Nations Unies

E/C.12/2010/SR.38

Conseil économique et social

Distr. générale

15 novembre 2010

Original: français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante - cin qu ième session

Compte rendu analytique de la 38 e séanc e

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 5 novembre 2010, à 15 heures

Président: M. Marchán Romero

Sommaire

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques de la Suisse (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques de la Suisse (E/C.12/CHE/2-3); document de base (HRI/CORE/1/Add.29 et Rev.1); liste des points à traiter (E/C.12/CHE/Q/2-3); réponses écrites du Gouvernement suisse à la liste des points à traiter (E/C.12/CHE/Q/2-3/Add.1) (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation suisse reprend place à la table du Comité.

Articles 6 à 9 du Pacte

2.M. Texier, constatant que les statistiques relatives au chômage fournies par l’État partie remontent à 2006, souhaite disposer de données plus récentes ventilées par âge, par sexe et par durée de chômage. Il demande si les révisions successives de la loi sur l’assurance chômage sont en rapport avec la crise économique ou procèdent d’une volonté de réduire les indemnités. Il souhaite également savoir si des mesures spécifiques sont prises pour réduire l’écart de rémunération entre hommes et femmes. Relevant que le montant du salaire minimum n’est pas harmonisé à l’échelle du territoire et varie selon les conventions collectives, il demande s’il est partout suffisant pour assurer au travailleur et à sa famille un niveau de vie décent. Enfin, il s’enquiert de l’état actuel de la législation suisse à propos de la réintégration d’un salarié licencié abusivement pour activités syndicales.

3.M. Martynov se demande, au vu des informations communiquées au paragraphe 110 du rapport à l’examen (reconnaissance du droit au travail dans quatre des 26 cantons de la Confédération seulement, et en tant qu’objectif de politique sociale uniquement), si la Suisse est bien disposée à tenir compte de la recommandation formulée en 1998 par le Comité dans ses observations finales concernant le rapport initial de l’État partie (E/C.12/1998/26, par. 364) et déterminée à faire en sorte que tous les travailleurs jouissent des mêmes droits, sachant que des dispositions juridiques différentes sont en vigueur dans chaque canton. Il demande pour quelles raisons les membres des états-majors de conduite civils des départements et le personnel du Département fédéral des affaires étrangères qui travaille à l’étranger (par. 229, al. a et c, du rapport à l’examen) sont privés du droit de grève. Il souhaite que la délégation fournisse des données postérieures à 2004 concernant les dépenses de sécurité sociale et, se référant au paragraphe 271 du rapport à l’examen, s’enquiert de l’application de la loi sur l’assurance invalidité aux migrants sans domicile officiel ou activité lucrative dans l’État partie.

4.M. Kedzia demande si les mesures exposées aux paragraphes 121 et 122 du rapport à l’examen s’appliquent aussi aux jeunes étrangers − groupe particulièrement exposé au chômage − et s’enquiert des politiques et programmes en place à cet égard. Il souhaite des précisions sur les «personnes titulaires d’une admission provisoire» évoquées au paragraphe 129 du rapport, et notamment savoir si les demandeurs d’asile en attente d’une décision quant à leur statut en font partie, et demande si ces personnes sont prioritaires à égalité avec les Suisses lors de la recherche d’un premier emploi. Déplorant l’absence de statistiques relatives au harcèlement sexuel au travail (par. 189 et 190 du rapport à l’examen), M. Kedzia s’enquiert d’éventuels programmes ou politiques visant spécifiquement le secteur privé d’une part, et le secteur public de l’autre, élaborés et appliqués sur la base des analyses et enquêtes commandées par les autorités à ce sujet. Enfin, au cas où les informations faisant état de licenciement de représentants syndicaux que leur employeur aurait refusé de réintégrer étaient avérées, il demande s’il est prévu de modifier la législation en vigueur dans ce domaine.

5.M me  Bonoan-Dandan, intervenant au nom de Mme Bras Gomes, note que les personnes contre lesquelles un arrêté de renvoi a été prononcé semblent exclues de l’aide et de l’assistance sociales − ultime filet de sécurité sociale − et, rappelant à l’État partie sa responsabilité quant à la réalisation du droit à la sécurité sociale, demande comment il compte s’en acquitter de manière non discriminatoire et s’il envisage d’instaurer des normes minimales, comme pour les prestations de maternité. Rappelant la recommandation formulée par le Comité en 1998 (E/C.12/1998/26, par. 374), elle demande dans quelle mesure la nouvelle loi sur l’assurance maladie y répond, compte tenu en particulier de l’existence d’une cotisation que chacun est tenu de verser indépendamment de ses revenus.

6.Se référant au paragraphe 12 des réponses écrites du Gouvernement suisse à la liste des points à traiter, Mme Bonoan-Dandan s’enquiert des résultats obtenus dans la supervision du système global d’assurance chômage et des faiblesses éventuellement décelées, en ce qui concerne en particulier le chômage de longue durée. Elle demande aussi confirmation de ce que la réforme évoquée au paragraphe 160 des réponses écrites qui doit entrer en vigueur en 2012, rendra impossible toute suspension du paiement des prestations d’assurance maladie. Elle s’enquiert des raisons pour lesquelles les agricultrices ne bénéficient pas de l’allocation de maternité (par. 161 des réponses écrites), et demande si l’État partie envisage de ratifier la Convention no 102 de l’OIT concernant la norme minimum en matière de sécurité sociale.

7.M. Elmiger (Suisse) indique que la quatrième révision de la loi sur l’assurance chômage a été introduite dans le but d’assurer le financement des prestations à long terme et de corriger le déficit structurel annuel de 1 milliard de francs résultant d’hypothèses trop optimistes formulées en 2003 − taux de chômage prévu à 2,5 %, atteignant 3,3 % actuellement − mais que les prestations de base demeurent inchangées. L’approche en matière de droit au travail est que chacun doit avoir la possibilité de gagner sa vie dans des conditions décentes; c’est l’un des buts sociaux reconnus dans la Constitution fédérale. Le salaire minimum n’est pas prévu par la loi: il est fixé par des conventions collectives ayant force obligatoire, établies par les partenaires sociaux eux-mêmes en fonction des besoins propres à leur secteur d’activité, sans intervention de l’État. Cela étant, un paquet de mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne vise à lutter contre le dumping salarial, et les autorités fédérales peuvent instaurer pour l’ensemble du territoire des contrats types de travail dans un certain nombre de branches d’activité (travailleurs domestiques, récemment).

8.La Suisse a bien ratifié la Convention no 98 de l’Organisation internationale du Travail. Si le climat politique n’est pas encore propice à une décision quant à la réintégration des travailleurs licenciés abusivement, le projet de révision partielle du Code des obligations sur les licenciements abusifs ou injustifiés engagé le 1er octobre 2010 prévoit notamment une mesure efficace (augmentation de six à douze mois de la période d’indemnisation pour congé abusif ou injustifié) qui devrait renforcer la protection des représentants syndicaux et éviter toute dissimulation de leur licenciement par des mesures de restructuration de l’entreprise, notamment.

9.La grève est désormais considérée comme licite en vertu de la Constitution suisse, et la jurisprudence du Tribunal fédéral a renforcé l’application de cette disposition. Des interdictions s’appliquent cependant à certaines catégories professionnelles afin de garantir la fourniture des biens et services indispensables. Toutefois, le pays ne connaît ni conflits majeurs ni graves divergences en matière de relations du travail.

10.M. Ledergerber (Suisse) dit que d’après les chiffres de septembre 2010, le taux de chômage est de 3,5 % (3,8 % chez les femmes et à 3,3% chez les hommes). Avec 6,6 % de chômeurs, les étrangers sont plus durement frappés que les Suisses, pour lesquels ce taux est de 2,6 %. Ventilé par classe d’âge, le taux de chômage est de 4,3 % pour les 15-24 ans, 3,5 % pour les 25-49 ans et 3,2 % pour les 50 ans et plus.

11.Indépendamment de la conjoncture économique, le chômage est toujours supérieur chez les jeunes adultes étrangers, qui ont plus de mal à trouver des places d’apprentissage que leurs collègues suisses, (8,1 % en 2009 pour cette catégorie contre 4,8 % pour les Suisses de la même tranche d’âge).

12.M me Lempen (Suisse) explique que, selon l’article 4 de la Loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes, le harcèlement sexuel est une forme de discrimination fondée sur l’appartenance sexuelle. Après celle qui porte sur les salaires, il s’agit de la deuxième forme de discrimination sur le lieu de travail la plus fréquemment invoquée devant les tribunaux. L’article 10 de la loi prévoit la possibilité pour les personnes qui saisissent les tribunaux d’être réintégrées dans l’entreprise, mais vu qu’elles souhaitent rarement le faire, la prévention est préférable. À la suite de l’étude sur le harcèlement sexuel réalisée en 2008 par le Bureau fédéral de l’égalité et le Secrétariat d’État à l’économie, un site Internet a été créé. Proposant de la documentation et du matériel de prévention, il offre aux employeurs privés et publics des conseils pratiques sur la façon d’intervenir dans des cas concrets ainsi que des formations à l’intention des différents acteurs. Le Bureau fédéral de l’égalité a également financé la création d’un site Internet qui répond aux questions des personnes directement concernées par ce problème.

13.Sur la base d’une enquête relative à la structure des salaires en 2008, l’Office fédéral de la statistique vient de publier des chiffres sur l’écart salarial entre les sexes, d’où ressort une légère augmentation, depuis 2006, de la différence entre les salaires médians dans le secteur privé, qui diminuait pourtant depuis quelques années. Il faudra attendre les résultats de l’enquête de 2010 pour savoir si cette tendance se confirme et si des mesures s’imposent. Le Bureau fédéral de l’égalité dispose de plusieurs moyens d’action. Il est notamment habilité à contrôler le respect de l’égalité salariale dans le cadre des marchés publics de la Confédération. Il peut également mettre à la disposition des entreprises son logiciel d’autocontrôle volontaire gratuit appelé Logib. En mars 2009, un Dialogue sur l’égalité des salaires a été entamé par les organisations patronales et syndicales, l’Office fédéral de la justice, le Secrétariat d’État à l’économie et le Bureau fédéral de l’égalité en vue d’inciter le plus grand nombre possible d’entreprises à se livrer à un examen volontaire de leur politique salariale et à mettre fin aux éventuels écarts de rémunération. L’administration fédérale, qui a déjà effectué des contrôles dans certains de ses services avec le logiciel Logib, étudie actuellement la possibilité d’adhérer à ce dialogue.

14.M me Durrer (Suisse) indique que les cantons de Vaud, de Genève et de Berne travaillent à l’adoption d’une procédure de contrôle de l’égalité des salaires dans le cadre des marchés publics qui aille au-delà de la simple déclaration sur l’honneur, actuellement en usage.

15.M me Mascetta (Suisse) explique que les régimes de l’assurance invalidité et de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) de base sont des régimes universels, c’est-à-dire qu’ils s’appliquent à tous les résidents domiciliés ou exerçant une activité lucrative en Suisse. La sécurité sociale au sens strict relève de la compétence de l’État fédéral. Depuis la récente adoption de la Loi fédérale sur les allocations familiales qui a harmonisé un certain nombre de normes minimales, notamment le montant de l’allocation, le régime des allocations familiales, qui relevait des cantons, est aujourd’hui largement réglementé au niveau fédéral. Souvent la gestion des assurances est décentralisée, mais le travail de surveillance dépend des offices fédéraux. L’aide sociale, par contre, qui est le deuxième niveau de protection sociale, relève de la compétence des cantons qui parfois en délèguent la gestion aux communes. Il existe un autre organisme important pour la politique sociale suisse: la Conférence suisse des institutions d’action sociale, association professionnelle composée de représentants des communes, des cantons, de la Confédération et même d’organismes d’aide sociale privés, qui publie des normes assurant une certaine harmonisation de l’aide sociale en Suisse. Pour renforcer la collaboration et la coordination entre les différents niveaux de l’administration, un Dialogue national sur la politique sociale suisse − plate-forme permanente d’échange et de rencontre entre les autorités chargées de la politique sociale aux niveaux fédéral, cantonal et communal − a vu le jour en juin 2008 grâce à une convention conclue entre la Confédération et la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales.

16.Il est inexact de dire que les migrants en situation irrégulière ne bénéficient d’aucune protection sociale, car l’affiliation aux assurances sociales ne dépend pas vraiment du statut légal. Toute personne remplissant les conditions fixées pour l’assurance sociale concernée est assurée. L’assurance maladie, par exemple, est obligatoire pour toute personne vivant en Suisse, y compris donc pour les migrants en situation irrégulière, qui bénéficient également des prestations de maternité et de l’AVS de base. La seule exception est l’assurance chômage pour laquelle il faut être titulaire d’un permis d’établissement. Toute personne qui ne serait pas couverte par la sécurité sociale peut invoquer l’article 12 de la Constitution fédérale qui énonce le droit fondamental et justiciable d’obtenir de l’aide dans des situations de détresse.

17.La Conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales, qui a toujours milité pour une loi-cadre fédérale fixant un minimum d’existence, a créé un groupe de travail chargé de formuler des propositions très concrètes à l’intention du Conseil fédéral qui, pour des raisons de compétences, n’est pas très favorable à une telle loi.

18.En Suisse, une femme qui travaille dans l’exploitation agricole familiale sans toucher de salaire n’est pas considérée comme exerçant une activité lucrative et n’a donc pas droit à l’allocation de maternité. Si, par contre, elle a fait un apport à l’exploitation, elle peut être considérée comme indépendante et toucher cette allocation versée à toute femme salariée ou indépendante.

19.La Suisse a ratifié les Conventions de l’OIT no 102 concernant la sécurité sociale (norme minimum) et no 128 concernant les prestations d’invalidité, de vieillesse et de survivants, qui fixe des normes supérieures. Elle a également ratifié le Code européen de sécurité sociale.

20.M me Ricka (Suisse) explique qu’en vertu de la Constitution fédérale, la Confédération et les cantons veillent à ce que toute personne se trouvant sur le territoire bénéficie des soins nécessaires à sa santé. Ils s’appuient pour cela sur deux piliers: la loi fédérale sur l’assurance maladie, qui oblige toute personne domiciliée en Suisse légalement ou non à conclure une assurance maladie, et l’obligation qui est faite aux cantons de financer les hôpitaux publics selon une clef de répartition qui place la moitié des montants à leur charge et la moitié à la charge des assureurs. L’État fédéral subventionne le volume global des primes des assurés les moins aisés à hauteur de 7,5 %. Ces fonds sont répartis entre les cantons selon le nombre d’assurés; les cantons réglementent le droit aux subventions et accordent aussi généralement des subventions équivalentes à la subvention fédérale. Le système de santé est donc financé par le paiement des primes d’assurance maladie et par l’État fédéral et cantonal.

21.M. Sadi souhaiterait connaître les critères déterminant l’âge du départ à la retraite.

22.M. Texier demande si les conventions collectives fixent le salaire minimum pour chacune des branches de l’activité économique sans exception, et ce qu’il advient si tel n’est pas le cas.

23.M. Martynov voudrait savoir si, en matière de chômage, il existe de grandes disparités entre régions. Il souhaite en outre que l’État partie mette à jour les chiffres du tableau 15 sur les dépenses des assurances sociales (p. 77 du rapport de l’État partie).

24.Le Président, s’exprimant en sa qualité de membre du Comité, souhaiterait des précisions sur la situation des migrants en situation irrégulière ou sans papiers au regard de l’assurance maladie, dont il a été dit qu’elle doit couvrir toutes les personnes résidant en Suisse mais dont il a cru comprendre que les sans-papiers étaient exclus. Quelles sont les conditions d’admission et d’exclusion? Existe-t-il vraiment trois catégories de résidents − résidents en situation régulière, résidents en situation irrégulière et résidents sans papiers?

25.M. Ledergerber (Suisse) donne les chiffres du chômage par région en septembre 2010 − Suisse alémanique: 3 %; Suisse romande et Tessin: 5,1 %.

26.M me Mascetta (Suisse) indique que lorsque la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants est entrée en vigueur après la guerre, l’âge du départ à la retraite a été fixé à 65 ans pour les hommes comme pour les femmes. Il a ensuite été abaissé pour ces dernières à 62 ans parce qu’il a été estimé qu’elles étaient dans une situation moins favorable que les hommes sur le marché de l’emploi du fait, notamment, de leurs tâches de mère de famille et, le cas échéant, d’employée. Avec la dixième révision de la loi sur l’assurance-vieillesse et survivants en 1997, l’âge du départ à la retraite des femmes a été relevé progressivement et s’établit aujourd’hui à 64 ans. Après six ans de débats, la onzième révision de la loi qui devait aboutir à l’égalité des hommes et des femmes en la matière vient d’être rejetée, ayant achoppé précisément sur cette question.

27.M. Elmiger (Suisse) indique que s’il n’y a pas de salaire minimum, fixé à l’échelle nationale, de nombreuses professions sont réglementées par des conventions collectives qui ont force obligatoire sur l’ensemble du territoire. La même grille salariale s’applique ainsi à tous les employés d’un même secteur d’activité comme l’hôtellerie et la restauration ou encore le travail domestique, ce qui permet entre autres d’éviter le dumping salarial.

28.La protection de la maternité fait l’objet d’une initiative parlementaire présentée en 2007 par Mme Maury Pasquier, Conseillère nationale du canton de Genève, qui a demandé que la Suisse ratifie la Convention no 183 de l’OIT y relative. Les deux commissions parlementaires ont donné leur accord et procèdent actuellement à la rédaction des actes correspondants.

Articles 10 à 12 du Pacte

29.M me  Barahona Riera demande si le Gouvernement suisse envisage de modifier la législation pénale pour y inscrire l’infraction de violence familiale, et notamment les actes de violence sexuelle subis par les femmes au sein du couple. Elle aimerait aussi avoir des statistiques relatives aux affaires de violence familiale portées devant les tribunaux et aux peines prononcées. La délégation suisse pourrait indiquer si l’État partie envisage d’interdire les châtiments corporels et de pénaliser les violences sexuelles faites aux enfants, et décrire les campagnes menées au niveau fédéral contre de tels actes.

30.Il serait par ailleurs intéressant de connaître l’ampleur du phénomène des mariages forcés, et notamment de savoir quel groupe de la population et quels cantons sont les plus touchés par cette pratique néfaste.

31.Le Comité apprécierait également un complément d’information sur les modalités de placement d’un mineur retiré à ses parents pour raisons économiques et ce qui est fait pour réduire au minimum la durée d’un tel placement.

32.Des renseignements complémentaires sur la législation applicable à l’interruption volontaire de grossesse seraient utiles, tout comme des données statistiques relatives aux interventions de ce type pratiquées chaque année, ventilées par tranche d’âge et incluant les adolescentes. La délégation suisse pourrait en outre fournir des informations sur les services de santé génésique offerts à la population et détailler les programmes d’information ou de sensibilisation mis en œuvre dans les écoles.

33.Mme Barahona Riera demande enfin ce qu’il en est des femmes étrangères victimes de violences conjugales dont la résidence en Suisse dépend du permis de séjour de leur mari, et qui d’après de nombreuses ONG présentes dans le pays hésiteraient à porter plainte de peur de perdre leur statut de résidente si elles divorcent.

34.M. Atangana demande si le Gouvernement suisse entend modifier les conditions du séjour en Suisse du conjoint d’un étranger titulaire d’un permis de séjour en cas de dissolution du mariage, et notamment supprimer le critère qui oblige à prouver que la réintégration sociale dans le pays d’origine semble fortement compromise.

35.M. Atangana apprécierait des statistiques relatives aux condamnations prononcées dans les affaires de violence familiale et aux actes de violence contre des enfants.

36.M. Sadi, s’étonnant du nombre élevé de mariages forcés dans l’État partie (17 000 par an), voudrait savoir quelles mesures le Gouvernement suisse a mises en œuvre pour y remédier. Il voudrait savoir ce que signifie la phrase figurant au paragraphe 350 du rapport à l’examen, qui se lit comme suit: «Il reste à vérifier dans quelle mesure les mariages forcés conclus hors de Suisse et impliquant deux conjoints étrangers tombent sous le coup du droit pénal suisse.».

37.La délégation suisse pourrait par ailleurs indiquer le taux actuel de pauvreté dans le pays, et dire si l’État partie envisage des campagnes de lutte contre le tabagisme ciblant les jeunes, les raisons pour lesquelles le taux de suicide des jeunes de 15 ans à 24 ans est si élevé et pourquoi les hommes sont proportionnellement beaucoup plus nombreux que les femmes à être touchés par le VIH/sida, le cancer et les maladies cardiovasculaires.

38.M. Martynov demande si la Suisse envisage d’aligner sa législation relative à la détention des mineurs de 15 à 18 ans − détention qui peut actuellement durer jusqu’à douze mois − sur les normes internationales en vigueur, qui ne prévoient cette possibilité qu’en dernier ressort et pour la durée la plus courte possible. À cet égard, il souhaiterait savoir quelle est la nature des réserves formulées par l’État partie lors de son adhésion à la Convention relative aux droits de l’enfant.

39.La délégation suisse pourrait indiquer dans quels délais elle entend ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées et si les entreprises privées cantonales et fédérales sont légalement tenues d’embaucher un certain quota de handicapés. Elle pourrait également communiquer le nombre de places de crèche dans l’État partie, sachant combien ces structures sont indispensables pour que les familles monoparentales et celles disposant d’un faible revenu puissent se réinsérer dans le monde du travail. Enfin, la délégation pourrait indiquer si les lois fédérales et cantonales prévoient l’internement psychiatrique d’office.

40.M. Kedzia constate avec satisfaction que, d’après l’Office fédéral de la statistique, le nombre des travailleurs pauvres a baissé d’un point de pourcentage entre 2007 et 2008, mais s’inquiète de ce que la situation de ces personnes notamment celles qui élèvent seules leur enfant, qui ont trois enfants ou plus ou qui ont un contrat à durée déterminée ou un faible niveau d’instruction ne s’est pas améliorée. Il aimerait connaître en détail les mesures prises pour venir en aide à ces groupes particulièrement vulnérables, et savoir dans quelle mesure la pauvreté dont ils sont victimes entrave leur accès aux services sociaux, et notamment à l’assurance maladie. La délégation suisse pourrait aussi préciser si les demandeurs d’asile déboutés ont accès aux services sociaux.

41.M me  Bonoan-Dandan demande à la délégation de commenter les informations communiquées par diverses ONG faisant état de trois à cinq suicides par jour en moyenne. Elle souhaiterait aussi savoir s’il existe des statistiques officielles à ce sujet et si une enquête est envisagée.

42.Il serait bon de savoir si l’État partie a ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, s’il dispose de données relatives à la traite et s’il prend des mesures pour la combattre. Enfin, est-il vrai que les demandeurs d’asile sont placés dans des abris antiatomiques en attendant que leur demande soit examinée?

43.M me  Lempen (Suisse) dit qu’il n’existe pas de loi fédérale relative à la violence familiale mais que plusieurs cantons, comme ceux de Neuchâtel et de Genève, se sont dotés d’une loi spécifique. Le canton de Vaud avait également envisagé d’adopter un tel instrument mais il avait semblé aux législateurs que des dispositions intégrées dans différents codes seraient plus souvent appliquées et mieux connues.

44.M me  Durrer (Suisse) dit que, depuis 2004, le Code pénal prévoit des poursuites d’office en cas de violence familiale (y compris en l’absence de plainte), qui peuvent toutefois être interrompues à la demande de la victime. Le harcèlement et les menaces sont punis en outre par le Code civil. Il est par ailleurs envisagé de mettre en place un service national d’assistance téléphonique destiné aux victimes comme aux auteurs de violence familiale.

45.M me  Lempen (Suisse) ajoute qu’une étude sur le coût économique de la violence familiale est également prévue. Le groupe de travail interdépartemental chargé de la violence familiale au sein de l’administration fédérale remettra, à la fin de l’année 2011, un rapport sur la mise en œuvre des mesures prises. Le suivi des enquêtes et des procédures judiciaires sera bientôt possible grâce aux chiffres dont dispose l’Office fédéral de la statistique depuis 2009 concernant les cas enregistrés par la police.

46.M me  Durrer (Suisse), répondant à la question de M. Martynov concernant l’accueil de jour des enfants dans le canton de Vaud, indique qu’une loi a été adoptée afin de combler le retard dans ce domaine. Elle fait des émules parmi les autres cantons et conduira peut-être, à terme, à une loi fédérale équivalente. Actuellement, le nombre de places disponibles (24 pour 100 enfants de 0 à 4 ans en accueil préscolaire et 15 pour 100 enfants de 0 à 12 ans en accueil parascolaire) est insuffisant, étant entendu qu’il est difficile d’évaluer les besoins avec précision et que ceux-ci ne sont pas les mêmes dans les zones rurales et dans les zones urbaines.

47.M. Ledergerber (Suisse) précise que les statistiques relatives à la pauvreté figurant dans les réponses écrites du Gouvernement suisse à la liste des points à traiter sont les plus récentes disponibles. Afin de permettre la comparaison avec les pays voisins et les États membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, la Suisse publiera pour la première fois en décembre 2010 des statistiques fondées sur la méthode d’enquête de l’Union européenne sur le revenu et les conditions de vie. Quant au pourcentage de travailleurs pauvres, s’il est globalement passé de 4,8 % en 2007 à 3,8 % en 2008, il reste élevé chez les familles monoparentales et celles de trois enfants ou plus (environ 10 %) et varie selon le niveau d’instruction et le statut (salarié ou non).

48.M me Mascetta  (Suisse) dit que la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté se veut un outil pragmatique qui, malgré ses possibles lacunes et l’absence d’objectifs mesurables, vise à formuler des recommandations aux niveaux fédéral et cantonal sans pour autant modifier les compétences fixées par la Constitution. La stratégie a été élaborée en consultation avec tous les acteurs concernés et en tenant compte des attentes des personnes visées, à savoir non seulement l’adoption de mesures financières en leur faveur mais leur reconnaissance en tant que membres à part entière de la société.

49.La stratégie comporte six volets thématiques: les enfants, en particulier l’accueil extrafamilial; la transition de l’école à la formation puis à l’emploi; la famille; le chômage de longue durée; les personnes âgées; et les effets de seuil liés aux prestations sous condition de ressources. La situation des étrangers est examinée au titre de ces différents volets. Les trois objectifs de la stratégie sont la prévention de la pauvreté, l’accès à l’indépendance financière et l’optimisation du système de protection et de prestations sociales. Une conférence sur la pauvreté aura lieu le 9 novembre afin de présenter la stratégie au public, d’en débattre et de faire avancer sa mise en œuvre. Ce sera également l’occasion de recueillir le point de vue des cantons et des personnes touchées par la pauvreté et d’aborder des questions telles que la collaboration entre les différentes institutions sociales et les prestations complémentaires versées aux familles.

50.Concernant le projet de prestations complémentaires sous condition de ressources versées aux familles, entrepris dix ans auparavant déjà, la commission parlementaire compétente a demandé à l’administration fédérale d’élaborer un projet plus limité ciblant les familles de travailleurs pauvres. L’avis des cantons sera sollicité en janvier 2011. Par ailleurs, en juin 2010, la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales a adopté des recommandations concernant les normes minimales applicables aux prestations complémentaires, sur le modèle du canton du Tessin. Cette question est également abordée dans le cadre du Dialogue national sur la politique sociale suisse.

51.Une nouvelle loi fédérale sur les allocations familiales, adoptée en 2008 et entrée en vigueur en 2009, fixe le niveau minimum des allocations, qui doivent être versées à tous les salariés quel que soit leur niveau d’activité ainsi qu’aux personnes sans activité lucrative, en deçà d’un certain seuil de ressources. Une initiative parlementaire visant à étendre le champ d’application de cette loi aux travailleurs indépendants est en cours d’examen.

52.Mme Mascetta précise que le Programme national pour la protection de l’enfant élaboré en 2009 par la Fondation suisse pour la protection de l’enfant dans le cadre de l’Association PPP (pour partenariats public-privé) a été vivement critiqué par les cantons, non pas sur le fond mais en raison des responsabilités accordées à des organismes privés. Il n’a donc pas pu être mis en œuvre en juillet 2010 comme prévu. De nouveaux travaux seront menés sur la question dans le cadre d’une intervention parlementaire relative à la protection des enfants contre la violence familiale. Un rapport est attendu à l’automne 2011 et l’Association PPP est actuellement chargée de réaliser des études internationales sur les meilleures pratiques dans le domaine.

53.M me Steiger Leuba  (Suisse) rappelle le cadre juridique de la protection des enfants contre la violence, décrit aux paragraphes 181 à 183 des réponses du Gouvernement suisse à la liste des points à traiter, et indique qu’une initiative parlementaire intitulée «Mieux protéger les enfants contre la maltraitance» a été rejetée en 2008, la Commission des affaires juridiques et le Conseil national ayant estimé que l’arsenal législatif existant était suffisant. Le problème résiderait plutôt dans l’application des lois en vigueur.

54.Pour ce qui est des sévices sexuels contre des enfants, la Suisse a signé la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels le 16 juin 2010. Le Code pénal suisse n’étant pas entièrement conforme à la Convention, notamment en ce qui concerne la protection des mineurs de 16 à 18 ans, un certain nombre de modifications législatives seront nécessaires pour que la Suisse puisse la ratifier. La procédure de consultation préalable devrait s’achever d’ici à la mi-2012.

55.M. Spenlé (Suisse) indique que la Suisse envisage régulièrement de retirer ses dernières réserves à la Convention relative aux droits de l’enfant, qui concernent les articles 10.1, 37 c) et 40. L’entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale en 2011 sera l’occasion de se pencher de nouveau sur ces deux dernières réserves.

56.Le Département fédéral des affaires étrangères prépare la procédure officielle de consultation des cantons et de la société civile en vue de la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. La ratification d’un instrument international n’a de sens que si la Suisse est en mesure d’en respecter les dispositions, ce qui suppose la formulation éventuelle de réserves. D’après une analyse approfondie de la Convention par l’Université de Berne, la législation suisse n’est pas encore pleinement compatible avec cet instrument dans les domaines de l’éducation et de l’emploi. Toutefois, compte tenu du caractère déclaratoire de la Convention et de la mise en œuvre progressive qui en est attendue, il ne semble pas y avoir d’obstacle majeur à sa ratification par la Suisse, sans doute en 2012.

La séance est levée à 18 heures.