Nations Unies

E/C.12/2020/SR.13

Conseil économique et social

Distr. générale

3 mars 2020

Original : français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Soixante- septième session

Compte rendu analytique de la 13 e séance*

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 25 février 2020, à 10 heures

Président (e):M. Zerbini Ribeiro Leão

Sommaire

Examen de rapports :

a)Rapports soumis par les États parties en application des articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Troisi ème rapport périodique du Bénin (suite)

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen de rapports

a)Rapports soumis par les États parties en application des articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Troisième rapport périodique du Bénin (E/C.12/BEN/3) ; document de base faisant partie des rapports des États parties (HRI/CORE/I/Add.85) ; liste de points concernant le troisième rapport périodique du Bénin (E/C.12/BEN/Q/3) ; réponses du Bénin à la liste de points concernant son troisième rapport périodique (E/C.12/BEN/RQ/3) (suite)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation béninoise reprend place à la table du Comité.

2.M. Yabit (Bénin) dit que la loi portant exercice du droit de grève a été adoptée afin de remédier au dévoiement des libertés syndicales observé dans le pays entre 2006 et 2016. La grève était utilisée comme moyen de pression politique et les autorités se trouvaient dans l’incapacité de sanctionner les grèves illégales, ce qui perturbait fortement les services publics, notamment dans les secteurs de la justice, de la santé et de l’éducation. Cette loi vise donc à limiter l’exercice du droit de grève dans l’administration publique en vue de mettre fin au système de chantage à la grève et de lutter contre la corruption et les abus qui l’accompagnaient. Ces dispositions sont cependant conformes au Pacte puisque celui-ci prévoit que des restrictions peuvent être apportées à l’exercice du droit de grève. En outre, un cadre national de dialogue social entre le Gouvernement et les centrales syndicales a été mis en place pour favoriser le règlement pacifique des conflits sociaux. Chaque ministère doit organiser un certain nombre de réunions avec les dirigeants syndicaux de son secteur de compétence, et rendre compte au chef de l’État des réponses apportées aux doléances des travailleurs. Dans l’ensemble, ce système fonctionne bien et l’on constate déjà une amélioration des services publics et du climat social.

3.M. Yabit reconnaît que le montant actuel du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) est insuffisant pour mener une vie décente. Ce sont cependant les partenaires sociaux qui déterminent celui-ci, dans le cadre de concertations et sur la base d’une série de critères économiques et sociaux. L’État joue un rôle d’arbitre dans ce processus. Il est envisagé d’augmenter prochainement le montant du SMIG, mais les partenaires sociaux ne se sont pas encore accordés sur le calendrier des concertations. L’Inspection du travail effectue des contrôles en vue de garantir l’application du SMIG dans les secteurs formel et informel. Ses effectifs ont été renforcés au cours des dernières années pour amener les chefs d’entreprise à plus de civisme, mais le Gouvernement a opté pour une démarche de conciliation afin d’éviter la fermeture d’entreprises, notamment dans le secteur informel, soucieux de ne pas priver de rémunération les travailleurs concernés. Un contrôle a posteriori est également exercé par l’Inspection du travail et les tribunaux du travail. Quand un salarié rémunéré en dessous du SMIG en prévient l’Inspection du travail, celle-ci invite l’employeur à se conformer à la loi et, en cas de refus, un tribunal compétent est saisi de l’affaire. S’il ne parvient pas à concilier les parties, le juge rend une décision qui condamne l’employeur à verser au salarié le moins perçu correspondant à la période litigieuse. Le Gouvernement étudie actuellement un projet de loi qui devrait simplifier encore cette procédure au bénéfice des travailleurs.

4.Les autorités béninoises considèrent injustifiées les allégations de persécution à l’égard de certains dirigeants syndicaux. Il existe une désinformation à ce sujet. On tente notamment de faire accroire que quatre dirigeants syndicaux, mis en cause dans des affaires n’ayant aucun lien avec leurs activités syndicales, seraient l’objet de persécutions du fait qu’ils gêneraient le pouvoir, ce qui est totalement inexact. Le capitaine Patrice Trekpo, dirigeant syndical au sein de l’administration des eaux et forêts, et d’autres personnes à ses côtés, se sont alarmés de ce que l’État avait choisi de mettre en concession une réserve naturelle et d’en confier la gestion à une entreprise privée, la faisant ainsi échapper au contrôle des unités des eaux et forêts stationnées dans la zone. On peut comprendre le mécontentement de l’intéressé, mais on ne peut accepter le fait de déclarer sur un plateau de télévision que ses hommes et lui avaient des armes et savaient s’en servir. De tels propos tenus par le dirigeant syndical d’un corps paramilitaire ne pouvaient pas rester sans conséquence. C’est donc en toute logique que M. Trekpo a été traduit devant un conseil de discipline et sanctionné. De même, un dirigeant syndical salarié de la Société béninoise des manutentions portuaires (SOBEMAP) a été licencié parce que, s’opposant au déchargement d’un navire accostant au port de Cotonou, il avait interdit à ses collègues de prendre en charge ce navire à un moment où le trafic était tel qu’un blocage aurait été lourd de conséquences pour les usagers de cette infrastructure portuaire stratégique. Ce type d’action ne relève pas de l’exercice normal des droits syndicaux et il est logique que des sanctions aient été prises. Enfin, un dirigeant syndical de la police a également été sanctionné après qu’une enquête eut montré qu’il avait facilité la fuite du maire de Cotonou mis en cause pour corruption.

5.Les premiers bénéficiaires du programme d’assurance pour le renforcement du capital humain (ARCH) ont été désignés à partir d’un recensement systématique de la population, ycompris des étrangers résidant sur le territoire, qui a permis d’identifier les personnes les plus pauvres selon des critères objectifs. Les pauvres ne sont pas les seuls bénéficiaires de ce programme. Le projet de loi sur l’ARCH s’applique à toute personne établie sur le territoire béninois, notamment dans son volet assurance-maladie, qui prévoit plusieurs catégories de bénéficiaires.Les travailleurs du secteur public et du secteur privé disposant de revenus réguliers bénéficieront de prestations s’ils versent une cotisation. Lespersonnes sans emploi bénéficieront de la solidarité nationale dans des proportions qui seront fixées par les décrets d’application se rapportant à cette loi. L’assurance-maladie pour tous est obligatoire et un système de compensation doit permettre à toute personne de bénéficier d’une couverture. LeGouvernement a engagé la phase pilote de cette initiative, qui cible principalement les plus démunis et vise à mesurer l’efficacité et la viabilité du système.

6.Il a été reproché au Bénin, notamment par la Banque mondiale, de limiter l’accès des femmes à certains emplois jugés dangereux pour leur santé, qui ne leur sont accessibles que sous certaines conditions. Le Gouvernement a pris note de ce que ces restrictions sont contraires au principe d’égalité entre les femmes et les hommes et a prévu de lever ces obstacles à l’emploi dans certains secteurs. Les cas de discrimination fondée sur le sexe qui sont signalés aux autorités sont sanctionnés et la question de l’égalité entre les sexes fait l’objet d’une sensibilisation dans les services publics, la police, la justice et l’administration du travail. Le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale est garanti par la loi, et l’employeur peut être contraint en cas de poursuites de verser au travailleur concerné des indemnités correspondant aux montants non perçus.

7.M. Yabit dit qu’il existe au Bénin des programmes d’accès à l’emploi et au microcrédit exclusivement destinés aux femmes et aux jeunes. La Banque mondiale a félicité le Bénin pour son programme de microcrédit, dont certains pays de la région comme le Togo se sont d’ailleurs inspirés. Après avoir posé certains problèmes au début du programme, les taux de remboursement ont été revus et sont désormais plus soutenables. Les travailleurs migrants relèvent de deux catégories : les réfugiés, qui bénéficient d’un statut privilégié et d’un traitement favorable en matière de d’accès à l’emploi et d’assistance sociale, et les migrants, qui pour pouvoir travailler au Bénin et bénéficier des mêmes droits et avantages que les Béninois, doivent obtenir un permis de travail. Contrairement à d’autres pays de la sous-région, le Bénin ne fait aucune distinction entre les travailleurs migrants et les travailleurs béninois en matière de recrutement et d’évolution professionnelle. La loi prévoit aussi que les travailleurs migrants ont droit à des indemnités de leur employeur pour pouvoir rendre visite à leur famille dans leur pays d’origine une fois par année. Il n’y a donc pas lieu d’adopter de nouvelles dispositions législatives pour protéger les travailleurs migrants.

8.à propos de la corruption dans les contrats de gestion des déchets solides, M. Yabit indique que d’après la loi portant renforcement de la gouvernance juridique et judiciaire, adoptée en 2018, les agents de l’État qui concluent un contrat frauduleux au nom de l’État doivent répondre des préjudices liés à l’exécution du contrat. Des peines d’emprisonnement et des amendes sont prévues. Les appels d’offres sont lancés de manière transparente, conformément au Code des marchés publics et aux dispositions prévues par l’Union économique et monétaire ouest-africaine. Le ramassage des déchets solides est effectué par un réseau d’organisations non gouvernementales (ONG), tandis que la collecte est réalisée par une société de droit public récemment créée, qui a conclu un contrat avec une société française en vue d’un transfert des compétences.

9.M. Todjihounde (Bénin) dit que le nombre d’infanticides rituels d’enfants dits « sorciers » a considérablement diminué, en partie grâce à l’action de l’organisation Franciscains-Bénin, qui lutte contre ce phénomène en collaboration avec des ONG de promotion et de protection des droits de l’enfant. En outre, le Code de l’enfant et le Code pénal répriment sévèrement tous les actes qui portent atteinte à la vie et au développement de l’enfant. L’État a mené des campagnes de sensibilisation sur le sujet, et des formations sont organisées périodiquement afin de sensibiliser la population aux pratiques préjudiciables aux enfants. Le Gouvernement a également mis en place des comités communaux des droits de l’enfant et des comités de surveillance chargés de lutter contre les infanticides rituels et les mutilations génitales féminines, ainsi que des centres secondaires d’enregistrement des naissances, qui assurent le suivi des femmes enceintes jusqu’à leur accouchement, pour mettre fin aux accouchements clandestins pendant lesquels des infanticides rituels sont commis. La population peut également dénoncer les cas d’infanticide rituel par l’intermédiaire des centres de promotion sociale. La promotion de la scolarisation des filles et le renforcement des capacités des assistants sociaux, des élus locaux et des sages-femmes, ainsi que la proximité géographique des établissements de santé, contribuent également à faire reculer le phénomène.

10.M me Bissaloue (Bénin) dit que le premier programme de microcrédit mis en œuvre au Bénin, initialement principalement destiné aux femmes, a été élargi à l’ensemble des populations pauvres, y compris les personnes en situation d’extrême pauvreté, et aux habitants des zones reculées. Le seuil de pauvreté ouvrant droit à ce programme a été relevé de 30 000 à 50 000 francs CFA. Par ailleurs, le Gouvernement a engagé la phase pilote d’un nouveau programme numérique permettant à toute personne de souscrire un crédit depuis un téléphone mobile.

11.Le Gouvernement a pris des mesures pour améliorer l’accès à la santé des plus pauvres en augmentant le nombre d’établissements de santé. Pour promouvoir l’allaitement, il mène des campagnes de sensibilisation auprès des femmes vivant dans les zones reculées, qui sont les plus susceptibles d’avoir des préjugés sur l’allaitement, et des femmes qui manquent de temps pour allaiter en raison de leur activité professionnelle, pour les informer des avantages du lait maternel pour l’enfant.

12.La délégation prend note de l’information communiquée par M. De Schutter selon laquelle certains agents de la Société nationale des eaux du Bénin tenteraient de soutirer de l’argent aux habitants des zones rurales. Depuis 2019, le Gouvernement fait d’importants efforts pour combattre la corruption et rendre les entreprises publiques plus efficaces. Le comportement des agents de l’État est désormais irréprochable, et la population peut témoigner de l’amélioration sensible de la qualité des services d’approvisionnement en eau et en électricité.

13.Le Gouvernement a interdit l’utilisation de certains pesticides pouvant nuire à la santé de la population. Les pesticides utilisés pour la culture du coton ne sont pas utilisés pour la culture des produits alimentaires, et la population est sensibilisée à leur dangerosité, mais il est très difficile aux autorités de contrôler l’utilisation qui peut être faite de ces produits. Aussi le Gouvernement entend-il renforcer l’action de sensibilisation qu’il mène à cet égard.

14.La collecte des déchets ménagers dans la région du Grand Nokoué est placée sous la responsabilité d’une entreprise publique, la Société de gestion des déchets et de la salubrité urbaine du Grand Nokoué. Elle s’est attaché les services de l’entreprise privée Coved Waste Africa, qui est chargée de superviser la collecte des déchets par des ONG locales et de procéder au traitement des déchets. L’objectif est que les déchets alimentaires soient transformés en compost, celui-ci devant remplacer à terme les pesticides traditionnels, et que les déchets non-alimentaires soient recyclés. Les agents chargés de la collecte des déchets sont passibles de poursuites pénales en cas de corruption.

15.M me Liebenberg s’enquiert de l’état d’avancement de la ratification du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, que l’État partie a signé le 24 septembre 2013.

16.M. Uprimny dit que selon l’article 4 du Pacte, les restrictions au droit de grève, aussi légitime que soit l’objectif poursuivi, doivent être proportionnées et ne pas porter atteinte à la nature même de ce droit. Il s’interroge sur le caractère proportionné des restrictions en vigueur, qui n’autorisent à faire grève que 10 jours par an, 7 jours par semestre et 2 jours par mois.

17.M. Uprimny estime que dans ses réponses à la liste de points concernant son rapport périodique, l’État partie n’a pas communiqué de renseignements suffisamment précis sur les mesures adoptées pour informer le public sur sa politique de lutte contre les stupéfiants, et les utilisateurs de drogues sur les services de santé dont ils peuvent disposer. Il note que la criminalisation de la consommation de drogues risque de dissuader les utilisateurs de se tourner vers ces services. Il regrette que l’État partie n’ait pas prévu de programmes de réduction des risques et d’échange de seringues pour les consommateurs de drogues par injection, et n’ait pas présenté d’informations précises sur l’état de santé des utilisateurs de drogues. Il demande à la délégation quelles mesures le Bénin entend prendre pour que les consommateurs de drogues soient mieux informés et pour renforcer sa politique de prévention, et si l’État partie peut envisager de dépénaliser la consommation de drogues, dans l’optique de protéger le droit à la santé des personnes consommatrices.

18.M me Crăciunean - Tatu souhaite des précisions sur la politique menée en faveur des personnes atteintes d’albinisme au-delà de la seule prise en charge médicale, concernant d’éventuelles mesures de sensibilisation pour lutter contre les préjugés à l’égard de ces personnes, ou d’autres stratégies et plans d’action. Elle demande si l’État partie envisage de collaborer avec d’autres pays de la région sur cette question.

19.M. Yabit (Bénin) indique que si, en raison du processus de réforme juridique et institutionnelle en cours, le Parlement n’a pas encore ratifié le Protocole facultatif, le Bénin demeure résolu à le faire et s’y attellera dans les meilleurs délais. Les restrictions du droit de grève peuvent sembler disproportionnées, voire donner à penser que le droit de grève a été vidé de sa substance. Elles sont pourtant à la mesure des problèmes rencontrés par le Gouvernement. L’ampleur des grèves exigeait de telles restrictions. Celles-ci ne seront toutefois que temporaires. Les mesures pourront être assouplies dès lors que les fonctionnaires auront pleinement pris conscience qu’ils sont au service de l’intérêt général. En dépit des restrictions du droit de grève, les fonctionnaires peuvent s’exprimer dans le cadre des structures nationales et intersectorielles de dialogue social.

20. La situation des consommateurs de drogues n’est pas une priorité dans la mesure où la consommation de drogues, en particulier de drogues dures, est marginale au Bénin. Il faudrait engager des efforts sur cette question. Le fait que la loi réprime la consommation de drogues ne pose pas de réelle difficulté. Le ministère public, conscient que la source du problème réside dans la production, la vente et la fourniture de drogues, se montre bienveillant dans les faits à l’égard des consommateurs. Les préoccupations exprimées par le Comité seront communiquées aux autorités sanitaires du pays afin qu’elles étudient ce qui peut être mis en place pour améliorer la santé des consommateurs de drogue.

21.Lalutte contre la discrimination à l’égard des personnes atteintes d’albinisme n’est pas prioritaire étant donné que ces personnes sont acceptées dans l’ensemble. Toutefois, des élèves atteints d’albinisme sont parfois victimes de remarques désobligeantes sur leur condition, et certaines personnes prêtent à l’albinisme des vertus magiques et y associent des pratiques rituelles. Cependant, de tels agissements sont très rares et sont fermement réprimés par les tribunaux. Une sensibilisation ciblant les personnes ayant des préjugés sur l’albinisme n’en reste pas moins une nécessité.

Articles 13 à 15 du Pacte

22.M me Cr ă ciunean -Tatu évoque la question du droit à l’éducation. D’après des données de 2015 de l’Organisation internationale du Travail (OIT), 28,8 % des jeunes enfants ne sont pas scolarisés parce que leurs parents le refusent, ou pour des raisons économiques telles que les coûts indirects liés à l’achat des fournitures scolaires. L’experte aimerait en savoir davantage sur les raisons qui motivent les parents à refuser la scolarisation, et sur les mesures prises par l’État partie pour remédier à l’un et l’autre problèmes. Si le taux de scolarisation a fortement augmenté au niveau national (+115,40 % pour les maternelles et le primaire en 2015/16), il existe des disparités importantes d’un département à l’autre (+59,43 % dans l’Alibori, contre +155,83 % dans le Littoral), ce qui témoigne d’un retard significatif de certains départements. En outre, les enfants ne disposent pas du même accès à l’éducation selon qu’ils habitent une région rurale ou urbaine. Il serait utile de savoir ce que l’État partie envisage pour remédier aux disparités actuelles.

23.En dépit de la politique de gratuité des frais de scolarisation, 73,66 % des filles étaient parvenues en fin d’études en 2014 contre 81,28 % des garçons. MmeCrăciunean-Tatu s’enquiert des effets des mesures adoptées par l’État partie en faveur de l’égalité des sexes à l’école et devant la réussite scolaire. Elle regrette l’absence de politique pour lutter contre les stéréotypes socioculturels qui constituent un obstacle à l’accès des filles à l’éducation et à leur pleine intégration dans le système éducatif, et l’absence de mesures concrètes, consistant notamment à construire des toilettes séparées, face aux problèmes qui touchent spécifiquement les filles. Elle aimerait savoir également ce que le Gouvernement béninois entend faire pour remédier au manque de salles de classe, au sous-équipement des écoles publiques et au nombre insuffisant d’enseignants qualifiés. Enfin, elle aimerait savoir comment les enfants atteints d’albinisme sont intégrés et protégés à l’école.

24.à propos des droits culturels, Mme Crăciunean-Tatudemande un complément d’information sur le programme national de valorisation des langues nationales et les moyens envisagés pour introduire certaines langues locales dans le système éducatif. Concernant les mesures de discrimination positive mises en œuvre par l’État pour inciter les femmes à s’investir dans le domaine de la science et de la technologie, comme l’octroi de bourses aux étudiantes les plus méritantes, elle demande si ces mesures s’inscrivent dans un plan d’action plus général ou revêtent un caractère ponctuel.

La séance est suspendue à 11  h 45 ; elle est reprise à 1 1 h 55 .

25.M. Todjihounde (Bénin) dit que les chiffres mentionnés sur la non-scolarisation ne sont plus d’actualité. L’école primaire est devenue obligatoire et les parents qui se soustraient à cette obligation encourent des sanctions, de sorte que tous les enfants sont scolarisés au Bénin. Des mesures sont prises également pour que les enfants peuls nomades ne soient pas laissés de côté en matière d’éducation. Le refus des parents d’envoyer leurs enfants à l’école n’a pas été combattu seulement par des sanctions, mais aussi par des mesures de facilitation, comme la création de cantines scolaires ou la distribution de manuels scolaires. S’agissant des coûts indirects, ils sont interdits et les professeurs qui les imposaient ont été sanctionnés. Les disparités entre les départements du point de vue du taux de scolarisation tendent à se résorber. Il est rare désormais qu’une localité n’ait pas d’établissement scolaire, et beaucoup de salles de classe ont été construites grâce à des fonds publics et des crédits du Fonds d’appui au développement des communes, même si leur nombre reste insuffisant. De plus, les professeurs, qui sont tous formés dans les mêmes écoles, sont incités à accepter un poste dans tout département, afin de garantir la même qualité d’éducation sur l’ensemble du territoire. Le pays manque cependant de personnel enseignant en raison d’un nombre important de départs à la retraite. Malgré les efforts faits sur le plan du recrutement, le nombre d’enseignants en poste reste inférieur aux besoins, et des efforts supplémentaires sont envisagés. Le budget de l’éducation est, avec celui de la santé, le plus gros poste du budget national. Il est revu à la hausse chaque année depuis 2015. La moitié de ce budget est consacrée à l’enseignement primaire, le reste étant réparti entre l’enseignement secondaire et supérieur. Enfin, les programmes ont été corrigés afin d’en supprimer tous les stéréotypes liés au sexe, au handicap et à l’albinisme. Ils reposent désormais sur l’approche par compétences, qui consiste à faire contribuer l’apprenant à sa propre éducation, et promeuvent des valeurs clefs comme le respect mutuel et l’apprentissage de la vie en commun.

26.Concernant l’albinisme, cette maladie est assez peu répandue au Bénin, mais il existe deux associations de défense des personnes atteintes d’albinisme. Celles-ci réfléchissent, en collaboration avec le Ministère de la justice, aux mesures à prendre sur le terrain pour combattre la discrimination à l’égard de ces personnes. Les mesures en question devraient être rendues publiques prochainement et feront l’objet d’une évaluation une fois mises en place.

27.M me Bissaloue (Bénin) dit qu’à partir de 1999, le Bénin s’est efforcé d’accroître le taux de scolarisation des filles, qui était alors très bas, et a créé à cette fin un certain nombre de foyers de jeunes filles. Il s’agissait de centres dont les résidentes étaient éloignées des responsabilités domestiques normalement confiées aux filles et pouvaient ainsi se concentrer sur la poursuite de leurs études. Étant donné que la déscolarisation concernait plus particulièrement les foyers pauvres, le Gouvernement a ciblé les filles issues de familles démunies. À l’époque, les pouvoirs publics bénéficiaient du soutien de partenaires étrangers, notamment de la Suisse, qui a beaucoup contribué à la scolarisation des filles au Bénin, notamment en offrant des bourses. Désormais, le Gouvernement a repris la main et assume les frais de scolarité des filles. Les filles ont l’obligation d’aller à l’école, et l’égalité femmes-hommes est consacrée par la Constitution en son article 26, qui dispose : « [l’]État assure à tous l’égalité devant la loi, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, d’opinion politique ou de position sociale. L’homme et la femme sont égaux en droit. Toutefois, la loi peut fixer des dispositions spéciales d’amélioration de la représentation du peuple par les femmes ». Il y a aujourd’hui plus de filles que de garçons dans les écoles béninoises, du primaire jusqu’au supérieur. En outre, les ministères se sont imposé des règles en matière de parité dans le recrutement aux postes de responsabilité, dont un certain nombre sont réservés aux femmes.

28.Pour comprendre la démarche d’intégration des langues locales dans le système éducatif, il faut savoir qu’au lendemain de l’indépendance, les langues locales ont été délaissées au profit du français et étaient taboues dans les écoles. La tendance s’est inversée dans les années 2000, lorsque les autorités se sont rendu compte que, pour lutter contre l’analphabétisme, l’instruction dans la langue locale pouvait s’avérer plus judicieuse que l’enseignement du français, en particulier chez les personnes âgées. Des programmes d’alphabétisation en langue locale ont été lancés à l’époque et se poursuivent aujourd’hui encore. Les élèves peuvent maintenant s’exprimer librement dans leur langue locale à l’école et le Gouvernement envisage de mettre en place des programmes d’enseignement dans les langues locales. La formation des enseignants sera toutefois un processus de longue haleine.

30.M. Emu z e salue le Programme d’actions du Gouvernement béninois pour la période 2016-2021, ainsi que les projets phares auxquels ce programme a donné lieu, et sollicite des informations sur les retombées que ces initiatives ont eues sur la population béninoise sur le plan du développement économique et social, notamment en matière d’emploi et de croissance du produit intérieur brut (PIB).

31.M. Yabit (Bénin) dit que le taux de croissance du pays n’a cessé d’augmenter depuis 2016 et s’est établi à environ 6,2 % en 2019. Le Bénin connaît une période de prospérité sans précédent dans son histoire, alors même qu’il pâtit fortement de l’impossibilité de commercer par la route avec le Nigéria à la suite de la fermeture des frontières entre les deux pays sur décision du Gouvernement nigérian. Quant à l’emploi, les chiffres sont également encourageants. Près de 22 000 nouvelles entreprises ont été enregistrées au cours des trois premiers trimestres de l’année 2019, ce qui se traduit par la création d’un certain nombre d’emplois.

32.M me Crăciunean -Tatu prie la délégation de bien vouloir communiquer au Comité des statistiques actualisées sur l’éducation et l’évolution des dépenses d’éducation, car les informations présentées dans le rapport du Bénin datent de 2014-2015.

33.M. De Schutter dit que les données dont dispose le Comité quant au taux de malnutrition dans le pays remontent à 2014, et aimerait obtenir des chiffres plus récents. La délégation béninoise a expliqué que, sous l’effet de l’augmentation du taux d’emploi des femmes, le taux d’allaitement maternel baissait. Il s’agit là d’un phénomène normal, qui s’observe dans tous les pays émergents, et à plus forte raison dans les pays développés. Il est toutefois possible de remédier à cette situation, par exemple en appliquant les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la commercialisation des substituts au lait maternel ou en imposant aux employeurs de faciliter la conciliation entre travail et allaitement. Il serait utile que la délégation explique ce que le Bénin peut faire pour relever le taux d’allaitement maternel dans le pays.

34.M. Yabit (Bénin) dit que la réponse écrite que sa délégation soumettra au Comité comportera des données et des renseignements actualisés, notamment sur les points soulevés par les intervenants précédents.

35.M. Abdel- Moneim (Rapporteur pour le Bénin) souhaite partager avec la délégation du Bénin quelques réflexions en guise de conclusion. Premièrement, les problèmes auxquels se heurtent les pays en développement sont d’ordre structurel, et une éventuelle amélioration de certains chiffres dans un domaine particulier ne doit pas masquer ces problèmes, qui persistent dans toute l’Afrique. Un pays peut par exemple afficher un taux de scolarisation en hausse, mais compter parmi sa population un certain nombre d’enfants contraints de travailler dans les champs plutôt que d’aller à l’école faute de progrès des techniques agricoles. Deuxièmement, le Bénin a beau être indépendant depuis soixante ans, il a connu deux siècles d’esclavage et un siècle d’occupation militaire et d’exploitation économique, qui continuent de peser lourdement sur le développement. Un tel contexte historique doit être pris en compte. Troisièmement, la promotion des droits économiques, sociaux et culturels est très coûteuse, même pour les pays développés. C’est pourquoi les obligations contractées au titre du Pacte doivent être accomplies non pas instantanément et simultanément, mais progressivement. Quatrièmement, il n’est possible de satisfaire pleinement aux obligations prévues par le Pacte qu’en œuvrant au développement économique et social au maximum des ressources disponibles. Au demeurant, le développement économique est une obligation au regard du Pacte et passe par la création d’infrastructures économiques. L’obtention de bons chiffres de croissance ne suffit pas. Cinquièmement, la coopération internationale n’est plus un choix, mais une obligation, et pas seulement pour les pays en développement.

36.M. Yabit (Bénin) dit que le dialogue avec le Comité a été riche d’enseignements. La délégation voit dans ce dialogue un point de départ, et avec le soutien du Comité et des acteurs de bonne volonté de la communauté internationale, le pays redoublera d’efforts pour appliquer les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

La séance est levée à 12 h 50.