Nations Unies

E/C.12/2006/SR.4

Conseil économique et social

Distr. générale

20 novembre 2009

Original: français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Trente ‑sixième session

Compte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 4 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le 2 mai 2006, à 15 heures

Président e: Mme Bonoan-Dandan

Sommaire

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Rapport initial de Monaco(suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Rapport initial de Monaco ( (E/1990/5/ Add .64); document de base (HRI/CORE/1/ Add .118); liste des points à traiter (E/C.12/Q/MCO/1); réponses écrites du Gouvernement monégasque à la liste des points à traiter (HR/CESCR/NONE/2005/1) )

1. À l’invitation de la Présidente, la délégation monégasque reprend place à la table du Comité.

2.M. Blanchi (Monaco) dit qu’en 2001, la Principauté de Monaco a alloué 0,28 % de ses dépenses budgétaires – et non de son produit national brut – à l’aide publique au développement (APD), et qu’elle prévoit de relever progressivement ce pourcentage pour atteindre à terme – dans un délai d’une dizaine d’années – celui de 0,7 % du PIB, conformément aux engagements pris au niveau international.

3.M. Gastaud indique que la loi du 15 juillet 2005 sur la liberté d’expression publique punit de cinq ans d’emprisonnement les actes de discrimination raciale par voie de presse ou par voie audiovisuelle et d’une amende prévue à l’article 26 du Code pénal. Par contre, aucune disposition pénale ne réprime la discrimination fondée sur l’origine raciale dans le domaine de l’emploi, mais la révision du droit monégasque devrait intervenir prochainement, le Conseil national s’étant déjà saisi de la question.

4.M me Pastor (Monaco) explique que c’est l’activité professionnelle qui ouvre des droits aux prestations sociales, notamment l’assurance maladie et la retraite, et qu’il n’y a donc aucune discrimination entre les hommes et les femmes en la matière. Pour ce qui est des allocations familiales, le droit monégasque diffère du droit français, en ce sens qu’à Monaco, c’est au «chef de foyer», présumé être le père de l’enfant, que les allocations familiales sont versées. Les familles monoparentales touchent également des prestations sociales dans la Principauté, ce qui garantit l’égalité des droits des enfants légitimes et naturels. Les lois discriminatoires à l’égard des enfants naturels sont désormais obsolètes. La réforme du Code civil a aboli la distinction entre enfants naturels et enfants légitimes en octroyant aux uns et aux autres les mêmes droits patrimoniaux et successoraux. Il n’existe donc plus de discrimination en la matière.

5.Dès lors qu’ils sont inscrits en tant que tels, les travailleurs indépendants bénéficient d’une couverture sociale puisqu’ils sont tenus de s’affilier à la caisse de maladie et à la caisse de retraite correspondant à leur secteur d’activité.

6.M. Pillay, lisant dans le rapport initial de Monaco que pour bénéficier d’un logement social, il faut être de nationalité monégasque ou avoir résidé dans ce pays au moins cinq ans, se demande si une personne disposant d’un revenu très faible et n’ayant résidé dans la Principauté que depuis un an peut prétendre à une aide du Gouvernement.

7.M. Pillay aimerait savoir si les autorités compétentes ordonnent parfois l’expulsion de locataires qui, en raison du coût de la vie élevé, ne pourraient plus payer leur loyer.

8.M. Pillay apprécierait en outre un complément d’information sur les enfants de moins de 16 ans amenés à travailler au sein d’une entreprise familiale. S’agit-il d’une pratique courante, et dans l’affirmative, qu’en est-il du droit à l’éducation de ces enfants?

9.Étant donné qu’aucune loi ne réprime les châtiments corporels à l’école et dans la famille, il convient de se demander s’il ne serait pas utile de mener une campagne de sensibilisation des parents, enseignants et autres sur les méfaits de la violence contre les enfants.

10.M me Bras gomes fait observer que la législation monégasque continue d’établir une distinction entre les enfants nés dans le mariage et hors mariage, puisqu’en cas de décès d’un salarié à la suite d’un accident du travail, des indemnités sont versées aux enfants dits «légitimes», ce qui laisse supposer que rien n’est prévu pour les autres. Les lois établissant une telle distinction ne semblent donc pas toutes obsolètes.

11.M. Sadi se demande si l’âge du consentement à des relations sexuelles a été fixé à 18 ans, étant donné qu’il lui semblerait paradoxal que des enfants aient le droit de consentir à des relations sexuelles alors qu’il leur est par exemple interdit de signer un contrat.

12.M. Sadi demande à la délégation monégasque d’indiquer si le mariage entre personnes du même sexe est légal ou non dans l’État partie, si la traite des femmes et des enfants est un problème dans ce pays qui partage des frontières avec la France et l’Italie, et dans l’affirmative, si des accords ont été conclus avec les pays voisins pour lutter contre ce phénomène.

13.M. Gamerdinger (Monaco) informe les membres du Comité que l’enseignement est obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans, que des contrôles sont effectués, et, le cas échéant, des mesures prises pour lutter contre l’absentéisme. Les enfants qui travaillent sont ceux qui bénéficient d’un contrat d’apprentissage reposant sur l’alternance des études et de stages en entreprise. On ne peut pas dire que ces enfants se soustraient à l’obligation de scolarité.

14.L’âge de la majorité est de 18 ans, et aucun âge n’a été fixé pour le consentement à des relations sexuelles. En revanche, le Code civil réglemente les modalités du consentement pour entrer dans les liens du mariage, l’objectif étant de s’assurer que le consentement est clairement exprimé, et l’avis des parents favorable.

15.M. Gamerdinger n’a pas connaissance de l’existence de réseaux de traite et d’exploitation de femmes et d’enfants à Monaco. La Principauté ayant rejoint l’espace Schengen, la circulation des personnes adultes ou mineures est régie par les règles communes à tous les pays qui en font partie.

16.M me Pastor (Monaco) affirme que les textes établissant une discrimination contre les enfants naturels sont obsolètes, à l’exception de la loi sur les accidents du travail citée par Mme Bras Gomes. Le droit monégasque prend désormais en considération uniquement l’ouvreur de droit − la personne qui a la charge de l’enfant −, et l’enfant lui-même − le bénéficiaire.

17.Mme Pastor indique ensuite que le Code civil interdit le mariage entre deux personnes du même sexe.

18.M. Blanchi (Monaco) dit que quiconque veut obtenir une carte de séjour à Monaco doit apporter la preuve qu’il ou elle est en mesure de subvenir à ses besoins, que ce soit par le travail ou en raison de sa fortune personnelle. Il paraît difficile que cette personne soit ruinée un an plus tard et n’ait plus de moyens de subsistance. Aucune disposition particulière n’est donc prévue pour pallier ce type de situation.

19.M. Blanchi n’a pas eu connaissance d’expulsions forcées de locataires en raison de leur insolvabilité, mais il vérifiera, et fera part du résultat de ses recherches au Comité.

20.Pour ce qui est des châtiments corporels, le Code pénal réprime les actes inhumains ou dégradants et prévoit une aggravation de la peine si la victime est mineure. Il existe sur le terrain un réseau de surveillance tel qu’on peut difficilement imaginer que des enfants fassent l’objet de mauvais traitements réguliers sans que la police ou les services sociaux ne s’en aperçoivent ou soient alertés, ce qui ne signifie pas pour autant que cela n’arrivera jamais.

21.M. Malinverni précise que le Comité souhaitait obtenir des informations sur la situation des enfants de moins de 16 ans qui travaillent, et non sur ceux de 16 ans et plus qui suivent une formation en alternance dans le cadre d’un apprentissage.

22.Notant que l’État partie n’a pas fixé d’âge minimum pour le consentement à des relations sexuelles, M. Malinverni se demande ce qu’il en serait si un adulte avait des relations sexuelles avec un jeune homme ou une jeune femme de 15 ans par exemple.

23.M. Blanchi (Monaco) répond que, dans pareil cas, l’adulte serait poursuivi au pénal.

24.M. Malinverni en déduit donc que l’âge de la majorité sexuelle est de 18 ans, et souligne qu’il est bien supérieur à celui en vigueur dans la plupart des autres pays d’Europe.

25.M me Barahona Riera voudrait savoir si l’État partie a mis en place des programmes de santé en matière de sexualité et de procréation à l’intention des femmes et des jeunes, et si la législation autorise l’avortement thérapeutique en cas de viol, ou interdit cette pratique de manière absolue.

26.Mme Barahona Riera appelle l’attention de la délégation monégasque sur le fait que les qualificatifs même de «naturels» et «légitimes» sont de nature discriminatoire, et pourraient être remplacés par enfants «nés dans le mariage» ou «nés hors mariage».

27.M me Pastor (Monaco) réaffirme que la terminologie existe encore du fait qu’elle apparaissait dans la législation, qui a été abolie depuis lors dans le cadre de la réforme du Code civil. Si le droit monégasque interdit le droit à l’avortement de manière absolue, toutefois, la question de l’avortement thérapeutique fait l’objet d’un débat.

28.M. Riedel apprécierait de connaître les mesures spécifiques mises en œuvre par l’État partie pour faire connaître le Pacte, et demande notamment si des exemplaires sont distribués gratuitement dans les écoles.

29.La délégation pourrait fournir un complément d’information sur la langue monégasque: s’agit-il d’une langue à mi-chemin entre le français et l’italien, et donne-t-elle parfois lieu à des discriminations, en matière d’accès à l’emploi de ses locuteurs par exemple?

30.La délégation pourrait enfin indiquer quelles mesures ont été prises pour préserver le patrimoine national et garantir les droits de propriété intellectuelle dans l’État partie, et notamment s’il existe une jurisprudence relative aux droits d’auteur visés à l’alinéa c de l’article 15 du Pacte, qui reconnaît à chacun le droit de bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur.

31.M. Malinverni demande si l’État partie a adhéré à la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement adoptée en 1960 par l’UNESCO, qui ne figure pas dans la liste des instruments internationaux relatifs à l’article 13 du Pacte qu’il a ratifiés. La question se pose donc de savoir s’il s’agit d’un oubli dans ladite liste ou d’une volonté délibérée de l’État partie de ne pas la ratifier, et dans l’affirmative, pourquoi.

32.M. Marchan romero salue le fait que chaque année, plus de 4 % du budget de l’État sont consacrés au développement de la culture et à la participation de tous à la vie culturelle, que les médias garantissent la diffusion des droits économiques, sociaux et culturels et que la Principauté de Monaco permette à tous les citoyens de participer à la vie scientifique et culturelle. Il apprécierait que la délégation monégasque détaille les mesures prises par l’État partie pour garantir en pratique la participation de tous à la vie culturelle, y compris des groupes de population les plus vulnérables, comme les personnes âgées, les pauvres ou encore les handicapés.

33.Étant donné que 120 nationalités cohabitent à Monaco, la délégation monégasque pourrait en outre indiquer quelles mesures l’État partie adopte pour préserver tout à la fois l’identité nationale et la diversité culturelle sur son territoire.

34.Mme Bras gomes demande des éclaircissements sur les informations fournies par le Gouvernement monégasque dans ses réponses écrites à la liste des points à traiter, selon lesquelles il y aurait de plus en plus d’élèves en difficulté scolaire, ce qui ne semble pas s’expliquer rationnellement.

35.M. SADI, notant les efforts de l’État partie pour promouvoir la langue monégasque dans les écoles primaires, se demande si celle-ci est très répandue, et si la langue utilisée dans l’administration est le français ou le monégasque. Il aimerait en outre savoir si le patrimoine culturel et historique est très différent du patrimoine français.

36.M. Blanchi (Monaco) dit que son pays est parvenu à préserver à la fois son unité nationale et sa diversité culturelle. Les Monégasques de souche qui forment la communauté nationale de 7 000 personnes entretiennent des liens très étroits, voire personnels, avec la famille princière. Plusieurs rencontres ont d’ailleurs lieu chaque année, comme à l’occasion du pique‑nique annuel dans un des parcs de la ville auquel participe la famille régnante.

37.La préservation de la diversité culturelle passe par la vie associative. Les diverses communautés sont organisées, se réunissent librement et ne sont aucunement tenues à l’écart du reste de la vie nationale.

38.L’hymne national est en langue monégasque. La langue officielle de Monaco est le français, et le Gouvernement monégasque n’a aucune intention de la remplacer par la langue monégasque. Cette dernière est toutefois de nouveau enseignée à l’école primaire et un prix est décerné chaque année aux meilleurs élèves à l’issue d’un concours, que remportent d’ailleurs souvent de jeunes étrangers venus de pays lointains, et pas seulement des enfants issus de la communauté nationale. Il y a une littérature et des auteurs en langue monégasque.

39.M. Gamerdinger (Monaco) ajoute que le monégasque était à l’origine du génois. Comme cette langue se perdait peu à peu, il a été décidé de l’enseigner de nouveau dans les écoles, à titre facultatif, toutefois. Elle n’a jamais été un facteur de discrimination, et n’a jamais entravé l’accès au marché de l’emploi.

40.Le patrimoine monégasque est certes proche de celui du reste de l’Europe occidentale, mais la Principauté de Monaco tient à préserver et faire perdurer les traditions culinaires, historiques ou encore familiales par lesquelles elle se distingue, notamment à l’occasion de la Journée du patrimoine.

41.La Société pour la gestion des droits d’auteurs (SOGEDA), qui veille à l’application de la législation pertinente, a pour mission de percevoir les droits d’auteur et de reverser aux artistes la part qui leur revient. De mémoire, il ne semble pas à M. Gamerdinger que des affaires aient été portées devant les tribunaux pour non-respect de cette législation, quelle que soit la forme d’expression culturelle. L’avènement des nouvelles techniques de l’information pourrait perturber ce statu quo.

42.Pour favoriser le rayonnement des grandes institutions culturelles comme les ballets, l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo ou encore l’Opéra, le Gouvernement monégasque alloue 4 % du budget de l’État à l’effort culturel, perpétuant ainsi une longue tradition de promotion de la culture. Il mène également une politique d’acquisition d’œuvres d’art afin de créer la collection permanente d’un grand musée d’art en devenir, qui devrait ouvrir ses portes d’ici une dizaine d’années.

43.La population, sans distinction de nationalité, est conviée à assister à diverses manifestations culturelles ouvertes à tous tout au long de l’année, dont la promotion est assurée par les médias et par voie d’affichage. Certaines catégories de personnes peuvent bénéficier de tarifs réduits. Il est en outre prévu d’aménager l’accès des sites culturels aux handicapés.

44.Dans le cadre de programmes éducatifs culturels destinés à sensibiliser le jeune public à la culture, les enfants ont l’occasion de visiter des expositions, d’assister à des répétitions de théâtre, à des représentations de ballet ou encore de se rendre à l’opéra, selon l’âge et la sensibilité de chacun. Enfin, le Gouvernement monégasque subventionne un tissu associatif très riche dans le domaine culturel, que ce soit dans la musique, le théâtre, la sculpture, la peinture ou autres.

45.Les enfants qui ont des difficultés d’apprentissage ne sont pas des enfants en échec scolaire mais des élèves non francophones nouvellement arrivés à Monaco à qui sont dispensés des cours de français pour étrangers par petits groupes.

46.M. Gamerdinger indique ensuite que la délégation monégasque fournira un complément d’information écrit sur l’adhésion ou non de la Principauté de Monaco à la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement, et sur les raisons qui ont, le cas échéant, motivé le choix de ne pas la ratifier.

47.M. Blanchi (Monaco) appelle l’attention du Comité sur le fait que la délégation monégasque s’est présentée devant lui dans un esprit de coopération, et qu’elle est consciente des progrès qu’il reste à faire dans les domaines couverts par le Pacte. Des chantiers sont en cours à Monaco, qui devraient avancer dès lors que l’exécutif et le Parlement seront parvenus à un compromis. M. Blanchi remercie les membres du Comité d’avoir tenu compte des spécificités de Monaco – à savoir les dimensions de son pays et sa structure démographique qui en font le seul pays au monde où la communauté nationale est minoritaire − qui font qu’on ne peut pas juger ce pays selon les mêmes critères que d’autres. Ces spécificités peuvent être un facteur de difficulté dans l’application du Pacte, mais aussi un atout en ce sens qu’en préparant les lois, le législateur est tenu de penser non seulement aux nationaux, mais aussi aux autres communautés qui vivent à Monaco. Il ne fait nul doute que la législation évoluera dans le temps, notamment dans le domaine social, mais toujours dans le respect des valeurs fondamentales de l’État monégasque.

48.La Présidente dit que le Comité a achevé l’examen du rapport initial de Monaco sans avoir utilisé l’intégralité du temps qui lui était imparti pour le faire, car il n’y a pas de problème majeur dans ce pays en ce qui concerne l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Elle informe la délégation monégasque que le Comité formulera au sujet du rapport initial de l’État partie des observations finales qui seront rendues publiques à la fin de la trente‑sixième session. Elle rappelle que, quel que soit le nombre d’habitants dans un pays, les normes universelles et les droits économiques, sociaux et culturels sont les mêmes.

49. La délégation monégasque se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 16 h 30.