuer des heures de travaux d’intérêt général ou encore de poursuivre des études. Depuis, le nombre de détenus qui travaillent ou suivent un enseignement a triplé: un détenu sur trois travaille désormais, et en tire un revenu dans 80 % des cas. Il est prévu de créer de nouvelles unités de production dans les établissements pénitentiaires et de faire en sorte que les détenus puissent verser des cotisations sociales dans ce cadre et se constituer une retraite. Un accord conclu avec le Ministère de la santé publique prévoit en outre l’instauration, dans la plupart des centres de détention, de services de santé qui devraient couvrir 70 % de la population carcérale à compter du 1er janvier 2011. Les 30 % restants seront pris en charge par des équipes mobiles dotées de services de laboratoire, actuellement au nombre de trois.

9.En Uruguay, l’employeur peut mettre fin au contrat de travail à condition de verser des indemnités, sauf en cas de faute grave. Une loi protège toutefois les travailleurs contre le licenciement abusif et interdit notamment de licencier un délégué syndical pour ses activités; elle prévoit même la possibilité de réintégrer un délégué syndical licencié pour ce motif sur décision d’un tribunal de justice spécialisé dans le droit du travail. Il est également interdit de licencier une femme enceinte ou venant d’accoucher et un employé ayant subi un accident du travail ou se trouvant en congé maladie.

10.En application de la Convention no 155 de l’OIT sur la sécurité et la santé des travailleurs, le Ministère du travail œuvre actuellement à l’élaboration de normes visant à protéger la sécurité de l’emploi des personnels de la médecine du travail qui, selon l’Inspection générale du travail, sont souvent victimes de licenciement, en particulier dans certaines branches de l’industrie et du commerce.

11.Le salaire minimum ne suffit pas à couvrir le panier de la ménagère, mais il a triplé au cours des trois dernières années, s’alignant sur une nouvelle unité de mesure dite «base de prestations et de contributions». Il est désormais fixé par branche d’activité au sein des conseils des salaires créés par la loi no 10.449 de 1943 et modifications. La nouvelle loi sur la négociation collective est entrée en vigueur. L’instauration de ces conseils de salaires a porté ses fruits, puisqu’elle a donné lieu à la conclusion de nombreux accords salariaux.

12.Les commissions tripartites ont pour but d’améliorer la sécurité et la santé sur le lieu de travail, de mettre au point de nouvelles normes et d’examiner le rôle de l’État et des organismes publics dans les différents secteurs d’activité. Il en existe déjà dans le bâtiment et l’industrie chimique et d’autres devraient être mises en place prochainement dans des secteurs comme le textile ou la finance. Les employés qui siègent aux commissions tripartites sont rémunérés pour le temps consacré à cette activité.

13.Lorsqu’ils arrivent en Uruguay, les migrants doivent se déclarer auprès du Département de la migration relevant du Ministère de l’intérieur et entreprendre les démarches nécessaires pour obtenir un permis de travail. Dès lors qu’ils en sont titulaires, ils bénéficient de la même couverture sociale et du même système de prévoyance que les travailleurs uruguayens de souche, jouissent des mêmes conditions de travail que ces derniers et peuvent prétendre, à travail égal, au même niveau de rémunération.

14.Le Gouvernement uruguayen met en œuvre un plan pour l’égalité des chances dont l’objectif est de veiller à garantir l’égalité entre hommes et femmes, en matière salariale notamment.

15.La loi de prévention du harcèlement sexuel sur le lieu de travail prévoit la possibilité, pour la victime, de porter plainte contre son agresseur auprès de l’Inspection générale du travail, qui est chargée d’engager une procédure administrative pour déterminer les faits et de prendre les mesures appropriées, notamment pour protéger la victime. Cela n’exclut toutefois pas l’ouverture d’une procédure judiciaire, le harcèlement sexuel étant puni par la loi et passible d’amende.

16.Le projet mené en coopération par le Ministère de la sécurité sociale et du travail, l’Institut national de la statistique et l’OIT en vue d’établir des statistiques relatives au travail des enfants et de prendre des mesures efficaces pour le combattre est bien avancé. Dans le cadre du Comité d’élimination du travail des enfants, un plan quinquennal visant à aborder tous les aspects de la problématique est en cours d’achèvement.

17.Une nouvelle législation relative au travail domestique a été adoptée, qui vise à ce que les employés de ce secteur, essentiellement des femmes, bénéficient des mêmes conditions de travail que les autres salariés et soient représentés au sein des Conseils des salaires.

18.Le Ministère du travail se penche actuellement sur la question de la protection des femmes enceintes, déjà étroitement contrôlée par les services de l’Inspection générale du travail qui considèrent abusives les exigences imposées par certains employeurs sous peine de sanctions. S’il existe un arsenal de lois et de règles qui sanctionnent de tels agissements, ceux-ci ne sont pas toujours portés à la connaissance des services compétents.

19.L’Inspection générale du travail organise des cours de formation à l’intention de tous les acteurs qui aident les femmes à résoudre les problèmes qu’elles peuvent avoir au travail − inspecteurs, avocats, etc. À cet égard, un accord préalable a été conclu avec la Faculté de psychologie concernant la formation à l’identification des problèmes et à l’accompagnement des femmes victimes de harcèlement psychologique (mobbing) ou de harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

20.L’écart de rémunération entre hommes et femmes est traité tout particulièrement lors des négociations menées dans le cadre des conseils des salaires et dans les dispositions des conventions collectives. L’Inspection générale du travail, en sa qualité d’organisme de réglementation, inflige des sanctions en cas d’écarts de rémunération pour un même travail.

21.Il a enfin été décidé au plus haut niveau politique de mettre en œuvre la Convention no 161 de l’OIT concernant les services de santé au travail, et l’Uruguay réalise actuellement une étude en vue d’appliquer cet instrument en bonne et due forme, en tenant compte des situations propres aux différents secteurs d’activités et en établissant des liens avec les assurances maladie. La liste des maladies professionnelles a été étendue aux maladies psychosomatiques et aux maladies ostéomusculaires. Cela étant, le travail doit se poursuivre et des protocoles doivent être établis pour la prise en charge de ce type de maladies.

22.M. Scagliola (Uruguay) explique que l’Uruguay s’est attaché à faire progresser un emploi assorti de droits. Ainsi grâce aux politiques mises en œuvre entre 2005 et 2010, 160 000 emplois ont été créés dans un pays comptant 3 millions d’habitants, le travail informel a été réduit, ne représentant plus aujourd’hui que 30 % de l’activité et, sur une base 100 en 2004, le salaire réel est passé à 134 en 2010.

23.Toutefois des préoccupations demeurent, notamment en matière de sécurité sociale. La proportion de personnes inscrites à la sécurité sociale dans la tranche des 18-29 ans est sensiblement inférieure à la moyenne de la population, et même inférieure de 10 points dans le cas des populations d’ascendance africaine. Des progrès considérables ont tout de même été faits. Dans deux secteurs d’activités particulièrement exposés − le travail domestique et le travail rural −, entre 2004 et 2009, le nombre d’employés cotisant à la sécurité sociale est passé respectivement de 38 000 à 53 000 et de 168 000 à 193 000; des conseils des salaires ont également été créés.

24.Le régime de sécurité sociale a été réformé en 1996 et de nouvelles réformes ont été réalisées entre 2005 et 2010 avec le concours des entreprises pour le rendre plus juste. Le premier gestionnaire de fonds de pension est une entreprise d’État qui gère plus de 40 % des fonds privés. Soucieux de la pérennité des réformes, l’État cherche à placer les fonds de pension dans des investissements productifs.

25.L’augmentation des cotisations, la création d’emplois dans le secteur formel et la croissance économique ont apporté des capitaux aux caisses de sécurité sociale qui, en 2009 et pour la première fois de leur histoire sans doute, n’ont pas dû être renflouées par le budget de l’État. La sécurité sociale est actuellement financée par les cotisations des employeurs et des salariés et par des contributions spécifiques, à savoir une part de la taxe sur la valeur ajoutée et un impôt perçu sur les pensions vieillesse les plus élevées qui est destiné à relever les pensions les plus modestes. Si le financement du régime est actuellement assuré, à long terme, compte tenu du vieillissement de la population, il dépendra de la productivité du pays.

26.Un «dialogue national de la sécurité sociale» s’est ouvert entre les acteurs publics et privés et la société civile, qui a abouti à un accord entre les différents partenaires sur une série de mesures, dont l’assouplissement des conditions de l’allocation chômage. Dans ce domaine, l’action du Gouvernement est double: protection avant que survienne l’épisode de chômage et programmes sociaux au titre du Plan pour l’égalité, dont l’objectif est de faciliter la réinsertion professionnelle des chômeurs de longue durée en leur proposant, après une année de chômage, des formations à l’emploi, notamment par l’intermédiaire de l’Institut national de l’emploi et de la formation professionnelle, financé par les contributions des salariés et des employeurs.

27.L’âge de la retraite est fixé à 60 ans pour les femmes comme pour les hommes. Face au constat fait dans le cadre du dialogue national de la sécurité sociale, à savoir qu’il était impossible pour certaines personnes de compter 35 annuités à l’âge de 60 ans, il a été décidé d’assouplir les conditions du départ à la retraite et de réduire le nombre d’années de cotisation de 35 à 30, les femmes se voyant créditer d’une année de cotisation supplémentaire par enfant (maximum de cinq enfants).

28.L’Uruguay s’est attaché à relever le montant des pensions les plus faibles. Dans ce contexte, il convient de noter que le taux de pauvreté a diminué, passant de plus de 30 % à 20 %. Il est beaucoup plus élevé chez les jeunes que chez les plus de 65 ans où il n’est en moyenne que de 7,4 %, fruit de l’action des puissantes organisations sociales représentant les retraités.

29.Néanmoins, les pensions les plus faibles ne permettent pas encore aux retraités de mener une vie digne, et il faut poursuivre la revalorisation. Le montant de l’allocation vieillesse versée aux personnes de plus de 65 ans et de moins de 70 ans en situation d’indigence ou d’extrême pauvreté qui ne toucheront pas de retraite avant d’atteindre 70 ans est identique au montant de la retraite minimale. Or le nombre d’allocations de ce type qui peuvent être accordées est limité par les contraintes budgétaires que le Gouvernement s’efforce d’atténuer.

30.Le Président, s’exprimant en sa qualité de membre du Comité, souhaite savoir s’il existe en Uruguay une loi sur le service public et, si oui, s’il existe une grille de salaires de la fonction publique. Il demande aussi si la rémunération des agents des forces de l’ordre et des employés des organes de contrôle de l’État, comme le contrôleur aux comptes ou les membres de la Cour des comptes, entre dans cette grille.

31.M me Bras Gome s, notant que les lois ne sont pas toujours connues de ceux qui pourraient en bénéficier, voudrait savoir si une campagne nationale d’information est en cours sur la sécurité sociale.

32.M me Barahona Riera demande quelle a été l’incidence des hausses de salaires obtenues grâce aux négociations collectives sur la progression de l’emploi.

33.M. Roballo (Uruguay) explique qu’il existe une loi prévoyant des négociations collectives dans le secteur public ainsi qu’une proposition gouvernementale tendant à fixer le salaire minimal dans la fonction publique à une fois et demie le salaire minimal national.

34.La Caisse de prévoyance sociale et d’autres organismes mènent des campagnes d’envergure pour informer les citoyens de leurs droits, y compris sur l’intégration du travail dans le secteur formel. Il est également prévu de mener des campagnes dans les médias. Les services chargés de la réglementation au sein des services d’inspection comptent aussi organiser des campagnes d’information. Il convient de signaler que des accords ont été passés avec des établissements d’enseignement pour former les élèves, dès l’école primaire, aux droits et obligations en matière de prévoyance grâce à des matériels didactiques adaptés.

35.Selon des données récentes de l’Institut national de la statistique, les accords sur les salaires conclus après la crise n’ont pas eu d’incidences négatives sur l’économie.

36.M. Scagliola (Uruguay) donne quelques chiffres: entre 2004 et 2009, le taux d’activité est passé de 58,5 % à 63,2 %, le taux d’emploi de 50 % à 58,5 %, et le taux de chômage de 13,1 % à 7,32 %, descendant même à 6,2 % en 2010.

Articles 10 à 12 du Pacte

37.M. Atangana, renvoyant à la question no 21 de la liste des points à traiter et à la réponse de l’État partie, demande si le projet de loi relatif à l’âge minimum du mariage a été adopté et quelles ont été les modifications apportées en la matière. Se référant ensuite au paragraphe 28 du rapport à l’examen, il demande des explications de l’allégement des peines dans les affaires de violence familiale, compte tenu de l’aggravation de ce phénomène.

38.M. Pillay félicite l’État partie d’avoir réduit le taux de pauvreté de 30 à 20,9 % et celui de l’extrême pauvreté de 5 à 1,5 % puis, se référant à des chiffres datant de 2007-2008 cités par le CEDAW et le CRC, indiquant que les groupes vulnérables du pays (notamment les femmes d’ascendance africaine et les femmes vivant dans les zones rurales) demeurent excessivement touchés par la pauvreté, souhaiterait savoir s’il y a eu depuis une amélioration et, si tel n’est pas le cas, pour quelles raisons.

39.Rappelant que l’État partie n’a pas répondu aux questions nos 27 et 28, M. Pillay demande des précisions sur les mesures prises pour résoudre le problème du logement, en indiquant à ce propos si le plan Juntos, approuvé en mai 2010, est diffusé dans la population. Les personnes occupant des terrains publics ou privés abandonnés en raison de la pénurie de logements sont poursuivies en justice depuis que le Code pénal a été modifié à cet effet. Il serait bon de connaître les mesures prises pour leur fournir des logements sociaux construits ou subventionnés par le Gouvernement.

40.M. Kerdoun,évoquant la loi générale sur la protection de l’environnement qui renforce la réglementation de la loi sur l’évaluation de l’impact environnemental des projets d’investissement économique, demande si l’étude d’impact est portée à l’attention de la population et si elle est réalisée par l’entrepreneur ou par l’administration. Il souhaiterait également des précisions concernant le fonctionnement du système d’information sur l’environnement et la manière dont le Gouvernement associe la population à la protection de l’environnement.

41.Il serait utile de savoir si la loi «Aménagement du territoire et développement durable» adoptée en 2008 vise à rationaliser le peuplement, distribuer les activités à l’échelle du territoire et assurer une utilisation rationnelle des ressources naturelles, mais aussi s’il s’agit d’une loi d’orientation établissant un cadre de référence pour la politique de l’aménagement du territoire. La délégation pourrait également indiquer si l’Uruguay a participé à la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement et s’il a signé et ratifié la plupart des conventions internationales sur l’environnement, notamment celles qui ont été adoptées en 1992 à Rio. À ce propos, la délégation pourrait préciser si l’Uruguay cherche avant tout à sauvegarder ses intérêts nationaux en lien avec ses ressources naturelles ou s’il a déjà signé des contrats avec d’autres pays disposant des technologies nécessaires pour exploiter la diversité biologique du pays.

42.M. Tirado Mejia,évoquant des documents faisant état de la situation d’urgence humanitaire dans les prisons de l’État partie, s’enquiert des mesures prises pour y remédier. Il demande par ailleurs quelles sont les mesures adoptées contre le blanchiment d’argent lié au trafic de substances illicites et, sous l’angle de la santé, comment sont traités les toxicomanes et s’ils bénéficient d’une aide médicale.

43.Concernant la santé génésique, M. Tirado Mejia demande s’il est vrai qu’aucune mesure n’est envisagée pour assurer un enseignement en la matière et, dans le cas contraire, de quelle manière cet enseignement est dispensé. Il souhaiterait également savoir s’il est vrai qu’il est difficile d’obtenir des contraceptifs dans le pays et si la loi sur l’avortement à laquelle le Président a opposé son véto sera soumise une nouvelle fois au Congrès ou si un nouveau projet de loi sera élaboré. Il demande enfin ce qui est fait pour les femmes victimes de viol.

44.M. Riedel souhaiterait des précisions sur l’approvisionnement de l’ensemble du territoire en médicaments essentiels. Le pays aurait connu une forte augmentation du nombre d’enfants victimes de surdose de Ritaline (médicament contre l’hyperactivité) et la délégation pourrait donner des précisions à ce sujet en citant les mesures concrètes envisagées. Se référant au paragraphe 312 du rapport de l’État partie qui énumère les étapes à franchir pour améliorer la situation en matière de soins de santé mentale, M. Riedel demande quels sont les résultats obtenus et les meilleures pratiques en la matière et où en est l’actualisation de la loi de 1934 sur la santé mentale. Il demande également quelles sont les mesures prises pour améliorer la situation des personnes handicapées et si celles-ci bénéficient de tout l’appui nécessaire. Il prie enfin l’État partie de commenter les informations communiquées par les ONG faisant état de conditions de vie catastrophiques dans les centres psychiatriques Bernardo Etchepare et Santin Carlos Rossi.

45.M me Barahona Riera, jugeant le projet de loi sur le mariage peu clair, souhaiterait des éclaircissements quant à l’âge minimal effectif du mariage et demande quand ce projet de loi sera approuvé. Elle souhaiterait également savoir s’il existe des sanctions contre la violence familiale, si celle-ci a été érigée en infraction et si des circonstances aggravantes ont été définies. Concernant l’adoption, la délégation pourrait donner des précisions sur la réglementation en la matière et indiquer si les parents célibataires et les couples vivant en union libre peuvent adopter et dans quels cas l’adoption n’est pas autorisée. Au sujet des enfants des rues, il serait bon d’avoir des statistiques concernant notamment leur âge et de connaître les mesures prises contre l’appauvrissement des enfants et des adolescents, facteur d’aggravation de ce phénomène.

46.À propos de la réforme du système de santé, Mme Barahona Riera demande ce que l’État partie entend par «couverture universelle», s’il envisage de séparer le système en deux volets, public et privé, gérés respectivement par le FONASA et le SNIS, s’il y aura des contributions solidaires et quels services seront gratuits pour tous. Elle s’enquiert des services de base qui seront offerts à la population au titre de la loi relative à la santé génésique et demande si certains d’entre eux seront gratuits. Pour ce qui est des grossesses précoces et de l’avortement, elle joint sa voix à celle de M. Tirado Mejia et demande s’il est possible de procéder à un avortement dans des conditions sûres et quelles mesures sont prévues pour aider les femmes contraintes d’avorter pour protéger leur vie.

47.M. Dasgupta félicite l’État partie pour les progrès accomplis durant les cinq dernières années dans le domaine de la santé, notamment l’augmentation du budget alloué aux services de santé publics (de trois points et demi par personne et par mois), le passage à des cotisations proportionnelles au revenu et l’établissement d’une pharmacopée commune aux systèmes de santé public et privé regroupant les médicaments par genre et non par marque, qui a fortement contribué à réduire de 40 % le coût des médicaments. Il regrette cependant que des lacunes subsistent, notamment le fait que 70 % des médecins exercent dans la capitale et que le taux de mortalité infantile varie considérablement d’une région à l’autre, et s’enquiert des mesures envisagées pour y remédier (télémédecine, cliniques mobiles ou autres) ainsi que des mesures de prévention prises par les autorités.

48.M me  Bonoan-Dandan, se référant au paragraphe 231 du rapport de l’État partie, demande en quoi la notion d’«expulsion forcée» pose problème. Elle souhaite également que la délégation indique les types de terrains exclus du processus d’urbanisation (par. 167 du rapport), les critères appliqués pour les définir et, en cas d’occupation, la mesure dans laquelle les occupants sont consultés et associés à la prise de décisions. Elle demande aussi quel est le niveau de consultation et de participation du public au processus de planification des mesures publiques et privées évoqué au paragraphe 170 du rapport. Enfin, elle souhaite que la délégation précise si les plans éventuels du pays en matière de relèvement à la suite des catastrophes tiennent compte des droits à l’alimentation, à l’assainissement, à l’eau, au logement et − surtout − à la vie, en particulier ceux des groupes de population les plus vulnérables.

49.M. Texier demande quelle est la position de l’Uruguay à l’égard de l’arrêt de la Cour internationale de Justice relatif au différend entre l’Argentine et l’Uruguay au sujet d’usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay.

La séance est suspendue à 17 h 5; elle est reprise à 17 h 30.

50.M. Gonzalez (Uruguay) indique que l’Uruguay est satisfait de l’arrêt de la Cour internationale de Justice et de l’autorisation accordée d’exploiter les sites. Le 30 août 2010, les deux nations qui bordent le fleuve se sont entendues pour créer un comité scientifique chargé d’élaborer un plan de surveillance du fleuve. Après plusieurs années de mésentente, la coopération est de mise et les deux pays s’efforcent de concert de protéger leur bien commun.

51.La violence familiale est qualifiée dans la loi no 16707 de 1995 («Ley de Seguridad Ciudadana») d’infraction à part entière passible d’une peine de six à vingt-quatre mois de prison. Lorsqu’elle entraîne des lésions graves, voire le décès de la victime, il est alors question d’homicide. La loi adoptée en 2002 prévoit des mesures de protection pour les victimes. Si le nombre de cas de violence familiale portés devant les tribunaux semble diminuer récemment (98 cas en 2009 contre 108 en 2008), aucune tendance véritablement marquée n’est encore observée. Des tribunaux spécialisés dans la violence familiale ont été mis en place à Montevideo, où vit plus de la moitié de la population du pays et, grâce à la nouvelle loi budgétaire, de nouveaux moyens vont être dégagés et des équipes pluridisciplinaires − médecins, psychiatres, psychologues, travailleurs sociaux − vont être chargées d’assister dans tout le pays les magistrats saisis d’affaires de ce type.

52.M. Scagliola (Uruguay) précise qu’il est dans les attributions de l’Institut national des femmes (Inmujeres) de s’occuper des violences conjugales. Durant la période 2010-2015, des services de consultation et de protection des victimes vont être implantés dans les 19 départements du pays, auxquels viendront s’ajouter des équipes itinérantes. Ces stratégies sont toutefois difficiles à mettre en place en raison de l’extrême concentration de la population dans la capitale et les grandes villes, et la résurgence des comportements machistes, par réaction au changement de perception du rôle de la femme, concourt à l’aggravation du phénomène.

53.M. Miranda (Uruguay) dit que l’âge du mariage, actuellement fixé à 12 ans pour les filles et 14 ans pour les garçons, devrait passer à 18 ans (garçons et filles) − 16 ans avec le consentement des parents − si le projet de loi présenté au Congrès en février 2010 est approuvé lors de la prochaine législature.

54.Concernant la situation en matière de logement, le terme «desalojos» correspond techniquement à la procédure juridique de restitution forcée d’un logement dans le cadre d’une location, tandis que les «expulsions forcées» se rapportent à l’occupation illégale d’un terrain ou d’un logement. Le pays compte actuellement 676 zones d’habitat informel, où vit 6 % de l’ensemble de la population uruguayenne. Apparues avec la migration des populations vers les villes, ces zones ont plus tard accueilli les populations migrant des centres urbains vers la périphérie au moment de la crise économique des années 2001 et 2002. Les habitants y vivent marginalisés, sans accès à l’assainissement et dans une grande insécurité, et le problème est particulièrement grave dans la capitale et les départements limitrophes situés à l’ouest et au nord-est. Lors du dernier quinquennat, un plan financé en grande partie par la Banque interaméricaine de développement a permis de trouver des solution pour 20 % de ces zones d’habitat informel mais le problème devenant structurel, les autorités se sont attaquées à ses causes en menant une action de prévention (loi de planification territoriale, commission spéciale sur la population), et ont mis en place le tissu social garant d’une certaine cohésion. En vertu de la loi, tout investisseur est tenu de présenter à l’administration un plan d’action comportant, outre l’étude d’impact sur l’environnement, une étude d’impact social en termes d’emplois créés et de sort réservé à la main-d’œuvre qui aura été déplacée pour son projet.

55.Les autorités ne disposent pas encore du recul voulu pour évaluer l’efficacité du plan «Juntos», adopté en urgence en vue de pallier le déficit de logements. Cela tient à la conception même du plan, qui procède par tranches pilotes, en des territoires bien précis, et qui n’a aucunement l’ambition de régler l’intégralité du problème.

56.M. Scagliola (Uruguay) rappelle que, lors de la période 2005-2010, le Gouvernement a travaillé dans l’urgence face à la situation sociale du pays, consacrant 100 millions de dollars sur deux ans à un ensemble de problèmes multiples (assainissement, éducation, identité). Les autorités estiment qu’avec l’augmentation de 100 % du budget de la nation elles pourront raisonnablement créer 150 000 nouveaux logements au cours de la période à venir.

La séance est levée à 18 heures.