NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/2009/SR.39 juin2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Quarante-deuxième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 3e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 5 mai 2009, à 10 heures

Président: M. MARCHAN ROMERO

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

Quatrième rapport périodique de l’Australie

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 8 de l’ordre du jour)

Quatrième rapport périodique de l’Australie (E/C.12/AUS/4; document de base (HRI/CORE/AUS/2007); observations finales du Comité sur le troisième rapport périodique de l’État partie (E/C.12/1/Add.50); liste des points à traiter (E/C.12/AUS/Q/4); réponses écrites du Gouvernement australien à la liste des points à traiter (E/C.12/AUS/Q/4/Add.1))

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation australienne prend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT souhaite la bienvenue à la délégation australienne et l’invite à présenter le quatrième rapport périodique de l’État partie.

3.Mme MILLAR (Australie) dit que le Gouvernement australien s’est efforcé de faire figurer des informations aussi précises et complètes que possible dans son document de base commun et son quatrième rapport périodique, soumis l’un comme l’autre en 2007. Elle ajoute que les réponses écrites du Gouvernement australien à la liste des points à traiter ont été rédigées après consultation des autorités des États et des Territoires.

4.Depuis la soumission du quatrième rapport périodique qui couvre la période allant de 1997 à 2006, des changements importants ont eu lieu en Australie, dont l’élection en novembre 2007 du Premier Ministre Kevin Rudd, qui s’est fixé un programme ambitieux. Il s’est notamment engagé à rendre honneur aux autochtones d’Australie, à faire respecter la diversité sociale et favoriser la cohésion sociale, à combattre la violence faite aux femmes et aux enfants, à garantir des conditions de travail justes et favorables pour tous, à veiller à ce que tous les Australiens aient accès à un logement convenable, à améliorer les secteurs de la santé et de l’éducation, ainsi qu’à réduire la pauvreté et à aider les pays en développement à s’acquitter de leurs obligations dans le domaine des droits de l’homme.

5.Le 13 février 2008, le Gouvernement australien a, en la personne de son Premier Ministre, exprimé ses excuses officielles aux autochtones d’Australie pour les lois et les politiques qui ont infligé par le passé de profondes souffrances aux générations volées et à leurs descendants. Le Gouvernement ne nie pas que les autochtones constituent le groupe le plus défavorisé d’Australie et est conscient qu’il doit redoubler d’efforts pour faire respecter leurs droits fondamentaux. Pour relever ce défi, le Conseil des gouvernements des États et Territoires australiens s’est fixé cinq objectifs, à la réalisation desquels il a consacré 4,6 milliards de dollars australiens: combler l’écart entre les autochtones et le reste de la population australienne en matière d’espérance de vie en l’espace d’une génération; réduire de moitié, d’ici dix ans, l’écart entre ces deux populations en termes de mortalité des moins de 5 ans; faire en sorte, dans le même délai, que les enfants autochtones et les autres enfants aient les mêmes compétences pour ce qui est de lire, d’écrire et de compter; veiller à ce que tous les enfants autochtones de moins de 4 ans vivant dans des zones reculées puissent bénéficier d’ici cinq ans d’un enseignement préscolaire; enfin, faire en sorte que d’ici à 2020, ces enfants autochtones soient aussi nombreux à finir leurs études que le reste de la population. Le Gouvernement australien a mené de vastes consultations au sein de la population afin de définir le type d’instance nationale qu’il serait souhaitable de mettre en place pour que les autochtones puissent participer à la politique gouvernementale. Il a également exprimé son appui à la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, rompant ainsi avec le passé.

6.Le Gouvernement australien doit aussi s’attaquer à d’autres problèmes, dont la violence physique et sexuelle faite aux femmes, qui ne saurait être tolérée, d’autant qu’une grande partie des femmes sans abri en Australie a quitté le domicile conjugal pour cette raison. Des lois doivent donc être adoptées pour que les auteurs de telles violences soient traduits en justice et les victimes protégées. Le Gouvernement a annoncé récemment l’affectation de 12,5 millions de dollars australiens à la création d’un service téléphonique et en ligne spécial qui fonctionnera vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. D’autres mesures ont été prises en vue de renforcer le cadre législatif destiné à combattre les discriminations, telle la législation adoptée en novembre 2008 portant modification de 84 lois fédérales et abolissant la discrimination contre les couples homosexuels et leurs enfants, notamment en matière d’imposition, de sécurité sociale, de santé et dans divers domaines du droit de la famille. Toutes les réformes pertinentes seront mises en œuvre d’ici juillet 2009.

7.Que l’Australie ait elle aussi été frappée par la crise n’a pas entamé sa détermination à aider les pays en développement à atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement. Aussi le Gouvernement australien s’est-il engagé à relever à 0,5 % la part de son revenu national brut affectée à l’aide publique au développement d’ici à 2015, le but ambitieux étant de la relever à 0,7 %. En juillet 2008, l’Australie a également élargi son programme humanitaire de prise en charge des étrangers et permet aux migrants de s’insérer dans la société australienne et de bénéficier des services publics.

8.Le Gouvernement australien a pris diverses mesures dans le cadre de sa politique économique et sociale. Dans le domaine du travail, la loi de 2009 sur le travail équitable (Fair Work Act) prévoit des garanties minimales en matière d’emploi, la possibilité de négocier au sein de l’entreprise, une protection efficace contre les licenciements abusifs, une protection des personnes se trouvant au bas de l’échelle salariale, la possibilité de trouver un juste équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle ainsi que le droit de se faire représenter sur le lieu de travail. Le Gouvernement prévoit en outre une réforme visant à permettre aux demandeurs d’asile d’accéder au marché de l’emploi dans des conditions plus justes.

9.Dans le domaine du logement, le Gouvernement australien a investi près de 10 milliards de dollars australiens dans la mise en œuvre de l’accord national sur le logement abordable, destiné à ouvrir à tous les Australiens l’accès à un logement abordable, sûr et durable. Il s’est notamment donné pour objectif de réduire de moitié le nombre des sans-abri d’ici à 2020. Pour cela, il a élaboré un plan de quatre ans qui est axé sur la prévention et qui aide les personnes vivant dans la rue à retrouver un logement. En outre, 6,4 milliards de dollars ont été débloqués en vue de la construction de quelque 20 000 logements sociaux ainsi que de la réhabilitation et de la rénovation de près de 2 500 logements publics. Des mesures ont également été prises pour aider les jeunes Australiens à accéder à la propriété foncière. Le Gouvernement a en effet introduit en 2008 un programme d’aide à l’achat d’un premier logement et mis en place un plan d’épargne à des conditions intéressantes, reposant sur une aide financière du Gouvernement et une faible imposition du capital épargné. Le Gouvernement est conscient que les Australiens ne réuniront pas toutes les conditions requises pour bénéficier de ces mesures. Aussi a-t-il alloué une enveloppe de 623 millions de dollars australiens à la création de logements locatifs abordables − proposés à un prix de 20 % inférieur à celui du marché − pour ceux qui ne sont pas en mesure d’acheter un logement.

10.Pour ce qui est de la santé, toute une gamme de mesures ont été prises pour améliorer l’infrastructure sanitaire, les services de santé et la médecine préventive. Pour cela, 64,4 milliards de dollars australiens ont été débloqués afin de financer les hôpitaux publics et réformer le secteur de la santé, et un accord a été conclu entre le Gouvernement fédéral et les Gouvernements des États et Territoires dans ce domaine.

11.De nombreuses mesures ont également été prises dans le domaine de l’éducation et de la formation, dont certaines visent à élargir l’accès à l’enseignement préscolaire de façon à ce que d’ici à 2013, tous les enfants bénéficient, au cours de l’année qui précède leur scolarisation à plein temps, d’un programme d’enseignement préscolaire de quinze heures par semaine, et ce, pendant quarante semaines. Des accords de partenariat avec les États et les Territoires ont aussi été passés pour améliorer les résultats scolaires des élèves, la qualité de l’instruction élémentaire et le niveau de l’enseignement dispensé dans les écoles des zones défavorisées, des fonds débloqués pour équiper les écoles secondaires de deuxième cycle de matériels informatiques plus récents, améliorer la carte scolaire, multiplier les établissements de formation professionnelle, doubler le nombre de bourses d’études octroyées à des étudiants de premier cycle, entre autres.

12.Mme Millar souligne que le Gouvernement australien a élaboré le programme de travail gouvernemental qu’elle vient de décrire après avoir consulté la population. Le Conseil consultatif australien chargé du multiculturalisme, nommé en janvier 2009, conseille aussi le Gouvernement sur les questions de cohésion sociale, ainsi que sur les moyens de faire face au racisme et à l’intolérance en Australie. La création même de ce conseil témoigne de la volonté de l’Australie de renforcer le caractère divers et multiculturel de la nation.

13.Afin de répondre aux exigences de la population en matière de droits fondamentaux, le Gouvernement australien a lancé le 10 décembre 2008, à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’homme, une consultation nationale, destinée à recueillir l’avis de la population sur les moyens les plus adaptés pour protéger ces droits dans le futur. Cette consultation comprendra tout un éventail d’activités de sensibilisation à l’échelle du pays, des grandes villes aux régions les plus reculées, dans le but d’associer le plus grand nombre d’Australiens − y compris ceux issus de la diversité − au processus. Le document d’information publié dans le cadre de cette consultation énumère tous les droits économiques, sociaux et culturels au sujet desquels les personnes interrogées sont invitées à s’exprimer. La consultation est menée par un comité indépendant composé de quatre éminents spécialistes chargé de présenter au Gouvernement australien, avant la fin du mois d’août 2009, ses conclusions sur les solutions à préconiser pour protéger les droits de l’homme. Ces conclusions, auxquelles s’ajouteront les observations finales du Comité et l’avis de diverses organisations non gouvernementales, contribueront grandement à orienter les décisions que le Gouvernement prendra en vue de protéger et de promouvoir les droits fondamentaux de tous les Australiens.

Articles 1erà 5 du Pacte

14.M. TIRADO MEJIA salue les efforts entrepris par le Gouvernement australien pour aider les pays en développement à atteindre les objectifs de Millénaire pour le développement mais voudrait savoir quelles mesures il prend au plan national pour combattre les effets de la crise d’envergure planétaire, et notamment éviter que les droits consacrés par le Pacte en pâtissent, ce qui est fréquent en pareilles circonstances. Il souhaiterait également savoir si le Pacte a été incorporé dans l’ordre juridique interne de l’État partie, s’il a déjà été invoqué devant les tribunaux, et enfin de quelle manière les observations finales du Comité sont diffusées à l’échelle du pays.

15.M. RIEDEL dit avoir été ému aux larmes en écoutant le discours dans lequel le Premier Ministre australien a, en février 2008, présenté aux autochtones les excuses de son pays pour les souffrances subies au cours des deux derniers siècles. Il souhaiterait connaître les mesures concrètes, d’ordre constitutionnel, administratif, législatif ou autre, qui ont suivi cette déclaration.

16.Pour ce qui est du processus de consultation sur le thème des droits de l’homme engagé par l’État partie, il serait intéressant de savoir quels sont les résultats provisoires des tables rondes menées sur les divers droits consacrés par le Pacte, et de connaître la raison pour laquelle il n’est pas envisagé d’élaborer une charte des droits de l’homme à l’issue de ce processus. Il serait en outre intéressant de connaître le mandat précis de la Commission nationale des droits de l’homme qui ne semble pas habilitée à prendre des décisions relatives à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que la raison pour laquelle le financement de cette instance a accusé une baisse de 12 % récemment, et de savoir si le Gouvernement australien ne pourrait pas demander aux Parlements des États et des Territoires de faire en sorte que les recommandations de ladite Commission soient suivies d’effet.

17.Enfin, M. Riedel demande un complément d’information sur la situation qui prévaut dans les Territoires du Nord suite à l’Action d’urgence menée dans cette région en 2007, et notamment si le Gouvernement australien entend mettre un terme à la suspension de l’application de la loi contre la discrimination (Antidiscrimination Act).

18.M. PILLAY demande si le droit au logement est un droit opposable dans l’État partie et quelles mesures ont été prises par ce dernier pour donner suite à l’une des recommandations formulées par le Comité dans ses observations finales adoptées à l’issue de l’examen du troisième rapport périodique, invitant l’État partie à incorporer le Pacte dans l’ordre juridique interne de façon à ce que toute personne s’estimant victime d’une violation de l’un de ses droits en vertu du Pacte puisse obtenir réparation devant les tribunaux.

19.Enfin, M. Pillay voudrait savoir si l’État partie entend renforcer l’enseignement des droits de l’homme dans le cadre des programmes éducatifs scolaires et non scolaires, comme il a été invité à le faire dans ces mêmes observations finales, afin que les ressortissants australiens connaissent leurs droits et la possibilité qu’ils ont d’obtenir réparation en cas de violation.

20.Mme BRAS GOMES demande quels sont les résultats attendus de la consultation nationale sur le thème de la protection et du respect des droits de l’homme sachant que le Gouvernement australien a d’ores et déjà écarté l’idée d’élaborer une charte des droits de l’homme. Elle s’interroge en particulier sur la place accordée aux droits économiques, sociaux et culturels dans le cadre de la consultation nationale. Elle regrette par ailleurs que le Pacte ne soit pas incorporé dans la législation interne, que la Commission nationale des droits de l’homme ait un mandat limité, et que la population soit peu informée de ses droits ainsi que des recours à sa disposition pour les faire valoir. Constatant l’absence d’une loi-cadre permettant de lutter contre la discrimination et traitant de tous les motifs interdits de discrimination visés par l’article 2.2 du Pacte, elle voudrait un complément d’information sur les différentes lois antidiscriminatoires au niveau des États et au niveau fédéral.

21.M. DASGUPTA voudrait que la délégation australienne réponde à la question no 9 de la liste des points à traiter, à savoir expliquer pourquoi l’aide extérieure promise par l’État partie n’atteint pas le montant de 0,7 % que les États se sont engagés à verser au titre des objectifs du Millénaire pour le développement.

22.Mme BONOAN-DANDAN regrette que l’État partie ait présenté un rapport périodique aussi synthétique car le Comité ne saurait se contenter des informations fournies dans le document de base et dans les réponses écrites. Elle demande en particulier des renseignements précis sur la suite donnée aux recommandations et préoccupations formulées par le Comité dans ses observations finales sur le troisième rapport périodique de l’État partie. Notant avec préoccupation qu’aucune disposition du Pacte ne semble être protégée par une loi spécifique, elle invite la délégation à donner des précisions sur la protection des droits consacrés par le Pacte. S’agissant de la consultation nationale, elle s’interroge sur les objectifs visés par les autorités australiennes dans la mesure où aucun effort préalable n’a été déployé pour informer l’opinion publique de ses droits. Elle croit comprendre qu’il existe un projet de création d’une instance de représentation des autochtones mais voudrait en savoir plus sur le calendrier prévu pour sa mise en place. D’une manière générale, elle demande quelles sont les mesures prévues pour garantir la participation effective des autochtones à la prise de décisions.

23.M. SADI demande si l’Australie envisage d’adhérer au Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Il partage les préoccupations exprimées par ses collègues selon lesquelles plusieurs motifs interdits de discrimination ne sont pas couverts par la législation australienne et voudrait savoir si l’application de la loi sur l’égalité des chances a pour objet de remédier à cette situation. Il exprime des doutes concernant l’efficacité de l’action de la Commission nationale des droits de l’homme dans la mesure où ses recommandations n’ont aucun caractère contraignant. Notant au paragraphe 142 des réponses écrites à la liste des points à traiter que le Gouvernement australien prend activement des mesures pour s’assurer qu’il n’existe pas de conflit entre la législation australienne et les instruments internationaux, il demande des renseignements sur les mesures en question. Enfin, il voudrait savoir si l’Australie a pour politique d’intégrer les autochtones ou de leur accorder une place distincte dans la société.

24.M. ABDEL‑MONEIM, notant au paragraphe 259 du document de base de l’État partie que l’Australie a adopté de nombreuses lois relatives à la lutte contre le terrorisme, demande quels sont, de l’avis de la délégation australienne, les effets de la lutte contre le terrorisme sur l’exercice des droits consacrés par le Pacte. Il relève au paragraphe 504 du même document qu’en 2003, l’Australie a annoncé qu’elle verserait une aide d’un montant de 1 milliard de dollars pour la période 2003‑2008 et voudrait savoir si le montant annoncé a été effectivement débloqué. S’agissant toujours de l’aide publique au développement (APD), il demande quel pourcentage est consacré au développement des infrastructures dans les pays bénéficiaires. Il demande également dans quelle mesure l’Australie tient compte du respect des droits économiques, sociaux et culturels lorsqu’elle conclut des accords de libre‑échange avec d’autres pays. Il évoque enfin des informations selon lesquelles des entreprises australiennes se livreraient à un dumping salarial à l’étranger et voudrait savoir si le Gouvernement australien lutte contre de telles pratiques.

La séance est suspendue à 11 h 15; elle est reprise à 11 h 40.

25.Mme MILLAR (Australie) reconnaît que le rapport périodique à l’examen n’est pas suffisamment détaillé mais explique que son pays a tenté de remédier à cette lacune en fournissant de nombreux renseignements dans les réponses écrites à la liste des points à traiter. L’Australie n’a effectivement pas jugé nécessaire d’incorporer le Pacte dans sa législation interne mais veille à ce que cette dernière soit pleinement conforme aux dispositions des instruments internationaux ratifiés par l’État. Pour ce qui est de la consultation nationale sur les droits de l’homme, la représentante indique qu’il y sera longuement question des droits économiques, sociaux et culturels. Le processus de consultation, qui sera extrêmement approfondi et long, prendra la forme de réunions publiques mais aussi de bulletins d’information diffusés par voie écrite et par courrier électronique afin d’atteindre les communautés les plus reculées. À ce jour, le Comité chargé de la mise en œuvre de la consultation a déjà reçu 12 000 communications écrites qui traitent des droits de l’homme, ce qui témoigne de l’intérêt très vif de la population. Le Gouvernement australien a voulu accorder une grande importance à Internet afin que tout le monde puisse donner son point de vue, même s’il a également prévu de distribuer des guides et des brochures d’information, et d’organiser des ateliers de formation. Les autorités australiennes n’envisagent effectivement pas d’élaborer une charte des droits de l’homme à l’issue de la consultation, mais n’ont écarté aucune option d’ordre législatif pour mieux protéger ces droits.

26.Mme ROBINSON (Australie) précise concernant la législation australienne en matière de lutte contre la discrimination que l’un des problèmes rencontrés par le Gouvernement tient au fait que l’Australie a un système fédéral. Au niveau fédéral, il existe des lois contre la discrimination fondée sur l’âge, le handicap, la race et le sexe. Les États et Territoires ont aussi leurs propres lois. L’Australie méridionale, l’Australie occidentale, la Nouvelle-Galles du Sud, le Queensland, la Tasmanie, le Territoire de la capitale australienne et le Territoire du Nord disposent tous de lois sur l’égalité des chances et la lutte contre la discrimination. D’autres États et Territoires comme la Nouvelle-Galles du Sud, le Queensland et le Victoria ont leur propre commission des droits de l’homme. Le nombre important de textes crée des difficultés. Le comité permanent constitué des ministres de la justice des États et Territoires ainsi que du Ministre de la justice de la Nouvelle-Zélande a donc demandé à un groupe de travail de recenser les options pour une harmonisation de la législation en matière de lutte contre la discrimination, y compris les systèmes de traitement des plaintes.

27.Mme MILLAR (Australie) dit que les pouvoirs de la Commission australienne des droits de l’homme sont certes limités du fait que celle-ci n’émet que des recommandations, mais que le Gouvernement prend ces recommandations très au sérieux et donne suite à bon nombre d’entre elles. Les rapports de la Commission sont de même examinés très sérieusement par le Parlement, mais en définitive c’est au Gouvernement qu’il revient de prendre une décision.

28.Mme ROBINSON (Australie) dit qu’il existe bien des mesures de réparation en cas de non‑respect des lois relatives à la discrimination et compte que le processus d’harmonisation législative qui doit avoir lieu clarifiera encore cet aspect. Conformément à la loi fédérale sur la discrimination raciale, la Commission des droits de l’homme et de l’égalité des chances tente de régler les différends par voie de conciliation. En cas d’échec, le plaignant peut aller devant un tribunal pour obtenir une décision contraignante. Le tribunal décide des mesures correctives appropriées (présentation d’excuses, indemnisation, retour dans l’emploi, promotion, etc.). Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels n’est pas mentionné dans les statuts de la Commission parmi les instruments internationaux auxquels elle peut se référer, mais c’est le cas d’autres instruments comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Convention relative aux droits de l’enfant, dont le contenu recoupe en partie celui du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il est envisagé actuellement d’ajouter à cette liste, qui est susceptible d’évoluer, la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Le Pacte est cependant mentionné dans la loi instituant la Commission, dont l’article 46 c) dispose que le Commissaire à la justice sociale des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres prend le Pacte en considération aux fins de son rapport annuel au Parlement.

29.Au sujet de la position de la Haute Cour concernant les «attentes légitimes» nées de la ratification des instruments internationaux, adoptée dans l’affaire Minister for Immigration v Ah Hin Teoh (Teoh) en 1995, Mme Robinson précise que la notion d’attentes légitimes crée un droit de contester une décision administrative. Si un décideur envisage de prendre une décision non conforme avec les dispositions d’un traité ratifié par l’Australie, les personnes concernées par la décision ont la possibilité de présenter des communications contestant les dispositions envisagées. L’affaire Teoh portait sur l’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant, mais la notion d’attentes légitimes a été interprétée comme s’appliquant aux instruments internationaux en général. Cette jurisprudence a été remise en question dans une affaire de 2003 sans être toutefois formellement invalidée, de sorte que la notion d’attentes légitimes reste valable. De précédents gouvernements australiens ont publié des déclarations de l’exécutif indiquant que la ratification d’un traité par l’Australie ne saurait donner lieu à aucune attente légitime, mais l’actuel gouvernement a une politique différente et ne cherche plus à limiter les effets de la décision prise dans l’affaire Teoh au moyen de déclarations de l’exécutif.

30.Mme MILLAR (Australie) n’est pas en mesure de donner de réponse certaine sur les intentions de l’Australie concernant la ratification du Protocole facultatif. Celui-ci ne sera ouvert à la ratification qu’en septembre 2009 et le Gouvernement australien réfléchit activement à la question. Plus ouvert que ses prédécesseurs au sujet des mécanismes de plaintes liés à des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, le gouvernement actuel a ratifié dernièrement le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

31.M. INNIS (Australie), répondant aux questions posées au sujet de l’Action d’urgence dans le Territoire du Nord, indique que le Gouvernement a révisé sa stratégie afin que cette politique soit conforme à la loi contre la discrimination raciale et que les autochtones soient davantage consultés. La législation levant la suspension de la loi contre la discrimination raciale liée aux mesures de l’Action d’urgence dans le Territoire du Nord sera présentée au Parlement australien à sa session de printemps 2009, c’est-à-dire au mois d’août prochain.

32.L’Action d’urgence dans le Territoire du Nord a été lancée en juin 2007 en réaction notamment à de graves problèmes de maltraitance d’enfants survenus dans ce territoire. En juin 2008, un comité a été nommé pour procéder à une évaluation indépendante de l’Action d’urgence. Ce comité a estimé que les autochtones n’étaient pas suffisamment consultés, ce qui pouvait compromettre l’efficacité des interventions; que le niveau des inégalités dont souffraient les autochtones était inacceptable; que le Gouvernement devait engager un partenariat véritable avec ces populations; et qu’il devait veiller à ce que l’Action d’urgence respecte les obligations de l’Australie en matière de droits de l’homme et les dispositions de la loi contre la discrimination raciale;

33.Les mesures de gestion des revenus constituent un volet important de l’Action d’urgence. Il avait été constaté que les enfants ne bénéficiaient pas des aides publiques qui leur étaient destinées. Les femmes autochtones indiquent qu’elles maîtrisent mieux désormais leurs finances et se sentent mieux à même de subvenir aux besoins de leurs enfants. Une loi a été adoptée le 18 mars 2009 en vue de garantir aux populations du Territoire du Nord soumises à la gestion des revenus l’accès à l’ensemble des droits de recours, y compris au Tribunal des recours en matière de sécurité sociale et au Tribunal des recours administratifs.

34.Le budget du Territoire du Nord pour 2008-2009 prévoyait le recrutement de 20 membres des communautés autochtones comme agents communautaires pour faire le lien entre les populations et les représentants des pouvoirs publics et accroître le niveau général de confiance et de coopération. En décembre 2007, le Gouvernement a mis en place un groupe consultatif composé de 25 responsables aborigènes du Territoire du Nord pour débattre de l’application des mesures de l’Action d’urgence dans le Territoire du Nord et rendre compte de ces échanges au ministre compétent, qui a rencontré le groupe consultatif avec le Premier Ministre le 16 décembre 2007 et à plusieurs reprises l’année suivante.

35.Sur la question des acquisitions obligatoires de baux, le Gouvernement s’est engagé à passer le plus rapidement possible de ces baux obligatoires de cinq ans à des baux librement consentis. Le Gouvernement n’a procédé à aucune autre acquisition obligatoire. Il a demandé au Commissaire général du Territoire du Nord de fixer un loyer raisonnable pour l’ensemble des baux quinquennaux existants. Les loyers seront payés automatiquement, et seront effectifs à compter de la date d’acquisition du bail. Le programme mis en œuvre en matière de logement prévoit un volet spécifique pour le Territoire du Nord et un financement général pour le logement social.

36.Dans le domaine de l’éducation, un programme visant à améliorer l’accès des autochtones à l’éducation consacre des ressources importantes aux infrastructures scolaires. Une autre priorité est d’améliorer les perspectives des jeunes en matière d’emploi. Une réforme portant sur plusieurs programmes a été engagée pour donner aux jeunes de meilleures possibilités de formation et d’accès à l’emploi, parallèlement à une refonte importante du réseau de services d’emploi. Outre les programmes s’adressant spécialement aux autochtones, le Gouvernement cherche à déterminer si les programmes d’application générale sont correctement adaptés aux besoins des autochtones et leur sont accessibles.

37.En ce qui concerne la participation, le Gouvernement australien s’est engagé à créer une instance représentative des autochtones. Cette initiative qui s’inscrit dans le cadre d’une politique très ambitieuse en faveur des autochtones en est actuellement au stade des consultations. Pendant la première phase de consultations organisée de juillet à décembre 2008, plus de 2 000 contributions ont été reçues de membres de communautés autochtones dans le cadre de réunions ou sous forme de communications écrites. Il est ressorti principalement de ces consultations que l’organe représentatif devrait jouer un rôle clef dans la reconnaissance constitutionnelle des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres; avoir un rôle et des fonctions clairement définis; être indépendant du Gouvernement et disposer d’un financement indépendant. En décembre 2008, il a été décidé de poursuivre le processus. Le comité chargé de piloter cette deuxième phase de consultations doit rendre un rapport contenant des recommandations concernant le nouvel organe représentatif en juillet 2009.

38.Sur la question de savoir si la politique australienne est menée dans une optique d’intégration ou de séparation des autochtones, M. Innis indique que personne en Australie ne raisonne selon ces termes, mais plutôt en termes d’autodétermination et de ce que cette notion signifie pour les autochtones. Le Gouvernement australien accorde une importance décisive à leur place et à leur culture dans la société australienne. Il reconnaît leur droit à l’autodétermination dans le respect des principes d’intégrité territoriale et de souveraineté.

39.Mme CHIN (Australie), répondant aux questions sur l’intégration de l’enseignement des droits de l’homme dans le système scolaire australien, précise que l’éducation relève des juridictions des États et Territoires fédérés. La Melbourne Declaration on the Educational Goals for Young Australians adoptée en décembre 2008 par l’ensemble des ministres de l’éducation de la Fédération, dont l’un des objectifs est que les jeunes Australiens soient des citoyens actifs et informés, recense les domaines d’apprentissage à intégrer dans les programmes scolaires, notamment les sciences sociales, l’éducation civique et les droits de l’homme.

40.Si l’absence de système d’éducation et de programme scolaire unique à l’échelle de la Fédération peut sembler dénoter un manque de cohérence, elle élargit aussi les possibilités d’atteindre l’excellence dans différents domaines, dont celui de l’éducation aux droits de l’homme, comme l’attestent les différents systèmes en place dans le Territoire de la capitale australienne, notamment, où les droits de l’homme sont enseignés tout au long des années de scolarité obligatoire, ou en Tasmanie, où les enfants sont sensibilisés aux questions de droits de l’homme dès la maternelle.

41.M. MCFARLANE (Australie) apporte des précisions sur l’aide publique au développement. Le Gouvernement australien s’est engagé à porter cette aide de 0,32 % du produit intérieur brut (PIB) actuellement à 0,5 % en 2015, mais il doit étudier avec soin les moyens de dégager les ressources supplémentaires requises. En matière d’infrastructures, l’État partie dispose du programme d’assistance australien (Australian Aid Programme), articulé autour des objectifs du Millénaire pour le développement et fortement axé sur l’éducation et la santé. Ayant conscience de l’importance des infrastructures et de la prestation de services pour la réalisation des cibles et objectifs visés, il prévoit 420 millions de dollars australiens sur trois ans pour développer les infrastructures, et vient de créer un fonds régional doté de 127 millions de dollars australiens pour le développement des infrastructures en matière de transport, de communication et de distribution d’eau. Enfin, s’agissant des mesures concrètes prises pour protéger les droits de l’homme, le programme d’assistance australien vise la promotion des droits fondamentaux, en particulier ceux des populations marginalisées. Au cours des douze derniers mois, la politique menée en faveur de la prise en compte de la problématique hommes‑femmes a été renforcée, et une politique visant l’intégration des personnes handicapées, intitulée «Development for All» a été mise en place.

42.M. RIEDEL rappelle qu’en droit international, les obligations sont contractées par l’État partie, au niveau fédéral, et demande ce qui est fait pour remédier au problème des Territoires ou États n’ayant pas traduit sur le plan opérationnel les droits économiques, sociaux et culturels consacrés par le Pacte. Citant l’excellent exemple, évoqué par la délégation australienne, de la loi contre la discrimination qui s’applique tant au niveau fédéral qu’au niveau des États, il demande ce qui empêche de procéder de même pour ce qui est des droits économiques, sociaux et culturels.

43.Mme BONOAN-DANDAN fait remarquer que si des mesures sont bel et bien en place dans l’État partie en matière de droits de l’homme, comme l’atteste l’énumération faite par la délégation australienne des différents programmes existants, le Comité n’a toujours aucune indication sur un cadre juridique véritable, ou des mécanismes, garantissant le respect et la protection de ces droits dans le pays. Les seuls éléments communiqués jusqu’ici sur les droits économiques, sociaux et culturels ne sauraient suffire. De plus, les droits de l’homme ne se limitent pas à une simple éducation civique; ils doivent faire l’objet d’un programme spécifique dans le système éducatif. Mme Bonoan-Dandan souhaite par ailleurs connaître l’état de la ratification de la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail.

44.Mme BRAS GOMES souligne que malgré l’existence d’une législation contre la discrimination dans les Territoires et États, il semble bien que certaines formes de discrimination, notamment celle fondée sur la religion, existent dans certains États. Elle rappelle l’importance que revêt un véritable cadre juridique pour lutter contre la discrimination.

45.Mme MILLAR (Australie), répondant à M. Riedel, dit que lorsqu’il y a conflit entre le droit fédéral et le droit des États, ce sont les lois fédérales qui s’appliquent. De plus, le Conseil des gouvernements australiens veille à la concordance entre les différentes juridictions. Quant à la question de l’intégration des droits économiques, sociaux et culturels dans toutes les juridictions, elle va être abordée dans le cadre du processus de consultation.

46.M. INNIS (Australie) indique que, dans le cadre de l’objectif visant à combler l’écart entre autochtones et non-autochtones, il n’est pas prévu de mécanisme distinct pour garantir l’application des droits économiques, sociaux et culturels. L’État partie attend des instances telles que la Commission des droits de l’homme et de l’égalité des chances et des organisations non gouvernementales qu’elles suivent de près le respect par l’Australie de ses obligations en matière de droits de l’homme dans la mise en œuvre de ses politiques visant à combler les écarts.

47.Mme ROBINSON (Australie) signale l’existence du Groupe de travail sur l’harmonisation de la loi contre la discrimination et, sur la question de la discrimination fondée sur la religion, précise que tout est fait pour que les autorités fédérales veillent à lutter contre cette forme de discrimination, la Constitution australienne comportant d’ailleurs des dispositions qui visent à protéger les religions.

Articles 6 à 9 du Pacte

48.M. TEXIER, tout en saluant les progrès réalisés récemment par l’État partie avec l’adoption de nouvelles lois, attend d’en connaître les effets. Il demande quels sont les programmes envisagés pour lever les obstacles rencontrés par certaines catégories de la population (autochtones, demandeurs d’asile, nouveaux migrants, handicapés et en particulier les femmes) dans l’accès à l’emploi (art. 6), et souhaite que l’État partie fournisse des statistiques sur le chômage ventilées par catégories − femmes, jeunes, autochtones, reste de la population. Il fait remarquer que la législation et surtout la pratique dans le pays semblent laisser à désirer en matière de licenciements sans cause réelle sérieuse, ou «licenciements abusifs» (art. 7), malgré le Fair Work Act et le mécanisme y afférent, le Fair Work Australia, situation à laquelle il convient de remédier. Enfin, il croit savoir que dans certains secteurs d’activité (construction, notamment), les limitations au droit de grève et à l’action syndicale (art. 8) sont trop importantes et les peines encourues bien trop sévères, ce qui appelle des modifications et des améliorations.

La séance est levée à 13 h 5.

-----