Nations Unies

E/C.12/2010/SR.35

Conseil économique et social

Distr. générale

5 juin 2012

Français

Original: anglais

Com ité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante-cinquième s ession

Compte rendu analytique de la 35 e séance

Tenue au Palais Wilson à Genève, le mardi 4 novembre 2010, à 10 heures

Président:M. Marchán Romero

Sommaire

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

T roisième rapport périodique de la République dominicaine (suite)

L a séance est ouverte à 10 h 5 .

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Troisième rapport périodique de la République dominicaine ( suite ) (E/C.12/DOM/3; E/C.12/DOM/Q/3 et Add.1)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation dominicaine prend place à la table du Comité.

Articles 1er à 5 du Pacte (suite )

2.M.  Puig (République dominicaine), soulignant que la République dominicaine ne viole pas les droits de l’homme, dit que les travailleurs étrangers, quelle que soit leur nationalité, viennent volontairement dans le pays et peuvent le quitter à tout moment. La libre circulation des personnes est garantie; nul n’est tenu de résider dans un lieu spécifique. Les salaires sont fixés aux termes d’un accord entre employeurs et travailleurs, conformément à la législation pertinente et sans distinction fondée sur la race ou la nationalité; le droit à la liberté d’association est également garanti. Tous les travailleurs jouissent des mêmes droits du travail et ils peuvent porter plainte pour violation de ces droits auprès du Ministère du travail. Le service d’aide juridique du ministère leur offre une aide juridique gratuite, y compris à ceux qui se trouvent en situation irrégulière. Travailleurs nationaux et étrangers jouissent d’un accès égal aux tribunaux. Lors d’un récent procès intenté par 500 travailleurs temporaires, la plupart d’origine haïtienne, pour défendre leurs droits du travail, notamment le droit d’exiger un contrat écrit, le tribunal a statué en leur faveur. Tous les travailleurs peuvent librement demander une aide auprès des organisations non gouvernementales ou autres organisations, sans crainte de sanction, et ils peuvent sans entrave se déplacer dans le pays et changer d’activité économique. Bien que leur situation économique diffère, il n’y a aucune ségrégation entre travailleurs étrangers et travailleurs dominicains.

3.L’industrie sucrière emploie la majorité des travailleurs étrangers résidant dans le pays mais peu de travailleurs étrangers temporaires. Alors que des progrès technologiques ont été réalisés et que des secteurs tels le tourisme et les zones franches industrielles pour l’exportation se sont développés, l’industrie sucrière a été réduite à quelque 10% de sa taille antérieure et elle emploie à présent environ 10 000 personnes. Grâce à des initiatives publiques et privées, des améliorations notables ont été apportées aux conditions de vie dans les communautés de l’industrie sucrière, ou bateyes ; nombre d’entre elles ne sont plus de simples campements mais des petites communautés urbaines dotées d’une large gamme de services.

4.Seuls les ressortissants dominicains et les détenteurs d’un permis de séjour sont légalement habilités à bénéficier de la couverture sociale; toutefois, un système spécial a été instauré pour les travailleurs temporaires dont beaucoup ne sont pas des résidents légaux. Des efforts sont faits pour régulariser leur situation et renforcer les bases juridiques nécessaires à leur accès aux prestations de sécurité sociale. Les ONG s’emploient à améliorer les conditions de vie dans les régions actuelles et anciennes de production du sucre, avec un financement prévu à cette fin dans le cadre de programmes de coopération multilatérale et bilatérale.

5.Le Gouvernement adopte des mesures à long terme pour réduire la pauvreté. La législation promulguée en 2006 prévoit un système d’investissement public et stipule que toutes les politiques d’investissement et de planification doivent être fondées sur des consultations publiques. Des consultations étendues avec l’ensemble des secteurs sociaux sont actuellement en cours en vue d’élaborer une stratégie nationale de développement pour les 20 prochaines années qui devrait être approuvée par le Parlement dans un proche avenir. Cette stratégie inclut des plans pour accroître la production et la productivité, tout en préservant les droits économiques, sociaux et culturels. Le Gouvernement souhaite qu’elle contribue à la prospérité globale et aide à traduire dans la réalité la législation relative à ces droits. Des sommes importantes ont été versées au titre de l’aide au développement par des organisations bilatérales et par l’Union européenne; de plus amples détails pourront être communiqués par écrit.

6.M.  Rosario Marqués (République dominicaine) dit que bien qu’il n’y ait pas de corruption institutionnalisée en République dominicaine, des mesures ont cependant été adoptées au cours des 10 dernières années, avec la participation de la société civile, pour limiter la corruption et améliorer la transparence. Aux termes de la législation relative au libre accès à l’information publique, dont l’application est contrôlée par un mécanisme spécifique impliquant la participation de la société civile, tout ressortissant dominicain ou étranger peut, via l’Internet, avoir accès à l’information concernant les politiques administratives et la mise en œuvre du budget. Une loi relative aux marchés publics de biens et de services a également été promulguée; elle prévoit des appels d’offres équitables et une meilleure transparence. La Constitution adoptée en janvier 2010 inclut également des dispositions concernant la transparence dans l’acquisition publique de biens et de services.

7.De nombreux procès ont été intentés contre des fonctionnaires pour faute et corruption; quelques-uns se sont traduits par des peines d’emprisonnement de 5 à 10 ans. Des efforts sont déployés pour rechercher les cas de complicité de trafic de stupéfiants, en particulier chez les responsables de haut niveau et pour poursuivre les délinquants. Une peine de détention a déjà été prononcée à l’encontre d’un haut responsable. Les peines de 5 à 10 ans infligées à divers cadres bancaires pour faute administrative ont contribué à assainir le secteur financier. Il n’y a pas de politique d’impunité; la corruption est traitée grâce à des mesures préventives et à des poursuites pénales.

8.Pour améliorer l’accès des personnes handicapées aux emplois du secteur public, des formations sont assurées dans quatre centres technologiques spécialement équipés, gérés par le Ministère du travail et l’Institut national de la formation technique et professionnelle. Quelque 230 personnes en ont jusqu’ici bénéficié. Grâce au Conseil national sur les questions de handicap, des politiques d’égalité des chances sont élaborées et mises en œuvre et les services publics doivent rendre leurs locaux accessibles aux personnes handicapées.

9.M.  Sadi souhaite avoir une liste des cas contenant des détails spécifiques sur les personnes poursuivies pour corruption, les charges portées contre elles et l’issue des procédures engagées. Il demande des données similaires à propos des délits de traite des personnes. S’agissant des travailleurs étrangers, migrants et sans-papier, il demande si ceux-ci sont couverts par l’Accord de libre-échange République dominicaine – Amérique centrale – États-Unis.

10.M me Barahona Riera souhaite obtenir des informations sur le budget alloué au Ministère des affaires féminines et aux programmes relatifs aux droits des femmes et à l’égalité entre les sexes. Elle s’enquiert de la législation de l’État partie en matière de harcèlement sexuel et demande quelle est la situation dans la pratique, avec des exemples de cas spécifiques.

11.M.  Puig (République dominicaine) dit que la crise bancaire de 2003, qui a coûté au pays 25% de son produit intérieur brut, a été déclenchée par les actes frauduleux des responsables des quatre principales banques dominicaines; tous ont été condamnés et sont à présent en prison. D’autres cas de corruption font l’objet de poursuites judiciaires. S’agissant des questions de trafic, la délégation soumettra des détails écrits sur les procès engagés et les condamnations prononcées. Des services spécifiques consacrés à la poursuite de ce type de délits ont été créés en 2005, au sein du Bureau du Procureur général.

12.À l’instigation des syndicats américains, l’Accord de libre-échange République dominicaine – Amérique latine – États-Unis contient des dispositions visant à protéger les droits des travailleurs et à éviter le dumping social dans les États signataires où la main-d’œuvre est meilleur marché. Entre autres mesures, cet accord prévoit la vérification semestrielle systématique des conditions de travail dans tous les pays signataires, effectuée par une mission du Bureau international du travail. Les conditions de travail de tous les salariés, notamment des ressortissants étrangers, sont examinées et la République dominicaine essaie de faire en sorte que chaque inspection soit suivie de progrès. Les indicateurs relatifs aux conditions de travail des travailleurs étrangers au cours des dernières années pourront être communiqués par écrit.

13.Le Ministère des affaires féminines, conformément à sa mission intersectorielle, coopère avec tous les autres ministères et il a signé des accords spécifiques avec plusieurs d’entre eux. Tous ont des services consacrés à intégrer une perspective d’égalité entre les sexes à leurs activités. Suite à la récente crise financière, le projet de budget pour 2011, actuellement devant le Parlement, contient une augmentation significative des crédits uniquement en faveur des Ministères de la santé et de l’éducation; les allocations allouées au Ministère des affaires féminines et à la plupart des autres ministères resteront identiques à celles de 2010. Les initiatives adoptées par les divers ministères sont favorables aux femmes.

14.Une liste des personnes licenciées du service public pour cause de harcèlement sexuel pourra être communiquée par écrit. Le Ministère de l’administration publique prend très au sérieux la question du harcèlement sexuel dans le secteur public et il s’emploie, pour le prévenir, à renforcer le cadre législatif et institutionnel. Dans le secteur privé, les plaintes pour harcèlement sexuel sont déposées auprès du Ministère du travail. Il importe d’avoir conscience du fait que ce type de harcèlement est souvent déguisé. Une formation dispensée aux inspecteurs du travail par le Ministère des affaires féminines traite de la manière d’identifier le harcèlement sexuel caché.

Articles 6 à 9 du Pacte

15.M.  Kedzia se dit préoccupé par les niveaux élevés du chômage qui semble affecter les femmes de manière disproportionnée; il souhaite donc savoir dans quelle mesure les politiques du travail sont conçues pour traiter ce problème. Il demande des précisions sur les normes légales appliquées aux travailleurs dans le secteur informel. Existe-t-il une stratégie globale pour réduire le travail informel? Quelles sont les mesures adoptées pour régler la question de l’afflux continu de travailleurs migrants sans papier? Bien que l’emploi de mineurs de moins de 14 ans soit illégal, 14,5% des enfants âgés de 5 à 14 ans travaillent dans l’agriculture, l’industrie et le secteur des services. Malgré les efforts louables accomplis pour réduire le nombre de mineurs âgés de 10 à 17 ans qui travaillent illégalement et pour les aider à retourner à l’école, de nombreux enfants sont employés dans le secteur privé, lequel sur le plan réglementaire semble largement hors d’atteinte. M. Kedzia demande si les mesures entreprises pour limiter le travail des enfants dans ce secteur ont été probantes. Il souhaite également connaître les résultats obtenus par les programmes visant à prévenir l’exploitation sexuelle commerciale des mineurs. Il demande en outre quelles sont les mesures adoptées pour examiner la fréquence des adoptions d’enfants haïtiens pauvres par les familles dominicaines.

16.Le Comité a appris que le salaire minimum ne suffisait pas à assurer un niveau de vie décent aux travailleurs et à leurs familles qui, dans certains secteurs, tel celui de l’industrie sucrière, sont dans une situation financière particulièrement précaire et il souhaite savoir ce qui est fait pour résoudre ce problème. Nombre des travailleurs dans ce secteur sont des Haïtiens sans papier, particulièrement vulnérables à la discrimination multiple. M. Kedzia demande à la délégation de formuler des observations sur les mesures propres à améliorer les services en matière d’éducation, de soins de santé et d’assainissement, pour les personnes qui vivent dans les bateyes. Bien que le recrutement d’inspecteurs du travail soit louable, il s’enquiert des résultats de leurs inspections, du nombre de cas de violations des normes de travail constatés, de la manière dont ces cas ont été suivis et des réparations accordées aux victimes. Le Comité a appris le faible nombre d’inspecteurs du travail et l’insuffisance des inspections effectuées. M. Kedzia demande s’il en est réellement ainsi et, dans l’affirmative, quelles sont les mesures adoptées pour corriger la situation.

17.Bien que le cadre juridique relatif aux libertés et aux droits syndicaux soit en place, les groupes vulnérables, tels les travailleurs haïtiens, souffrent souvent d’une discrimination réelle en termes d’accès aux syndicats. Les travailleurs migrants sans papier craignent d’adhérer aux syndicats. Les droits syndicaux sont souvent violés dans le secteur privé et des listes noires de syndicalistes circulent. Ces violations seraient plus fréquentes dans les zones franches où seuls 15% des travailleurs appartiennent à un syndicat. M. Kedzia demande quelles sont les mesures adoptées à cet égard.

18.M me Bras Gomes se dit préoccupée par l’écart existant entre les rémunérations des hommes et celles des femmes, écart qui augmente avec le degré de qualification professionnelle. Elle souhaite savoir comment le Gouvernement envisage de le réduire, compte tenu notamment du nombre croissant de femmes diplômées de l’université aptes à exercer des professions qualifiées. Elle demande quelles sont les mesures adoptées pour faire en sorte que les travailleurs employés en permanence dans le secteur informel bénéficient de prestations de sécurité sociale. Elle souhaite également savoir si les domestiques sont couverts par le régime contributif de sécurité sociale. Une récente étude du Ministère à la condition féminine montre que le travail domestique a augmenté et que cette main-d’œuvre est constituée à 95% de femmes non couvertes par l’assurance maladie. Elle souhaite savoir de quelle manière ces femmes bénéficient d’une protection de la maternité. Le Comité a été informé de l’existence de tests de grossesse obligatoires pour les femmes employées dans les zones franches. Mme Bras Gomes demande si cette pratique est réelle et, dans l’affirmative, quelles sont les mesures adoptées pour y mettre un terme. S’agissant du régime subventionné de sécurité sociale, elle demande si des mesures conjointes sont prises avec l’Organisation internationale du Travail (OIT) pour mettre en œuvre l’Initiative pour une protection sociale minimale. Mme Bras Gomes souhaite connaître les mesures adoptées pour instaurer une allocation vieillesse universelle, et la manière dont les travailleurs du secteur informel pourront en bénéficier.

19.M me Bonoan- Dandan se dit surprise d’apprendre par la délégation l’absence de violation des droits des travailleurs étrangers, compte tenu notamment du fait que le Comité avait appris le contraire de sources non gouvernementales. S’agissant de l’observation énoncée au paragraphe 53 du rapport de l’État partie selon laquelle la perte de 55 000 emplois dans l’industrie textile avait été compensée par la création de plus de 59 000 nouveaux emplois dans les autres secteurs, elle demande si les travailleurs licenciés de l’industrie textile ont été recyclés dans ces nouveaux emplois, et combien des 55 000 travailleurs licenciés ont été réembauchés.

20.Mme Bonoan-Dandan demande à combien s’élève le salaire minimum, le montant de l’allocation de subsistance de base et celui nécessaire à des conditions de vie décentes. Quelle est l’incidence de l’Accord de libre-échange République dominicaine – Amérique centrale – États Unis sur la capacité de l’État à remplir ses obligations au titre des articles 6 à 9 du Pacte? Le Comité a appris que les zones franches avaient été sévèrement touchées par la définition de quotas et que plus de 70 000 emplois avaient été perdus. Les travailleurs ont fait l’objet de licenciements abusifs, de non-paiement des heures supplémentaires et de violations de leurs droits à la liberté d’association et à la négociation collective. Mme Bonoan-Dandan demande s’il s’agit-là d’une conséquence de l’accord de libre-échange susmentionné.

21.M.  Sadi s’enquiert des critères employés par la commission salariale nationale tripartite pour fixer le salaire minimum. Il s’inquiète du fait que plusieurs catégories de travailleurs du secteur privé perçoivent moins que le salaire minimum et il aimerait savoir ce qui est fait pour corriger cette situation. Il est spécialement préoccupé par la question du travail des enfants et en particulier, par celle des enfants haïtiens que des Dominicains adoptent pour en faire des employés de maison. Cela ne frôle-t-il pas l’esclavage?

22.M.  Puig (République dominicaine) dit que 56% de la main d’œuvre en République dominicaine travaille dans le secteur informel, lequel inclut également les travailleurs indépendants. Comme ces derniers n’ont pas de rémunération fixe, il est difficile de leur garantir l’accès à la sécurité sociale. Il est également difficile pour l’État de s’assurer qu’ils paient des impôts. Chaque année, 100 000 jeunes entrent sur le marché du travail en République dominicaine et, malgré la croissance économique, la création d’emplois ne suffit pas à tous les intégrer à la main-d’œuvre. Pour maintenir simplement le taux de chômage à son niveau actuel, le produit intérieur brut (PIB) devra augmenter de 4% par an. En outre, l’arrivée continue de travailleurs sans papier en provenance d’Haïti exerce une pression à la baisse sur les salaires. Parallèlement à la conception de politiques actives en matière d’emploi, une stratégie nationale de développement est élaborée; elle sera mise en œuvre au cours des 20 prochaines années en fonction des évaluations réalisées par le Centre de contrôle du travail, qui a commencé à analyser les tendances en matière d’emploi.

23.La plupart des entreprises textiles sont installées dans les zones franches. Le nombre des travailleurs employés dans ces zones a atteint près de 200 000 en 2003 et il a ensuite chuté de plus de 70 000 dans les cinq années suivantes, du fait de l’évolution des marchés mondiaux du textile. Sur un total de 124 000 travailleurs actuellement employés dans les zones franches, le pourcentage de travailleurs du textile a diminué, tandis que le nombre de travailleurs employés dans d’autres secteurs, tels les biens électroniques et la chaussure, a augmenté.

24.Le Gouvernement a lancé des plans en faveur de l’emploi dans des régions telle la province de Santiago qui a connu de lourdes pertes en la matière dans le secteur du textile. Dans le cadre du programme "Santiago au travail" financé par le Gouvernement, les chômeurs effectuent un travail communautaire tout en suivant, pendant quatre mois, une formation professionnelle afin d’améliorer leur capacité à occuper un emploi. Le taux de chômage des personnes de moins de 29 ans est nettement supérieur à celui des hommes adultes. Le Ministère du travail a donc instauré un programme, reconnu comme un exemple des meilleures pratiques par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et par la Banque interaméricaine de développement, à l’intention des personnes âgées de 16 à 29 ans qui avaient quitté l’école et étaient sans emploi. Conçus par l’Institut de formation technique et professionnelle, les cours de ce programme étaient donnés par des institutions privées avec le soutien financier d’entreprises privées. Soixante pour cent des participants ont trouvé un travail dans les six mois après avoir achevé le programme.

25.Le nombre d’enfants et d’adolescents au travail a considérablement diminué depuis 2000, année où selon une étude nationale, 456 000 enfants travaillaient. Une nouvelle étude sur le sujet a été publiée en novembre 2010. Accroître la scolarisation est l’un des moyens de réduire le travail des enfants. Actuellement, 94% des enfants sont scolarisés et le Ministère de l’éducation vise à ce que tous le soient d’ici à 2019. À titre de mesures incitatives à l’inscription à l’école, les familles reçoivent une allocation pour chaque enfant qui suit au moins 85% des cours, et 2,4 millions d’enfants prennent chaque jour un petit-déjeuner à l’école. Le Ministère du travail intervient à l’encontre des entreprises qui emploient des enfants. Les grandes entreprises sont moins enclines à de telles pratiques qui portent atteinte à leur image à l’étranger et ont une incidence négative sur les exportations. Dans l’industrie sucrière, par exemple, les inspections du travail ne relèvent plus de preuves de travail effectué par des enfants. Il est toutefois plus difficile de contrôler l’application de la législation du travail dans les petites entreprises.

26.La pauvreté incite souvent les enfants à travailler, mais le travail des enfants est également largement admis, y compris celui des enfants placés en famille d’accueil. Dans les régions rurales pauvres, les parents envoient fréquemment leurs enfants vivre dans les villes avec des relatifs plus aisés, mais nombre de ces enfants sont contraints de travailler et maltraités. Les cas d’enfants haïtiens adoptés et contraints au travail par des Dominicains sont cependant rares. Le Ministère du travail et le Conseil national pour les enfants et les adolescents s’emploient à améliorer la sensibilisation à la question du travail des enfants. L’État partie s’efforce également de lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants.

27.La situation dans les bateyes s’est améliorée. Une entreprise sucrière a investi 25 millions de dollars des États Unis sur trois ans pour améliorer les conditions de vie des travailleurs et elle a même fait construire des villes nouvelles pour y loger la population des bateyes.

28.En République dominicaine, il y a 14 catégories de salaires minimums, réparties par industrie et par secteur, plutôt qu’un salaire minimum général. Ces catégories sont chacune subdivisées en trois autres, selon la taille de l’entreprise. Le système est complexe et les salaires minimums sont bas en raison de la grande abondance de main-d’œuvre. Le salaire minimum dans chaque catégorie est fixé tous les deux ans et indexé à l’inflation. En termes réels, les salaires sont ainsi restés inchangés au cours des 15 dernières années. Les employeurs ont jusqu’à présent refusé d’envisager des hausses de salaires fondées sur une croissance de la productivité.

29.Malgré les réglementations stipulant un salaire égal pour un travail égal, de nombreux employeurs paient les femmes et les handicapés moins que leurs collègues masculins valides. Les travailleurs étrangers ne reçoivent pas un salaire égal. Les inspecteurs du travail prennent des mesures contre les employeurs qui utilisent les tests de grossesse comme un moyen de discrimination à l’égard de leurs employées femmes.

30.La République dominicaine est signataire de la Convention de l’OIT relative à la liberté syndicale et à la protection de la liberté syndicale (no°87) et de la Convention de l’OIT concernant l’application des principes du droit d’organisation et de négociation collective (no 98). Le Gouvernement s’efforce de faire appliquer les lois relatives au droit de création des syndicats. Les 203 inspecteurs du travail du Ministère du travail reçoivent une meilleure formation, mais ils doivent davantage s’employer à enquêter sur les violations alléguées de la législation syndicale. La présence des syndicats dans les zones franches a augmenté, en partie grâce à la pression des groupes de défense des droits des consommateurs à l’étranger qui mettent à l’index les entreprises qui s’opposent à l’activité des syndicats.

31.Le Gouvernement a fait un sérieux effort pour développer le système de sécurité sociale; de nombreux problèmes subsistent toutefois. Seuls 66% des travailleurs habilités au régime contributif ont été enregistrés par leurs entreprises, et certaines sociétés ont déclaré que leurs employés percevaient des salaires inférieurs à ceux qu’ils perçoivent réellement, ce qui présente un risque pour la viabilité financière du système. Malgré des ressources limitées, l’État verse des prestations à 1,5 million de personnes dans le cadre du régime subventionné, et des études préparatoires sont en cours afin de mettre en place un régime contributif subventionné.

32.Quelque 250 000 personnes, dont environ 220 000 femmes, travaillent comme employées de maison et le Gouvernement s’efforce, avec leurs représentants, de les faire bénéficier d’une couverture sociale.

33.M me Barahona Riera déclare qu’il serait préférable de fixer un salaire minimum qui couvre à la fois les besoins de base d’une famille et l’inflation; les salaires des différents secteurs pourront ensuite être déterminés en conséquence. Avec le système actuel, la République dominicaine ne parviendra jamais à éliminer la pauvreté, ni à améliorer la productivité sans augmenter les salaires.

34.M.  Tirado Mejía déclare que le système de fixation du salaire minimum de l’État partie semble parfaitement ingérable. D’ordinaire, le salaire minimum assure aux travailleurs un niveau de vie décent, tandis qu’en République dominicaine les pressions à la baisse des salaires sont constantes. L’État ne doit pas déléguer la protection de ses travailleurs aux forces du marché et à l’opinion publique étrangère. Ne dispose-t-il pas de mécanismes pour assurer une politique sociale équitable?

Articles 10 à 12 du Pacte

35.M.  Kedzia déclare qu’aux dires de la délégation, la couverture maladie publique en République dominicaine est universelle, mais le Comité a appris de diverses sources que 40% seulement de la population en bénéficiait. Il serait utile que la délégation explique cet écart.

36.Le Comité a appris que la nouvelle Constitution interdit totalement l’avortement, même en cas de viol ou de risque pour la santé de la mère. Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a vivement recommandé à l’État partie de reconsidérer ces deux cas. Des mesures sont-elles prévues pour résoudre la question? Comme il l’a constaté, la législation nationale restrictive se traduit par le fait que beaucoup d’avortements ne sont pas effectués par des services hospitaliers, ce qui n’est pas sans lien avec le taux de mortalité maternelle de 159 décès pour 100 000 naissances vivantes, l’un des plus élevés en Amérique latine et aux Caraïbes.

37.S’agissant de la violence familiale, les statistiques montrent qu’entre 150 et 200 femmes sont assassinées chaque année par leur compagnon actuel ou ancien. M. Kedzia demande quels sont les résultats des divers programmes mis en place pour résoudre la question.

38.Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a signalé l’existence d’une grave crise du logement en République dominicaine. M. Kedzia souhaite savoir si le Gouvernement a une politique nationale dans ce domaine et, dans l’affirmative, la manière dont elle est appliquée. Il demande également à la délégation de s’exprimer sur les rapports relatifs aux expulsions forcées.

39.M me Barahona Riera dit qu’elle aimerait connaître le pourcentage du budget alloué aux soins de santé et à l’éducation, car selon les informations du Comité, ce pourcentage est très faible par rapport à celui des autres pays d’Amérique latine. Le budget actuel alloue-t-il des fonds aux programmes de santé sexuelle et procréative dans le secteur de l’éducation et dans d’autres secteurs?

40.Mme Barahona Riera croit comprendre que la rédaction de l’article relatif au droit à la vie dans la nouvelle Constitution conduira à amender la législation nationale pour interdire les avortements, même si la santé de la mère est en danger, ou en cas de viol ou d’inceste. De son point de vue, le pays a donc régressé dans le domaine des droits à la santé sexuelle et procréative.

41.La Loi no°24-97 a marqué un progrès dans le domaine de la violence familiale. Mme Barahona Riera s’enquiert du nombre de cas relevés et de la manière dont le délit de violence familiale est sanctionné. Elle souhaiterait également savoir si les abus sexuels sont considérés comme un délit et dans l’affirmative, s’ils sont passibles d’une peine d’emprisonnement ou d’une simple amende. La procédure de conciliation en République dominicaine est un sujet de préoccupation car de nombreux cas ne sont pas portés devant les tribunaux. Mme Barahona Riera souhaite également savoir si le système médical subventionné couvre toute la population pauvre. Existe-t-il des services gratuits destinés à réduire la mortalité maternelle et à promouvoir la santé sexuelle et procréative et, dans l’affirmative, sont-ils accessibles à tous, y compris aux personnes sans papier?

42.M.  Pillay signale que toutes les données contenues dans le rapport datent de 2002 ou 2004. Lors de l’étude du deuxième rapport périodique de l’État partie en 1997, le Comité avait déjà déploré l’absence de données ventilées récentes. Il exhorte la délégation à faire en sorte que les statistiques fournies dans son prochain rapport périodique soient actualisées.

43.La délégation a déclaré qu’environ 40% de la population vivait au-dessous du seuil de pauvreté, bien qu’une fois encore, il s’agisse du chiffre de 2004. Quelque 16% de la population vivait dans l’extrême pauvreté. M. Pillay souhaite savoir si, dans son plan de réduction de la pauvreté, le Gouvernement a adopté une approche fondée sur les droits de l’homme qui incorpore les droits économiques, sociaux et culturels, et s’il cible les groupes vulnérables tels les enfants, les jeunes, les femmes, les personnes handicapées, les personnes porteuses du VIH/sida et celles d’origine asiatique qui vivent dans les bateyes. En République dominicaine, l’investissement dans le domaine social représente seulement approximativement 8% du PIB, contre 16% en moyenne dans les autres pays d’Amérique latine. Des informations sur les efforts engagés pour redistribuer la richesse seraient également appréciées. Selon les chiffres de 2002, les 20% les plus riches de la population absorbent 50% du revenu national, alors que les 40% les plus pauvres n’en reçoivent que 14%. M. Pillay réitère la recommandation formulée en 1997 par le Comité au paragraphe 28 de ses observations finales, suite à son examen du deuxième rapport périodique de l’État partie (E/C.12/1/Add.16), dans lequel il avait exhorté la République dominicaine à "résoudre le problème de l’inégalité de la répartition des richesses dans la population pour combattre la pauvreté".

44.La forte pénurie de logements en République dominicaine a été évaluée à quelque 800 000, chiffre qui s’accroît de 6 000 logements chaque année. Selon les données de 2002, 17,5% de la population urbaine vit dans des logements insalubres. M. Pillay demande à la délégation de communiquer les derniers chiffres disponibles. La délégation a relevé que des entreprises privées s’emploient à améliorer les conditions de vie dans les bateyes. Toutefois, M. Pillay croit comprendre que sur les 27 installations de ce type, 13 sont encore dépourvues d’électricité et d’eau courante. Il demande ce que fait la République dominicaine pour remédier à cette situation.

45.Au paragraphe 210 du rapport, l’État partie a reconnu qu’un grand nombre de personnes occupent sans titre de propriété le terrain sur lequel elles vivent. Depuis 1997, les expulsions forcées ont été fréquentes et on a évalué à 50 000 le nombre de familles qui courent ce risque. Les expulsions forcées interviennent sans procédure équitable, ni consultation avec les communautés concernées ou relogement alternatif. Les habitations sont détruites et, pire encore, la police et l’armée sont assistées par des individus armés et masqués. Au paragraphe 42 de ses observations finales de 1997, le Comité avait recommandé que "des mesures soient prises sans retard pour protéger la population des expulsions forcées de la part de propriétaires privés, et qu’à cet égard, l’observation générale no 7 du Comité soit dûment prise en compte". M. Pillay demande si l’État partie prévoit d’édicter une législation pour garantir que toute expulsion forcée soit effectuée conformément à l’observation générale no 7, et s’il envisage la mise en place d’une politique nationale du logement et la création d’une réserve foncière pour régler le problème de l’enregistrement des biens immobiliers, ce qui contribuerait également à traiter la question des expulsions forcées. Et surtout, consacrera-t-il des fonds suffisants à la construction de logements publics destinés aux personnes et aux groupes défavorisés?

46.M.  Atangana relève que la délégation n’a pas répondu à la question no 29 de la liste des questions qui demande à l’État partie de fournir des données ventilées sur les victimes de traite des personnes. Cette information pourrait-elle être communiquée?

47.Pour ce qui est de la violence familiale, M. Atangana dit qu’au paragraphe 284 des observations finales adoptées en 2004(A/59/38), le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes avait noté avec inquiétude que l’adoption en l’état du projet de Code pénal serait un retour en arrière par rapport aux progrès accomplis en matière de droits fondamentaux des femmes, en supprimant la définition de la violence à l’égard des femmes contenue dans la loi no 24-97, en réduisant les peines encourues pour violence familiale et en ne faisant plus de l’inceste une infraction pénale. Il serait opportun que la délégation fournisse des données actualisées indiquant comment l’État partie a donné suite à cette observation.

48.M.  Abashidze signale que, selon de nombreuses sources, la situation en République dominicaine en matière de protection physique des femmes est un sujet de préoccupation. D’après les statistiques de 2008, deux tiers des femmes assassinées ont été victimes de violence familiale. Dans son deuxième rapport périodique, l’État partie avait reconnu le problème et annoncé son intention de créer des juridictions spéciales pour contribuer à protéger les femmes et les enfants. Ces juridictions ont-elles été créées? Si oui, la délégation pourrait-elle donner des exemples de la manière dont elles ont protégé les femmes?

49.M.  Dasgupta dit que le rapport n’indique pas clairement dans quelle mesure la population a accès aux services de santé. Selon les chiffres du PNUD, en 2002 il y avait seulement 1,9 médecin pour 1000 habitants, et les dépenses publiques affectées aux services de santé représentaient seulement 2,2% du PIB, chiffre considérablement inférieur à la moyenne régionale de 3%. Ces chiffres ont-ils progressé? M. Dasgupta souhaite également connaître le pourcentage de la population qui dépend entièrement des services de santé du secteur public et le pourcentage de celle qui a accès au secteur privé. Selon les rapports, le secteur public offre des services gratuits, mais l’accès n’en est pas garanti, vraisemblablement en raison de l’insuffisance du nombre de médecins et d’hôpitaux. Il demande à la délégation d’indiquer le nombre de médecins et de lits d’hôpitaux disponibles dans le secteur public et le pourcentage de patients refoulés ou dans l’impossibilité d’accéder à ces services en raison de l’absence d’établissements adéquats. De quelle manière l’État partie envisage-t-il d’améliorer la situation?

50.M me Bras Gomes note l’existence en République dominicaine d’une procédure pour statuer sur les demandes d’asile mais qu’elle semble inutilisée depuis un certain temps. En conséquence, les demandeurs d’asile sont maintenus pendant des années en situation incertaine. Mme Bras Gomes exhorte l’État partie à repenser sa politique de rejet des demandes de prolongation du statut temporaire de réfugié lorsqu’il vient à expiration. Relevant que le régime familial de santé subventionné n’inclut pas la couverture des traitements antirétroviraux, à l’exception des cas de transmission materno-fœtale, elle demande au Gouvernement de réexaminer l’intégration de ces traitements au régime de santé subventionné.

51.M.  Schrijver déclare que le Comité aimerait avoir des statistiques actualisées, de manière à pouvoir évaluer les progrès accomplis aux fins de l’objectif du Millénaire pour le développement relatif à la pauvreté. Les paragraphes 165 à 171 du rapport de l’État partie fournissent une analyse convaincante des raisons pour lesquelles la République dominicaine a aussi peu progressé en matière de réduction de la pauvreté. Cette analyse a-t-elle entraîné un changement de politique et l’adoption de mesures pour traiter le problème?

52.M.  Sadi souligne que, dans les cas concernant par exemple le travail des enfants, la tyrannie patriarcale ou la violence à l’égard des femmes, il ne suffit pas d’évoquer un conflit entre loi et culture. L’État doit plutôt lancer des campagnes ou adopter d’autres mesures pour changer les comportements culturels.

La séance est levée à 13 heures.