NATIONS UNIES

E

Conseil économique et social

Distr.GÉNÉRALE

E/C.12/2008/SR.37mai 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Quarantième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 3e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 29 avril 2008, à 10 heures

Présidente: Mme BARAHONA RIERA (Vice‑Présidente)

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENTAUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

Troisième rapport périodique de la France

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS

a)RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour)

Troisième rapport périodique de la France ((E/C.12/FRA/3); document de base (HRI/CORE/1/Add.17/Rev.1); liste des points à traiter (E/C.12/FRA/Q/3); réponses écrites du Gouvernement français à la liste des points à traiter (E/C.12/FRA/Q/3/Add.1))

1.Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation française prend place à la table du Comité.

2.La PRÉSIDENTE souhaite la bienvenue à la délégation française et l’invite à présenter le troisième rapport périodique de l’État partie.

3.M. MATTEI (France) dit que le troisième rapport périodique de l’État partie, présenté selon une méthodologie légèrement différente de la pratique habituelle, est structuré en deux parties: la première reprend les observations et recommandations formulées par le Comité en 2001, à l’exception de trois recommandations relatives aux situations de précarité et d’exclusion de certains groupes de la population, qui font l’objet d’un examen approfondi dans la seconde partie.

4.Concernant la question de l’insertion des personnes appartenant à des groupes spécifiques, comme les jeunes, les personnes âgées ou les personnes vivant dans des zones sensibles, le Gouvernement a notamment pris les mesures suivantes: développement de l’apprentissage et des contrats de professionnalisation pour une meilleure insertion professionnelle en entreprise; recherche d’une plus grande adéquation entre formation et emploi avec notamment la création d’un service public de l’orientation et celle d’une allocation pour l’installation étudiante; poursuite de nombreuses initiatives spécifiques pour les jeunes en difficulté, parmi lesquelles les contrats d’insertion dans la vie sociale et les parcours d’accès aux carrières territoriales, hospitalières et de l’État; et action des pouvoirs publics et des partenaires sociaux en faveur de l’emploi des personnes âgées, le plan national concerté visant à atteindre un taux d’emploi de 50 % en 2010.

5.S’agissant de l’égalité entre hommes et femmes dans l’emploi, l’Accord national interprofessionnel de 2004 relatif à la mixité et à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes a débouché sur 15 accords de branche. Des mesures ont été prises pour améliorer la qualité des emplois à temps partiel et faire reculer le temps partiel subi. Les efforts sont diversifiés et amplifiés pour qu’en matière d’accueil des jeunes enfants et de mode de garde, le principe de libre choix des familles puisse dans les faits se traduire pour chacun des deux parents par la possibilité de continuer à travailler. La Haute Autorité de lutte contre les discriminations devrait constituer un outil déterminant dans le combat contre les discriminations en matière de travail et d’emploi. La loi du 23 mars 2006 a renforcé l’obligation de négocier chaque année les mesures de nature à supprimer les écarts de rémunération entre femmes et hommes. En novembre 2007, la conférence sociale tripartite sur l’égalité professionnelle et salariale entre femmes et hommes a permis d’arrêter des axes de travail et un calendrier. Ainsi, toutes les entreprises de plus de 50 salariés devront avant la fin 2009 mettre en place un plan de résorption des écarts salariaux discriminatoires, sous peine de sanctions financières.

6.Pour ce qui est de la lutte contre la pauvreté, le Gouvernement s’est engagé à réduire la pauvreté d’au moins un tiers en cinq ans. Le Haut-Commissariat aux solidarités actives contre la pauvreté a été chargé de transformer en profondeur les minima sociaux et la prime pour l’emploi afin que le retour à l’emploi soit plus rémunérateur que le maintien dans l’assistance et que le travail donne à tous la garantie de sortir de la pauvreté, de simplifier les contrats aidés, et d’entreprendre des programmes expérimentaux concourant à la lutte contre la pauvreté, notamment dans le domaine de l’éducation. La France compte plus de 3 millions de travailleurs pauvres. La reprise d’une activité professionnelle ne se traduit pas toujours pour les ménages par un accroissement du revenu disponible. Dans ce contexte, la création d’un revenu de solidarité active répond aux trois objectifs suivants: faire en sorte que le produit de chaque heure travaillée puisse améliorer le revenu final de la famille en supprimant les effets de seuil; s’assurer, même pour une activité à temps partiel ou discontinue, que les ressources globales permettent de franchir le seuil de pauvreté; et simplifier radicalement le système des aides pour le rendre plus lisible pour les bénéficiaires, garantir des revenus plus prévisibles pour les familles et faciliter l’accompagnement des bénéficiaires.

7.Concernant la réforme des critères de représentativité syndicale, les partenaires sociaux, sous l’impulsion du Gouvernement, ont engagé des discussions qui ont débouché le 10 avril 2008 sur un accord qui devrait donner lieu à un projet de loi visant à mettre le critère de l’élection au centre de la représentativité.

8.En matière de logement, l’effort s’est accentué. Ainsi, entre 2004 et 2008, le total des aides budgétaires et fiscales consacrées au logement social a augmenté de près de 45 %, tandis qu’entre 2007 et 2008, il s’accroissait de 7,3 %. Depuis 2005, trois lois ont été votées pour la réduction du «mal‑logement». L’une d’entre elles fixe à 591 000 l’objectif de construction de logements sociaux, avec une augmentation sensible des logements «très sociaux» pour prendre en compte les besoins de logement des ménages qui cumulent difficultés économiques et sociales.

9.Pour ce qui est des sans-abri, la loi du 5 mars 2007 a institué le droit au logement opposable, ce qui constitue une avancée considérable pour les droits sociaux en plaçant le droit au logement au même rang que le droit à la santé ou à l’éducation. La loi pose par ailleurs un principe de continuité de la prise en charge dans le dispositif d’hébergement des sans-abri.

10.Pierre angulaire de la promotion et de l’intégration sociales, l’école révèle les défis à relever en matière d’exclusion et de discrimination. Les projets entrepris pour réduire les décrochages scolaires précoces sont nombreux. Ils concernent la lutte contre l’échec scolaire à l’école primaire et les politiques d’insertion par l’éducation au sein de la politique de la ville, avec notamment les zones d’éducation prioritaires. La France a établi des dispositifs originaux pour une meilleure égalité des chances à l’université et à l’entrée des grandes écoles.

11.Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France a consacré 7,261 milliards d’euros à l’aide publique au développement (APD) en 2007, ce qui correspond à 0,39 % de son revenu national brut, chiffre qui ne comprend pas le produit de la contribution internationale de solidarité sur les billets d’avion. En l’incluant, l’effort français s’établit à 0,40 % du revenu national brut. La France est ainsi, en volume, le troisième donateur parmi les pays de l’OCDE. Par ailleurs, l’année 2007 a été marquée pour la France par une forte baisse des annulations de dette. En dépit d’un contexte budgétaire difficile, le Président de la République a notamment annoncé que la France renforcerait son aide en faveur de l’Afrique en doublant l’engagement financier bilatéral de la France en Afrique subsaharienne pour la période 2008-2012 par rapport à 2002-2007.

12.Suite à l’élaboration et à la présentation de son troisième rapport périodique, la France est davantage consciente de ses lacunes et des défis qu’il lui reste à relever en matière de chômage, de précarité et d’exclusion. Par les politiques qu’elle a engagées, elle marque sa détermination à les surmonter.

13.En conclusion, M. Mattei rappelle l’attachement de la France à la promotion des droits économiques, sociaux et culturels à l’échelon multilatéral. Au moment où le Conseil des droits de l’homme inaugure son examen périodique universel, il apparaît que les organes conventionnels sont plus que jamais essentiels dans le système de protection des droits de l’homme des Nations Unies. Pour la France, cette année de célébration du soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme est l’occasion, au sein du Groupe de travail chargé d’élaborer un protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, de soutenir une position ouverte et positive, conforme à sa conception des droits de l’homme indissociables et interdépendants. En permettant l’examen de plaintes individuelles, le protocole accordera enfin aux droits économiques, sociaux et culturels le même niveau de protection que celui des droits civils et politiques. La France souhaite qu’à sa session de juin 2008, le Conseil des droits de l’homme adopte le projet de protocole et le transmette, pour adoption, à l’Assemblée générale des Nations Unies. Enfin, l’attachement de la France aux droits économiques, sociaux et culturels s’est aussi manifesté par les initiatives qu’elle a prises au Conseil des droits de l’homme en faveur de la lutte contre l’extrême pauvreté.

Articles 1er à 5 du Pacte

14.MmeBRAS GOMES (Rapporteuse pour la France) s’étonne de lire au paragraphe 3 des réponses écrites du Gouvernement français à la liste des points à traiter que celui-ci a manqué de temps pour fournir des données statistiques ventilées par groupe d’âge, sexe, origine et éventuellement zone urbaine/rurale, en particulier parce que la plupart des outils statistiques ne sont pas adéquats. Elle regrette que le Comité ait dû se fonder sur d’autres sources d’information pour se faire une idée de la situation en France et demande quelles sont les méthodes utilisées par l’État partie pour évaluer l’efficacité des mesures prises, en l’absence de données statistiques.

15.M. ATANGANA prend note des renseignements fournis par le représentant de la France au sujet de l’APD et évoque un rapport parallèle de la plate‑forme d’organisations non gouvernementales (ONG) pour les droits économiques, sociaux et culturels, selon lequel la France n’entend plus consacrer 0,7 % de son PIB à l’APD en 2010. Il voudrait connaître le point de vue de la délégation sur la question.

16.M. KERDOUN ne comprend pas l’explication fournie par le Gouvernement français au premier paragraphe de ses réponses écrites à la liste des points à traiter, selon laquelle la révision générale des politiques publiques n’étant pas achevée, la France n’a pu fournir de renseignements sur l’APD. Tout en notant que la France est un grand pays donateur depuis longtemps, il demande quelles sont les mesures préconisées et envisagées pour réduire la pauvreté dans le monde, en particulier en Afrique, dans une période de grave crise alimentaire, et promouvoir le développement économique des pays pauvres. Par ailleurs, il voudrait savoir si la Commission nationale consultative des droits de l’homme est la seule institution de la société civile avec laquelle la France a collaboré aux fins de l’établissement du rapport périodique.

17.M. PILLAY accueille avec satisfaction les propos du chef de la délégation française concernant l’indivisibilité de tous les droits de l’homme, et le fait que les droits économiques, sociaux et culturels doivent être traités sur le même pied que les droits civils et politiques. Il demande si cela signifie que la délégation française considère que les droits économiques, sociaux et culturels sont désormais directement applicables, et peuvent faire l’objet d’un recours en justice. Il souhaite savoir si des progrès ont été faits concernant le faible nombre de décisions de justice portant sur les droits économiques, sociaux et culturels. D’après les renseignements dont dispose M. Pillay, il existe en fait de nombreuses lois traitant de ces droits, mais peu de moyens de les faire valoir. De plus, il ne semble pas que des mesures d’évaluation soient envisagées afin de déterminer si les objectifs prévus dans ces lois sont atteints ou non, notamment en ce qui concerne le droit au logement opposable.

18.Il semble aussi que la population ne connaisse pas ses droits économiques, sociaux et culturels et ne les fasse pas valoir. Ainsi, un grand nombre de jeunes filles issues des familles immigrées sont contraintes à des mariages forcés. Dans la mesure où ces critiques sont fondées, M. Pillay souhaiterait savoir quelles mesures sont prises pour remédier à ces différents problèmes. Il demande également si la méconnaissance des droits économiques, sociaux et culturels pourrait être l’une des explications de la rareté de la jurisprudence concernant ces droits.

19.M. RIEDEL rappelle que le Comité avait souhaité recevoir de l’État partie des renseignements complémentaires sur la formation de son personnel judiciaire dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier. S’il fait des efforts importants dans ce domaine, en étant le seul parmi les grands pays européens à avoir pleinement mis en application la Charte sociale européenne révisée, et aussi par le soutien déterminant qu’il a apporté dès le début au projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte, l’État partie ne mentionne pas dans ses réponses écrites à la liste des points à traiter comment il remédie au fait que les droits économiques, sociaux et culturels reçoivent beaucoup moins d’attention de la part des tribunaux que les droits civils et politiques. Dans le même ordre d’idées, M. Riedel souhaiterait savoir si les deux institutions chargées de veiller à l’application des conventions internationales, la Commission nationale consultative des droits de l’homme et le Médiateur de la République, ont examiné des affaires qui ne relevaient pas seulement de la Charte sociale européenne, mais aussi du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

20.En ce qui concerne la méthodologie suggérée par l’État partie qui consisterait à présenter les rapports périodiques en fonction de quelques domaines prioritaires, plutôt qu’en procédant article par article, M. Riedel estime cette suggestion utile. Dans l’optique du prochain rapport périodique, les priorités proposées par l’État partie pourraient être examinées par le Comité, le Haut‑Commissariat et les autres parties prenantes, qui en valideraient les deux tiers ou les trois quarts, et pour le reste, proposeraient eux-mêmes des domaines prioritaires, sur la base de négociations avec l’État partie. Environ deux ans avant l’échéance du rapport périodique, une liste de points à traiter articulée autour de ces priorités serait établie. M. Riedel estime que la nouvelle méthodologie suggérée par l’État partie, si elle s’avère probante, pourrait être étendue par la suite à d’autres pays.

21.MmeWILSON indique, au sujet du principe de non‑discrimination, qu’elle a eu des difficultés à trouver des informations précises sur l’application des lois pertinentes et sur le fonctionnement de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations. Elle regrette que les réponses écrites du Gouvernement français à la liste des points à traiter, qui contiennent un exposé détaillé sur le fonctionnement de cette instance, ne lui soient parvenues que la veille, ce qui ne lui a pas laissé le temps d’en prendre pleinement connaissance. Elle souhaiterait savoir si la Haute Autorité garantit une véritable égalité d’accès.

22.En ce qui concerne la loi d’orientation relative à la lutte contre l’exclusion, Mme Wilson voudrait savoir comment l’État partie évalue l’efficacité de cette loi, dont les objectifs, de l’aveu même de ce dernier, ne sont pas suffisamment atteints. À propos des personnes handicapées, elle aimerait avoir des précisions sur les mesures concrètes qui sont prises, outre des mesures législatives, pour les protéger. Se félicitant que l’État partie ait signé la Convention relative aux droits des personnes handicapées, Mme Wilson demande s’il prévoit de la ratifier, et dans quels délais. Elle relève cependant l’existence, signalée par plusieurs sources, d’une discrimination de fait à l’égard de ces personnes, notamment dans le domaine de l’emploi.

23.Sur la question de la ratification des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, Mme Wilson estime que la raison donnée par l’État partie pour ne pas ratifier le Protocole no 12 à la Convention européenne des droits de l’homme − le fait que la Cour européenne des droits de l’homme soit surchargée − n’est pas un motif raisonnable. Elle souhaiterait des explications quant au critère utilisé par l’État partie pour déterminer s’il ratifie ou non un instrument international relatif aux droits de l’homme.

24.MmeBONOAN‑DANDAN observe que le troisième rapport périodique de l’État partie est dépourvu d’une approche fondée sur les droits, qui prenne pleinement en considération les droits énoncés dans le Pacte. Il s’agit selon elle davantage d’un rapport de gouvernance − quoique d’excellente qualité − que d’un rapport sur la façon dont un instrument relatif aux droits de l’homme est appliqué. Elle regrette aussi de n’avoir pu disposer d’une traduction en anglais des réponses écrites du Gouvernement français à la liste des points à traiter.

25.Mme Bonoan‑Dandan demande des précisions sur la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Elle aimerait savoir combien cette institution compte de membres, comment ils sont choisis et qui les nomme, pour un mandat de quelle durée; s’ils exercent leurs fonctions à temps plein ou partiel, et s’ils perçoivent un salaire. Elle souhaiterait savoir également si la Commission a son propre personnel, quel est son budget et si son mandat recouvre également les droits économiques, sociaux et culturels.

26.M. SADI dit que l’appui important au projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte dont a fait preuve l’État partie est à son avis significatif de la position de ce dernier à l’égard du Pacte en général. Il demande si la philosophie du nouveau gouvernement est plus proche ou plus éloignée des objectifs visés par le Pacte.

27.Il voudrait aussi savoir dans quelle mesure l’aide publique au développement importante consentie par l’État partie est liée au respect des droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels. Étant donné qu’une longue période va s’écouler avant l’examen du prochain rapport périodique, M. Sadi aurait également souhaité que l’État partie réitère au Comité ses assurances quant à la prise en compte systématique du Pacte dans l’élaboration de ses politiques, et à la pérennité de son engagement à l’égard de ce traité.

28.Concernant les droits des minorités, M. Sadi demande si la position de la France à ce sujet a évolué. Il aimerait savoir si la même conception prévaut dans le contexte de la politique d’immigration, qui met l’accent sur la volonté d’intégration des personnes.

29.M. ZHAN loue la qualité du troisième rapport périodique de l’État partie, qui a répondu aux questions du Comité avec précision et de manière suffisamment concise pour que le document puisse être lu intégralement. Il apprécie tout particulièrement que le rapport donne un point de vue objectif sur la situation des droits de l’homme, relevant par exemple la complexité du phénomène des sans-abri et le fait que ce phénomène existe aujourd’hui dans un grand nombre de pays industrialisés.

30.Un complément d’information serait utile sur la situation des droits des femmes, le rapport à l’examen indiquant que 150 femmes meurent chaque année de violences commises au sein du couple. M. Zhan aimerait en savoir davantage sur les raisons de ce phénomène. Il demande si des progrès sont faits dans ce domaine, et comment la situation a évolué depuis 2004‑2005, dernière période pour laquelle des données figurent dans ledit rapport.

La séance est suspendue à 11 h 25; elle est reprise à 11 h 40.

31.M. MATTEI (France) reconnaît que la nouvelle méthodologie suivie pour la présentation du rapport, qui met l’accent sur certains aspects prioritaires, ne permet pas de traiter de manière exhaustive l’ensemble des droits économiques, sociaux et culturels. Il prend note des observations formulées par les membres du Comité à cet égard et souligne la nécessité d’affiner cette méthodologie.

32.Concernant l’aide publique au développement (APD), M. Mattei précise que la France se situe au premier rang des pays du G-8 pour ce qui est du pourcentage du revenu national brut (RNB) consacré à l’APD. Cette aide a légèrement diminué entre 2006 et 2007, mais a augmenté si l’on ne tient pas compte des annulations de dettes. Le Président de la République a réaffirmé l’engagement de porter l’APD à 0,51 % du RNB en 2010 et à 0,7 % en 2015. La France s’est engagée, avec les autres pays membres de l’Union européenne, à affecter 0,15 % du RNB à l’APD destinée aux pays les moins avancés (PMA) et à consacrer la moitié de l’accroissement de l’aide à l’Afrique d’ici 2010‑2015. Dans ce contexte, elle participe aussi activement à la mise en place de sources innovantes de financement du développement qui viennent s’ajouter aux ressources budgétaires.

33.S’agissant de la crise alimentaire mondiale, la France s’est engagée à doubler l’aide alimentaire et collabore avec le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) pour trouver des solutions collectives.

34.Le respect des droits de l’homme est devenu une composante essentielle de toute politique de développement qui est prise en compte en concertation avec les pays concernés mais il n’est pas considéré comme une condition de l’aide.

35.S’agissant de la participation de la société civile à l’élaboration du troisième rapport périodique, M. Mattei précise que la Commission nationale consultative des droits de l’homme répond pleinement aux Principes de Paris et s’acquitte de ses fonctions en toute indépendance. Les organisations non gouvernementales les plus représentatives et les syndicats siègent dans cette commission, qui est consultée par le Gouvernement.

36.M. Mattei assure que le changement de président et de gouvernement n’a pas modifié l’attachement de la France aux droits économiques, sociaux et culturels, comme le montre l’action de son pays au sein du Conseil des droits de l’homme.

37.MmeDIEGO (France) dit que si la Cour de cassation a considéré que certaines dispositions du Pacte n’étaient pas d’application directe, la Chambre sociale de la Cour, par exemple, s’est référée au Pacte dans un arrêt du 15 juin 2000, pour estimer qu’une mesure prise en France était compatible avec les dispositions de cet instrument, ce qui équivaut à une reconnaissance de l’application du Pacte en droit français.

38.M. MATTEI (France) précise que la doctrine française en matière de droits des minorités n’a pas évolué, les droits collectifs des minorités n’étant pas reconnus en tant que tels. Cela n’empêche pas le Gouvernement français d’adopter des politiques ciblées tenant compte des problèmes et des handicaps propres à certaines catégories de la population. Des mesures ont été prises notamment pour favoriser l’accès de jeunes défavorisés aux universités et à la fonction publique.

39.M. Mattei explique que l’encombrement de la Cour européenne n’est pas le principal motif de la non‑ratification du Protocole no 12 à la Convention européenne des droits de l’homme. En effet, les autorités françaises estiment que les droits substantiels consacrés dans la Convention sont suffisamment garantis en l’état actuel.

40.Mme MOURANCHE (France) dit que l’absence de données statistiques est due en partie à la nouvelle méthodologie de présentation du rapport. La délégation s’efforcera de fournir aux membres du Comité toutes les statistiques jugées nécessaires. La France dispose d’un appareil statistique institutionnel très développé qui permet d’élaborer des statistiques selon l’âge, le sexe, l’origine géographique, les revenus et le niveau de qualification, et qui s’appuie sur le recensement de la population et sur des enquêtes exhaustives. Des observatoires comme l’Observatoire national de la pauvreté et l’Observatoire national des zones urbaines sensibles ont également été mis en place pour obtenir des données sur les populations en difficulté. Si la Constitution française ne permet pas d’élaborer des statistiques sur l’origine ethnique ou la race, il existe des données objectives sur l’origine nationale et le pays de naissance qui sont utilisées pour étudier l’intégration des immigrés et des jeunes de la deuxième génération sur le marché du travail. Un observatoire des statistiques de l’immigration et de l’intégration a été créé sous l’égide du Haut Conseil à l’intégration afin, notamment, d’élaborer des outils permettant de mieux évaluer la politique d’intégration. En outre, le nouveau ministère de l’immigration s’est doté d’un outil statistique à part entière sur l’origine nationale et géographique des immigrés.

41.M. NOBLET (France) précise que la loi de lutte contre les exclusions votée en 1998 reposait sur le principe selon lequel l’ensemble de la population devait avoir accès à tous les droits de l’homme. Cette loi a permis de développer les dispositifs qui soutiennent ou subventionnent des emplois non seulement dans le secteur public et associatif mais aussi dans le secteur privé. Diverses instances d’évaluation regrettent néanmoins que l’action entreprise pour lutter contre l’exclusion n’ait pas été plus efficace.

42.Concernant la Convention relative aux droits des personnes handicapées, M. Noblet précise que l’étude des modifications législatives découlant de l’entrée en vigueur de la Convention a déjà été réalisée et que la ratification de cet instrument est prévue.

43.MmeMOURANCHE (France) dit que le chômage des personnes handicapées en capacité de travailler est le double de celui du reste de la population, ce qui révèle une discrimination sur le marché de l’emploi. Elle précise que la Haute Autorité de lutte contre les discriminations est saisie d’un nombre croissant de plaintes pour discrimination à l’embauche. Elle souligne l’existence d’une véritable politique favorisant l’emploi sous la forme d’un quota d’embauche fixé par la loi. Les entreprises qui ne respectent pas ce quota doivent financer un fonds qui aide à la promotion des handicapés. Le Gouvernement réfléchit à une réforme des mécanismes de ce fonds et s’efforce de mobiliser tous les acteurs concernés.

44.M. MOLGO (France) dit que la Haute Autorité de lutte contre les discriminations, créée par la loi du 30 décembre 2004, traite l’ensemble des plaintes déposées pour discrimination et dispose d’un budget propre. Cette instance n’est pas la seule à pouvoir être saisie. Elle reçoit un nombre croissant de réclamations depuis qu’elle a fait l’objet d’une campagne d’information par affichage public et sur la télévision publique. Sa saisine est gratuite et peut se faire selon une procédure écrite ou orale. La Haute Autorité formule des recommandations à l’intention du Gouvernement et des collectivités publiques. Elle joue le rôle de médiateur, procède à des rappels à la loi et peut transmettre des affaires à la justice.

45.M. KURKDIJAN (France) dit que le plan de lutte contre les violences pour 2008‑2010 porte notamment sur les mariages forcés. Il est ainsi prévu d’organiser une campagne de sensibilisation du public et de renforcer le volet juridique de la lutte contre les mariages forcés.

46.Mme DIEGO (France) précise à cet égard que la loi du 4 avril 2006 modifie les dispositions du Code civil en portant de 15 à 18 ans l’âge minimum légal du mariage pour les femmes, l’alignant ainsi sur celui des garçons. La loi étend aussi le délai de recevabilité de la demande en nullité du mariage. Elle admet également qu’un mariage conclu sans consentement puisse être annulé à l’initiative du ministère public en cas de violence physique ou morale. Enfin, le nouvel article 180 du Code civil prévoit comme cause de nullité du mariage la simple crainte révérencielle.

47.Sur le plan pénal, l’article 312-1 du Code pénal a créé l’infraction d’extorsion qui est punie de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende si des violences, des menaces de violences ou une contrainte sont exercées sur une personne pour obtenir d’elle une signature ou un engagement. Enfin, l’article L.623-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers en France réprime le fait de contracter ou d’organiser un mariage aux seules fins d’obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour ou la nationalité française.

48.M. KURKDJIAN (France), dit que le plan de lutte contre les violences présenté par le Gouvernement au titre de la période 2008‑2010 couvre l’ensemble des violences faites aux femmes, en particulier celles exercées au sein du couple, et poursuit le plan établi pour la période 2005‑2007. Les inspections générales de plusieurs ministères mènent actuellement une évaluation des actions entreprises dans le cadre de ce dernier plan et leurs conclusions seront reprises dans le plan 2008‑2010, afin que celui‑ci apporte toutes les réponses nécessaires. Le Gouvernement a souhaité mettre l’accent sur le diagnostic des situations de violence car si leurs raisons précises ne sont pas connues, leur coût économique a été estimé à plus d’un milliard d’euros. Une campagne de communication est prévue très prochainement pour relancer le numéro unique 3919 créé en 2007, qui permet aux femmes victimes de violence de prendre contact avec un service chargé de les écouter et de leur proposer des solutions d’accompagnement.

Articles 6 à 9 du Pacte

49.La VICE-PRÉSIDENTE, s’exprimant en sa qualité de membre du Comité, demande s’il existe un cadre juridique coordonné et transversal permettant à tous les ministères et à tous les programmes sociaux de traiter la question de l’égalité entre hommes et femmes. Elle souhaite également connaître les résultats effectifs de l’application de la loi de 2006 sur l’égalité des salaires, qui n’est pas non plus une loi transversale. Elle voudrait en outre avoir des précisions sur les fonctions, prérogatives et pouvoirs réels de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations − savoir, par exemple, si elle peut imposer des mesures à des entreprises qui pratiquent une discrimination fondée sur le sexe ou l’origine − et sur les résultats concrets que cet organisme a obtenus à ce jour.

50.Mme BRAS GOMES (Rapporteuse pour la France) se félicite que la France ait prévu de joindre à son prochain rapport périodique des statistiques détaillées. En ce qui concerne le chômage structurel, qui reste un des plus élevés de l’Union européenne malgré toutes les mesures qui ont été prises, elle souhaite savoir quels sont les changements effectués dans la politique économique et les nouveaux plans prévus dans ce domaine, étant entendu que les groupes les plus touchés sont les femmes, surreprésentées dans les emplois peu qualifiés et à temps partiel contraint, et les jeunes de moins de 25 ans. Elle souhaite également savoir si le contrat «nouvelles embauches» (CNE) a fait l’objet d’une évaluation et s’il n’a pas tendance à rendre le premier emploi encore plus précaire. Il serait bon d’avoir des précisions sur les minorités ethniques et le chômage, en particulier la population rom qui a des difficultés pour accéder à l’aide sociale et à l’emploi.

51.En ce qui concerne l’article 7 du Pacte, Mme Bras Gomes voudrait connaître la situation de l’emploi informel en France. Tout en se félicitant que le nombre d’accidents du travail mortels ait diminué, elle note que les accidents du travail sont encore fréquents et souhaite savoir quel peut être le rôle de l’inspection du travail dans ce domaine et comment les employeurs peuvent être contraints à respecter dans les faits les normes de sécurité.

52.En ce qui concerne l’article 8 du Pacte, Mme Bras Gomes voudrait connaître les raisons précises pour lesquelles les jeunes de moins de 25 ans n’ont pas droit au revenu minimum d’insertion (RMI), alors que celui‑ci permet de remédier partiellement aux difficultés d’accès aux droits économiques, sociaux et culturels. Elle demande ce qu’il en est des jeunes étrangers depuis l’adoption de la nouvelle loi sur le contrôle de l’immigration, qui a fait passer de trois à cinq ans le délai nécessaire pour pouvoir obtenir une carte de séjour et donc avoir droit au RMI.

53.Pour ce qui est de l’article 9 du Pacte, Mme Bras Gomes voudrait que la délégation précise si les niveaux minima des prestations de sécurité sociale suffisent à compenser la perte de revenus en cas de chômage, de maternité, de maladie ou autre. Il semble que 16 % des récipiendaires du SMIC vivent en dessous du seuil de pauvreté, et il serait bon de savoir si des mesures sont prévues pour améliorer la situation de ces personnes. Dans le cas des femmes chefs de famille monoparentale qui font souvent l’objet de multiples discriminations, Mme Bras Gomes demande si les allocations auxquelles elles ont droit suffisent à les faire sortir de la pauvreté. Enfin, elle souhaite savoir s’il existe un projet de rationalisation des multiples aides versées, si le revenu de solidarité active (RSA) qui est actuellement expérimenté dans plusieurs départements a fait l’objet d’une évaluation et s’il est prévu de généraliser cette mesure qui pourrait peut‑être se substituer à d’autres allocations et rendre plus lisible l’ensemble des minima sociaux.

54.Mme WILSON, relevant que les quotas fixés pour l’embauche de personnes handicapées par les entreprises ne sont pas toujours respectés et que, selon certaines sources, les entreprises préfèrent souvent payer une amende qu’engager des handicapés, demande à la délégation de commenter cet état de fait.

55.Mme Wilson note avec préoccupation que le taux de chômage des jeunes âgés de 18 à 29 ans qui ne sont plus scolarisés atteint 22 %, ce qui crée toutes sortes de problèmes tels qu’un taux de suicide élevé, des violences dans les banlieues, etc. De nombreuses mesures d’aide à l’emploi ayant été prises, elle demande quelles sont les aides offertes aux jeunes dans le cadre du plan emploi‑jeunes adopté en 1997, et en particulier au terme des contrats de cinq ans qui leur sont proposés. Elle souhaite également savoir si le troisième plan pour l’emploi introduit en 2006, qui s’adresse aux chômeurs de très longue durée, a déjà fait l’objet d’une évaluation et s’il se révèle efficace. Pour ce qui est de la loi de programmation de 2005 pour la cohésion sociale, qui est surtout utilisée en matière d’emploi et de logement, elle demande, étant donné que le paragraphe 219 du rapport à l’examen indique qu’il faut améliorer l’application de cette loi, quelles mesures ont été prises à cette fin et si cette loi a permis la création de nouveaux emplois.

56.En ce qui concerne l’égalité salariale entre hommes et femmes, Mme Wilson juge louables les mesures prises à l’occasion de la conférence sociale tripartite sur l’égalité sociale et salariale qui s’est tenue en juillet 2007 en vue de lutter contre les inégalités, mais souligne qu’il serait nécessaire de faire une évaluation régulière de la situation car les écarts salariaux subsistent, et elle souhaite à ce sujet savoir si ces écarts touchent tant le secteur public que le secteur privé. Enfin, elle demande s’il existe une loi pénale réprimant l’exploitation économique des jeunes étrangers.

57.M. KURKDJIAN (France) dit qu’il existe un cadre juridique coordonné et transversal en matière d’égalité entre hommes et femmes et que la France s’emploie actuellement à le renforcer. L’organisme institutionnel national chargé de la mise en œuvre de la politique d’égalité entre hommes et femmes est le Ministère du travail. Au sein du Ministère, cette politique est animée par le Service des droits des femmes et de l’égalité qui a une vocation interministérielle et une fonction de coordination au niveau national. Ce service intervient sur les quatre grands axes de travail suivants: accès des femmes aux responsabilités et parité en politique, égalité professionnelle (qui recouvre l’égalité salariale, l’orientation, la création et la reprise d’entreprises par les femmes), accès aux droits (qui vise également les violences faites aux femmes) et articulation des temps de vie, en particulier entre la vie professionnelle et la vie familiale.

58.Un document de politique transversale, qui est un outil très important annexé à la loi de finances, est en cours d’élaboration. Il devrait être présenté dans le cadre de la préparation de la loi de finances 2009 et débattu par le Parlement. Il fixera les grandes orientations et les principaux objectifs de la politique d’égalité entre hommes et femmes et sera complété par une annexe exposant l’ensemble des actions menées par les différents ministères et par d’autres organisations, notamment les collectivités territoriales, les associations, les organisations syndicales et les entreprises. Il y aura donc un programme d’action coordonné avec des objectifs très précis et des indicateurs permettant de mesurer s’ils ont été atteints.

59.M. MOLGO (France) précise que ce plan prévoit également un contrôle spécifique par l’inspection du travail et qu’à cette fin, une campagne sera menée au second semestre 2008 avec la réalisation de 1 000 contrôles de l’égalité entre hommes et femmes dans les entreprises. Depuis 2005, la négociation sur l’égalité professionnelle se développe également. En 2007, neuf accords de branche spécifiques sur le sujet ont été signés, 24 accords y ont fait référence ainsi que près des deux tiers des conventions collectives signées. La politique de l’État en matière d’extension des accords collectifs consiste à faire une réserve si l’accord de branche ne prévoit pas un plan de résorption des écarts salariaux. Ces accords font l’objet d’un examen de plus en plus poussé. L’État mène donc une véritable politique et un suivi renforcé de l’égalité professionnelle en matière d’égalité salariale mais aussi de temps partiel. Est en outre à l’étude la possibilité de sanctionner financièrement les entreprises qui ne réalisent pas les objectifs fixés en ce qui concerne la réduction des inégalités salariales.

60.M. KURKDJIAN (France) dit que, dans le prolongement de la conférence sur l’égalité professionnelle et salariale, le temps partiel subi va faire l’objet d’une table ronde afin d’analyser très précisément cet élément qui explique une partie des écarts salariaux et de voir quelles actions doivent être menées pour les résorber. Ces écarts salariaux sont estimés à 19 % dans le secteur privé et à 13,8 % dans le secteur public. L’État s’emploiera à réduire cet écart dans le secteur public dès qu’il en connaîtra précisément les raisons.

La séance est levée à 13 h 5.

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