Nations Unies

E/C.12/2009/SR.32

Conseil économique et social

Distr. générale

29 novembre 2009

Original: français

Comité des droits économiques, sociaux et culturels

Quarante ‑ troisième session

Compte rendu analytique de la 3 2 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 3 novembre 2009, à 15 heures

Président:M. Marchán Romero

Sommaire

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte (suite)

Deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques de la République démocratique du Congo (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports

a)Rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17du Pacte (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques de la République démocratique du Congo [E/C.12/COD/5; liste des points à traiter (E/C.12/COD/Q/5); réponses écrites du Gouvernement de la République démocratique du Congo à la liste des points à traiter (E/C.12/COD/Q/5/Add.1 et E/C.12/COD/Q/5/Add.1/Corr.1)] ( suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation de la République démocratique du Congo reprend place à la table du Comité.

Articles 6 à 9 du Pacte

2.M. Texier note que, malgré les dispositions constitutionnelles et législatives prohibant le travail forcé, il semblerait que les forces de sécurité ont continué d’obliger des hommes, des femmes et même des enfants à servir comme porteurs ou travailleurs dans les mines ou comme travailleurs domestiques, sans que l’armée n’ait apparemment pris de mesure sérieuse pour mettre un terme à ces pratiques. M. Texier souhaite savoir ce qu’il en est, si cette situation perdure, et si les recommandations adressées à l’État partie par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations de l’Organisation internationale du Travail (OIT) ont fait l’objet d’un suivi. Au sujet de la cession de mines à des compagnies minières et de l’éviction des mineurs indépendants qui en résulte, et qui a parfois donné lieu à de violents affrontements avec les forces de l’ordre, il voudrait savoir si la violence est considérée comme l’unique manière de régler le problème et si les mineurs indépendants sont repris par les compagnies ou perdent leur travail et, dans ce dernier cas, s’ils sont indemnisés.

3.Il ne semble pas y avoir de salaire minimum dans la fonction publique et celui fixé dans le secteur privé ne permettrait pas aux salariés de mener une vie digne. Par ailleurs, compte tenu des problèmes d’hygiène et de sécurité au travail, notamment dans le secteur minier (cuivre, cobalt) où les accidents, y compris les accidents mortels, sont nombreux, et du fait que l’Inspection générale du travail a indiqué qu’elle manquait de moyens, il serait bon de savoir si les recommandations formulées en 2008 par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations de l’OIT, qui tendent à augmenter les ressources mises à la disposition de ce service, ont été prises en considération. Enfin, il semblerait que plusieurs syndicalistes aient été victimes soit de discrimination soit de violations plus directes de leurs droits. M. Texier cite trois cas et demande ce que l’État partie entend faire pour protéger les syndicalistes dans le cadre de leur action.

4.M me Bras Gomes demande des précisions sur l’alinéa c du paragraphe 91 du rapport périodique de l’État partie, qui évoque la libéralisation de l’exploitation et du commerce du diamant. Plus largement, eu égard aux propos tenus à la séance précédente au sujet du manque de contrôle du pays sur ses ressources naturelles, elle voudrait savoir si le Gouvernement a une idée de l’impact de ces mesures de libéralisation dans ce domaine et sur le droit au travail.

5.Par ailleurs, la délégation pourrait citer des cas concrets où des sanctions ont effectivement été prises contre les auteurs d’infractions au principe «à travail égal, salaire égal» et expliquer le déroulement de la procédure. Sur le sujet de la sécurité sociale, Mme Bras Gomes regrette le manque d’information mais voudrait néanmoins savoir de quelle manière la réforme, dont la délégation congolaise a indiqué qu’elle était en cours, s’attaque aux défaillances du système. Enfin, elle voudrait savoir à quel type de sécurité sociale ont droit les travailleurs du secteur agricole, qui constitue de loin la principale source de travail, et les travailleurs indépendants.

6.M. Zhan D aode estime que si le rapport périodique de l’État partie a été établi conformément aux prescriptions énoncées dans le Pacte, il présente un certain nombre de faiblesses. Ainsi, une abondante législation s’y trouve cataloguée, mais il n’y a pas beaucoup d’information sur ses effets concrets. Il s’associe à Mme Bras Gomes pour demander à la délégation de citer un cas concret de sanction pour violation du principe «à travail égal, salaire égal».

7.M. Kedzia, se référant aux questions nos 22 et 23 de la liste des points à traiter concernant l’obstruction aux activités syndicales et la situation de trois syndicalistes arrêtés au début de 2009, et jugeant les réponses de l’État partie trop vagues, demande quelles mesures le Gouvernement a prises pour enquêter sur ces cas et, si les enquêtes ont abouti, quels en ont été les résultats. Il souhaiterait également des précisions sur les mesures adoptées par le Gouvernement pour protéger les droits des syndicats et des syndicalistes.

8.M. Abdel- M oneim estime qu’un rapport de 78 pages, réunissant en un seul document les deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques de la République démocratique du Congo sur la situation au regard de droits aussi complexes que les droits économiques, sociaux et culturels et sur une période aussi longue, ne saurait refléter la réalité ni permettre aux membres du Comité de formuler des observations aussi avisées qu’il le faudrait. Faisant référence à la mauvaise gestion des entreprises publiques et à l’absence de politique de partenariat et d’incitation aux investissements mentionnés dans le rapport périodique de l’État partie, il demande pour quelles raisons des mesures n’ont pas été prises. Il voudrait également savoir si les programmes d’ajustement structurel dont il est aussi question dans le rapport sont ceux des institutions internationales – Banque mondiale, Fonds monétaire international (FMI). Enfin, concernant les neuf mesures citées dans le rapport, qui s’inscriraient dans une stratégie de court et de moyen terme, il demande quels sont les objectifs à long terme, nécessaires en raison du caractère structurel des difficultés économiques du pays et sans lesquels le droit au travail restera lettre morte.

9.M. Riedel, évoquant les efforts accomplis par le Gouvernement de la République démocratique du Congo pour dissoudre les bandes armées en les intégrant dans les forces régulières, et des problèmes que posent la violence de certaines de ces nouvelles recrues, l’influence négative qu’elles exercent et la corruption imputable notamment au faible montant, voire au non-versement, des soldes, demande ce qui est prévu pour revaloriser les soldes afin de combattre la corruption et pour mettre fin à l’impunité dont bénéficient les soldats coupables de violences contre la population civile.

10.M. Upio Kakura Wapol (République démocratique du Congo) explique que toutes les réformes urgentes dans le domaine des droits des femmes sont en cours. Les textes ont été rédigés et soumis aux instances compétentes, mais c’est une tâche immense et le Parlement est surchargé.

11.En ce qui concerne l’assistance technique, le Gouvernement congolais travaille énormément avec la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) sur la réforme légale, l’état de droit, la justice, la police, l’armée.

12.M. Upio Kakura Wapol tient à réfuter les propos qui lui ont été attribués, selon lesquels l’action de la Commission nationale des droits de l’homme soutiendrait le Gouvernement, et souligne que cette commission, conformément aux Principes de Paris, agit en toute indépendance, avec toute l’autonomie financière et tous les moyens nécessaires.

13.Le travail forcé est bien illégal. Le Gouvernement a conscience du problème, y compris au sein des forces armées, et lorsque les autorités sont saisies, elles enquêtent et prennent les mesures disciplinaires ou pénales qui s’imposent. Il est vrai que l’Inspection du travail manque de moyens, mais lorsqu’elle constate des infractions, elle saisit les tribunaux.

14.Pour ce qui est de cas concrets de violation du principe «à travail égal, salaire égal», M. Upio Kakura Wapol, précisant qu’il faut que les cas soient portés devant la justice, n’a connaissance d’aucune affaire de ce type.

15.En vertu de l’Accord de Mbudi, le salaire minimum existe dans la fonction publique mais, compte tenu des contraintes budgétaires, il a été décidé de le mettre en application très progressivement.

16.Bien que très importante, la question de l’hygiène et de la sécurité du travail doit être appréciée selon les réalités et le niveau de développement du pays. Le secteur minier a vieilli et les risques existent, mais des mesures sont prises et certaines mines ont même été fermées. La situation demeure toutefois préoccupante et des mesures énergiques s’imposent pour veiller à ce que les sociétés minières observent scrupuleusement les règles en la matière.

17.Les droits des syndicalistes en tant que défenseurs des droits de l’homme sont une question essentielle. L’exercice des droits de l’homme dans un contexte de guerre et d’après-guerre présente des risques, ce qui ne justifie en aucune manière les abus commis par des agents des forces de l’ordre, qui doivent être punis. De même, lorsqu’un défenseur des droits de l’homme commet, intentionnellement ou non, des actes constituant une infraction, les autorités judiciaires sont saisies et agissent, dans le respect des règles pertinentes en vigueur, comme le montre la transparence dans laquelle les procès sur ce type d’affaire se déroulent. En République démocratique du Congo, les droits de l’homme sont aujourd’hui mieux protégés que par le passé et beaucoup sont institutionnalisés; de plus il existe un véritable dialogue avec les défenseurs de ces droits.

18.En ce qui concerne les allégations de tortures et d’autres traitements dégradants, de tels faits doivent faire l’objet de plaintes officielles auprès des instances compétentes afin que la justice, aujourd’hui suffisamment équipée et indépendante pour que les plaignants n’aient rien à craindre, puisse mener les enquêtes nécessaires. M. Upio Kakura Wapol croit pouvoir affirmer que les violations des droits syndicaux sont de moins en moins fréquentes, mais encore une fois, il convient de tenir compte du contexte post-conflit propre au pays et de la nécessité de consolider une paix qui reste encore fragile.

19.La libéralisation du secteur minier a eu des effets positifs en favorisant un meilleur contrôle du secteur et l’accès des Congolais aux emplois. Si l’économie non structurée est encore très importante, le Gouvernement s’emploie à augmenter la part de l’économie structurée. Les travailleurs de ce secteur sont principalement des indépendants. Il existe certes d’immenses difficultés qui tiennent en partie à ce que les détenteurs de concessions pour l’exploitation de l’or et du diamant ne sont pas toujours respectueux des règles. Il conviendrait par ailleurs d’élargir le Processus de Kimberley à d’autres secteurs de façon que les produits provenant des activités libéralisées procurent à l’État des ressources qui lui permettent de financer des investissements sociaux.

20.Le système de sécurité sociale fait l’objet actuellement d’une réflexion, notamment les volets retraite et maladie. Des mutuelles sont mises en place. On cherche également à mobiliser davantage de moyens pour aider les femmes, qui jouent un rôle crucial dans l’économie des ménages, notamment en élargissant leur accès à la microfinance. Le Gouvernement espère être en mesure de bâtir un système de sécurité sociale plus protecteur très rapidement.

21.En ce qui concerne les programmes d’ajustement structurel et leurs conséquences négatives, M. Upio Kakura Wapol note une évolution dans la vision des dirigeants du FMI et de la Banque mondiale, qui proposent désormais des programmes intégrant davantage la dimension humaine. De nouveaux partenariats, notamment avec la Chine, apportent des capitaux et des projets au pays. L’amélioration du climat des affaires due aux réformes juridiques et fiscales attire les investisseurs, et offre des possibilités importantes du point de vue de l’amélioration des conditions d’emploi et de la situation de l’emploi.

22.La situation dans l’armée est une question cruciale mais pose de grandes difficultés car il s’agit d’intégrer des personnes hors-la-loi, membres de bandes armées, dans le processus de réconciliation nationale, et ce processus prend du temps. Les violations des droits de l’homme font l’objet de mesures draconiennes et de nombreux jugements ont été prononcés au sein de l’armée. Un système d’encadrement des paies a été mis en place afin que chaque soldat reçoive sa solde à quelque endroit du pays qu’il se trouve. Le Gouvernement est conscient que la réforme de l’armée est essentielle afin d’améliorer la situation des droits de l’homme.

23.M me  Bras Gomes souhaiterait des indications plus précises sur la réforme du système de sécurité sociale afin que le Comité puisse déterminer si elle répond aux lacunes et formuler des recommandations pertinentes sur la question.

24.M. Wapol (République démocratique du Congo) indique que les renseignements figurant dans le rapport reflètent la situation à ce jour. Un nouveau code de la sécurité sociale est en cours d’élaboration et des réformes sont en projet. M. Wapol est disposé à tenir le Comité informé des éléments nouveaux qui pourraient intervenir à ce propos.

Articles 10 à 12 du Pacte

25.M. Atangana souhaiterait disposer de données statistiques permettant de mesurer l’ampleur du phénomène de la violence dans la famille, savoir s’il y a eu des poursuites pour des affaires de ce type et, dans l’affirmative, si des condamnations ont été prononcées. Il apprécierait aussi de disposer de données concrètes relatives aux mariages précoces. Il croit savoir par ailleurs que des campagnes ont été organisées pour sensibiliser la population au risque de ne pas déclarer les naissances, notamment pour l’attribution de la nationalité, et demande quelles mesures concrètes ont été prises pour consolider l’état civil. Enfin, M. Atangana demande si l’État prend des mesures en vue d’étendre l’interdiction des châtiments corporels à toutes les sphères que les textes actuels ne couvrent pas, notamment la famille, les établissements où des enfants sont placés et les lieux de travail.

26.M me  Bras Gomes souhaiterait savoir quelle suite a été donnée, et avec quels résultats, aux recommandations du Représentant du Secrétaire général pour les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays, qui a estimé que le Protocole sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées adopté dans le cadre de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, et ratifié par la République démocratique du Congo, offrait une occasion unique de développer, en collaboration avec la communauté internationale, le cadre légal et institutionnel nécessaire devant permettre aux autorités d’assumer la responsabilité de la protection et de l’aide aux personnes déplacées.

27.Il serait bon d’avoir des précisions sur la suite donnée à une proposition des parties prenantes au processus d’Examen périodique universel tendant à élaborer une loi spécifique reconnaissant le statut des populations autochtones, qui font partie des groupes les plus vulnérables dans l’État partie, et à mettre en place un programme officiel de promotion et de protection des minorités qui prévoie notamment leur participation effective aux décisions qui les concernent.

28.Mme Bras Gomes croit savoir qu’en 2007, un certain nombre d’activités concernant les services sociaux avaient été prévues dans le Plan-cadre des Nations Unies pour l’aide au développement pour la période 2008-2012. Elle demande quels résultats ont été obtenus jusqu’à présent, et quelle a été la contribution du Gouvernement à la création de services sociaux. Disposant d’informations selon lesquelles les crédits alloués aux secteurs économiques, sociaux et culturels ont diminué entre 2004 et 2009, Mme Bras Gomes demande, en dernier lieu, quelle part du prochain budget le Gouvernement entend consacrer aux services sociaux.

29.M. Dasgupta s’enquiert des mesures qui ont été prises en vue de traduire en justice les responsables d’actes de violence sexuelle et empêcher que de tels actes ne se reproduisent. Dans ses réponses à la liste des points à traiter, l’État partie indique que des condamnations exemplaires ont été prononcées dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. D’après les informations disponibles, des actes de violence sexuelle particulièrement horribles ont été commis à grande échelle dans ces provinces. M. Dasgupta souhaiterait des indications plus précises sur le nombre d’affaires enregistrées par les tribunaux, le nombre de condamnations et la nature des peines prononcées. Un aspect particulièrement choquant de cette violence est qu’elle est souvent le fait de militaires ou de civils employés au service de l’État. M. Dasgupta relève également que la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences a constaté récemment que, bien que l’État ait été condamné par des tribunaux à indemniser des femmes qui avaient été violées par des agents de l’État, aucune indemnisation n’avait été versée à ce jour aux victimes. Il demande si la délégation congolaise pourrait assurer que le Gouvernement va indemniser ces victimes dans les meilleurs délais.

30.M. Pillay demande quels programmes sont en place pour élargir l’accès à l’eau potable et aux infrastructures d’assainissement, dont bénéficient, respectivement, moins de la moitié et moins d’un tiers de la population. Il demande aussi pourquoi, dans la partie sud du Katanga, région riche des revenus du secteur minier, la population est pauvre et privée d’infrastructures de base et de services publics.

31.M. Pillay regrette que le problème de la pauvreté n’ait pas été évoqué dans la déclaration liminaire de la délégation à la séance précédente car d’après le rapport périodique de l’État partie, 80 % de la population survivent à la limite de la dignité humaine, avec moins de 0,20 dollar par jour. Il demande si la situation s’est améliorée depuis le lancement d’une stratégie de réduction de la pauvreté en 2004 et, le cas échéant, dans quelles proportions.

32.Dans son rapport périodique, l’État partie mentionne un déficit de 4 millions de logements sociaux, mais dans ses réponses écrites il fait seulement état de la construction de 1 500 logements sociaux préfabriqués, ainsi que de 4 000 logements à loyer modéré. M. Pillay souhaiterait savoir à combien s’élève la part du budget consacrée au logement. Il regrette l’absence de statistiques au sujet des sans-abri, population dont une description assez précise est pourtant dans le rapport périodique.

33.Enfin, M. Pillay évoque une affaire d’expulsion forcée survenue le 18 mars 2003 dans le district de Kasa-Vubu de la ville de Kinshasa, où 315 familles ont été expulsées de force par les autorités, sans indemnisation et sans consultations préalables, alors qu’elles disposaient de titres d’occupation dont la justice avait confirmé la validité, et qu’un tribunal s’était prononcé contre les expulsions. En outre, des protestations avaient été émises par le Parlement. Dans cette affaire, les principes énoncés dans l’Observation générale no 7 (1997) du Comité concernant les expulsions forcées n’ont pas été respectés. M. Pillay demande donc quelle est la position actuelle du Gouvernement sur l’affaire en question, et quelles mesures ont été prises pour dédommager les familles concernées ou leur offrir des logements de remplacement, conformément aux dispositions de l’Observation générale no 7.

34.M. Sa’di s’inquiète de l’ampleur de la traite et de la prostitution, en particulier d’enfants, dans le pays, et des cas de viol d’enfants qui y sont liés. Les chiffres dont dispose le Comité montrent que la majorité des auteurs de ces crimes seraient des membres des forces de sécurité. La délégation pourrait fournir de plus amples informations à ce sujet et indiquer notamment quelles formes d’enquêtes ont été engagées et pourquoi ce problème continue à prendre de l’ampleur. Par ailleurs, d’après le rapport de l’État partie, la loi interdit le mariage avant l’âge de 8 ans, ce qui signifie qu’il est autorisé après. À moins qu’il n’y ait erreur sur le chiffre, cette situation est inacceptable.

35.M. Schrijver constate que l’indice de pauvreté dans l’État partie est alarmant et qu’il semble peu probable que les objectifs du Millénaire pour le développement puissent y être réalisés d’ici à 2015. Il demande s’il existe des politiques structurelles visant à lutter contre la traite des êtres humains, notamment des enfants, et quelles sont les mesures concrètes qui ont été prises en la matière. Il constate par ailleurs que l’accès à l’alimentation est très limité dans le pays et demande si des programmes alimentaires nationaux ont été mis en œuvre pour y remédier. Il souhaite enfin savoir si le Gouvernement de l’État partie a demandé une assistance spécifique, technique, scientifique ou autre, afin de pouvoir mieux respecter ses obligations relatives aux droits économiques, sociaux et culturels.

36.M. Zhan Daode rappelle que le taux de mortalité maternelle dans le pays est l’un des plus élevés d’Afrique et demande quelles sont les mesures que le Gouvernement envisage de prendre pour remédier à cette situation.

37.M. Kedzia rappelle que plusieurs organismes des Nations Unies ont exprimé leur préoccupation au sujet des violences sexuelles envers les femmes et les enfants dans l’État partie. Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et le Comité des droits de l’enfant ont formulé des recommandations très utiles à ce sujet. Il demande à la délégation de fournir de plus amples informations concernant la suite donnée à ces recommandations, notamment au sujet de la proposition faite par le Comité des droits de l’enfant d’établir une ligne téléphonique d’assistance aux enfants. Par ailleurs, il demande si les mariages précoces ou forcés sont considérés comme un problème social et, le cas échéant, si un plan d’action est envisagé. Plus précisément, il demande si l’État partie envisage de modifier le Code de la famille en vue de le mettre en conformité avec les normes internationales relatives à l’âge légal du mariage pour les femmes.

38.M me  Bonoan-Dandan demande des précisions concernant les enfants sorciers et les mauvais traitements dont ils font l’objet. Elle souhaite savoir si des améliorations ont été apportées en ce qui concerne la poursuite en justice de ces infractions. En ce qui concerne la torture d’enfants, qui est passible d’une peine de un à cinq ans de prison, elle demande quelles sont les «améliorations très importantes», mentionnées par l’État partie dans ses réponses aux questions du Comité, concernant la poursuite en justice des auteurs de ces crimes. Pour ce qui est de la protection des enfants les plus vulnérables, elle demande quelles mesures ont été prises par l’État partie pour donner suite aux recommandations très précises du Comité des droits de l’enfant concernant la traite des enfants destinés à l’exploitation sexuelle et au travail forcé, notamment au sujet de la définition de ce crime.

39.En ce qui concerne le droit à l’alimentation, il est dit dans le rapport de l’État partie que les conditions d’accès à la nourriture sont déplorables et que le Gouvernement envisage de mettre en œuvre un certain nombre de mesures pour y remédier. À cet égard, Mme Bonoan-Dandan demande quelle suite a été donnée au programme mentionné dans le rapport concernant notamment la réforme agraire, la pêche et la promotion de l’accès des femmes aux terres et si des améliorations ont été réalisées dans ce domaine.

40.M. Riedel rappelle que la République démocratique du Congo est un pays très riche qui pourrait subvenir à lui seul aux besoins alimentaires de l’ensemble de sa population si les programmes alimentaires et les réformes agricoles étaient menés à bien. Les richesses potentielles du pays en matière d’élevage, de pêche et d’agriculture sont fortement sous-exploitées. Il serait bon de savoir si des mesures ont été prises pour corriger cette situation.

41.En ce qui concerne les conditions de vie et la situation sanitaire dans les prisons, il est indiqué dans le rapport de l’État partie que les rations alimentaires quotidiennes des prisonniers sont souvent insuffisantes et, selon diverses sources, il semblerait que les détenus meurent en grand nombre. Dans ses réponses au Comité, l’État partie cite un certain nombre de mesures qui doivent être prises en vue de lutter contre la surpopulation carcérale, faciliter les libérations conditionnelles, construire des locaux distincts pour les femmes et les enfants dans les prisons, accroître le budget destiné aux institutions pénitentiaires, ou encore construire des fermes dans les prisons, mais M. Riedel demande ce qui a déjà été fait concrètement.

42.Enfin la délégation pourrait indiquer comment l’État partie envisage de mettre en œuvre le programme national de lutte contre le VIH/sida. Des mesures importantes ont été prises dans les zones urbaines, mais il serait bon de savoir ce qui a été fait dans les zones rurales, notamment en matière d’accès aux traitements, et de disposer de plus amples informations au sujet de l’accès des femmes enceintes aux antirétroviraux.

43.M. Upio Kakura Wapol (République démocratique du Congo) déclare que l’État partie est un pays en construction, où il est encore nécessaire de consolider la paix et la démocratie et de créer les conditions propices à l’avènement d’une société véritablement respectueuse des droits de l’homme. Le Gouvernement prévoit la création d’un institut national des statistiques afin de disposer de données chiffrées sur des questions comme la violence dans le cadre familial, les mariages précoces, l’enregistrement des naissances et les châtiments corporels. Une campagne de sensibilisation a été lancée pour inciter à l’enregistrement des naissances mais au lendemain de la guerre, tout est à refaire dans ce domaine. Des expériences pilotes d’état civil informatisé sont menées dans certaines villes, et devront être étendues progressivement à l’ensemble du pays. En outre, un nouveau recensement sera bientôt effectué. En ce qui concerne les châtiments corporels, il n’existe aucun système qui prévoit le recours à ce type de mesures disciplinaires sur les lieux de travail. Il s’agit bien d’infractions qui sont punissables comme telles par la loi.

44.Le nombre de déplacés internes dans le pays (4 à 5 millions) est préoccupant et le Gouvernement s’efforce de prendre des mesures humanitaires urgentes dans les zones libérées des groupes armés, pour faire en sorte que les personnes déplacées retrouvent leurs terres et pour leur garantir un logement et l’accès à l’eau et à la nourriture, notamment en coopération avec certains organismes comme le Programme alimentaire mondial et le Comité international de la Croix-Rouge. En ce qui concerne la représentation des populations autochtones et des autres groupes vulnérables comme les femmes et les enfants, le Gouvernement a pris des mesures de discrimination positive pour leur permettre de participer plus largement à la vie politique et aux décisions les concernant. Au sujet des services sociaux de base et de la sécurité sociale, les ressources imparties à ce secteur ne pourront être plus importantes que lorsque le budget de l’État connaîtra une croissance significative. Les mesures prises pour renforcer l’économie du pays, notamment le secteur pétrolier, devraient permettre de doubler ou tripler ce budget dans les prochaines années, mais son montant actuel (5,3 milliards de dollars) est encore nettement insuffisant.

45.En ce qui concerne les violences sexuelles envers les femmes et les filles, le Gouvernement congolais a décidé de faire la lumière sur cette question et a engagé les femmes congolaises à briser le silence. Des condamnations ont été prononcées contre des membres de l’armée et de la police, bien que ce ne soit pas au sein des forces de sécurité, mais dans les zones de conflit incontrôlées, que l’on enregistre le plus grand nombre de ces violations. Aujourd’hui, par ailleurs, les violences sexuelles et les viols sont souvent commis entre mineurs. À cet égard, il convient de souligner, pour répondre à la question posée par un membre du Comité à ce sujet, que la législation congolaise définit le mineur comme une personne âgée de moins de 18 ans. Les violences entre mineurs posent un problème sur le plan de la sanction pénale à imposer. Une campagne de sensibilisation a été lancée pour que la société prenne davantage en compte le danger de ce phénomène, auquel il convient d’apporter une réponse multisectorielle. Le Gouvernement a mis en place une agence nationale de lutte contre la violence envers les femmes et les enfants afin d’harmoniser les stratégies et les actions dans ce domaine. Il prévoit également d’indemniser les victimes lorsque les auteurs de ces crimes sont des personnes dont l’État est civilement responsable, et un fonds spécial sera créé à cette fin. En outre, il a récemment adopté une politique de «tolérance zéro» pour ce type d’infraction et de nombreuses condamnations ont déjà été prononcées, notamment à l’encontre d’officiers de haut rang.

46.S’agissant des recommandations du Comité des droits de l’enfant, c’est le Ministère des droits humains qui, en coopération avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), assure la coordination de leur mise en œuvre, en procédant de manière globale. La question des mariages forcés et des mariages précoces, préoccupation essentielle du Gouvernement, se pose surtout du fait que deux systèmes antagonistes coexistent, à savoir celui issu du droit écrit et le système coutumier. Un travail de longue haleine s’impose pour faire évoluer les coutumes tout en veillant au strict respect de la loi. Concernant les enfants des rues (leur nombre est évalué à 50 000, dont 13 000 à Kinshasa), des dispositions ont été prises pour les accueillir et les encadrer. La loi actuelle punissant le vagabondage, l’enfant en conflit avec la loi doit être pris en charge par la justice, et les magistrats bénéficient désormais d’une formation les aidant à traiter les cas d’enfants délinquants. Quant au phénomène des enfants sorciers, qui serait imputable aux Églises de réveil, il semble en recul grâce aux dispositions législatives adoptées à cet égard, et rares sont les cas signalés aujourd’hui. Pour ce qui est de la traite des enfants, le Gouvernement mène actuellement un programme de sensibilisation et d’éducation visant à faire prendre conscience du problème.

47.L’accès à l’eau, inscrit dans le programme national dit des «Cinq chantiers», est pris en considération par le Gouvernement, qui mène avec l’UNICEF un vaste projet d’adduction gravitaire de l’eau en milieu rural, parallèlement à la mise en place d’un système d’électrification des campagnes. Le problème du logement se pose surtout dans les villes; des logements sociaux ont été construits à Kinshasa, et un programme progressif est mené en attendant la mise en place du système de crédit fondé sur des banques de l’habitat. Le phénomène des sans-abri, pour lesquels on ne dispose pas de statistiques, semble croître avec les déplacements de population. Quant aux 315 familles expulsées afin de construire un hôpital moderne, leur situation résulte d’une longue période de dysfonctionnement total, et du fait que la législation en vigueur a enfin été appliquée.

48.L’ampleur dramatique de la pauvreté est due à la crise financière mondiale qui a frappé de plein fouet le pays, dont les ressources reposent essentiellement sur les exportations. Pour y remédier, le Gouvernement met en œuvre la stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté, arrêtée avec ses partenaires traditionnels (Fonds monétaire international, Banque mondiale). Il convient de souligner la situation paradoxale du pays, qui souffre de la pauvreté alors que son sous-sol regorge de ressources minières et naturelles. Un programme particulier de développement des infrastructures (création de routes, notamment) a été mis en place afin que tous les villages soient reliés et qu’ainsi la population puisse cultiver plus aisément les terres et améliorer son alimentation et, partant, ses conditions de vie. Un travail d’assainissement du secteur foncier est en cours, et la nouvelle loi agricole est actuellement débattue au Parlement, mais le problème se pose du retour des personnes déplacées (environ 3 millions) qui, après trois années d’absence, voient leurs terres occupées par d’autres. L’alimentation dans les prisons est un autre problème auquel le Gouvernement s’est attaqué. Il a institué, avec succès, une formule de fermes pénitentiaires dans lesquelles les détenus travaillent au titre des travaux d’intérêt général. D’autres mesures sont par ailleurs prises pour désengorger les prisons.

49.En ce qui concerne la mortalité maternelle, un système de santé de proximité est mis en place. Les autorités mènent une lutte implacable contre les maladies infantiles et des résultats positifs sont désormais enregistrés dans ce domaine. Par ailleurs, un programme national multisectoriel de lutte contre le sida, pourvu de ramifications dans toutes les provinces, prévoit la distribution de médicaments antirétroviraux et de préservatifs, ainsi qu’une campagne de sensibilisation. Une étude vient d’être menée avec la Banque mondiale afin de définir la stratégie la mieux adaptée pour renforcer l’action menée et garantir l’accès au traitement antirétroviral et sa gratuité.

50.Plus généralement, le pays s’est doté d’un ambitieux programme de redressement, mais il a besoin de moyens financiers et humains. Il serait bon à cet égard que les demandes formulées plusieurs années plus tôt, à Paris, de tenir une conférence des bailleurs de fonds soient suivies d’effet, tout comme les résolutions 7/20 et 10/33 adoptées respectivement en mars 2008 et mars 2009 par le Conseil des droits de l’homme. Si le Gouvernement de la République démocratique du Congo a des obligations, il faut aussi que la communauté internationale se mobilise et agisse. Il semble juste en particulier que le pays, dont l’apport est important sur le plan de l’environnement, bénéficie d’une compensation, ce que la délégation ne manquera pas de faire observer lors de la Conférence sur les changements climatiques qui doit se tenir en décembre 2009 à Copenhague. Jusqu’ici, les contrats passés notamment avec la Chine ont permis d’entreprendre de grands travaux, mais il faut dégager d’importants moyens pour relever tous les défis. Le Ministre des droits humains conclut en évoquant l’ampleur de la tâche − dont il a la charge − qui consiste à établir les rapports et à suivre quotidiennement la mise en œuvre des recommandations formulées par chaque organe conventionnel. Il suggère de mener une réflexion à cet égard, en vue d’assouplir et d’alléger le dispositif.

51.M. Dasgupta souhaite obtenir des précisions quant au montant des ressources budgétaires allouées à l’indemnisation des victimes de viol et à celui des indemnités effectivement versées, ainsi que sur ce qu’il est advenu des cas cités par la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes et les indemnités éventuellement obtenues. Il demande également à la délégation de bien vouloir communiquer au Comité la liste des peines infligées à ceux qui ont commis des viols à Katanga, notamment.

Articles 13 à 15

52.M. Kerdoun demande si l’État partie est parvenu en 2009 à atteindre son objectif de la gratuité de l’enseignement pour tous, à tous les niveaux (primaire, secondaire, supérieur), et s’il envisage d’organiser des transports scolaires, en particulier en milieu rural, ce qui favoriserait la fréquentation scolaire. Il demande également s’il est prévu de créer des écoles maternelles afin qu’un plus grand nombre d’enfants de moins de 6 ans se préparent correctement à une scolarité normale.

53.Évoquant les pourcentages présentés au paragraphe 83 des réponses écrites du Gouvernement de la République démocratique du Congo à la liste des points à traiter (E/C.12/COD/Q/5/Add.1), M. Kerdoun souhaiterait savoir si le seuil de 10 % des ressources budgétaires alloués à l’éducation a été atteint en 2009. Il demande par ailleurs si les mesures d’application de la loi sur la protection de l’enfant (promulguée en janvier 2009), dont il est question au paragraphe 84 du même document, sont déjà prêtes. Concernant la réponse donnée aux paragraphes 86 et 87 du document, il souhaite obtenir des précisions quant aux mesures d’encouragement adoptées en faveur des enseignants, notamment les augmentations de salaire − décomposées par niveau d’enseignement − que le Gouvernement prévoit pour cette catégorie professionnelle. Enfin, relevant que trois ministères sont en charge de l’éducation dans le pays, il souligne qu’il en résulte une mauvaise gestion de ce secteur, pourtant névralgique et stratégique pour l’édification de la nation congolaise en ce qu’il prépare ceux qui prendront la relève.

La séance est levée à 18 heures.