Nations Unies

E/C.12/2011/SR.3

Conse il économique et social

Distr. générale

5 juin 2012

Français

Original: anglais

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante-sixième session

Compte rendu analytique de la 3 e séance

Tenue au Palais Wilson à Genève, le mardi 3 mai 2011, à 10 heures

Président:M. Pillay

Sommaire

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte

Rapport initial de la Turquie

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte

Rapport initial de la Turquie (E/C.12/TUR/1; E/C.12/TUR/Q/1 et Add.1)

1. Sur l’ invitation du Président, la délégation turque prend place à la table du Comité.

Articles 1er à 5 du Pacte

2.M.  Onaner (Turquie), présentant le rapport initial de son pays (E/C.12/TUR/1), dit que la Turquie a signé et ratifié le Pacte au titre de ses efforts pour devenir partie à tous les instruments universels fondamentaux relatifs aux droits de l’homme. Depuis 2001, la Turquie est engagée dans un processus global et dynamique de réforme des droits de l’homme destiné à améliorer la protection et la promotion de ces droits. Une série de réformes juridiques ont été entreprises, y compris un certain nombre d’amendements constitutionnels.

3.L’article 90 de la Constitution turque a été modifié en 2004 pour disposer que les conventions internationales relatives aux libertés et droits fondamentaux prévalent en cas de conflit avec les dispositions de la législation nationale s’y rapportant.

4.Les nouveaux Code civil, Code pénal et Code de procédure pénale adoptés visent à harmoniser le cadre juridique de la Turquie avec les normes et les principes européens et ils intègrent les amendements constitutionnels.

5.Le processus de réforme a permis d’accomplir des progrès notables en ce qui concerne la lutte contre la torture, l’égalité entre les sexes, les libertés de religion, d’expression, d’association et de réunion, et d’autres droits sociaux et culturels, outre l’abolition de la peine de mort.

6.En 2010, les amendements constitutionnels ont corrigé plusieurs des manquements mentionnés dans les jugements de la Cour européenne des droits de l’homme, et ils ont permis la mise en œuvre de plusieurs recommandations formulées par les organes de suivi régionaux et internationaux. Ces amendements incluaient: l’intégration de la discrimination positive en tant que droit constitutionnel en faveur des personnes nécessitant une protection sociale telles les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées, comme en faveur des femmes pour instaurer une égalité de fait entre les hommes et les femmes; des garanties constitutionnelles au droit des enfants d’avoir accès à une protection et à des soins adéquats; une extension de la liberté d’association et des droits syndicaux; la définition du droit de pétition en tant que droit constitutionnel; la levée de l’obstacle constitutionnel qui empêche la création d’un bureau de médiateur, et l’instauration du droit de saisine individuelle de la Cour constitutionnelle en ce qui concerne les libertés et droits fondamentaux inscrits dans la Constitution.

7.Les représentants de la société civile ont participé au processus de réforme par le biais des mécanismes nationaux de suivi, et l’enseignement des droits de l’homme a été encouragé à tous les niveaux. Pour surmonter les difficultés éventuelles de mise en œuvre des réformes législatives et instaurer une culture institutionnelle respectueuse des droits de l’homme, des programmes bilatéraux avec plusieurs pays et des projets communs avec le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ont été réalisés.

8.La loi contre le terrorisme a été amendée en juillet 2010 pour ne plus s’appliquer aux mineurs. Aux termes des amendements, les mineurs qui participent à des réunions et à des manifestations illégales ou qui distribuent des tracts en faveur d’organisations illégales ne peuvent être poursuivis en cour d’assise pour terrorisme. En outre, les peines appliquées aux mineurs accusés d’infractions liées au terrorisme, comme l’appartenance à une organisation terroriste ou la diffusion de matériel de propagande à des fins terroristes, ont été réduites.

9.Pour renforcer l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels de chacun et poursuivre le processus de réforme visant à parvenir aux normes les plus élevées en matière de droits de l’homme, le Gouvernement turc prend dûment en considération les demandes de visites, les recommandations et les recours formés au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, y compris ceux du Rapporteur spécial sur la torture.

10.M.  Sadi (Rapporteur pour la Turquie) signale que la ratification par la Turquie du Pacte et d’autres instruments internationaux majeurs est relativement récente, ce qui donne l’impression que la Turquie a hésité à rejoindre ainsi la communauté internationale. M. Sadi demande à la délégation de s’exprimer sur ce point.

11.La Turquie émet de nombreuses réserves aux conventions internationales et M. Sadi estime que sa politique à cet égard doit être corrigée, car ces réserves envoient un message négatif sur son engagement envers les instruments internationaux. En outre, la création d’un bureau de médiateur semble incertaine et le projet de loi relatif à l’institution des droits de l’homme n’a pas encore été ratifié. L’absence d’avancées sur ces deux points suggère une réticence de la Turquie à suivre la voie de la communauté internationale en matière de droits de l’homme.

12.M. Sadi a été surpris du nombre de jugements prononcés contre la Turquie par la Cour européenne des droits de l’homme sur des questions telle la torture, et il espère que la situation s’améliore sur ce point.

13.Il est préoccupant que la Turquie persiste à vouloir construire une centrale nucléaire à proximité d’une ligne de faille; les dommages subis par la centrale nucléaire de Fukushima au Japon suite au tremblement de terre de mars 2011 devraient servir d’avertissement contre une telle construction. M. Sadi demande si le Gouvernement turc a soigneusement réexaminé le projet à la lumière des évènements survenus au Japon.

14.M.  Riedel souhaite obtenir une copie du texte du projet de loi relatif à l’institution des droits de l’homme, pour évaluer dans quelle mesure ce texte tient compte des droits économiques, sociaux et culturels.

15.M. Riedel souhaite également avoir des précisions sur la manière dont les cas relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels sont traités au niveau national par les tribunaux et dans les secteurs du travail, de l’éducation et de la santé.

16.M.  Kedzia aimerait en savoir davantage sur la place du Pacte dans le système juridique interne et demande confirmation de la prévalence sur la Constitution turque des traités internationaux auxquels la Turquie est partie.

17.M. Kedzia approuve le retrait par la Turquie de ses réserves à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et demande si l’État partie envisage le retrait de ses réserves au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en particulier à son article 13.

18.M. Kedzia souhaite se voir préciser le sens de la réserve aux termes de laquelle la Turquie appliquerait les dispositions du Pacte uniquement aux États avec lesquels elle entretient des relations diplomatiques. M. Kedzia souhaite en outre savoir si le bureau du médiateur et l’institution de défense des droits de l’homme que la Turquie envisage de créer seront indépendants du Gouvernement. Demanderont-ils leur accréditation au Comité international de coordination des institutions nationales des droits de l’homme conformément aux Principes de Paris?

19.Enfin, M. Kedzia demande si la Turquie envisage la ratification du Protocole no 12 à la Convention européenne des droits de l’homme.

20.M.  Texier aimerait savoir pourquoi la Turquie ne dispose pas d’une loi générale sur la non-discrimination. Notant que les chiffres du chômage concernant les femmes kurdes sont nettement supérieurs à la moyenne nationale en raison d’un manque d’accès à l’éducation, et que les indicateurs de la santé et les chiffres de la mortalité maternelle montrent des écarts essentiellement entre les régions kurdes et le reste de la Turquie, il demande quelles sont ou seront les mesures spécifiques adoptées pour lutter contre la discrimination à l’égard des kurdes. M. Texier souhaite également savoir si les demandeurs d’asile et les réfugiés ont, comme le reste de la population turque, accès à tous les niveaux de l’enseignement.

21.Enfin, M. Texier souhaite savoir si la Turquie prévoit de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et si le système constitutionnel et la politique générale du pays s’opposent de quelque manière à cette ratification.

22.M.  Kerdoun dit qu’il souhaiterait avoir des exemples spécifiques de cas dans lesquels le Pacte a été invoqué par les tribunaux turcs et savoir pourquoi la société civile n’a pas participé à la préparation du rapport initial.

23.S’agissant de la question des migrations, il demande si le Gouvernement a examiné la possibilité de créer un système de protection des migrants turcs qui vivent à l’étranger.

24.M.  Atangana soulève la question de la jurisprudence invoquée devant les tribunaux turcs et demande si la Turquie envisage de retirer ses réserves au Pacte. M. Atangana souhaite également avoir des précisions sur une série de réformes annoncées par la délégation turque à la quinzième session du Conseil des droits de l’homme, destinées à renforcer le système judiciaire, notamment et, en particulier, la mise en place de juridictions d’appel intermédiaires en matière civile et administrative.

25.M me Shin demande la raison pour laquelle la présentation du rapport initial a été retardée de plusieurs années et elle appelle la délégation turque à garantir que les rapports périodiques à venir seront soumis en temps utile. Mme Shin demande si les juges et les avocats turcs reçoivent une formation concernant le Pacte, et dans l’affirmative, sous quelle forme. Mme Shin s’enquiert également de la situation actuelle du projet de loi relatif à une institution nationale des droits de l’homme. Le fait que la Turquie reconnaisse uniquement les minorités non musulmanes pose un grave problème. D’après les réponses écrites du Gouvernement (E/C.12/TUR/Q/1/Add.1, par. 41), en 2007 aucun recours n’a été intenté pour violation du principe de non-discrimination pour des motifs de langue et de race. Mme Shin demande si la présidence pour les droits de l’homme et les comités pour les droits de l’homme au niveau des provinces et des districts connaissent des plaintes relatives à la discrimination fondée sur la langue ou la race, et dans l’affirmative, si des cas ont déjà été soumis par des membres de la communauté kurde résidant dans l’État partie. Des précisions s’imposent à ce sujet. S’agissant de l’article 3 du Pacte, Mme Shin souhaite avoir des informations sur les incidences positives des politiques et des plans d’action du Gouvernement destinés à lutter contre la violence à l’égard des femmes et à promouvoir l’égalité entre les sexes, et sur la manière dont est évaluée leur incidence. Une évaluation ponctuelle s’impose dans le cas de plans à moyen terme, pour permettre des modifications. Mme Shin demande si la société civile est consultée, et en particulier les organisations de femmes, sur l’efficacité des plans et si des mesures spéciales temporaires favorisent l’égalité entre les sexes.

26.M me Barahona Riera dit qu’elle souhaite en savoir davantage sur la composante éducative des programmes et des plans d’action existants relatifs à l’égalité entre les sexes qui sont conçus pour accroître le taux de participation des femmes au marché du travail comme aux processus décisionnels des secteurs public et privé. Mme Barahona Riera relève également l’absence de loi-cadre sur l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, législation qui permettrait à la société civile d’exiger une plus grande égalité entre les sexes; elle demande si l’adoption d’une telle loi est prévue. En outre, elle s’enquiert du budget public alloué aux efforts consacrés à la réalisation de l’égalité entre les sexes, et demande si des mesures telles l’offre de services de garde d’enfants, l’égalité des salaires et des inspections du travail, sont prises pour intégrer les femmes au marché du travail officiel.

27.M.  S c hri j ver demande si la Constitution turquespécifie que les dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par la Turquie peuvent être directement invoquées devant les juridictions nationales. M. Schrijver demande également si des débats sont en cours concernant la ratification par la Turquie durant l’année à venir du Protocole facultatif au Pacte. Enfin, il souhaite savoir quelle place occupent les considérations relatives aux droits de l’homme et au développement dans la politique étrangère de la Turquie.

28.M.  Ribeiro Leão aimerait avoir des précisions sur la situation des minorités, des étrangers et des réfugiés en Turquie.

29.M.  Onaner (Turquie) dit que la Turquie comprend bien l’importance que revêt le fait d’être partie aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, même si son adhésion à ces instruments est relativement tardive. Elle met en œuvre des réformes dans le domaine des droits de l’homme depuis 2001 et a ratifié huit des principaux instruments internationaux y afférents. M. Onaner ne peut donner de date pour la ratification du Protocole facultatif, mais certifie au Comité que la Turquie étudie le sujet.

30.En réponse aux questions concernant les réserves de la Turquie au Pacte, les réserves aux conventions internationales sont régulièrement examinées pour pouvoir, si possible, être retirées. Bien que M. Onaner ne soit pas en mesure de se prononcer de manière définitive en ce qui concerne le retrait des réserves relatives au Pacte, la levée de la réserve concernant la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes est un exemple de la volonté de la Turquie de lever les réserves qui ne sont pas jugées indispensables.

31.Le grand nombre d’arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme impliquant la Turquie prouve que les citoyens turcs qui ne sont pas satisfaits des décisions rendues par les juridictions nationales peuvent chercher à obtenir satisfaction auprès de la Cour européenne.

32.L’un des objectifs majeurs de la Turquie en matière de droits de l’homme consiste à mettre en place un mécanisme de médiation. Grâce aux amendements apportés à la Constitution et en particulier à l’article 74, les obstacles antérieurs concernant la constitutionnalité d’un tel mécanisme ont été levés et le droit de requête, le droit d’acquérir des connaissances et l’appel à un auditeur public (titre de l’article 74 révisé), forment une base constitutionnelle à un système d’audit public.

33.S’agissant d’une institution nationale des droits de l’homme, le premier projet de plan pour la création d’une telle institution a été soumis à tous les organes compétents en Turquie il y a plusieurs années. La Turquie a pour priorité de créer dans un proche avenir, une institution nationale des droits de l’homme qui se conforme pleinement aux Principes de Paris, et seuls des problèmes liés au respect de cette conformité, comme à d’autres questions, ont retardé le processus. Le Ministère des affaires étrangères s’emploie avec d’autres organismes à réaliser cet objectif.

34.La Constitution interdit la discrimination fondée sur des motifs multiples, comme l’expose en détail le paragraphe 9 du rapport initial (E/C.12/TUR/1). De ce fait, l’absence de législation nationale spécifique interdisant la discrimination ne restreint en aucune façon la capacité du Gouvernement à protéger contre les actes discriminatoires toutes les personnes résidant en Turquie. Le terme "minorités" s’applique uniquement aux ressortissants turcs appartenant aux minorités non-musulmanes, comme l’expliquent les paragraphes 29 à 35 du rapport. Il est donc inutile d’identifier en tant que minorités les ressortissants turcs d’origines ethniques différentes, ou qui parlent des langues différentes, pour garantir la pleine protection de leurs droits fondamentaux; cette protection est assurée par la Constitution. C’est le cas pour tous les groupes, notamment les citoyens turcs d’origine kurde, dont beaucoup en fait ne s’identifient pas en tant que membres d’une minorité. Bien qu’une modification de la définition du terme "minorités" ne soit pas à l’ordre du jour, le Gouvernement s’engage pleinement à garantir le respect de tous les droits fondamentaux de l’ensemble de ses ressortissants.

35.Le principal objectif des projets nationaux actuels de développement, notamment la construction d’un barrage et d’une centrale nucléaire, vise à améliorer les droits économiques des résidents des régions concernées et du pays tout entier. Néanmoins, des efforts sont faits pour garantir que les autres droits des résidents ne sont pas dangereusement compromis par les projets en question. Le plan d’action mis en œuvre à cette fin n’a toutefois pas parfaitement abouti et certains résidents de la région de construction du barrage ont été expropriés. Les personnes concernées peuvent porter leur affaire devant les tribunaux. Elles obtiendront sans aucun doute satisfaction, car les tribunaux ont acquis une solide expérience suite aux nombreux cas similaires que les citoyens turcs ont porté devant la Cour européenne des droits de l’homme. Aucune décision n’a encore été prise au sujet de la construction d’une centrale nucléaire. Tout projet de ce type prendra en considération les leçons tirées de la récente catastrophe japonaise, notamment parce que la Turquie est située dans une région où le risque sismique est élevé.

36.Le Gouvernement est conscient de l’importance que revêt le fait d’être partie aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et à leurs protocoles facultatifs, notamment au protocole no 12 à la Convention européenne des droits de l’homme. Il prend des mesures pour en ratifier le plus grand nombre possible dans un avenir proche.

37.Tel qu’indiqué au paragraphe 6 des réponses écrites (E/C.12/TUR/Q/1/Add.1), le Gouvernement réexamine régulièrement ses réserves aux conventions internationales afin de les retirer lorsque c’est possible. Son récent retrait des réserves à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et sa déclaration relative à cette convention constituent un bon exemple à cet égard.

38.Aucune donnée n’est fournie sur les décisions judiciaires internes qui font référence aux instruments internationaux; il s’avère donc difficile de trouver des exemples de cette pratique. Les exemples trouvés étaient essentiellement des arrêts de la Cour suprême invoquant la Convention européenne des droits de l’homme. Le Ministère de la justice est conscient de la nécessité d’améliorer auprès du personnel judiciaire la connaissance des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels la Turquie est partie, en particulier celle du Pacte.

39.La dernière version du projet de texte concernant l’institution nationale des droits de l’homme sera transmise au Comité dès que possible.

40.Le Gouvernement reconnaît la nécessité d’encourager les familles à assurer la scolarisation de toutes les filles. Il axe ses campagnes de sensibilisation sur les régions à forte concentration de ressortissants d’origine kurde, car ceux-ci privilégient traditionnellement l’éducation des garçons. L’éducation pour tous est une priorité pour le Gouvernement qui diffuse actuellement chaque soir un message sur toutes les chaînes de télévision publiques et privées soulignant la nécessité pour les filles d’aller à l’école.

41.Les migrants et les réfugiés, y compris ceux qui ne disposent que d’un minimum de pièces d’identité, ont accès à de nombreux droits et services en Turquie. Le Gouvernement attache une grande importance à l’éducation et à l’intégration des émigrants turcs à l’étranger. Il veille à ce que les turcs qui émigrent soient informés de leurs droits dans les pays d’accueil et puissent se défendre si nécessaire.

42.La réforme constitutionnelle de septembre 2010 incluait plusieurs réformes judiciaires importantes. D’autres informations seront communiquées lorsque la législation y relative aura été adoptée.

43.S’agissant de la question de l’égalité d’accès des femmes à des postes officiels, il relève que son supérieur, l’un des sous-secrétaires adjoints au Ministère des affaires étrangères, est une femme. Bien que le Parlement ne compte pas encore suffisamment de femmes, le nombre de candidates aux prochaines élections est plus élevé qu’auparavant.

44.La participation des ONG à la préparation du rapport initial en 2008 a été insuffisante. Le Gouvernement a tiré profit de ses consultations étendues avec la société civile lors du processus d’examen périodique universel et il s’engage à assurer que des consultations tout aussi approfondies interviendront dans la préparation de tous les futurs rapports.

45.Les chiffres spécifiques concernant le budget de la Direction générale chargée de la condition de la femme ne sont pas disponibles. Toutefois, celle-ci a été chargée d’organiser le Sommet mondial des femmes en 2011 à Istanbul notamment parce qu’elle disposait de ressources supérieures à celles du Ministère des affaires étrangères. Cela porte à croire que le montant des crédits publics alloués à la Direction était adéquat.

46.Le Ministère des affaires étrangères s’efforce actuellement d’accorder une plus grande priorité aux droits de l’homme dans toutes les décisions et actions de politique étrangère. Tous les ambassadeurs turcs se réunissent pour une conférence annuelle en Turquie. Lors de la conférence de 2011, pour la première fois, une séance a été spécifiquement consacrée aux droits de l’homme. Lors de sa conclusion, le Ministre des affaires étrangères a déclaré que la poursuite de la croissance économique de la Turquie devait s’accompagner d’efforts soutenus pour satisfaire au mieux ses obligations en matière de droits de l’homme.

47.M.  Sadi (Rapporteur pour la Turquie) déclare que la réponse de la délégation sur la protection des droits des minorités en Turquie est incomplète: plutôt que de mettre l’accent sur la protection des droits des ressortissants turcs en général, la délégation devrait indiquer ce qui est fait pour garantir les droits relatifs à la culture, à la langue, aux écoles et au patrimoine des groupes minoritaires.

48.M.  Kedzia convient avec M. Sadi que la question de la protection des minorités en Turquie mérite de plus amples considérations.

49.En outre, s’agissant de l’article 90 de la Constitution turque, M. Kedzia aimerait obtenir des éclaircissements sur la conformité avec les instruments internationaux y afférents auxquels la Turquie est partie. Bien que la délégation turque ait traité de la question générale relative aux réserves de son Gouvernement au Pacte, il aimerait en savoir davantage sur le contenu de ces réserves et sur leur incidence.

50.M me Shin demande si les plans d’action nationaux de la Turquie en matière d’égalité entre les sexes et de violence à l’égard des femmes sont régulièrement analysés pour évaluer leurs résultats, et si la société civile et les organisations féminines en particulier sont consultées à cet égard.

51.M.  Schrij ver dit qu’il serait utile au Comité de disposer du texte intégral de l’article 90 de la Constitution turque et de toute autre disposition pertinente concernant l’applicabilité des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme dans le domaine national, afin qu’il puisse soigneusement examiner si les citoyens peuvent effectivement invoquer ces instruments.

52.M me Barahona Riera dit que le montant des crédits alloués à la Direction générale de la condition de la femme et aux plans d’action nationaux pour l’égalité entre les sexes et la lutte contre la violence familiale à l’égard des femmes, n’est pas encore précisé; des chiffres spécifiques devraient être communiqués à ce sujet.

53.Mme Barahona Riera aimerait connaître les mesures adoptées par l’État partie pour promouvoir l’égalité entre les sexes et accroître le très faible taux de participation des femmes au marché du travail et aux postes politiques, en particulier à des niveaux supérieurs;elle suggère le recours à des mesures juridiques pour corriger cette situation, par exemple, à l’instauration de quotas. Mme Barahona Riera souhaite également savoir qu’elles sont les dispositions adoptées pour assurer l’égalité des rémunérations, et pour intégrer les femmes au système de sécurité sociale, en particulier compte tenu du fait qu’un grand nombre d’entre elles travaillent dans le secteur informel.

54.M.  Riedel aimerait savoir de quelle manière les dispositions constitutionnelles relatives aux droits et aux libertés mentionnées aux paragraphes 19 et 20 sont mises en œuvre et avoir des détails sur les éventuelles actions en justice intentées en Turquie dans lesquelles le Pacte a été invoqué.

55.M.  Texier dit qu’il ne suffit pas d’affirmer que le faible taux d’emploi des femmes kurdes peut s’expliquer par un manque d’éducation. Les femmes kurdes doivent avoir le même accès à l’éducation que tous les autres ressortissants turcs et dans leur propre langue.

Articles 6 à 9 du Pacte

56.M.  Texier, mentionnant la question du travail forcé, dit qu’il semble que la législation turque relative aux partis politiques ne soit pas conforme aux normes de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et à la Convention no 105 sur l’abolition du travail forcé (no 105), car le travail forcé peut être imposé en Turquie dans le cadre de peines de prison infligées pour des raisons politiques. L’application d’une telle peine pour cause de grèves supposées illégales justifie une révision législative. En Turquie, les restrictions au droit de grève sont tout à fait excessives. Le fait que des journalistes puissent être emprisonnés pour avoir exprimé leurs opinions politiques est également un motif de préoccupations et va à l’encontre des normes de l’OIT.

57.M. Texier souhaite connaître les mesures adoptées pour infléchir la hausse du taux de chômage, en particulier chez les femmes, et pour encourager l’emploi des femmes.

58.M. Texier demande ce qui est fait pour corriger l’incidence particulièrement élevée du chômage chez les jeunes, et combien de personnes de moins de 16 ans travaillent en Turquie, compte tenu de la mention faite au paragraphe 151 du rapport initial, d’un salaire minimum pour les personnes de cette tranche d’âge, alors qu’elles sont censées être encore scolarisées. M. Texier souhaite également savoir si le salaire minimum assure aux travailleurs et à leurs familles, des conditions de vie et de travail décentes.

59.M.  Kedzia se dit préoccupé par l’explication peu satisfaisante de l’État partie au paragraphe 90 de son rapport initial dans lequel il affirme que "le passage de la main d’œuvre féminine à l’économie informelle" en Turquie est une conséquence de la mondialisation. M. Kedzia demande quelle est l’incidence de cette mutation sur les questions d’assurance et sur d’autres aspects, et quelles sont les mesures adoptées pour infléchir cette tendance.

60.M. Kedzia souhaiterait obtenir des précisions sur la mise en œuvre du Programme de développement pour la période 2007-2010 aux termes duquel la proportion de femmes dans la main-d’œuvre devrait atteindre 29,6% en 2013. M. Kedzia souhaite savoir si tous les partenaires sociaux sont d’accord sur le texte du projet de loi relatif aux amendements de certaines dispositions de la loi no 2821 sur les syndicats (rapport initial, par. 221), qui est à présent devant le Parlement.

61.En ce qui concerne le droit de grève, M. Kedzia relève que même si l’État partie assure que sa Constitution place le droit de grève et de lock-out sur un pied d’égalité, en cas de grève, la Constitution dispose que les syndicats sont responsables des dommages matériels causés sur les lieux de travail, alors qu’il ne semble pas y avoir de conséquences pour les employeurs en cas de lock-out. À cet égard, il souhaite savoir s’il existe des restrictions spécifiques au recours au lock-out par les employeurs, par exemple pour limiter la pratique déloyale du remplacement permanent des grévistes. M. Kedzia souhaiterait avoir des précisions sur l’incidence du lock-out sur le droit de grève, et des données pour illustrer l’exercice du droit de grève et les recours au lock-out.

62.M me Shin attire l’attention sur la diminution persistante des taux de l’emploi en Turquie et sur le fait qu’aux dires de l’État partie, ses statistiques sur l’emploi ne tiennent pas compte des femmes qui travaillent dans le secteur informel. Mme Shin souhaite savoir à cet égard quels sont les critères employés par l’État partie pour collecter les données relatives à l’emploi, notant que les taux relatifs à l’emploi doivent couvrir tous les secteurs, y compris le secteur informel. Mme Shin demande également quelle proportion des entreprises turques appliquent les quotas de recrutement de personnes handicapées, par rapport à celles qui paient les amendes correspondantes en cas de non respect de ces quotas.

63.Par ailleurs, malgré les dispositions du droit pénal destinées à prévenir le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, Mme Shin souhaite savoir si des actions pour cause de harcèlement sexuel ont été portées devant une juridiction pénale ou soumises à la législation du travail.

64.M.  Ribeiro Leão demande quel est le statut des droits économiques, sociaux et culturels dans un contexte de guerre ou de crise humanitaire, et il souhaite avoir des précisions sur la signification de l’expression "mobilisation générale ou partielle" mentionnée dans la déclaration citée au paragraphe 235 du rapport initial selon laquelle "tout appel à la grève ou tout ordre de lock-out sera interdit en temps de guerre, ou lors d’une mobilisation générale ou partielle".

65.M.  Sadi (Rapporteur pour la Turquie) demande comment l’État partie explique le fait que la croissance économique actuelle du pays n’entraîne pas la création parallèle d’emplois. M. Sadi souhaite également avoir des précisions sur la nature restrictive des permis de travail accordés aux étrangers, et la raison pour laquelle ces derniers ne peuvent adhérer à un syndicat, par exemple. M. Sadi demande également si le Gouvernement a mis en place une politique pour rapatrier les ressortissants turcs qui travaillent à l’étranger et pour encourager leur retour ou freiner leur exode.

66.M.  Onaner (Turquie), en réponse aux questions du Comité relatives à l’article 90 de la Constitution turque, dit que son Gouvernement étudie soigneusement tous les accords internationaux qu’il ratifie, pour en garantir la constitutionnalité. Les réserves de la Turquie aux accords internationaux ne visent pas à porter atteinte à l’application de leurs dispositions sur le plan national ou à entraver leurs principaux objectifs, mais à en éviter certaines conséquences telles la politisation d’un article particulier par les autres pays. Bien que l’article 90 ne dispose pas directement la possibilité pour les personnes d’invoquer les accords internationaux, il habilite les tribunaux à s’y référer dans leurs décisions. Le texte intégral de cet article sera communiqué en turc et en anglais au Comité.

La séance est levée à 13 heures.