Conseil Économique

et Social

Distr.

GÉNÉRALE

E/C.12/2001/SR.34

21 août 2001

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Vingt-sixième session (extraordinaire)

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 34e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 15 août 2001, à 10 heures

Présidente : Mme BONOAN‑DANDAN

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS:

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENTAUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (suite)

Troisième rapport périodique de la République arabe syrienne

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Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

GE.01-44218 (F) 200801 210801

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS:

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique de la République arabe syrienne [(E/1994/104/Add.23); liste des points à traiter (E/C.12/Q/SYR/1); analyse de pays (E/C.12/CA/SYR/1); réponses écrites du Gouvernement syrien à la liste des points à traiter (HR/CESCR/NONE/2001/2)]

1. Sur l’invitation de la Présidente, la délégation syrienne prend place à la table du Comité.

2.La PRÉSIDENTE souhaite, au nom du Comité, la bienvenue à la délégation syrienne et donne la parole au Représentant permanent de la République arabe syrienne.

3.M. SALLOUM (République arabe syrienne) commence par rappeler que la société syrienne cultive la tolérance et la solidarité, deux vertus cardinales issues de ses traditions religieuses et sociales. Dans un tel climat, il ne saurait exister aucune discrimination fondée sur le sexe, la couleur ou l’origine, de nature à entraver l’exercice des droits de l’homme, y compris des droits économiques, sociaux et culturels. Certes, à l’instar de tous les pays en développement, la République arabe syrienne est confrontée à des difficultés de tous ordres qui nuisent à l’application intégrale du Pacte, notamment les conséquences de l’occupation d’une partie de son territoire par Israël depuis une quarantaine d’années. Toutefois, ces difficultés n’ont pas empêché le Gouvernement syrien d’accorder un ordre de priorité élevé aux questions les plus urgentes dans les domaines sociaux tels que l’éducation, la santé et l’alimentation.

4.C’est ainsi que dans le domaine de l’éducation tout a été mis en œuvre pour faire face à l’arrivée d’un quart de million de nouveaux élèves dans le cycle primaire tous les ans. Des crédits conséquents ont été dégagés pour construire des écoles et, surtout, augmenter le nombre des enseignants, ce qui a permis de mettre fin au système des classes à double flux institué dans les années 80. L’enseignement est obligatoire au niveau primaire et gratuit dans tous les cycles, y compris à l’université. Les dispositions et principes relatifs aux droits de l’homme ont été consignés dans les manuels scolaires de l’enseignement primaire et, dans tous les cycles, les programmes d’étude comprennent toujours des textes choisis traitant des droits de l’homme d’une manière adaptée aux capacités intellectuelles des élèves. À terme, l’objectif visé est de faire des droits de l’homme une discipline autonome.

5.M. Salloum rappelle que la Constitution de la République arabe syrienne protège activement les droits de tous les citoyens, notamment leurs droits économiques, sociaux et culturels. Tous les citoyens sont égaux en droits et en devoirs et peuvent exercer tous leurs droits et jouir de toutes les libertés conformément aux lois en vigueur dans le pays. La loi protège et garantit également la sécurité des réfugiés et des immigrants. Abordant les droits syndicaux, M. Salloum précise que la Fédération générale des syndicats, créée dès 1938, est un groupement indépendant de l’État ayant pour vocation de défendre les travailleurs et de coordonner l’action tendant à préserver leurs intérêts matériels, juridiques et sociaux. La grève n’est pas interdite par la Constitution, dont l’article 39 reconnaît le droit de manifestation et de protestation pacifiques, au sens politique, social et démocratique le plus large. Même si le phénomène est limité, la grève est loin d’être inexistante, mais elle ne prend pas la forme d’affrontements violents ou longs car il existe d’autres moyens d’action, comme la négociation, l’arbitrage et la conciliation, auxquels les travailleurs peuvent recourir pour exiger leurs droits.

6.La législation syrienne garantit la protection de la famille, de la mère et de l’enfant et prévoit une égalité totale entre les hommes et les femmes dans le domaine du travail. Des dispositions particulières protègent les femmes contre les activités nuisibles à la santé et à la moralité et leur accordent un congé de maternité assorti d’une allocation. Le Gouvernement s’est également employé à promulguer une législation du travail qui protège les enfants en interdisant leur emploi et en imposant des amendes dissuasives pour toute violation des dispositions de ce texte. En conclusion, M. Salloum dit que malgré les difficultés rencontrées, la République arabe syrienne aspire à davantage de progrès dans l’application scrupuleuse de toutes les dispositions du Pacte. Il tient à souligner que sa délégation est tout à fait disposée à favoriser un dialogue fructueux avec les membres du Comité.

7.La PRÉSIDENTE invite les membres du Comité à poser leurs questions sur les sections I et II de la liste des points à traiter (E/C.12/Q/SYR/1).

8.M. PILLAY dit que la délégation n’est pas sans savoir que l’indépendance du pouvoir judiciaire est une condition préalable à la jouissance des droits de l’homme, notamment des droits économiques, sociaux et culturels. Or, certaines informations font état de jugements influencés par le versement de pots‑de‑vin ou par les relations politiques de l’accusé. Il existerait également deux tribunaux d’exception qui ne seraient pas indépendants du pouvoir politique. Quelle est la réaction de la délégation face à ces graves allégations? Par ailleurs, la pratique du wasitah (clientélisme) serait très répandue, si bien que l’appartenance au parti au pouvoir conditionne la place du citoyen dans la société. Quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour mettre fin à cette pratique illégale et, d’une manière générale, pour lutter contre la corruption?

9.M. AHMED dit qu’au moment où le Comité examine le troisième rapport périodique de la République arabe syrienne, on pourrait penser que l’État partie est désormais au fait des attentes du Comité en ce qui concerne les réponses à la liste des points à traiter. Malheureusement, les réponses écrites fournies par le Gouvernement syrien ne renseignent nullement le lecteur sur des questions cruciales, telles que les mesures adoptées pour donner suite aux recommandations du Comité, la possibilité d’invoquer le Pacte devant les tribunaux, l’élaboration d’un plan national d’action pour les droits de l’homme ou le Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Pourquoi le Gouvernement syrien a‑t‑il choisi d’ignorer des questions qui revêtent une telle importance?

10.M. SADI, abondant dans le même sens, regrette que les réponses écrites ne permettent pas de vérifier que les dispositions du Pacte sont incorporées dans les lois syriennes. Il ne suffit pas de dire que la Constitution traite de tous les droits de l’homme, encore faut‑il veiller à ce que ledit traitement soit conforme à la lettre et à l’esprit du Pacte. S’agissant de la publicité concernant les droits énoncés dans le Pacte, M. Sadi ne doute pas des efforts importants déployés par le Gouvernement syrien pour sensibiliser notamment les fonctionnaires et les enseignants. Cependant, l’expérience d’un pays comme la Jordanie a montré que ces campagnes de sensibilisation ne peuvent porter leurs fruits que si elles sont assorties d’un suivi constant permettant de vérifier que les fonctionnaires, les magistrats et les forces de l’ordre connaissent effectivement les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. La délégation peut‑elle confirmer qu’un tel suivi est pratiqué en République arabe syrienne?

11.M. WIMER ZAMBRANO demande des précisions sur le contenu de l’enseignement religieux, notamment en ce qui concerne les droits de l’homme. Est‑il obligatoire et porte‑t‑il sur une seule religion? Qu’en est‑il de la situation dans les écoles juives et, d’une manière générale, dans les écoles qui ne sont pas de confession musulmane? Cette question est importante car elle permet de mesurer le degré de tolérance religieuse dans l’État partie.

12.M. HUNT rappelle que l’Atelier sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans la région de l’Asie et du Pacifique, qui s’est tenu en mars 2000 à Beijing et auquel la République arabe syrienne était représentée, a débouché sur deux recommandations principales, à savoir l’élaboration d’un plan national d’action pour les droits de l’homme et la création d’institutions nationales des droits de l’homme conformément aux Principes de Paris de 1991. À cet égard, il souhaiterait savoir si le Gouvernement syrien envisage d’appliquer ces deux importantes recommandations. Par ailleurs, la délégation peut‑elle dire si le Gouvernement syrien, dans ses négociations avec les institutions financières internationales, mentionne les obligations qui lui incombent en vertu du Pacte?

13.M. SALLOUM (République arabe syrienne), revenant sur le contenu des programmes d’enseignement, dit que le niveau de développement de son pays ne permet pas au Gouvernement de donner aux élèves la possibilité de choisir leurs matières. Les disciplines enseignées sont intégrées dans un cursus défini par le Gouvernement et suivi par tous les établissements, qu’ils soient juifs, musulmans ou chrétiens. Cela dit, le Gouvernement n’exclut pas, dans l’avenir, d’autoriser les élèves à choisir ou à abandonner telle ou telle matière. M. Salloum tient à préciser que cette pratique est commune à plusieurs pays de la sous‑région.

14.M. SARRAJ (République arabe syrienne) dit que son expérience en tant qu’avocat mais aussi doyen de la faculté de droit de Damas lui permet d’affirmer que l’indépendance du pouvoir judiciaire est une réalité en République arabe syrienne. Les allégations rapportées par M. Pillay constituent des accusations injustes contre des magistrats jaloux de leur indépendance et parfaitement capables de protéger les droits consacrés dans le Pacte. Quant à l’existence de tribunaux d’exception qui ne seraient pas indépendants du pouvoir politique, M. Sarraj tient à souligner que la Haute Cour de sûreté de l’État respecte scrupuleusement les dispositions du Code pénal et de la loi de procédure pénale. Les droits de la défense sont entièrement respectés et l’accusé peut à tout moment rencontrer, sans témoin, ses avocats pour préparer sa défense. Par conséquent, rien dans le fonctionnement de cette Cour, dont les membres sont choisis parmi les meilleurs juristes du pays, ne justifie les allégations rapportées par M. Pillay.

15.Concernant les accusations relatives à la pratique du Wasitah, M. Sarraj répond qu’il s’agit là d’une propagande tendancieuse qui vise à donner de la Syrie une image qui ne correspond pas à la réalité. La corruption existe dans tous les pays du monde et il est nécessaire de collaborer pour y mettre fin. C’est dans cet esprit que la Syrie a participé récemment à une réunion d’experts sur la corruption à Vienne.

16.En réponse à M. Ahmed, M. Sarraj dit que les dispositions du Pacte peuvent être invoquées directement devant les tribunaux et le sont parfois. En ce qui concerne l’élaboration d’un plan national d’action pour les droits de l’homme, il précise que la Syrie met en œuvre un grand nombre de plans nationaux d’action dans ce domaine, notamment pour assurer la protection des personnes âgées et de la famille. Il assure M. Sadi que la Constitution syrienne protège au mieux les droits de l’homme et qu’elle est conforme aux dispositions du Pacte.

17.Concernant l’enseignement religieux, M. Sarraj précise qu’à partir du primaire, l’islam est enseigné aux élèves musulmans, le christianisme aux élèves chrétiens et le judaïsme dans les écoles juives. Il fait observer que l’enseignement des religions renforce le respect des droits de l’homme.

18.En réponse à M. Hunt, M. Sarraj dit que la Syrie, qui participe à tous les efforts déployés par la communauté internationale pour promouvoir les droits de l’homme, envisage d’appliquer toutes les recommandations mentionnées, mais que cela prendra du temps.

19.M. WIMER ZAMBRANO demande si l’enseignement religieux est obligatoire dans les écoles publiques.

20.M. SARRAJ (République arabe syrienne) répond que l’enseignement religieux est obligatoire à partir du primaire. Les livres religieux sont utilisés comme moyen de réaffirmer les droits de l’homme.

Articles 1er à 5 du Pacte

21.M. AHMED reconnaît que le Gouvernement syrien ne met pas en œuvre de politique discriminatoire à l’égard des groupes ethniques qui ne sont pas arabes. Il voudrait savoir si ces groupes sont considérés comme des minorités. Il relève une contradiction dans les réponses écrites du Gouvernement syrien concernant le statut des Kurdes. Il est dit, d’une part, que ceux‑ci ne constituent pas une communauté séparée et font partie du tissu même de la société syrienne et, d’autre part, que les dispositions législatives qui s’appliquent à la population qui parle une deuxième langue, outre l’arabe, sont différentes. Il serait souhaitable que le prochain rapport de l’État partie apporte des éclaircissements sur ce point.

22.M. MALINVERNI voudrait avoir des informations complémentaires sur les droits des minorités ethniques qui ne sont pas d’origine arabe et qui représenteraient 10 % de la population totale. Quelle est la proportion de personnes appartenant à ces minorités qui occupent des postes élevés dans l’administration? Les langues minoritaires, notamment la langue kurde, sont‑elles employées dans les manifestations culturelles en général? Est-il vrai que des parents kurdes auraient des difficultés à faire enregistrer les enfants qui ont un prénom kurde? Les écoles des minorités sont-elles publiques ou privées? Dans ce dernier cas, sont-elles subventionnées par l’État? Les membres des minorités peuvent-ils fréquenter les écoles publiques où l’enseignement est dispensé en arabe? Est-il vrai que certaines catégories de Kurdes auraient des difficultés à inscrire leurs enfants dans les établissements scolaires?

23.Enfin, M. Malinverni demande quel est le statut des réfugiés étant donné que la Syrie n’a ratifié ni la Convention de 1951, ni le Protocole de 1967 y relatif? Il souhaite aussi savoir si l’État partie envisage de ratifier ces deux instruments. Par ailleurs, les réfugiés seraient victimes de traitements discriminatoires selon qu’ils sont d’origine arabe ou non.

24.Mme BARAHONA RIERA souhaite connaître les projets du nouveau gouvernement concernant la ratification de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes à l’issue de l’étude juridique qui a été menée. Compte tenu de la volonté politique du nouveau gouvernement de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, elle voudrait savoir quels types de réformes sont envisagés en matière de droit civil, de droit pénal et de droit de la famille. Existe‑t‑il des projets de loi visant à modifier, par exemple, la peine infligée aux femmes adultères, les possibilités de divorce en cas d’adultère, le droit successoral, l’âge de nubilité pour les filles et la jouissance des biens communs. Elle demande en outre si les autorités ont créé ou envisagent de créer des institutions ou des programmes chargés de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes et de mener des campagnes de sensibilisation auprès des hommes.

25.M. PILLAY fait observer que, même si la Constitution garantit l’égalité entre les hommes et les femmes, ces dernières seraient victimes en réalité de nombreuses formes de discrimination. Il constate, par exemple, que le taux d’échec scolaire et d’analphabétisme féminin est plus élevé, notamment dans les zones rurales, et que les femmes ne peuvent voyager à l’étranger avec leurs enfants sans la permission de leur mari. Il souhaite savoir quels sont les motifs de ces traitements discriminatoires.

26.M. THAPALIA demande de plus amples informations sur les discriminations à l’égard des Kurdes, des handicapés et des femmes. On interdirait aux Kurdes de parler leur langue et d’écouter des œuvres musicales qui ne seraient pas en arabe. Les handicapés n’auraient pas la possibilité de recourir aux tribunaux pour faire respecter les dispositions de la législation qui favorisent leur emploi dans la fonction publique. Enfin, les femmes subiraient de nombreuses formes de discrimination. Quelles sont les mesures envisagées par le nouveau gouvernement dans tous ces domaines?

27.M. TEXIER évoque la situation des personnes demandant le statut de réfugié, qui ne se verraient délivrer aucun document de voyage. Depuis juin 2001, le Ministère de l’intérieur aurait autorisé les réfugiés arabes à séjourner trois mois dans le pays afin d’obtenir le statut de réfugié, mais ce délai semble être relativement court. Concernant les apatrides, M. Texier dit que les Palestiniens bénéficieraient des mêmes droits que les nationaux syriens, contrairement aux apatrides kurdes, qui rencontreraient de sérieux problèmes. Le Gouvernement envisage‑t‑il de ratifier la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie? Quelles mesures envisage‑t‑il de prendre à l’égard des apatrides et en particulier des Kurdes, dont le nombre est évalué à 200 000?

28.M. GRISSA demande si les réfugiés ont le droit d’obtenir la nationalité syrienne, qu’ils soient arabes ou non.

29.M. SALLOUM (République arabe syrienne) dit que la plupart des réponses aux questions des membres du Comité se trouvent dans le rapport de la République arabe syrienne (E/1994/104/Add.23). Il est néanmoins en mesure d’apporter un certain nombre de précisions. Tout d’abord, il signale que la République arabe syrienne a beaucoup progressé dans la ratification de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Considérant qu’il serait discriminatoire de recueillir des renseignements sur l’origine ethnique ou la religion de tel ou tel citoyen, le Gouvernement ne dispose pas de statistiques sur les groupes minoritaires mais peut assurer le Comité qu’aucun citoyen syrien, quelle que soit son origine ethnique, n’est victime de discrimination. En ce qui concerne les langues, aucune loi n’impose l’emploi de l’arabe lors des manifestations culturelles, notamment les œuvres musicales.

30.La République arabe syrienne réfute les allégations selon lesquelles les Kurdes ne sont pas autorisés à s’inscrire à l’école. Comme dans tous les autres pays, pour scolariser leurs enfants, les parents doivent présenter un certain nombre de papiers, notamment d’identité, aux services compétents. Les Kurdes doivent en l’occurrence prouver que leurs enfants ont la nationalité syrienne. À propos du mariage, si l’âge minimum n’est pas le même pour les hommes et pour les femmes, c’est que les premiers doivent s’acquitter d’obligations comme le service militaire.

31.M. SARRAJ (République arabe syrienne) dit qu’en vertu de la législation syrienne, l’homme et la femme ont les mêmes droits en matière de divorce. Depuis 1974, l’épouse peut demander le divorce auprès du tribunal compétent, qui décide si la demande est recevable et bien documentée. En ce qui concerne le mariage, il faut signaler qu’il est rare que les filles se marient très jeunes. Cela n’arrive que dans les zones rurales. En tout état de cause, c’est le juge qui étudie chaque demande de mariage et s’assure que la jeune fille est nubile. Pour ce qui est des biens de la femme mariée, les textes législatifs sont très clairs: il n’existe pas de régime de communauté de biens, contrairement à d’autres pays, mais uniquement celui de la séparation des biens. La femme conserve donc ses biens tout au long du mariage et même après en cas de divorce.

32.Au sujet des crimes d’honneur ou pour cause d’adultère, les sanctions sont légères puisque l’adultère est interdit par l’islam mais elles sont les mêmes pour l’homme et la femme. En ce qui concerne la possibilité pour une femme mariée de sortir librement du pays, des changements ont été apportés à la législation au cours des deux années écoulées. Une femme mariée peut voyager sans l’autorisation de son époux, à moins que celui‑ci ne présente au tribunal compétent une demande de non‑sortie de son épouse. En tout état de cause, c’est le tribunal et non l’époux qui donne dans ce cas l’autorisation de voyager à une femme mariée. Il est évident que les enfants n’ont pas le droit de sortir du pays sans l’autorisation de leur père. Enfin, le Gouvernement syrien tient à préciser qu’il collabore étroitement avec de nombreuses institutions qui œuvrent en toute liberté pour l’amélioration de la condition de la femme.

33.Quant à la question concernant la possibilité pour les réfugiés d’acquérir la nationalité syrienne, M. Sarraj explique que les réfugiés palestiniens et les autres réfugiés ne sont pas traités de la même façon. Depuis 1948, les Palestiniens jouissent d’un statut spécial et ont les mêmes droits et devoirs que les citoyens syriens mais ne peuvent acquérir la nationalité syrienne. Les autres réfugiés sont soumis à la loi sur la nationalité et peuvent donc être naturalisés s’ils remplissent les conditions requises.

34.Notant, à ce propos, que plusieurs questions portent sur les Kurdes, M. Sarraj explique que, pour la République arabe syrienne, il existe deux catégories de Kurdes: d’une part, ceux qui, nés en Syrie, ont droit à ce titre à la nationalité syrienne et dont la présence est légitime et légale ‑ ils sont traités de la même façon que les autres citoyens et nombre d’entre eux occupent des postes élevés dans l’administration ‑ et, d’autre part, ceux qui, originaires de pays voisins, sont entrés sur le territoire de manière illégale. La République arabe syrienne leur offre son aide mais ne peut en aucun cas leur accorder la nationalité syrienne.

35.Enfin, en ce qui concerne la ratification de la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, si le Comité le souhaite, de plus amples renseignements pourront lui être communiqués ultérieurement.

Articles 6 à 9 du Pacte

36.La PRÉSIDENTE invite les membres du Comité à poser des questions sur les articles 6 à 9 du Pacte.

37.M. TEXIER demande si le salaire minimum permet aux travailleurs et à leur famille de vivre dans des conditions décentes conformément à l’article 7 du Pacte. Il souhaite obtenir des données plus complètes sur le chômage. Il semblerait que le taux de chômage soit plus élevé chez les femmes, quelle en est la raison? En ce qui concerne le travail des enfants, l’âge minimum d’admission à l’emploi est de 12 ans dans le privé, ce qui n’est pas conforme aux normes de l’OIT en la matière. Quelles mesures concrètes le Gouvernement entend‑il prendre pour combattre le travail des enfants? Pour ce qui est de la durée du travail, elle est de 11 heures par jour selon la législation syrienne. Le Gouvernement entend‑il prendre des mesures pour abaisser la durée quotidienne du travail? S’agissant du travail forcé, d’après l’article 597 du Code pénal syrien (voir annexe II, HR/CESCR/NONE/2001/2), des peines d’emprisonnement seraient assorties d’un travail obligatoire. Ces dispositions sont contraires aux normes internationales, notamment celles de l’OIT, qui interdisent le travail forcé. Par ailleurs, pourquoi le délit de vagabondage visé par les articles 597 et 598 du Code pénal n’a‑t‑il pas été aboli?

38.En ce qui concerne l’article 8 du Pacte, l’OIT a indiqué que les travailleurs syriens ne seraient pas libres de créer un syndicat. En outre, le droit de grève serait interdit dans le secteur agricole. La délégation peut‑elle apporter des précisions à ce sujet?

39.M. KOUZNETSOV souhaite que la délégation fournisse des informations concrètes sur les conditions de travail en République arabe syrienne, par exemple le nombre d’accidents du travail, les conditions de travail des femmes, etc. Il se demande également pourquoi certaines formes de travail sont réglementées par le Ministère des affaires sociales et du travail et non par le Parlement.

40.M. MALINVERNI dit que le droit de grève semble être purement théorique en République arabe syrienne. D’après plusieurs éléments d’information, les syndicalistes n’oseraient pas lancer d’appel à la grève par crainte de représailles.

41.M. MARTYNOV souhaite obtenir des informations sur les pensions de retraite accordées aux personnes âgées. Quel en est le montant minimum? Quel est le pourcentage de personnes bénéficiant de plans de retraite? Il est indiqué au paragraphe 101 du rapport (E/1994/104/Add.23) que le versement des allocations de chômage a été suspendu. Le Gouvernement entend‑il rétablir le paiement des allocations?

42.M. CEAUSU dit que la République arabe syrienne n’a fourni aucun renseignement sur les organismes chargés de faire respecter la législation du travail ni aucune statistique sur les accidents du travail. En ce qui concerne les libertés syndicales, il souhaite savoir si elles sont reconnues dans la fonction publique. Au paragraphe 93 du rapport (E/1994/104/Add.23), il est fait mention d’un article de la loi sur l’assurance sociale en vertu duquel «ni la veuve d’un pensionné qui l’a épousé alors qu’il avait atteint l’âge de 60 ans, ni les enfants issus de ce mariage n’ont droit aux prestations de pension». Cet article est discriminatoire et pénalise les personnes qui ont fondé une famille tardivement. M. Ceausu souhaite également savoir quand le Gouvernement prévoit de rétablir le versement des allocations de chômage.

43.M. PILLAY revient sur la question de la corruption. S’il reconnaît que ce phénomène existe dans de nombreux pays du monde, il note cependant que, selon certaines sources, la corruption est en Syrie présente dans tous les secteurs et considérée comme inévitable par les Syriens eux‑mêmes. Il semble par exemple que les hommes d’affaires doivent payer des dessous‑de‑table pour obtenir des contrats. En outre, toujours d’après certaines sources, le taux de chômage serait en Syrie de l’ordre de 30 à 40 %. On peut penser que, dans ces conditions, les appuis et les pots‑de‑vin sont utiles dans la recherche d’un emploi. Et si les Syriens eux‑mêmes doivent payer pour trouver du travail, la situation doit être pire encore pour les personnes appartenant à des minorités.

44.M. SARRAJ (République arabe syrienne) conteste qu’en Syrie la pratique de la corruption soit très largement répandue; les informations données par M. Pillay sont exagérées et proviennent de sources qui ne sont pas dignes de foi. La corruption qui existe en Syrie n’est pas plus importante que celle que connaissent de nombreux pays.

45.En ce qui concerne l’article 88 de la loi sur l’assurance sociale, M. Sarraj explique que 60 ans est l’âge de la retraite. Pour le législateur, la femme qui épouse un homme de plus de 60 ans le fait en connaissance de cause et accepte les conditions de la loi. Les cas d’enfants issus d’un tel mariage sont rares, mais il serait en effet anormal que ces enfants soient pénalisés par la loi et ne perçoivent aucune prestation. La délégation syrienne se renseignera pour savoir quelle est la jurisprudence des tribunaux dans ce domaine.

46.Il est étonnant qu’un membre du Comité ait parlé d’un taux de chômage de 30 à 40 %. Ce chiffre est très exagéré. Les personnes déclarées comme chômeurs perçoivent une allocation appropriée. Les syndicats fonctionnent librement. Les travailleurs sont libres de devenir membres d’un syndicat. La Fédération générale des syndicats n’est pas liée à l’État ni au parti Baas; elle jouit aussi d’une grande liberté pour exercer son activité. Les membres du Comité semblent avoir des informations erronées à ce sujet. La grève n’est pas interdite, mais il est vrai que les cas de grève sont rares car, pour faire valoir leurs droits, les travailleurs et les syndicats ont à leur disposition d’autres moyens que la grève (négociation de conventions collectives, recours à des organes de conciliation et d’arbitrage, etc.).

47.Par ailleurs, il existe un plan national de protection des personnes âgées et handicapées, lesquelles reçoivent une allocation d’aide. Celle‑ci n’est pas comparable à celle que perçoivent les personnes âgées et handicapées dans les pays occidentaux, car la République arabe syrienne est un pays en développement et doit consacrer d’importants crédits à la défense du pays. Néanmoins, les autorités s’efforcent d’augmenter les aides sociales dans la mesure du possible.

48.En ce qui concerne les accidents du travail et les maladies professionnelles, tout est fait pour que les travailleurs jouissent de leurs droits; le Ministère des affaires sociales et du travail a mis sur pied des comités à caractère juridique qui étudient les cas particuliers. Ces comités assurent la plus large protection possible aux employés, au point qu’ils ont été accusés de partialité par certains employeurs.

49.Il a été demandé pourquoi, en vertu de la loi no 117 sur le travail, c’est le Ministre des affaires sociales et du travail qui détermine de nombreux aspects des conditions de travail et pourquoi ces conditions n’ont pas été fixées par voie législative. L’explication est que, selon une procédure utilisée dans de nombreux pays, le Parlement a, par délégation de compétence, autorisé l’administration à prendre des décisions dans un domaine spécifique. En l’occurrence, le Ministère des affaires sociales et du travail est mieux placé que le législateur pour connaître les réalités quotidiennes du travail. En outre, l’adoption d’une loi prend des mois, si ce n’est des années, tandis que l’administration peut prendre des mesures plus rapidement en cas de nécessité.

50.M. TEXIER voudrait avoir plus de précisions sur deux questions: celle du travail des enfants et celle du travail forcé, notamment en ce qui concerne les dispositions du Code pénal sur la mendicité et le vagabondage qui figurent dans les réponses écrites, et qui ont donné lieu à de nombreuses observations du BIT.

51.M. GRISSA fait observer que, dans tous les pays à parti unique, nombreux sont ceux qui adhèrent au parti pour favoriser leur intérêt personnel et obtenir des avantages. Il est également bien connu que, dans ces pays, les postes les plus élevés de l’administration et même du secteur privé sont attribués à des membres du parti.

52.M. SALLOUM (République arabe syrienne) insiste sur le fait qu’il n’y a pas un parti unique en Syrie, mais une coalition de partis. Les postes de haut niveau sont pourvus selon le critère de la compétence et ne sont pas nécessairement attribués à des membres de partis. D’ailleurs, de nombreux postes importants ne sont pas occupés par des membres du parti Baas ou du Front national progressiste.

53.Il n’est pas exact de dire que le droit de grève est seulement théorique. Simplement, la grève n’est qu’un moyen parmi d’autres de faire aboutir des revendications. En ce qui concerne la corruption, le Comité doit savoir que les autorités prennent des mesures pour lutter contre les pratiques répréhensibles et que même des personnes occupant des postes de haut niveau ont été sanctionnées pour corruption. Il est un fait que, dans le même temps, certaines personnes influentes tentent de faire obstacle aux mesures prises. Le Gouvernement est conscient du fait que la lutte contre la corruption est une action de longue haleine. Il prend également une part active à la lutte contre la corruption au niveau international pour combattre, entre autres, le blanchiment d’argent et le crime organisé.

54.Le montant des salaires peut certes être considéré comme insuffisant et le Gouvernement l’augmentera dès que ses ressources le permettront. Il ne faut cependant pas oublier que les produits alimentaires, les médicaments, l’eau et l’électricité sont subventionnés.

55.M. SARRAJ (République arabe syrienne) rappelle que le chômage est faible en Syrie. Le fait que le taux de chômage soit plus important chez les femmes ne veut pas dire que celles‑ci sont victimes d’une discrimination dans l’emploi; des éléments comme les conditions de travail sont à prendre en compte. Dans la fonction publique, le nombre de femmes recrutées est en forte augmentation. Pour ce qui est du temps de travail, la majorité des employés du secteur public ne travaillent pas plus de huit heures. Dans certaines activités comme le commerce, il est exact que certaines personnes peuvent travailler jusqu’à 11 heures par jour, mais ce n’est pas la règle. Les autorités s’efforcent de limiter la durée de la journée de travail à huit heures.

56.En ce qui concerne le travail forcé, la mendicité et le vagabondage, il est à noter que si les dispositions 597 et 598 du Code pénal répriment la mendicité et le vagabondage, elles ne sont toutefois pas appliquées, et les vagabonds et mendiants ne sont pas traduits devant les tribunaux ni mis en prison. Ils sont pris en charge par des travailleurs sociaux qui étudient leur situation et les placent dans des institutions adaptées. Aujourd’hui, aucun vagabond ou mendiant ou personne sans domicile fixe n’est en prison en Syrie.

57.Enfin, de plus amples renseignements sur la question de savoir pourquoi la République arabe syrienne n’a pas adhéré aux Conventions 138 et 169 de l’OIT alors qu’elle a adhéré à des centaines de conventions internationales seront communiqués au Comité dès que possible.

La séance est levée à 13 heures.

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